Medienberichterstattung zum Nahostkonflikt

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Plusieurs journaux suisses alémaniques ont évoqué l'accès à l'information en temps de guerre – relativement au conflit israélo-palestinien – à l'automne 2023. Une prise de position dans l'Urner Zeitung a décrié la publication de certaines informations non-vérifiables dans les médias traditionnels. Pour l'auteur, ces publications «ne sont pas de l'information, mais de la désinformation, de la génération de peur, du dénigrement, de la manipulation, une censure, un mensonge et une tromperie». De plus, l'article rappelle que la voie journalistique classique ne séduit plus les jeunes, ceux-ci s'informant via les réseaux sociaux, lieu propice à la «mésinformation» et à la «manipulation». Tiktok a été la principale cible de ces critiques. Le Tages Anzeiger du 4 décembre a publié un article qui a accusé Tiktok de faire circuler de fausses informations et de tromper les jeunes avec ses contenus. Les accusations ont notamment porté sur les algorithmes et leur structure gardée secrète. L'effet de «bulle» créé par ceux-ci – phénomène par lequel des contenus similaires à ceux déjà consultés sont présentés aux usagers, les limitant à une partie restreinte de l'information disponible – a été évoqué. De plus, selon l'article, les réseaux sociaux contribueraient à la haine, la polarisation et la désinformation.
Dans la même logique, la NZZ am Sonntag a édité un reportage sur la perception du conflit israélo-palestinien auprès des jeunes. Le journal s'est glissé dans une classe de jeunes apprenties sociaux-éducatives de l'école professionnelle de Winterthur, où les jeunes n'ont plus de cours d'histoire et où le dialogue sur l'information et son traitement ne sont pas au centre du programme. L'article note que Tiktok joue un rôle très important relativement à l'accès à l'information des jeunes. La plateforme contribuerait à orienter les usagers vers une seule position – dans ce cas, vers du contenu pro palestinien. Les émotions ressenties par les jeunes ont aussi été évoquées. La peur ou le fait d'être submergé par l'émotionnel des vidéos et des images, ayant notamment poussé une jeune femme à éviter son téléphone pendant plusieurs jours, ont été mentionnés. L'article cite une étude du centre d'observation suisse de la santé (Obsan) pour avancer que, depuis la pandémie de Covid-19, les jeunes – surtout les jeunes femmes – ne se sont pas senti.e.s aussi mal qu'actuellement. Ceci a été illustré par le nombre de diagnostiques de dépressions: deux tiers des femmes entre 15 et 24 ans seraient concernées.
La Weltwoche a aussi écrit un article au sujet de Tiktok, évoquant la circulation sur le réseau social de la «lettre à l'Amérique» d'Osama Bin Laden – tête pensante de l'attaque terroriste d'Al-Qaïda du 11 septembre 2001 – datant de 2002. Le réseau social aurait contribué à la mise en circulation de celle-ci, poussant, avec des déclarations antisémites et homophobes, à l'appel à la haine contre l'Etat d'Israël. L'article a aussi remis en question l'influence de la Chine et du parti communiste relativement à l'application chinoise, sans toutefois avancer des preuves qui ne laissent pas place à la discussion.
Le conflit entraîne avec lui une remise en question du positionnement et inscrit une atmosphère sujette au conflit en Suisse. Baba news – magazine en ligne qui évoque des thématiques liées notamment à la migration, financé par des fonds étatiques et cantonaux – a aussi fait parler de lui. Après la publication d'un podcast prenant la position palestinienne, les politiques ont souhaité interrompre les versements des subventions reçues par le magazine. Ce dernier s'est défendu en avançant qu'il avait souhaité évoquer la multitude de positions sur le sujet et avait envoyé une invitation à la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) à participer à l'épisode qui a suivi celui qui a suscité des réactions.

La question de savoir comment relater le conflit israélo-palestinien a suscité l'intérêt des médias suisses dans la première partie de l'année 2024. Ceci a principalement touché la Suisse allemande qui a remis en question les diverses approches observées dans les discours des médias et de l'académie. Par exemple, la NZZ a noté des différences régionales dans la manière de faire référence aux événements. Ainsi, elle évoque un «mediale Röstigraben» en mentionnant des exemples tirés de la presse romande qui aurait parlé de «massacre» de la population palestinienne sans évoquer le Hamas ou d'un article de La Liberté nommant les protestations à l'Université de Fribourg comme un génocide, sans encadrer le mot de guillemets, ce qui serait, selon elle, «schwer vorstellbar» en Suisse alémanique. L'article zurichois note aussi que les autorités ont réagi différemment aux protestations universitaires. Alors qu'à l'ouest du pays, où les mobilisations ont débuté, la police a attendu «longtemps» avant d'intervenir, en Suisse allemande, les forces de l'ordre ont agi plus vite. L'article mentionne aussi une enquête de l'entreprise d'analyse de sondages Sotomo, mandatée par le Blick, pour évoquer la différence d'opinion de la population. En effet, l'article dit: «Dennoch ist die Westschweizer Berichterstattung grundsätzlich israelkritischer– was durchaus die Stimmungslage in der Bevölkerung reflektiert», avant de mentionner les observations de Sotomo. La Romandie était, au moment du sondage en novembre 2023, moins encline à considérer le côté palestinien comme responsable de la guerre au Proche-Orient (29% contre 43% en Suisse alémanique). Aussi, 34 pour cent des interrogé.e.s romand.e.s ont dit trouver les articles traitant du conflit peu critiques envers Israël, contre 31 pour cent en Suisse alémanique. Et, les articles germanophones seraient dans l'ensemble moins critiques que les articles romands, d'après le quotidien zurichois. Une différence entre les régions au sujet du traitement du conflit a aussi été observée par l'Ombudsman – l'office de médiation de la SSR qui s'occupe des plaintes déposées contre elle. Alors que l'instance de plainte alémanique avait enregistré 80 plaintes à son sujet (sur les 836 annuelles) en deux mois de conflit, soit plus que durant la pandémie de Covid-19 sur une période comparable, son homologue romand en avait enregistré que 2 (sur 36 annuelles). L'article de la NZZ du 17 juin tente d'expliquer ces observations par la proximité de la Romandie avec la France – respectivement de la Suisse alémanique avec l'Allemagne – ou encore par les orientations politiques des régions. Il évoque en effet, que la Romandie s'oriente davantage vers la gauche du spectre politique que sa collègue germanophone et qu'à gauche, les critiques envers Israël sont plus répandues.
Au sein de la Suisse alémanique, des débats concernant le positionnement de certains médias ont aussi été entendus. En mai 2024, la NZZ publiait un article traitant d'une radio locale zurichoise officiellement positionnée à gauche qui, selon elle, publierait des propos antisémites et resterait impunie par l'Etat et le canton. Selon l'article, «Der Zürcher Sender ist eine Plattform für Freunde der RAF und für Feinde Israels – finanziert wird er von der Öffentlichkeit». Ces observations ont été décrites comme «choquantes» par la SIG. Toutefois, les autorités n'ont pas reconnu de problématiques avec cette radio et continueront de lui verser la concession qu'elle a obtenue au début de l'année 2024. En résumé, la vision du conflit ne serait pas égale entre les régions linguistiques suisses ou du moins ne l'était pas à ses débuts; créant un «Röstigraben médiatique». Ces observations s'inscrivent dans une Suisse parfois polarisée et remettent l'influence des médias ainsi que de la recherche au centre de l'attention.