Une étude européenne, «Polarisierung in Deutschland und Europa: Eine Studie zu Gesellschaftlichen Spaltungstendenzen in zehn europäischen Ländern», de l'université technique de Dresden et de la fondation Mercator a fait les titres des médias suisses. En effet, le Sonntags-Zeitung a écrit un article à son sujet portant le titre: «Links, urban, gebildet – und intolerant» qui a eu un écho dans d'autres journaux, remettant en question les clivages politiques suisses et la signification que porte le mot tolérance. L'étude dont il est question s'est intéressée à la polarisation affective dans 10 pays européens, dont la Suisse ne faisait pas partie. Certains médias suisses – dont le Sonntags-Zeitung – ont alors parlé de tolérance, ce que d'autres médias ont contesté.
La polarisation affective consiste, selon le Tages Anzeiger du 9 août, à mesurer la sympathie ou l'antipathie de quelqu'un pour un groupe politique. Elle mesure aussi plus précisément la différence entre la sympathie ressentie pour son propre groupe et l'antipathie ressentie pour un autre groupe. Cette forme de polarisation se différencie de la polarisation politique qui mesure à quel point les positions, paroles et programmes politiques sont différents les uns des autres: à quel point, le programme du parti X est éloigné du programme du parti Y. L'étude a conclu que, dans les pays analysés, les personnes vivant en ville, ayant un niveau d'éducation élevé, se positionnant à gauche et gagnant un revenu élevé montraient une plus forte polarisation affective.
Les médias ont parfois affiché des propos déroutants en utilisant le mot tolérance comme synonyme de la polarisation affective – ce sur quoi les conclusions de l'article scientifique se basent. En effet, le politologue Claude Longchamp, cité dans un article du Argauer Zeitung, a dit que la tolérance et la polarisation affective n'étaient pas équivalentes et que l'étude ne faisait référence qu'à cette dernière. L'article du Sonntags-Zeitung, parlant d'intolérance, se serait basé sur une source qui aurait «mal lu l'étude».
Des journaux suisses ont alors porté un intérêt particulier à cette étude et ont évoqué ce que la polarisation affective signifie pour la politique helvétique, bien que, d'après Ivo Scherrer, politologue et conseiller interviewé pour l'édition du Tages Anzeiger du 9 août 2023, les conclusions des chercheur.euse.s ne peuvent pas être directement appliquées à la Suisse, qui n'a pas été prise en compte par l'étude et a un système politique différent des pays analysés. Les études qui se sont concentrées sur la Suisse, ont montré que la polarisation politique et affective sont élevées en Suisse, en comparaison internationale, mais que les nombreuses votations soumises au peuple diminuent l'effet négatif que la polarisation affective peut avoir sur la démocratie: «Hohe affektive Polarisierung kann somit auch auf ideologische Verhärtungen, auf unzureichendes Verständnis für abweichende Einstellungen sowie auffehlende Kompromissbereitschaft verweisen. Dann werden demokratische Willensbildungs- und Entscheidungsprozesse erschwert, und ihre Akzeptanz schwindet. Das schadet der Demokratie», était alors cité Hans Vorländer, directeur du Forum Mercator (Midem), dans la NZZ du 5 août 2023.
L'incapacité à trouver des compromis peut être mise en lien avec un article du Tages Anzeiger datant du 27 octobre qui a mentionné la polarisation entre la ville de Zurich et le reste du canton. L'article a évoqué des débats sur les relations entre les deux acteurs. La ville montrant une majorité à gauche (PS) et le canton à droite (UDC), depuis les années 90, la création d'un demi-canton pour la ville de Zurich a été évoquée à plusieurs reprises et par les deux extrémités du spectre politique, dans le but de représenter au mieux les intérêts de chacun des acteurs. Pour des raisons financières et le peu d'influence que la ville de Zurich aurait, ces discussions n'ont jusqu'à présent pas mené à une nouvelle frontière. A l'automne 2023, en pleine période électorale, divers articles ont aussi évoqué que la Suisse n'était pas à l'abri d'une érosion politique. En effet, Pascal Sciarini, cité dans Le Temps du 28 août, et Ivo Scherrer dans le Tages Anzeiger, ont fait les éloges du centre politique suisse (Le Centre, PLR) qui permettrait d'éviter une majorité absolue sous la coupole et de trouver des compromis. Cependant, leur perte de terrain pourrait jouer des tours à la démocratie helvétique, qui se retrouverait «dans une zone de majorité introuvable» selon Pascal Sciarini. Aussi, Ivo Scherrer a évoqué le fait qu'en comparaison internationale, et sur un échelle à deux dimensions politiques, la gauche et la droite suisse sont très à gauche et très à droite, ce qui renforce l'importance des partis centraux dans la temporisation de la polarisation politique.
En tout et pour tout, parce que dans une démocratie comme la Suisse, la discussion et les compromis sont essentiels, la polarisation est et restera un sujet de taille pour la politique helvétique.