Abris civils en 2022

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les médias ont noirci le papier en abordant différents aspects de la sécurité suisse qui pouvaient laisser entrevoir des interrogations. L'un de ceux-ci concernait l'état des abris civils en 2022.
Durant la guerre froide, la Suisse a développé un réseau d'abris civils (sous les écoles, les immeubles, les maisons, derrière des parkings, etc.) et a établi des réserves de tablettes d'iode, afin de mettre la population en sécurité si une attaque nucléaire devait se produire. La guerre en Ukraine et les menaces d'attaques nucléaires ont soulevé de nombreuses questions à ce sujet, plaçant les abris au centre des débats. Effectivement, divers articles qui évoquaient des services de la protection civile devant répondre aux téléphones de civils et de communes cherchant des renseignements ont été publiés dans plusieurs journaux de Suisse romande et alémanique. À retenir de ces articles: les abris civils sont assez nombreux pour accueillir tout le monde et la situation actuelle ne nécessiterait pas forcément de se retirer dans les abris. En effet, ils n'ont pas été conçus pour protéger contre un nuage radioactif, mais contre l'attaque directe d'une bombe nucléaire. De ce fait, si une bombe nucléaire devait exploser ailleurs en Europe, la population ne serait pas forcément poussée à descendre dans les abris, mais plutôt à rester cloîtrée à la maison jusqu'à ce que le danger soit écarté. Le journal le Temps a indiqué qu'une descente dans les abris ne serait utilisée qu'en dernier recours, lorsque tous les autres moyens moins incisifs auraient déjà été utilisés. Cette décision serait prise seulement en cas de situation catastrophique. Au 31 mars 2022, les autorités suisses, touchées par la situation ukrainienne, étaient prévenantes et contrôlaient que les plans d'actions étaient prêts, tout en restant confiantes et se voulant rassurantes.

Budget militaire

En mai 2022, le Parlement a décidé d'augmenter progressivement le budget de l'armée suisse. Ainsi, en 2030, il représentera un pour cent du PIB, soit une dépense annuelle de CHF 7 milliards. Ce changement s'inscrit dans la vague émotionnelle qui s'est propagée en Europe suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie au début de l'année 2022. En effet, la peur a poussé plusieurs pays à augmenter leurs budgets militaires ou à reconsidérer leurs stratégies de défense, telles que les alliances militaires (adhésion à l'OTAN en juillet 2022 de la Suède et de la Finlande). Ces décisions relatives à la sécurité intérieure ont parfois été comparées, dans les médias, avec l'objectif de sortir du nucléaire fixé après l'accident nucléaire de Fukushima en 2011.

Dès février, les médias ont noirci du papier à ce sujet et deux interrogations ont notamment été très discutées. Premièrement, il a été question de se renseigner sur ce qui serait acheté avec cette hausse de budget, et, deuxièmement, de savoir qui verrait son budget diminuer suite à l'augmentation des fonds à la disposition de la Grande Muette. Concernant la première question, personne n'a pu donner de réponse claire. En effet, c'est un budget qui a été voté et non pas un achat. C'est pourquoi un nombre assez important de critiques a surgi dans différents journaux: «Aujourd'hui déjà il y a constamment des projets retardés. J'ai beaucoup de doutes que l'armée puisse utiliser l'argent de manière efficace. Il y a beaucoup d'air dans le budget», a été citée Sarah Wyss (ps, BS) dans la WOZ du 5 mai 2022. Malgré les incertitudes, le Tages Anzeiger a tenté de savoir dans quel cadre cet argent pourrait être utilisé. Sur la base du type de guerre conduit en Ukraine, un expert interrogé par le quotidien zurichois a conclu que l'argent servirait probablement à acquérir «plus d'artillerie, plus de véhicules, plus d'armes» afin de consolider les équipements et armements de défense conventionnelle. Le développement d'une armée de terre plus autonome et plus indépendante serait l'objectif. Pour ce faire, la Confédération pourrait envisager la création de mini-armées supervisées par une plus grande forme d'autorité militaire. Cette structure permettrait une auto-suffisance en cas de problèmes de communication avec la structure principale de l'armée.
Il serait, pour certains secteurs, justifié que ces incertitudes agitent le spectre d'une diminution des budgets. En effet, une augmentation des ressources disponibles pour la Grande Muette signifie une coupure de fonds dans d'autres domaines. La NZZ a avancé que trois secteurs pourraient, de par leur structure de financement, potentiellement être touchés par ce changement. Il s'agirait de l'agriculture, l'éducation et la recherche. L'article a mis en avant les difficultés que des coupes budgétaires pourraient représenter pour ces différents secteurs: la transition écologique ou encore le milieu scientifique, déjà handicapé par une large diminution de la coopération avec l'Europe, pourraient par exemple en faire les frais.
En définitive, il faudra encore attendre pour savoir avec certitude ce qui se tiendra sur la liste de courses de l'armée et quelles conséquences ces achats auront sur les autres secteurs.

Exportation de munitions et d'armes et guerre en Ukraine

Dossier: La neutralité suisse

Depuis février 2022, la neutralité suisse et sa signification exacte constitue l'un des sujets qui ne cesse de faire trembler la coupole fédérale. L'histoire nous montre que non seulement la neutralité évolue avec le temps, mais elle dépend d'une multitude de facteurs, notamment économiques et politiques, rendant la prise de décision parfois complexe, lors de débats parlementaires. Alors que les élu.e.s s'entretiennent sur les mêmes bases légales, ce sont souvent des réalités très différentes qui s'entrechoquent sur la vision que chacun.e a de la politique de neutralité. L'exportation du matériel de guerre constitue un très bon exemple en ce sens.
Depuis 2022, la Suisse a reçu plusieurs demandes de réexportation de matériel de type militaire de la part d'autres pays. Il est à noter que la loi concernant ce type de demandes est très stricte. En effet, afin de protéger sa neutralité, la Suisse interdit toute réexportation vers des pays en guerre et demande que le pays qui souhaite procéder à une réexportation dépose une demande officielle avant d'y procéder. Dans les cas particulièrement médiatisés, il s'agissait de réexportations vers l'Ukraine, en guerre avec la Russie depuis février 2022. Les demandes ont tout d'abord été déposées par l'Allemagne (pour des munitions et des grenades), dès mars 2022, puis par le Danemark (pour des chars Piranha III), en juin 2022, et finalement par l'Espagne (canons antiaériens) en février 2023. Ces demandes ont toutes été refusées, mais non sans susciter des débats. En effet, pour certains membres du Parlement, la loi sur l'exportation de matériel de guerre (LFMG) pourrait être plus souple et garantir la neutralité tout en laissant les acheteurs réexporter leurs acquisitions. Dans cette optique, une motion a été discutée puis votée en mars 2023 pour rendre certaines réexportations légales. Cependant, pour le Conseil fédéral, un tel changement ne peut pas garantir le droit de neutralité suisse, qui est selon lui primordial. Les micros ont chauffé, avant que la motion ne soit finalement rejetée. Il est intéressant de préciser que les discussions autour de cette motion ont été imprégnées par la guerre en Ukraine. Cependant, l'acceptation de la motion n'aurait pas permis d'envoyer du matériel de guerre suisse vers l'Ukraine, car l'objet n'aurait pas eu d'effet rétroactif.
Certains médias ont déjà, avant la votation de la motion en mars 2023, questionné les motivations de ces réexportations. Ainsi, la question des intérêts relatifs à la réexportation d'armes a brièvement été évoquée par la WOZ, dans un rapport traitant de l'industrie du matériel de guerre en Suisse. Dans le pays,139 acteurs, générant des centaines de millions de francs d'exportations, seraient actifs dans l'industrie militaire. Evoquant des laps de temps conséquents pour avoir accès à des données et un manque de transparence, les quelques lignes du journal zurichois ont souligné que la production du matériel de guerre en Suisse demeure un sujet sensible. Il n'en reste pas moins que cette industrie est sous pression. En effet, les demandes de l'Allemagne, du Danemark et de l'Espagne sont aussi liés à des questions économiques, car les entreprises suisses actives dans le secteur de l'exportation de matériel militaire pourraient perdre une partie de leur clientèle en fonction de la politique suivie par la Suisse. De plus, le débat est associé à la coopération internationale. En effet, en mars 2023, la Liberté a publié un article mentionnant des pays européens qui ont accusé la Suisse d'être « hypocrite » et de soutenir la Russie en refusant les réexportations vers l'Ukraine. Dans ce contexte, certains parlementaires, dont Charles Juillard (centre, JU) lors des débats sur le rapport 22.063, ont émis des inquiétudes vis-à-vis de la coopération avec d'autres États ou organisations comme l'OTAN, si la Suisse ne s'exprimait pas en faveur de la réexportation.
En raison de la division qui règne au sein de la classe politique et d'une situation tendue au niveau européen, de nouvelles interventions médiatiques sont à prévoir. De plus, la CPS-CE a d'ores et déjà annoncé de plus amples discussions qui traiteront, entre autres, du rôle de la neutralité dans la réexportation d'armes.

Depuis mars 2023, le débat autour de la réexportation d'armes n'a cessé de faire des vagues: que ce soit au Parlement, à l'étranger ou en Ukraine, les armes suisses ont suscité de l'intérêt et de la frustration. En mai, 24 Heures affirmait en effet: «aucune majorité ne se dessine à Berne pour redéfinir la neutralité. Entre UDC, gauche et centre droit, les positions semblent irréconciliables». A la fin de la même semaine, La Liberté publiait un article soufflant qu'atteindre une majorité au Parlement en faveur de la réexportation d'armes restait possible, car seule l'UDC – défenseuse de la neutralité sous sa forme actuelle – et les Vert-e-s – par pacifisme – y sont fermement opposés. Cependant, il faudrait pour cela que les partis acceptent de passer certains différends sous silence, a souligné le journal fribourgeois, car chacun avait jusqu'alors «préféré tirer la couverture à lui et saborder la solution du voisin, sur fond de guerre d'ego et en vue des élections fédérales».
L'indécision du Parlement quant à l'exportation d'armes a eu quelques retombées, notamment lorsque le président de la Confédération Alain Berset a rendu une visite au chancelier allemand Olaf Scholz en avril. Une visite que Le Temps a résumé avec le titre «dialogue de sourds entre Berlin et Berne», avant d'affirmer que les relations entre la Suisse et l’Allemagne n'ont rarement été aussi tendues. Et que dire de la photo d'un char type Eagle – fabriqué en Suisse puis livré au Danemark dans les années 90 – qui s'est retrouvé sur un champ de bataille ukrainien en mars. La Confédération a mené l'enquête afin de reconstruire son histoire. En effet, après sa vente au Danemark, le char serait passé entre les mains d'une entreprise allemande. Cinq ans plus tard, l'ex-directeur de la société en aurait hérité, avant de le réexporter vers l'Ukraine. Dans tous les cas, il avait été soutenu que la Confédération helvétique devait être avertie en cas de réexportation, et possédait un droit de veto le cas échéant. Dans le cas précis, aucune demande n'aurait été faite, ce qui n'excuse pas la Confédération pour autant.

Alors que le débat sur la réexportation d'armes vers l'Ukraine mobilisait les parlementaires, 24 Heures a mis une tout autre réalité en lumière dans son édition du 15 juin. En effet, des pièces détachées suisses auraient été retrouvées dans des armes russes. Ces pièces, de type microélectroniques, n'ont pas été conçues à but militaire, mais leur utilisation aurait été détournée. L'article a toutefois souligné que les échanges commerciaux entre les entreprises concernées et la Russie datent d'avant la guerre et les sanctions. En outre, il n'était pas possible de dire exactement quand ces pièces avaient été acquises par la Russie, car les entreprises concernées, bien qu'appliquant les sanctions envers la Russie, continuaient de livrer des pièces à des pays comme la Turquie et le Kazakhstan, qui détiennent un accord de libre-échange avec la Russie.

En conclusion, la situation géopolitique a, comme exposé dans les paragraphes ci-dessus, été traité en long et en large par les médias. En vue de l'indécision de la politique suisse, les débats pourraient encore perdurer.

Rapport complémentaire au rapport sur la politique de sécurité 2021 sur les conséquences de la guerre en Ukraine (OCF 22.063)

Un rapport complémentaire, au rapport sur la politique de sécurité 2021, s'est penché sur les conséquences de la guerre en Ukraine. L'objectif est de permettre à la la Suisse de tirer des leçons et des conclusions de la situation. Ce rapport inclut également une analyse du Center for Security Studies (CSS) de l’EPFZ. Le Conseil fédéral a approuvé les conclusions de ce rapport complémentaire. Elles devraient donc former une base de discussion solide pour le futur de la politique de sécurité helvétique.

Pour commencer, le rapport confirme que l’Europe a réagi de manière unie en livrant des armes à l'Ukraine et en imposant non seulement des sanctions pécuniaires, mais aussi énergétiques et environnementales, à la Russie. Selon le rapport, la guerre laissera des traces, non seulement dans la politique étrangère mais aussi sur la coopération entre États.
Ensuite, le rapport indique aussi que la Suisse n'est pas épargnée par la situation. «Attachée à des principes fondamentaux tels que la liberté et la démocratie, l’observation du droit international ainsi que le respect de la souveraineté et de l’intégrité de l’État», elle ne peut pas fermer les yeux et a aussi, dans le cadre de sa neutralité, pris des mesures face à l'agression russe. Elle a par exemple envoyé de l'aide humanitaire (du matériel médical, des experts ou un soutien financier à des associations humanitaires) et ouvert ses portes aux migrant.e.s. Près de 600'000 migrant.e.s, sur les 8 millions qui ont quitté le pays, sont arrivés en Suisse depuis le début de la guerre.
En ce qui concerne sa protection interne, la Suisse a aussi dû procéder à quelques adaptations. À titre d'exemple, en juillet 2022, l'armée a été mobilisée afin de renforcer la sécurité de l'«Ukraine Recovery Conference». Le domaine de l’énergie a aussi été très touché. La Suisse est par exemple particulièrement dépendante de l’importation de gaz naturel russe. Si le pays n'y avait plus accès, ceci aurait un impact négatif sur les entreprises ainsi que les ménages helvétiques. C'est pourquoi la Confédération a réfléchi à plusieurs solutions. Par exemple, elle a décidé qu'elle ferait usage de centrales de réserve hydroélectrique en cas de pénurie d'électricité.

Bien que le rapport sur la politique de sécurité suisse écrit en 2021 représente une base solide, le déclenchement de la guerre a bousculé l’ordre des choses et certains domaines se sont vu attribuer une attention nouvelle, poussant le gouvernement à agir au sujet de sa politique de sécurité. À titre d'exemple, il a été décidé qu'une augmentation graduelle du budget de l'armée était nécessaire pour renforcer l'armée. Dans le rapport sur les conséquences de la guerre, dans lequel plusieurs aspects de la sécurité nationale ont été évoqués, il a été avancé que la détection précoce des conflits hybrides, des conflits armés, de la désinformation (cybermenaces comprises), tout comme le renforcement de la résilience et de la sécurité d’approvisionnement, la protection contre les catastrophes et les situations d’urgence ainsi que la gestion de crise étaient essentiels pour un haut niveau de sécurité. Le rapport met aussi en lumière que la Suisse est dépendante de la coopération internationale pour sa protection, ce qui représente un point central pour la future stratégie militaire helvétique. Le rapport propose de se focaliser sur 3 éléments principaux. Le premier concerne la collaboration générale avec l'OTAN et l'UE qui doit être renforcée. Le deuxième touche au renforcement de la coopération spécifique à la politique de sécurité avec l'OTAN et l'UE. Pour ce faire, il serait question pour la Suisse de prendre part à des exercices militaires avec ces deux organisations. Le troisième touche à la protection de la population. Différentes mesures ont déjà été avancées ou prises au niveau cantonal et fédéral afin de garantir un niveau de sécurité et d'organisation optimale. Cependant, le rapport mentionne qu'il serait encore favorable d'augmenter la collaboration avec l’OTAN et l’UE, qu'une image globale de la situation devrait être visée afin d'avoir une idée générale du niveau de protection de la population, que les systèmes internes à la Suisse relatifs à la protection civile et à l’information de la population devraient être vérifiés, que les systèmes d'alerte et d’information de la population devraient être développés et que la protection nucléaire, biologique et chimique devrait être renforcée via le centre de compétences NBC-DEMUNEX.

Bien que qualifiant la volonté d'une coopération augmentée avec l'OTAN et l'Union Européenne (UE) de positive, la CPS-CE a souligné que le rapport complémentaire du rapport sur la politique de sécurité 2021 sur les conséquences de la guerre en Ukraine du Conseil fédéral n'était pas complet. En effet, selon une majorité de la Commission, plus d'informations sur les lacunes de l'armée suisse et la manière de les combler sont nécessaires. C'est pourquoi, après avoir pris connaissance du rapport considéré par la Commission comme étant « une bonne base conceptuelle pour poursuivre la discussion », un postulat de Commission a été déposé pour répondre aux questions, liées à la capacité de défense de la Suisse, restées en suspens dans le rapport.
Alors que les discussions parlementaires se sont principalement concentrées sur la pertinence du postulat, Charles Juillard (centre, JU) a évoqué la volonté de se rapprocher de l'UE et de l'OTAN mentionnée dans le rapport. En effet, un rapprochement avec l'OTAN est selon le conseiller Juillard une nécessité. Cependant, il soutient que le dilemme autour de l'exportation de munitions vers l'Ukraine, qui tiraille la Suisse vis-à-vis de sa position sur la guerre en Ukraine et sur ce que ceci représenterait pour sa neutralité, est un obstacle sur le chemin d'une coopération OTAN-UE-Suisse renforcée.
Ce reflet de la situation n'a pas semblé avoir été aperçu par Werner Salzman (udc, BE) qui n'y avait pas fait allusion, en début de session, lorsqu'il avait affirmé que ni l'UE, ni l'OTAN n'attendent une quelconque forme de participation de la Suisse dans le cadre de leur coopération. De plus, il a soutenu, en mentionnant les missions pour la paix effectuées en partenariat avec l'OTAN, qu'une collaboration entre la Suisse et la sphère européenne reste possible en respectant la neutralité suisse.
Finalement, Viola Amherd a conclu la discussion en évoquant les points centraux du rapport et en mettant l'accent sur sa volonté de coopérer avec les acteurs européens ainsi que l'OTAN. Elle a affirmé que la neutralité suisse n'était remise en question ni par l'OTAN ni par l'UE et que la Suisse n'était sujette à aucune forme de pression de leur part. Cependant, comme l'a accentué la conseillère fédérale dans sa réponse devant le Conseil des États, pour qu'une plus grande coopération voit le jour, il est sous-entendu que la Suisse se responsabilise et présente d'elle-même des propositions d'engagements si elle souhaite augmenter sa collaboration avec les deux acteurs. Elle a dans ce sens aussi rappelé que les relations d'entraide ne naissent pas en une nuit et que la Suisse doit continuellement réaffirmer son envie de collaborer avec les acteurs de la sécurité internationale si elle souhaite prendre part à des exercices ou des projets pour la paix dans le futur.
Le Conseil des Etats a ainsi pris acte du rapport et les discussions continueront au Conseil national.

Alors que la CPS-CN annonçait, en mars 2023, avoir pris connaissance du rapport complémentaire sur les conséquences de la guerre en Ukraine, le Conseil national a fait de même quelques mois plus tard. Les interventions de dix député.e.s ont évoqué diverses thématiques qui préoccupent leurs partis. L'une des principales inquiétudes concernait la collaboration internationale. Pour la majorité des élu.e.s, elle devrait être renforcée; mais pas pour l'UDC qui souhaiterait l'éviter, avançant l'argument de la neutralité. Globalement, la neutralité a rythmé plusieurs interventions. François Pointet (pvl, VD) a ainsi suggéré de revoir ce concept afin qu'il soit compris et accepté par nos voisins européens. Pour l'instant, la Suisse ne cesserait de fâcher ces derniers «sur un tas d'autres sujets – face aux menaces qui augmentent pour l'Europe».
Puis, la cybersécurité est entrée dans la danse. Pour certain.e.s, comme Fabien Fivaz (vert-e-s, NE), cette dernière représente la plus grande menace pour la Suisse et devrait recevoir plus d'attention et de moyens. Pour d'autres, elle reste l'égale de la défense militaire armée ce qui, pour le député Fivaz, est une «vision malheureusement simpliste». Des propos que le neuchâtelois justifie avec ironie en évoquant que, pour l'armée, «il faut plus d'armement, de matériel, d'hommes, et le tout le plus vite et le plus souvent possible». S'opposant à ce propos, le Centre est d'avis que le soutien financier de l'armée est actuellement justifié, en raison de la situation tendue en Europe. Dans le même ordre d'idées, l'UDC David Zuberbühler (AR) a rappelé que l'armée est en manque de soldats et devrait augmenter ses effectifs. En fin de compte, Viola Amherd a conclu les discussions en affirmant: «Der Krieg in der Ukraine zeigt, dass wir alle von Unsicherheit in Europa betroffen sind. Damit wir als Partner ernst genommen werden, erwartet man von uns solidarische Leistungen zu Frieden und Sicherheit. Das ist der Kontext, in dem wir uns heute bewegen.»

Service d’appui de l’armée en faveur du SEM dans le domaine de l'asile (OCF 23.018)

Pour faire face à la hausse des demandes d'asile, liées à la guerre en Ukraine, le Conseil fédéral soutient une proposition d'engagement subsidiaire de l'armée. Alors que l'Ukraine voit plusieurs dizaines de milliers de ses habitant.e.s se réfugier à l'intérieur d'autres frontières, la Suisse fait face à de plus en plus de demandes d'asile ou de protection. Les structures d'accueil actuelles ne semblent plus suffire, notamment en raison d'une pénurie de main-d’œuvre. Le Conseil fédéral suggère donc de faire appel à l'armée pour améliorer la situation. Un maximum de 500 militaires, en service long ou ordinaire, pourrait être mis à disposition du SEM. Ceux-ci s'ajouteraient ainsi aux 140 civilistes qui peuvent déjà être appelés en renfort pour l'encadrement des personnes recherchant l'asile ou la protection. Il a été proposé que la mobilisation soit limitée au 31 mars 2023 et que les soldats assurent uniquement l'aménagement et l'exploitation des infrastructures militaires mises à disposition ainsi que le transport des personnes en détresse. Pour que l'armée soit mobilisée, il faut toutefois que les contrôles réguliers de l’État-major spécial Asile (SONAS) y soient favorable de même que le principe de subsidiarité soit respecté. Si les services de l'armée venaient à ne plus être nécessaires, les soldats seraient démobilisés.

Lors de son passage au Conseil des Etats, le message du Conseil fédéral qui prévoyait la mise à disposition de 500 militaires pour le SEM afin de faire face à l'afflux de réfugié.e.s n'a pas suscité beaucoup d'oppositions.
Charles Juillard (centre, JU) a pris la parole au début de la discussion afin d'éclairer les parlementaires sur la position de la CPS-CE. Il a tout d'abord contextualisé la demande de mobilisation avant de souligner les points centraux de la demande. Premièrement, contrairement à l'ordinaire, il a rappelé que ce ne sont pas les cantons, mais un organe de la Confédération qui demande l'aide de l'armée. Deuxièmement, il a expliqué que cette demande particulière est justifiable car toutes les autres formes de soutien envisageables – comme le service civil, la protection civile ou encore les samaritains – sont saturées et ne pourraient pas engager plus de personnes pour cette tâche. Troisièmement, il a accentué que le financement des opérations serait entièrement pris en charge par le DFJP. Ainsi, pour l'ensemble des engagements, une estimation de CHF 20 millions a été évoquée. Finalement, la commission a aussi estimé qu'aucune prolongation de l'engagement au-delà de la fin mars 2023 ne serait nécessaire. Pour rappel, l'engagement avait été ordonné le 16 décembre 2022 par le DFJP. La commission a proposé d'accepter l'arrêté fédéral par 10 voix contre 1 et 1 abstention.
Lors des débats, Thomas Minder (SH, indépendant) a critiqué qu'un si grand nombre de soldats soit mis à disposition du SEM, ainsi que le «service de taxi luxueux» proposé aux requérant.e.s d’asile. Concernant ce dernier point, il a demandé pourquoi les requérants d'asile ne pouvaient pas prendre les transports publics, comme ils le font d'ordinaire. Remettant toute la structure d'asile en doute, il a affirmé que ce n'était pas à l'armée de répondre à cette demande. En effet, d'autres solutions devaient être envisagées, comme engager plus de civilistes ou confier certaines tâches, notamment faire les lits, aux requérants d'asile.
Le Conseil des Etats a accepté l'arrêté fédéral par 33 voix contre 5 (aucune abstention). La minorité se constituait de membres du groupe de l'UDC.

La CPS-CN a soutenu le message du Conseil fédéral demandant la mise à disposition de 500 soldat.e.s pour le SEM par 18 voix contre 7 (aucune abstention).
Lors des discussions au Conseil national l'UDC s'est opposée à la demande comme au Conseil des Etats,. Le parti agrarien a argué que ce n'est pas le rôle de l'armée de répondre à cette requête et que les civilistes devraient gérer la situation. Une critique a aussi été faite au SEM, qui aurait dû être prêt à la gestion d'une plus forte affluence de réfugié.e.s.
L'objet a été accepté par 134 voix contre 53 et 1 abstention. Seule l'UDC a rejeté l'arrêté fédéral.

Message sur l’armée 2023 (MCF 23.025)

Dossier: Messages sur l'armée

Le message sur l’armée 2023 se concentre sur deux points centraux.
Dans le premier point, il organise les dépenses de 2023 avec des crédits d'engagement de CHF 1.9 milliards. La Confédération souhaite répartir ces crédits d'engagement sur plusieurs achats et investissements. Ainsi, il est question d'acheter du matériel dans le cadre du programme d'armement afin de combler quelques lacunes (pour un total de CHF 725 millions). D'une part, l'achat de 24 chars de grenadiers à roues supplémentaires est prévu (CHF 217 millions). D'autre part, des munitions de lance-mines 12 ayant été mises hors-service seraient transformées en munitions pour les nouveaux mortiers 12 cm 16 acquis via les programmes d'armement 2016 et 2022 (CHF 49 millions). En addition, le DDPS souhaite renforcer la protection aérienne du territoire. En effet, après l'achat du système de défense sol-air Patriot et des F-35A, il a été estimé que des engins guidés supplémentaires seraient nécessaires pour une combinaison optimale avec le système Patriot (CHF 300 millions). Antérieurement, le remplacement du système de conduite Florako par le système Sky View avait été accepté par le Parlement. Ce changement engendre des frais supplémentaires dus à une sous-estimation des coûts. Leur prise en charge se monterait à CHF 61 millions. De plus, afin de garantir la compatibilité avec le système de conduite, du matériel informatique supplémentaire devrait être acquis pour le centre de calcul du DDPS (pour CHF 98 millions).
La cybersécurité, sujet actuellement important pour les parlementaires, est aussi renforcée grâce à l'acquisition de nouveau matériel (CHF 615 millions). La proposition comprend trois volets. Le premier traite de l'étude de projets ainsi que des essais et préparatifs relatifs aux achats (CHF 150 millions). Le deuxième s'occupe de l’équipement personnel et du matériel à renouveler (CHF 355 millions) et le troisième s'affaire avec les questions relatives aux munitions d’instruction et à la gestion des munitions (CHF 110 millions). De plus, le budget total prévu pour l'acquisition de matériel permettra aussi que les avions d'écolage et d'entraînement ainsi que les PC-7 soient gardés à niveau.
Enfin, l'armée prévoit aussi de rénover et développer ses infrastructures immobilières (CHF 555 millions). Ainsi, la rénovation d’une installation de conduite, la remise en état de deux installations de télécommunication, le développement des infrastructures logistiques dans le nord du Tessin et la rénovation de bâtiments d’instruction à Thoune sont planifiés par le Conseil fédéral. Les rénovations visent aussi à s'aligner sur les objectifs environnementaux de la Suisse, notamment en promouvant les énergies renouvelables, en remplaçant les chauffages à mazout et en isolant mieux les bâtiments. De plus, l'installation de panneaux photovoltaïques, permettant une production électrique annuelle équivalente à la consommation de 800 ménages, est prévue.
Dans le deuxième point, le message prévoit d'élever le plafond des dépenses de l'armée entre 2021 et 2024. Il passerait de CHF 21.1 à 21.7 milliards. Cette mesure devrait permettre au budget de l'armée d'atteindre 1 pour cent du PIB helvétique au plus tard en 2030, comme souhaité par le Parlement.

Alors que la CPS-CE avait déjà annoncé, en juillet 2023, de proposer l'entrer en matière sur les 4 arrêtés fédéraux et avait approuvé par 11 voix contre 0 (une abstention) le relèvement du plafond des dépenses entre 2021 et 2024 de CHF 21.1 à 21.7 milliards, elle a terminé son examen du message à la fin août. La commission a décidé par 12 voix et une abstention d'approuver le message. La majorité de la commission (9 voix contre 3 et une abstention) a rejoint la position du Conseil national, qui souhaite la mise hors service de 25 des 96 chars Leopard 87 en possession de l’armée suisse. En effet, la majorité a estimé que la vente de ces 25 chars ne pénaliserait pas l'armée suisse mais fortifierait l'image de la Suisse en Europe. La commission considère que la question autour du renforcement du programme d'armement devrait être posée en 2024, quand le dialogue sur les capacités militaires nécessaires débutera. La minorité a invoqué la guerre en Ukraine pour justifier le besoin de conserver ces 25 chars actuellement au parking.
En outre, la commission s'oppose au remplacement des 71 chars d'assaut Leopard 87 restants par un système de défense plus moderne. La majorité a justifié cette décision par la marge de manœuvre supplémentaire que permettent les chars Leopard s'ils restent dans l'arsenal militaire, tandis que la minorité a imploré une promesse d'achat de systèmes blindés sur le moyen terme.
Concernant les autres arrêtés, une majorité y a adhéré. De plus, la commission s'est montrée concernée par le financement de l'armée et est restée sur sa position quant à l'augmentation des dépenses de cette dernière, souhaitant (toujours) qu'elles atteignent au moins 1 pour cent du PIB d'ici 2030.

Le Conseil des Etats a examiné le message de l'armée 2023. Alors que l'objet a suscité 32 prises de parole et 11 votes, les débats ont pratiquement uniquement concernés la mise hors service de 25 chars Léopard 2 et leur réexportation vers l'Allemagne.
Alors que certains saluent cette décision, comme la majorité de la commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-CE), d'autres se sont montrés plus sceptiques. Ainsi, deux propositions de minorités ont été déposées.
La première, lancée uniquement par des membres du groupe UDC, vise à empêcher la mise hors service et la réexportation vers l'Allemagne, avançant que la Suisse a besoin de ces 25 chars pour se défendre et que cette réexportation nuirait à la neutralité suisse. «Dass ein solches Geschäft nach Ringtausch riecht und neutralitätspolitisch sehr fragwürdig ist, will ich hier gar nicht weiter beleuchten», s'est exprimé Werner Salzmann (udc, BE). De plus, le Bernois, soutenu par Josef Dittli (plr, UR), a mentionné le rapport «Renforcer la capacité de défense» du CdA qui annonce des chiffres différents de ceux prêchés par la Confédération dans le cadre de cet objet. D'après les deux politiciens, le rapport avance que la Suisse a besoin de tous ses Leopard 2 pour se défendre, contrairement à ce que dit le gouvernement. La deuxième proposition, déposée par trois PLR et un UDC, demande que les chars mis hors service soient remplacés. Cette minorité souhaiterait ainsi collaborer avec l'Europe tout en gardant un statu quo de la défense armée en Suisse.
Charles Juillard (centre, JU) a tenté de remettre les débats dans leur contexte lorsque qu'il a annoncé que ses collègues et lui-même devaient «prendre une décision politique, et pas une décision militaire», même après avoir entendu toute une palette d'officiers supérieurs, «aussi émérites les uns que les autres, qui ont un avis sur ce que devrait être l'armée aujourd'hui, et surtout demain». En réponse à ces interventions, Viola Amherd a affirmé qu'elle avait discuté avec des responsables de l'armée, qui soutiennent les décisions du Conseil national et du Conseil fédéral. De plus, elle a lourdement souligné que le Parlement est en charge de prendre les décisions et ne doit pas nécessairement s'aligner aux rapports qui lui sont présentés. Elle a aussi contré d'autres remarques en affirmant qu'une réexportation serait en règle avec la neutralité suisse.
Suite au rejet des deux propositions de minorités, l'objet a été accepté par 38 voix contre 2 et 3 abstentions. Seul.e.s Lisa Mazzone (vert-e-s, GE) et Carlo Sommaruga (ps, GE) s'y sont opposés. «La pression des alliés historiques a semble-t-il fait effet», a écrit Le Temps sur la décision du Conseil des Etats.

Neutralité: munitions et espace aérien (Mo. 22.3557)

Dossier: La neutralité suisse

Thierry Burkart (plr, AG) a déposé une motion au Conseil des Etats qui demande de réviser la loi sur les exportations de matériel de guerre (LFMG). Les défenseur.se.s de la motion affirment que les modifications ne remettraient pas en question la neutralité suisse. En effet, des changements seraient uniquement entrepris avec des pays qui partagent les mêmes valeurs que la Suisse et qui ont un système de contrôle comparable à l'ordonnance suisse sur le matériel de guerre (OMG). Actuellement, l'annexe 2 de l'OMG permet de contrôler l'exportation de matériel de guerre. Avec des conditions strictes, la Suisse fait en sorte que le matériel qu'elle vend ne puisse pas se retrouver dans un pays avec des valeurs différentes des siennes. Ceci a notamment pour conséquence que les pays avec qui la Confédération fait affaire ne peuvent pas revendre leurs acquisitions à un pays à qui la Suisse n'aurait pas vendu ce matériel de guerre. Si l'annexe 2 était modifiée, comme le propose la motion, les pays ayant acheté du matériel de guerre suisse pourraient le réexporter sans demander son accord à la Suisse. De ce fait, cette modification pourrait avoir de lourdes conséquences sur l'accessibilité du matériel suisse.
Lors des débats, la guerre en Ukraine a sans surprise été évoquée. Il a été affirmé que, dans cette guerre, l'attaque menée contre les valeurs démocratiques et les droits humains est centrale. Dans ce contexte, garder une position neutre ne serait pas possible. Alors que les parlementaires favorables à la motion invoquent la nécessité d'apporter de l'aide à l'Ukraine, d'autres, comme Carlo Sommaruga (ps, GE), soutiennent que pour respecter le droit de la neutralité, dont la Suisse profite, il ne faut en aucun cas accepter cette motion. Selon le sénateur genevois, il faudrait plutôt renforcer l'aide humanitaire que la Suisse offre dans les régions ravagées par des conflits, comme en Palestine ou entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Guy Parmelin, au nom du Conseil fédéral, a abordé plusieurs aspects de la situation lors des débats parlementaires. Tout d'abord, il a donné un bref aperçu de la pression que l'industrie du matériel de guerre subit actuellement en Suisse. En effet, comme le matériel ne peut pas être réexporté une fois acheté, de grosses questions se posent au sein de l'OTAN qui, en cas de conflit, ne peut pas faire de transferts de matériel suisse entre les pays alliés. Puis, le point central de plusieurs débats actuels a été remis sur le tapis: le droit de la neutralité. En raison des conditions qui sont imposées par ce droit, le Conseil fédéral propose de rejeter la motion. Guy Parmelin a toutefois réaffirmé que le Conseil fédéral n'est pas inactif. Il agit, notamment avec les missions humanitaires, tout en restant dans le cadre de ce que l'on pourrait définir comme son ADN, la neutralité militaire.
Au final, cette motion a suscité une répartition politique peu fréquente. En effet, l'UDC et la gauche étaient dans le même camp, avançant que la neutralité suisse serait en danger et qu'il fallait la protéger en rejetant cette motion. De plus, certains arguments se sont appuyés sur les déclaration du Conseil fédéral en évoquant la valeur non rétroactive de la motion. Cette dernière n'aurait ainsi aucune valeur dans le conflit Ukraine-Russie. Lors du vote, la motion a été rejetée par 23 voix contre 18 et 2 abstentions. Il est à noter que, de manière générale, les socialistes, les vert-e-s et l'UDC étaient opposés à la motion et que les libéraux-radicaux étaient au contraire en faveur de l'objet. Le Centre fut partagé.

Änderung des Kriegsmaterialgesetzes (Mo. 23.3005)

Dossier: Interventions visant à modifier la loi sur le matériel de guerre (réexportation de matériel de guerre)

Au début de l'année 2023, les deux commissions de politique de sécurité se sont concentrées intensivement sur la loi sur le matériel de guerre, en débattant notamment de la réexportation du matériel de guerre vers l'Ukraine. De ces réflexions sont nées trois initiatives parlementaires de commissions (23.401; 23.402 et 23.403) ainsi que la motion 23.3005. Via cette dernière, la CPS-CN demande de modifier l'article 18 de la loi sur le matériel de guerre (LFMG) en y ajoutant des précisions. Celles-ci visent à aider l'Ukraine dans la guerre d'agression qu'elle subit depuis février 2022 de la part de la Russie. Ainsi, une réexportation de matériel de guerre serait possible en cas de demande d'un autre Etat, dans le cas d'une situation reconnue par le Conseil de sécurité de l'ONU, comme «contraire à l'interdiction du recours à la force prévue par le droit international et si aucun intérêt prépondérant de politique extérieure de la Suisse ne s'y oppose» (le nouvel al. 3). De plus, en cas de veto d'un membre de l'ONU, si les 2/3 de l'Assemblée générale de l'ONU considère que la situation enfreint l'interdiction du recours à la force prévue par le droit international, la réexportation serait possible (al. 4).
Une minorité de la CPS-CN, autour de Jean-Luc Addor (udc, VS), a proposé de rejeter la motion. Le Conseil fédéral a également proposé de rejeter la motion. En effet, le gouvernement a d'abord argumenté que s'il approuvait la réexportation de matériel de guerre vers l'Ukraine, les demandes de transmission de matériel de guerre à la Russie devraient également être approuvées, relativement à la politique de neutralité de la Suisse, visant une égalité de traitement, et à l'article l'art. 22a, al. 2, let. a, de la LFMG. Ensuite, les modifications apportées à l'art. 18 n'auraient pas d'effets sur l'art. 22. De plus, une exception comme préconisé est déjà actuellement possible via l'article 22a al. 4 de la LFMG, si l'ONU usait du chapitre VII de la Charte des Nations Unies en vertu du droit international, annulant le droit de neutralité. Troisièmement, le fait que des actions puissent être entreprises alors que la majorité absolue n'a pas été atteinte à l'ONU, et que ceci n'ait pas d'impact sur le droit international, pose problème. En effet, le Conseil fédéral estime que ceci violerait l'égalité de traitement, et donc le droit de la neutralité.
Le sujet de l'exportation d'armes semble actuellement clivant : «Wir haben immer gesagt, dass das für die Schweiz eine schwierige Situation ist, weil es für sie als neutrales Land Zielkonflikte gibt», a déclaré Priska Seiler Graf (ps, ZH) au nom de la commission. Dans ce contexte, les débats se sont concentrés sur les infractions au droit international et au droit de neutralité. Dans les premières prises de parole, Hans-Peter Portmann (plr, ZH), au nom de la CPE-CN à qui la CPS-CN n'a pas demandé son avis sur le texte, s'est joint au Conseil fédéral pour dire que la modification enfreindrait le droit international.
En réponse à une question sur droit de veto, François Pointet (pvl, VD), pour la majorité de la CPS-CN, a répondu que si l'alinéa 4 était rejeté, la modification n'aiderait en rien l'Ukraine, comme la Russie a utilisé son droit de veto à l'ONU.
Jean-Luc Addor (udc, VS) a aussi répondu à un grand nombre de questions et défendu l'avis de la minorité. Selon lui, cette modification s'attaque à la neutralité suisse, qu'il ne serait pas envisageable de «tripatouiller comme un concept à géométrie variable au gré des circonstances et des pressions étrangères, ou encore de l'émotion suscitée par une guerre qu'on croyait impossible en Europe». «Il est simplement dans l'intérêt de notre pays de se tenir à l'écart d'une guerre qui n'est pas la sienne», résume-t-il dans son intervention. Le valaisan a souligné que la minorité souhaitait «travailler à la paix plutôt que de jeter de l'huile sur le feu de cette terrible guerre».
Le Conseil national a adopté par 98 voix contre 96 l'al. 3. Les Vert-e-s et l'UDC s'y sont majoritairement opposés, mais des voix de tous les partis étaient contre.
Quant à l'al. 4, il a été rejeté par 117 voix contre 78. Les Vert-e-s, l'UDC et le PLR étaient contre, mais à nouveau, des voix de tous les partis s'y sont opposées. Il est aussi important de préciser que la minorité était très hétérogène, regroupant des parlementaires contre l'exportation d'armes en général et d'autres favorables à l'exportation d'armes dans le cadre d'une politique de neutralité stricte.
Le Conseil des Etats doit encore se prononcer quant à l'ajout de l'al. 3 à l'art. 18.

Dans le cadre des débats autour de l'initiative parlementaire sur la modification de la loi sur le matériel de guerre (LFMG) (23.402), le Conseil des Etats a aussi débattu de la motion sur la modification de l'art. 18 de la LFMG. Cette motion vise l'ajout d'un alinéa 3 à l'article 18. Pour être précis, cette modification prévoit qu'un pays tiers, une fois sa demande faite à la Suisse, ait la possibilité de réexporter du matériel de guerre provenant de Suisse. Pour cela, il faudrait toutefois que le Conseil de sécurité de l'ONU ait qualifié la situation « d'infraction à l'interdiction du recours à la force prévue par le droit international » pour le pays pour qui les armes seraient destinées. La chambre des cantons a rejeté à l'unanimité l'ajout de l'al. 3. Cette rectification de la LFMG visait à soutenir l'Ukraine face à l'agression qu'elle subit. Cependant, sans l'al. 4, qui a été rejeté par le Conseil national, cette modification n'est pas applicable à l'Ukraine – droit de veto de la Russie.

Gestion des risques. Savoir où se trouve l'abri PC le plus proche et contrôler la qualité et les équipements (Mo. 22.3662)

D'après la motion de la conseillère nationale Doris Fiala (plr, ZH), la population aurait besoin de plus d'informations sur les abris de protection civile. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, de nombreuses incertitudes préoccuperaient la population helvétique concernant sa sécurité. Selon la conseillère nationale, il est nécessaire d'obliger les communes à informer les habitants sur la place qui est attribuée à chacune et chacun dans un abri PC en cas de nécessité de confinement. Une telle information permettrait de rassurer les habitants. De plus, la motion suggère que de nouveaux contrôles de qualité et des équipements soient effectués.
Le Conseil fédéral a proposé de rejeter la motion. D'après le gouvernement, la gestion des abris civils est une compétence cantonale. Il argumente qu'en raison d'une évolution constante du nombre d'habitants dans les communes, l'attribution des places dans un abri PC n'est rendue publique qu'en cas de nécessité. Concernant la deuxième demande de l'objet, le gouvernement précise que les abris PC sont contrôlés au minimum tous les dix ans par les cantons afin de garantir la sécurité ainsi qu'un nombre de places suffisant. Chaque contrôle se conclut par un rapport qui est alors transmis à l'OFPP. Afin de garantir un niveau de surveillance optimal, un plan de contrôle a été élaboré sous la coupole fédérale, déjà avant la déclaration du conflit armé entre la Russie et l'Ukraine. Ce plan prévoit des vérifications annuelles des infrastructures de protection. Ainsi, les abris civils seront plus régulièrement contrôlés et les défaillances, nécessitant par exemple la rénovation de certains locaux, seront repérées plus rapidement.
Le Conseil national a cependant estimé que ce plan n'est pas suffisant. En effet, la motion de Doris Fiala a été acceptée par 136 voix contre 41 et 6 abstentions. Les oppositions provenaient d'une minorité du groupe rose-vert et du Centre.

La motion Fiala (plr, ZH) a tiré trop haut en visant «weit über das Ziel », du moins d'après Thomas Minder (indépendant, SH). En souhaitant imposer aux communes d'informer ses habitants sur la place qui est attribuée à chacune et chacun dans un abri PC, il lui a été reproché d'enfreindre le fédéralisme suisse qui donne aux cantons, et non à la Confédération, la tâche de superviser les communes. Thomas Minder, au nom de la CPS-CE, a attribué le dépôt de cette motion au déclenchement de la guerre en Ukraine. Le Conseil des Etats a rejeté la motion à l'unanimité.

Änderung des Kriegsmaterialgesetzes (Pa.Iv. 23.402 und Pa.Iv. 23.403)

Dossier: Interventions visant à modifier la loi sur le matériel de guerre (réexportation de matériel de guerre)

Die sicherheitspolitischen Kommissionen beider Räte beschlossen im Februar 2023 beinahe identische parlamentarische Initiativen zur Änderung des Kriegsmaterialgesetzes. Die SiK-SR (Pa. Iv. 23.402) wollte bei Lieferungen an Staaten, welche die Werte der Schweiz teilen und über ein vergleichbares Exportkontrollregime verfügen, die Nichtwiederausfuhr-Erklärung unter gewissen Bedingungen auf fünf Jahre befristen. Voraussetzung dafür sei, dass das betroffene Drittland nicht in einen internen oder internationalen bewaffneten Konflikt verwickelt sei – ausgenommen davon sei die Anwendung des völkerrechtlichen Selbstverteidigungsrechts. Darüber hinaus dürfe der Drittstaat die Menschenrechte nicht in schwerwiegender Weise verletzen und es dürfe kein Risiko bestehen, dass das Kriegsmaterial gegen die Zivilbevölkerung eingesetzt werde. Die Kommission wollte zudem vorsehen, dass Nichtwiederausfuhr-Erklärungen, die mehr als fünf Jahre vor Inkrafttreten der vorgeschlagenen Gesetzesänderung mit Ländern aus Anhang 2 der Kriegsmaterialverordnung unterzeichnet wurden, durch den Bundesrat für hinfällig erklärt werden. In diesen Fällen müssten die obigen Bedingungen also nicht eingehalten werden.
Die SiK-NR gab der Initiative ihrer Schwesterkommission Mitte Februar keine Folge und reichte im Gegenzug eine parlamentarische Initiative ein, die in zwei Punkten von den Vorschlägen ihrer Schwesterkommission abwich. Einerseits sollen Drittländer nach Ablauf der Fünfjahresfrist auch dann für die Wiederausfuhr in Frage kommen, wenn sie sich an UNO-Sicherheitsrat-Massnahmen nach Art. 42 der UNO-Charta beteiligen. Andererseits soll der Bundesrat ältere Nichtwiederausfuhr-Erklärungen nur auf Gesuch ausländischer Regierungen – und nicht automatisch, wie von der SiK-SR verlangt – für aufgehoben erklären. Zudem sollen bei der Weitergabe an Drittstaaten die gleichen Bedingungen auch für diese gelten.

Obwohl die SiK-NR also der parlamentarischen Initiative (23.402) keine Folge gegeben hatte, prüfte die SiK-SR ihre eigene Initiative Anfang Mai 2023 vor und beschloss, sie dem Ständerat mit dem Antrag auf Folge geben vorzulegen. Die Kommissionsmehrheit sah Handlungsbedarf und argumentierte, dass der in der eigenen Initiative vorgesehene Entscheidungsautomatismus das Neutralitätsrecht nicht verletze. Eine Minderheit widersprach dieser Ansicht, da die Änderung während eines laufenden zwischenstaatlichen Krieges erfolgen würde. Der parlamentarischen Initiative der SiK-NR (22.403) stimmte die Kommission zu, brachte aber den Wunsch einer Textänderung für die Umsetzungsphase vor. Wie schon bei ihrem eigenen Entwurf wollte die SiK-SR Nichtwiederausfuhr-Erklärungen, die älter als fünf Jahre alt sind, automatisch aufheben.

In der Sommersession 2023 wurde die ständerätliche Initiative (23.402) gemeinsam mit einer Kommissionsmotion der SiK-NR (Mo. 22.3005) im Ständerat behandelt und sorgte dort für Diskussionen. Kommissionssprecher Charles Juillard (mitte, JU) erklärte, dass das Ausland immer weniger Verständnis für die Weigerung der Schweiz, die Wiederausfuhr von Kriegsmaterial zu genehmigen, aufbringe. Ständerat Juillard lobte zwar die Guten Dienste und die humanitäre Hilfe der Schweiz, hielt dem Rat aber vor Augen, dass inmitten des Krieges Waffen eine wichtige Rolle spielten. Die Kommissionsmehrheit sei der Ansicht, dass die gegenwärtige Regelung zu restriktiv und die Gesetzgebung Teil des nationalen Rechts sei, welches das Neutralitätsrecht nicht tangiere, insbesondere weil der Bundesrat keine Einzelentscheidungen treffen müsse. Man hoffe zudem, durch die Lockerung des Kriegsmaterialgesetzes die Wettbewerbsfähigkeit der Schweizer Rüstungsindustrie zu steigern. Matthias Zopfi (gp, GL), der die Minderheit auf keine Folge geben anführte, erinnerte daran, dass der Ständerat eine inhaltlich praktisch identische Motion Burkart (fdp, AG; Mo. 22.3557) in der Frühjahrssession 2023 bereits abgelehnt hatte. Zopfi befürchtete, dass die Nichtwiederausfuhr-Erklärung durch die parlamentarische Initiative ausgehöhlt werden könnte und Schweizer Waffen in Kriegsgebieten und Bürgerkriegen landeten. Der Ukraine solle man Hilfe zukommen lassen, indem man sie bei der Entminung, beim Wiederaufbau der zerstörten Infrastruktur und nicht zuletzt durch das IKRK unterstütze. Daniel Jositsch (sp, ZH) wies schliesslich darauf hin, dass man sich nicht auf den Ukraine-Krieg fixieren dürfe, da die Gesetzesänderung bei einer Annahme der Initiative Jahre bis zur Umsetzung benötigen würde. Die Schweiz dürfe jedoch ihre Rolle als neutraler Staat langfristig nicht durch eine solche Gesetzesänderung gefährden, da sie als Vermittlerin viel mehr zur Beendigung von Konflikten beitragen könne, als durch marginale Waffenexporte.
Letztendlich gab der Ständerat der Kommissionsinitiative jedoch mit 22 zu 17 Stimmen (bei 4 Enthaltungen) Folge, womit das Geschäft erneut zur sicherheitspolitischen Kommission des Nationalrates wanderte.

L'initiative parlementaire sur la modification de loi sur l'exportation d'armes, qui vise à limiter à cinq années la durée de validité des déclarations de non-réexportation et aussi permettre la réexportation, dans certains cas, une fois ce délai dépassé, n'a pas convaincu le Conseil national. Alors que la minorité de la commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-CN) a souhaité prendre part à la révision de la LFMG, la majorité a estimé qu'il ne valait pas la peine de soutenir l'industrie suisse des armes au prix de la neutralité suisse. Elle a aussi vivement regretté que «Uniting for peace» – un mécanisme de l'ONU – n'ait pas été évoqué dans le texte de la motion. Il a aussi été question des travaux en cours sur ce sujet – une sous-commission de la CPS-CN travaille sur l'objet 23.403 – et du refus de la majorité d'empiéter sur d'autres procédures. La commission a rejeté l'initiative par 16 voix contre 6 et 2 abstentions. Le Conseil national s'est aligné sur sa commission et a rejeté l'initiative par 135 voix contre 48. La minorité était constituée du Centre et du PLR.

Divers projets d'acte ont été déposés au Parlement pour donner au Conseil fédéral plus de marge de manoeuvre en ce qui concerne la réexportation d'armement. Si la CPS-CN a rejeté l’initiative parlementaire de la CPS-CE relative à la modification de la législation sur l’exportation de matériel militaire et soutenu la motion 23.3585 émanant du Conseil des Etats, qui demande la modification de la loi fédérale sur le matériel de guerre (LFMG) pour donner au Conseil fédéral plus de marge de manoeuvre en ce qui concerne l'exportation de matériel militaire, elle a aussi déposé sa propre initiative parlementaire en ce sens (initiative 23.403). Dans cette optique, une sous-commission est chargée d’élaborer un projet d’acte. La composition de cette sous-commission a été modifiée à la suite des dernières élections fédérales. Elle compte désormais quatre UDC, deux socialistes, une élue du centre, une PLR et un élu écologiste. La CPS-CN a donné sept mois à sa sous-commission pour lui proposer un projet d’acte qui sera ensuite mis en consultation, soumis au Conseil fédéral et finalement examiné par les chambres.

Après que son initiative parlementaire relative à la modification de la loi sur le matériel de guerre (LFMG) a été approuvée en mai 2023 par la CPS-CE, la CPS-CN a constitué une sous-commission chargée de rédiger une esquisse d'acte. Elle a annoncé le 28 juin 2024 qu'elle mettait en consultation le projet qu'elle avait élaboré pour mettre en œuvre l'initiative parlementaire 23.403.
Dans son rapport, relatif au travail de la sous-commission chargée de rédiger un projet d'acte, la CPS-CN a indiqué que deux questions principales ont occupé les membres de la sous-commission. Tout d'abord, les débats des membres de la sous-commission se sont focalisés sur le degré de participation des autorités suisses au processus de réexportation, dans le cadre de ce qui est autorisé par la politique de neutralité de la Suisse. Par ailleurs, la discussion des membres de la sous-commission a aussi mis en lumière les tensions qui existent entre les exigences du droit de la neutralité et celles du droit international en vigueur depuis 1945. Pour tenter d'apporter une réponse convaincante à ces deux questions, les membres de la CPS-CN ont fait appel à des spécialistes dont les opinions ont été, en partie, divergentes, l'un d'eux estimant que la Suisse pouvait dès à présent autoriser des réexportations d'armes vers l'Ukraine puisqu'une telle pratique était aujourd'hui compatible avec sa politique de neutralité. Les membres de la sous-commission ont par ailleurs échangé avec les experts sur les effets du mécanisme dit de l'«Union pour le maintien de la paix» – les deux tiers de l'Assemblée générale de l'ONU émettent une recommandation à l'égard des Etats membres lorsque le Conseil de sécurité est bloqué – sur la politique de neutralité de la Suisse et l'application de la LFMG. En effet, les parlementaires qui siégeaient dans la sous-commission de la CPS-CN voulaient savoir si la procédure d'«Union pour le maintien de la paix» pouvait constituer un critère permettant d'autoriser la réexportation d'armes vers un pays en guerre.
A la suite de ces auditions, les membres de la sous-commission ont discuté des différentes propositions des représentants de l'Administration fédérale et ont donné la possibilité aux groupes parlementaires d'en débattre. Ne parvenant pas à s'entendre sur une version finale, les membres de la commission ont demandé à l'Administration fédérale de lui en proposer de nouvelles. Lors de sa séance du 13 novembre 2023, la sous-commission a supprimé certaines clauses qui se trouvaient dans les onze variantes dont elle disposait. Ainsi, les membres de la sous-commission ont décidé de supprimer le principe selon lequel un Etat tiers devait promettre de se soumettre aux règles de réexportation prévues par la LFMG, puisqu'elle aurait pu difficilement entrer en vigueur et aurait causé des tensions avec certains partenaires de la Suisse. Par ailleurs, il a été convenu que la procédure de l'«Union pour le maintien de la paix» ne serait finalement pas un critère qui permettrait de justifier la réexportation de matériel militaire vers un pays en guerre, sur la base de l'avis négatif émis par les experts mandatés à cet égard. En effet, les membres de la sous-commission ont conclu qu'un tel critère n'aurait pas été compatible avec le droit de la neutralité.
Lors des séances du 29 mai et du 4 juin de la sous-commission, une majorité de ses membres s'est décidée à soutenir une variante qui rend caduques les déclarations de non-réexportation pour les pays de l'annexe 2 de l'Ordonnance sur le matériel de guerre – pour les Etats qui partagent la plupart des valeurs de la Suisse – après 5 ans. Par ailleurs, la majorité de la sous-commission a voté en faveur d'une disposition transitoire dont l'objectif est de rendre caduques les déclarations de non réexportation signées 5 ans avant que les changements de la LFMG soient entrés en vigueur (clause rétroactive).Une minorité de la sous-commission s'est opposée à cette variante en affirmant que la Suisse risquait de mettre à mal sa neutralité si elle distinguait deux séries de pays : ceux qui auraient le droit de réexporter des armes et ceux qui ne seraient pas dignes de le faire. Elle a donc formulé une proposition qui réduit à 5 ans la durée des déclarations de non-réexportation pour tous les pays et sans imposer de conditions pour autoriser la réexportation d'armement. Les partisans de ce projet ont également affirmé que l'industrie suisse de l'armement profiterait grandement d'une libéralisation du régime de réexportation, ce qui renforcerait également la sécurité de la Suisse. Cette variante a été rejetée par 16 voix contre 9. Elle a par la suite été reprise comme proposition de minorité. La majorité de la commission a quant à elle défendu sa position en affirmant que cette modification de la LFMG ne visait pas à élargir de manière généralisée les conditions de réexportation d'armement mais uniquement à permettre aux Etats qui font face à l'agression militaire d'un autre Etat d'utiliser du matériel produit en Suisse pour se défendre.
Une minorité de la sous-commission a également proposé une variante qui ne comprenait pas de clause rétroactive en affirmant que cette disposition contrevenait aux principes du droit de la neutralité puisqu'elle avait été rédigée uniquement pour que les alliés de l'Ukraine puissent la soutenir en lui livrant des armes suisses, favorisant ainsi un camp au détriment de l'autre. Par ailleurs, ils ont affirmé qu'il était contraire aux pratiques commerciales de la Suisse de modifier a posteriori les clauses de contrats signés avec des partenaires étrangers. Cette variante a été rejetée par 11 voix – et la voix prépondérante de la présidente – contre 11 et 3 abstentions.
Une autre proposition envisageait de créer un nouvel article 32a dans la LFMG, afin que les autorités puissent définir de manière plus rigoureuse quels pays auraient pu jouir des exceptions prévues dans les articles 15, 16a et 20 de la LFMG. La liste établie par le Conseil fédéral aurait été adaptée tous les 5 ans. En effet, pour les partisans de cette variante, l'annexe 2 de l'Ordonnance sur le matériel de guerre (OMG) n'était pas suffisante notamment parce qu'elle n'a pas été révisée depuis 1999. La majorité de la sous-commission a estimé que de telles dispositions limiteraient la marge de manœuvre dont doit disposer la Conseil fédéral et s'y est donc opposée par 16 voix contre 8 et aucune abstention.
Le projet final, élaboré par la sous-commission, contient les dispositions suivantes :
Premièrement, les déclarations de non-réexportation signées par les pays énumérés dans l'annexe 2 de l'Ordonnance sur le matériel de guerre – ceux dont le régime de réexportation est semblable à celui de la Suisse et qui partagent ses valeurs – deviennent caduques après un délai de 5 ans.
Deuxièmement, ces pays ne peuvent réexporter du matériel militaire vers un autre Etat que si celui-ci n'est pas en guerre, s'il ne viole pas gravement les droits de l'homme et si cet armement n'est pas utilisé contre sa population civile.
En outre, une exception aux critères de réexportation mentionnés ci-dessus est possible dans le cas où un Etat est impliqué dans un conflit armé contre son gré, à la suite de l'agression militaire d'un autre Etat.
Troisièmement, une disposition transitoire avec effet rétroactif rend caduques toutes les déclarations de réexportation signées par des Etats de l'annexe 2 de l'OMG 5 ans avant l'entrée en vigueur des modifications apportées à la LFMG.
La consultation ne concerne que la modification des conditions de réexportation de matériel militaire. Les conditions d'exportation de matériel militaire font elle l'objet d'une consultation organisée dans le cadre du projet de mise en œuvre de la motion 23.3585. La phase de consultation s'étend du 28 juin au 21 octobre 2024.

La confédération et les chars Leopard

Les chars de l’armée Suisse ont secoué, pour deux raisons, les médias entre avril et juillet 2023. Premièrement, dans le cadre du message de l'armée 2023, les parlementaires ont souhaité revendre 25 chars Leopard 2 à son fabriquant, l'Allemagne, sous condition qu'ils ne soient pas envoyés en Ukraine. Ces chars prendront les places vides laissées par les chars allemands livrés à l'Ukraine. Deuxièmement, un scandale a éclaté autour des chars Leopard 1 stockés en Italie.
Au sujet du premier débat, pour Mario Stäuble, chef de la rubrique nationale chez Tamedia, la revente des 25 Leopard 2 est en quelques sorte un signal qui envoie un message important à la communauté internationale. Il a aussi souligné que cette action n'enfreint pas la neutralité. Si l'on en croit les réactions du lectorat du Blick, publiées dans l'édition du 26 mai, le débat semble cependant plus compliqué qu'il n'y paraît. Alors que certains applaudissent la position du Conseil fédéral, d'autres se montrent reconnaissants de l'opposition unique d'Albert Rösti. De plus, la remise en question de la «soumission du gouvernement» face aux pressions internationales ou encore, de la fragilisation de la neutralité suisse rythment les commentaire. Selon le Blick du 27 mai, l’air serait en train de changer sous la coupole fédérale, évoquant un «Paradigmenwechsel». La revente des Leopards 2 et les discussions autour de la reconstruction de l’Ukraine ont mené Kurt Fluri (plr, SO) à affirmer: «Für mich ist das eine nicht deklarierte Strategieänderung des Bundesrats.» Il a aussi mentionné que la pression — de l'UE, de l'OTAN et des Etats-Unis — aurait poussé les Sept sages à devenir créatif. Pour les voix plus critiques, la stratégie suivie par la Confédération interroge. En effet, alors qu’un budget plus élevé a été accordé à la Grande Muette pour renforcer par exemple ses réserves d’armes, celle-ci se verra séparée d’une partie de son armement.
Ce débat autour de la revente d'arme de l'armée suisse ne connaît pas encore de point final. Les investigations autour des Leopard 1 et l'aide humanitaire envoyée en Ukraine devraient continuer d'animer les débats dans la presse et sous la coupole fédérale.

Roulement de tambours : les Leopard 2 n'étaient pas les seuls à mobiliser les médias en 2023. En effet, leurs prédécesseurs, les Leopard 1 ont eux aussi agité les plumes médiatiques. En février 2023, RUAG a déposé une demande au SECO pour réexporter 96 Leopard 1, entreposés en Italie et en mains suisses depuis 2016. Entre l'acquisition et les réparations des chars, les Pays-Bas, le Danemark et l'Allemagne seraient impliqués. Les trois pays européens prévoyaient de réexporter les Leopard 1 vers l'Ukraine après les avoir remis en état. En mars 2023, le SECO ainsi que Viola Amherd s'y sont opposés, avançant que la neutralité et la LFMG ne le permettaient pas. Pourtant, RUAG n'a pas coupé court aux négociations et les espoirs néerlandais, danois et allemands ont été alimentés. C'est pourquoi, après l'analyse de plusieurs expert.e.s — du DFAE, chapeauté par Ignazio Cassis, et du DFJP, dirigé par Elisabeth Baume-Schneider —, l'affaire est passée devant le Conseil fédéral le 28 juin 2023. Ce dernier a alors définitivement refusé la demande de réexportation. Le groupe RUAG est une entreprise publique. Le Conseil fédéral ne peut donc pas autoriser la réexportation des chars Leopard 1 sans mettre en péril la neutralité helvétique. A la suite de la décision fédérale, les Pays-Bas se sont montrés déçus, mais ont annoncé comprendre la décision suisse, comme le rapportait le Tages Anzeiger du 29 juin. La NZZ du 31 juillet est revenue sur l'affaire et a questionné la crédibilité de Viola Amherd, rappelant que lors de l'acquisition des F-35A, des espoirs similaires vis-à-vis des autres avions en course — les Rafale français — étaient nés. De plus, c'est à la suite de cette affaire que RUAG a vu sa direction changer de tête.

Alors que le deal autour des Leopard 1 a été stoppé par le Conseil fédéral en juin, le Tages Anzeiger du 25 août évoque une affaire de corruption liée à RUAG et l'acquisition de 25 des 96 chars par l'Allemagne en 2019. Même si, les chars n'ont jamais été récupérés en Italie, bien que payés. Donc la question persiste: qui est propriétaire de ces Leopard 1? Une prise de position dans la NZZ décrédibilise la situation, soufflant que l'histoire sortirait tout droit d'une aventure de Tintin et rappelle l'ironie en soulignant que l'entreprise appartient entièrement à la Confédération. Le DDPS et RUAG ont demandé une expertise extérieure et averti la commission de contrôle du Parlement afin de déterminer la suite des événements. Un article du Temps datant du 22 août met d'ailleurs en lumière la colère des parlementaires suisses. Pour Fabien Fivaz (vert-e-s, NE), il existe un dysfonctionnement profond dans la gouvernance de RUAG : «C’est le moment de clarifier les responsabilités, surtout dans une entreprise avec une telle portée stratégique, et de se poser la question de savoir si RUAG doit rester privée au regard des contraintes qui lui sont imposées.» Jean-Luc Addor (udc, VS) l'a rejoint en affirmant que des instructions claires devaient être données à RUAG. Par la suite, La Liberté a annoncé, en décembre 2023, que la société allemande qui aurait racheté les chars en 2019, a obtenu gain de cause par un tribunal italien. Cependant, RUAG a affirmé que la décision n'était pas encore officielle, comme la procédure était unilatérale. Viola Amherd a ouvert une enquête sur les circonstances d'achat des 96 Leopard 1 par la Suisse à l'Italie en 2016. Jusque-là, il a été considéré que les engins ont été achetés et entreposés en Italie pour leurs pièces de rechange.

Alors que l’exportation d’armes vers l’Ukraine reste impossible pour la Suisse, l'aide humanitaire à destination de ce pays n'est pas remise en question. En effet, comme l'a mentionné Roland Fischer (pvl, LU) dans la Luzerner Zeitung du 30 mai, l'agression russe enfreint le droit international en plus de manquer aux «valeurs démocratiques, libérales et de l'Etat de droit de l'Europe», ce qui, selon lui, nécessite une action.
Il a ainsi évoqué la motion de Mathias Zopfi (vert-e-s, GL) (23.3056) qui vise à mettre quelques CHF 5 milliards à la disposition de l'aide humanitaire à destination de l'Ukraine. «Nach über einem Jahr Krieg sollten wir endlich anfangen zu handeln», affirmait le sénateur Zopfi dans le Tages Anzeiger du 6 juin. Sa motion s'inscrit dans le contexte d'une étude venant de Kiel. Cette dernière a établi un classement de 40 pays relatif à l'aide qu'ils ont fournie à l'Ukraine, à la suite de l'agression russe. La Suisse se situe à la 27ème place. Le DFAE rappelle que la base statistique de l'étude prend en compte l'aide militaire. Comme la Suisse ne peut pas s'y soumettre en raison de sa neutralité, il faudrait plutôt se baser sur les statistiques de l'OCDE, qui placent la Suisse au 9ème palier de l'échelle.
En citant Fabien Fivaz (vert-e-s, NE), un article de La Liberté datant du 5 juin va au-delà du débat sur l'aide humanitaire: «Les enjeux de tous ces votes dépassent largement la question des armes. Ils interrogent la place de la Suisse dans le monde. Nous n'échapperons plus très longtemps à un vrai débat sur la neutralité.» L'article a aussi mentionné la position critique de François Pointet (pvl, VD) qui considère que les conseillers fédéraux pensent plus à leur réélection qu'aux intérêts du pays.
Dans la NZZ du 3 juillet, un historien écrivait au sujet d'une affaire politique entre la Suisse et l'Italie remontant à 1935, afin de questionner l'invocation de la convention de la Haye – convention internationale régulant la guerre et la paix – pour justifier une action dite de politique de neutralité. En effet, en 1935, l'Italie fasciste a été qualifiée d'agresseur par la Société des Nations (SdN) après avoir envahi l'Empire d'Abyssinie en Afrique. La Suisse, étant membre de la Société des Nations, aurait dû reprendre les sanctions économiques prescrites par cette organisation. Mais elle avait alors invoqué sa neutralité et s'était référée à la convention de la Haye pour ne pas le faire, car elle craignait des complications économiques et militaires pour le sud du pays. Nikolaos Politis, qui représentait alors la Grèce à la Société des Nations, avait critiqué cette décision.
Le quotidien zurichois a questionné les actuelles références à la convention de la Haye – qui n'a pas été réactualisée depuis 1907 – pour justifier les actions helvétiques vis-à-vis du conflit entre la Russie et l'Ukraine. La Suisse serait ainsi complice de l'agresseur. « Zu Recht stösst diese «Neutralität nach Schweizer Art» (Bundesrätin Karin Keller-Sutter) im demokratischen und friedfertigen Ausland auf Kopfschütteln und Unverständnis.» Selon les auteurs de l'article, le dysfonctionnement de la neutralité ne serait plus justifiable – relativement à la mise en doute de la convention de la Haye, la position face à la guerre en Ukraine et les exportations de matériel de guerre. C'est pourquoi la Suisse devrait redéfinir sa neutralité en se basant sur différents documents comme la charte de l'ONU, les contrats sur les droits de l'Homme ou la Constitution, tout en gardant en tête ses intérêts sécuritaires. «Die Schweiz muss aufhören, weiterhin das tote Ross der Haager Konvention zu reiten.»
En conclusion, l'exportation et la réexportation de matériel de guerre restent au cœur des débats, rythmés par des visions de la neutralité variées. Les positions ayant parfois changé, sans que la neutralité n'ait trouvé une nouvelle définition, la Suisse évolue dans une aire politique marquée par la pression internationale et le risque d'affaiblir ses liens internationaux.

Ruag, une histoire de poste

Dossier: La neutralité suisse

Au printemps 2023, des propos de Brigitte Beck, directrice générale de RUAG MRO Holding AG ont déchaîné les plumes médiatiques. L'épisode entraînera, par la suite, son départ de l'entreprise partenaire de l'armée suisse. Dans le contexte tendu de la guerre en Ukraine, la directrice de l'entreprise active dans l'armement, en poste depuis l'été 2022, aurait «beaucoup trop» parlé dans la presse, a rapporté la NZZ du 12 mai 2023 à la suite de propos qu'elle aurait tenu concernant la politique d'exportation d'armes de la Suisse. De plus, le journal zurichois a remis ses compétences en question, en évoquant notamment sa manière de s'exprimer et le nombre d'anglicismes qu'elle utilise en publiant: «Vielleicht, weil das Manager so machen. Oder weil sie als «Betriebswirtschafterin durch und durch» damit Wissenslücken in ihrem neuen Fachgebiet überdecken will. Man weiss es nicht so genau.»
La polémique prend ses racines dans une interview que la directrice de RUAG a accordée au groupe CH Media. Après l'interview, Brigitte Beck a fait pression pour que l'article ne soit pas publié. Pour expliquer cette manœuvre, la NZZ a supposé que, durant l'interview, la cheffe aurait tenu des propos dégradants pour sa propre image, et pour celle de l'entreprise. De son côté, le Tages-Anzeiger a soutenu qu'elle avait pris position sur des questions hautement débattues et sans filtrer ses propos. Cette erreur serait à mettre sur le compte d'un manque d'expérience avec les médias car cette interview aurait été la première de sa carrière, d'après le quotidien zurichois. Cependant, l'histoire ne s'arrête pas là. Quelques temps après, Brigitte Beck a participé à une table ronde, lors de laquelle elle a affirmé: «Deutschland, Dänemark oder Spanien sollten «das Zeugs» doch einfach in die Ukraine schicken», au sujet de quelques 12'400 munitions 35-mm pour des chars Gepard ou des chars Piranha-3. A partir de ce moment, les articles de presse ont déferlé. La directrice a exposé un avis personnel pour évoquer les difficultés auxquelles RUAG fait face en raison de la politique de neutralité poursuivie par la Confédération. Cette dernière empêche les acheteurs de réexporter leurs acquisitions sans l'accord de la Suisse, rendant les offres de RUAG moins attrayantes pour les acheteurs étrangers. Alors que les relations avec l'Europe sont tendues avec la guerre en Ukraine, la neutralité suisse est sans cesse remise en question. Les propos tenus par Brigitte Beck lors de cette discussion ouverte ont mal été digérés par la politique suisse. D'après plusieurs politiciens, la directrice d'une entreprise fédérale ne devrait pas contredire ouvertement la position tenue par le pays. Par exemple, le politicien Mauro Tuena (udc, ZH) a affirmé que Brigitte Beck n'avait pas à s'immiscer dans des questions politiques. En outre, «pro Schweiz» – mouvement proche de l'UDC – a demandé le retrait de cette dernière. Dans la foulée, une étude interne à RUAG a été conduite et a conclu qu'aucune faute n'avait été commise par la directrice, bien que le président du conseil d'administration de l'entreprise Nicolas Perrin se soit dit «mécontent». Toutefois, comme la polémique persistait, Brigitte Beck a finalement annoncé sa démission en août 2023. Elle a déclaré à La Liberté que sa décision «doit permettre à RUAG de se concentrer à nouveau sur ce qui est vraiment important, à savoir les affaires». Au final, la NZZ a soulevé que des discussions autour de la privatisation de l'entreprise pourraient naître de cette polémique dans un avenir proche.