Révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH) (MCF 95.059)

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La chambre haute a transmis comme postulat la motion Schüle (prd, SH) (Mo. 92.3199) qui charge le Conseil fédéral d'entamer la révision de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques afin de supprimer la limitation fédérale de la redevance annuelle. Le Conseil national a fait de même avec les motions Columberg (pdc, GR) (Mo. 92.3279) et Danuser (ps, TG) (Mo. 92.3274) dont les objectifs étaient similaires à celle de Kurt Schüle.

Depuis que les Chambres fédérales ont transmis en 1992 comme postulat une motion (Mo. 92.3199) demandant au Conseil fédéral de supprimer la limitation fédérale des redevances hydrauliques annuelles versées aux cantons par les utilisateurs des ressources hydrauliques, la libéralisation des redevances a suscité plusieurs prises de position et études. En raison du niveau relativement bas de la limite fixée par la Confédération, l'électricité produite par les grandes installations hydrauliques des cantons alpins, dont provient environ 60% de l'électricité consommée en Suisse, reste extrêmement bon marché par rapport à l'électricité d'origine nucléaire. Selon une étude de plusieurs économistes de l'Université de Bâle, l'augmentation des redevances hydrauliques versées par les utilisateurs — les sociétés électriques — aux autorités cantonales auraient des effets positifs pour les cantons alpins et les finances fédérales. Au niveau de la politique énergétique, la hausse des redevances, et par conséquent du prix de l'électricité, inciterait les consommateurs à devenir plus économes, mais pourrait aussi favoriser le recours à d'autres agents énergétiques. D'après les calculs des économistes bâlois, la limite des redevances hydrauliques actuellement en vigueur serait en termes réels environ cinq fois inférieure à celle fixée en 1916 qui n'a été que partiellement réadaptée depuis lors; au cas où la limite des redevances hydrauliques était intégralement adaptée au renchérissement du coût de la vie de ces dernières décennies, le montant total versé aux cantons alpins par les sociétés électriques pourrait passer de CHF 257 millions à CHF 1,29 milliards. Sans surprise, les représentants des sociétés électriques ont annoncé qu'elles s'opposaient à une libéralisation totale des redevances. A ce sujet, le Conseil national a approuvé une motion Bürgi (pdc, SZ) (Mo. 93.3207), cosignée par 101 députés, qui charge le Conseil fédéral de procéder à une révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques datant de 1916. Ce texte demande que les usines d'une puissance inférieure à 1000 kilowatts soient exemptées de la redevance. Début novembre, le Conseil fédéral a mis en consultation un projet de révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques. Conformément à la motion Bürgi, le projet prévoit que les exploitants de petites centrales hydro-électriques soient exemptées du paiement de la redevance annuelle. En revanche, la limite de la redevance pour les centrales d'une puissance supérieure à 1000 kilowatts devrait passer de CHF 54 par kilowatt à CHF 70.

La procédure de consultation relative à la révision totale de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques a donné lieu à des prises de position divergentes, principalement en ce qui concerne la limite de la redevance hydraulique pour les centrales d'une puissance supérieure à 1000 kilowatts. La proposition du Conseil fédéral de porter le niveau supérieur de cette redevance de CHF 54 à 70 par kilowatt de puissance brute a été jugée satisfaisante par 11 cantons. Si l'UDC, le PRD, le PS et les Verts se sont également déclarés en accord avec le projet du gouvernement, ils ont néanmoins tous souhaité qu'une augmentation plus conséquente de la redevance intervienne dans le futur. De leur côté, les cantons alpins - à l'exception de Nidwald et de Schwytz - ont proposé que celle-ci s'élève à CHF 80. Egalement partisan d'une augmentation plus importante, le PDC a requis des autorités fédérales qu'elles doublent le montant de la redevance hydraulique. Quant à l'ensemble des membres concernés du Vorort, ils se sont unanimement opposés à la hausse prévue par le gouvernement qui, selon eux, entraînera un surcroît de charges pour les consommateurs d'énergie. Etant donné que le projet de révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques reprend les dispositions contenues dans la motion du conseiller national Bürgi (pdc, SZ) (Mo. 93.3207), le Conseil des Etats a décidé de transmettre cette dernière sous la forme d'un postulat.

Mis en consultation entre 1993 et 1994, le projet de refonte totale de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques n'a pas rencontré une large approbation. Considérant que la réglementation actuelle a fait ses preuves, la majorité des milieux consultés ont en effet demandé que les autorités fédérales ne procèdent, en la matière, qu'aux modifications strictement nécessaires. Conformément à cette volonté, le Conseil fédéral n'a dès lors transmis aux Chambres qu'un projet de révision partielle de la LFH dont l'une des modifications essentielles porte sur l'augmentation du taux maximal de la redevance hydraulique annuelle de CHF 54 à 70 pour les centrales d'une puissance supérieure à 1'000 kilowatts. En adaptant ce taux maximal, le gouvernement a donc opté pour le maintien du système actuel, malgré de nombreuses prises de position – dont celle de la Conférence gouvernementale des cantons alpins – en faveur d'une libéralisation à long terme dans ce domaine. Jugée prématurée, une telle déréglementation pourrait cependant être envisagée dans le cadre du nouveau projet de loi relatif à la redevance hydraulique qui sera présenté lorsque, d'une part, les travaux en cours sur le nouveau régime de péréquation financière seront achevés et que, d'autre part, les problèmes liés aux efforts tendant à la libéralisation du marché de l'électricité en Europe auront été éclaircis. Hormis ces dispositions relatives à la redevance, le projet de révision de la LFH comprend une augmentation de la compensation pour pertes d'impôts et un ensemble de règles relatives à la transformation des aménagements hydro-électriques. Quant aux dispositions concernant la protection du tracé des voies navigables, elles ont été reformulées dans le sens d'un assouplissement. La réglementation envisagée crée finalement les bases légales nécessaires à l'accomplissement des tâches de la Confédération en matière d'hydrométrie et permet d'adapter la loi actuelle aux modifications d'autres actes législatifs et au droit européen. Prenant position sur le projet du Conseil fédéral, l'Union des centrales suisses d'électricité a déclaré que l'augmentation de la redevance menaçait la compétitivité des centrales hydro-électriques suisses. Quant aux cantons alpins, ils ont estimé que la hausse consentie n'était pas suffisante. Ils ont dès lors invité le parlement à la porter à CHF 80 au lieu des 70 retenus.

Le Conseil national a transmis comme postulat une motion Epiney (pdc, VS) (Mo. 95.3141) invitant le Conseil fédéral à proposer, dans le cadre de la révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH), certaines modifications en vue de valoriser l'énergie hydro-électrique. En optant pour la forme moins contraignante du postulat, la Chambre du peuple a ainsi suivi la proposition du Conseil fédéral qui a tenu à rappeler que les demandes du motionnaire seraient de toute façon traitées dans le cadre de la révision partielle de la LFH en cours.

La révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques a sans conteste constitué l'enjeu majeur de la politique énergétique suisse durant l'année 1996. Au centre des discussions particulièrement enflammées qui ont animé les Chambres fédérales durant plusieurs jours a bien évidemment figuré le problème de l'augmentation des redevances hydrauliques que les exploitants des centrales hydroélectriques se voient contraints de verser annuellement aux cantons de montagne pour l'utilisation de leurs ressources publiques en eau. Le débat sur cette question a principalement opposé deux coalitions regroupant, pour l'une, les représentants des milieux industriels et de l'économie électrique, et pour l'autre, les représentants des cantons alpins – toutes tendances partisanes confondues – ainsi que des partis de la gauche en général qui, en contrepartie de leur soutien aux revendications des cantons de montagne, ont obtenu de ceux-ci la reprise des discussions devant conduire à terme à la ratification de la Convention des Alpes.
Première des deux Chambres à se prononcer sur cet objet, c'est à l'issue d'un débat fleuve que le Conseil des Etats a décidé – conformément à une proposition issue de la majorité de sa Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie – de porter le montant de la redevance annuelle à CHF 80 par kilowatt de puissance brute, soit une augmentation de CHF 10 par rapport aux CHF 70 retenus initialement par le Conseil fédéral. Les deux propositions des minorités Iten (prd, ZG)/Forster (prd, SG) et Leumann (prd, LU)/Cavadini (pl, NE) – l'une demandant que les sénateurs s'en tiennent au projet du gouvernement, l'autre prévoyant d'arrêter le montant de la redevance à CHF 60 jusqu'à la fin de l'an 2000, puis à CHF 70 francs dès 2001 – devaient ainsi être rejetées plus ou moins nettement. Parmi les partisans de la plus forte hausse ont bien évidemment figuré les députés des cantons alpins qui ont mis l'accent sur le fait que les CHF 80 retenus permettront d'améliorer la capacité financière endogène des cantons de montagne, puisque cette augmentation devrait leur permettre de se partager annuellement quelque CHF 130 millions de recettes supplémentaires. Leurs arguments se sont heurtés à ceux des défenseurs des intérêts des milieux industriels et énergétiques en particulier qui ont fait valoir qu'un pareil accroissement du montant de la redevance nuirait à la compétitivité de la place économique helvétique et menacerait par là-même le maintien de places de travail dans le pays. Si par sa décision relative à la redevance hydraulique la Chambre haute a ainsi fait une importante concession aux revendications des cantons de montagne, les sénateurs ont en revanche refusé à une faible majorité de permettre à ces derniers de prélever un supplément de CHF 40 au plus par kWh pour les bassins d'accumulation. La proposition du député socialiste Onken (TG) – aux termes de laquelle la Confédération est habilitée à percevoir un franc au plus par kilowatt pour dédommager les collectivités publiques qui renoncent à l'utilisation de la force hydraulique pour des motifs de protection de la nature et du paysage – a été par contre acceptée assez largement. Lors du vote sur l'ensemble, la petite Chambre a finalement adopté par 29 voix contre 10 la révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques qui, hormis les dispositions relatives à la redevance, introduit également de nouvelles prescriptions en matière de compensation pour pertes d'impôts, de transformation des aménagements hydro-électriques ainsi que de navigation et de protection du tracé des voies navigables.
C'est à l'issue d'un débat tout aussi animé, au cours duquel les arguments déjà invoqués au sein du Conseil des Etats devaient être repris par de nombreux députés, que le Conseil national a à son tour décidé d'augmenter la redevance hydraulique de CHF 54 à 80 par année, et ce malgré les menaces de référendum proférées peu auparavant par les milieux industriels et électriques. L'ensemble des propositions visant à consentir des hausses plus modérées – telle que celle de la majorité de la Commission de l'énergie (CHF 70, puis progressivement CHF 80 au cas où la situation économique l'aurait permis) ou encore celle défendue par la majorité du groupe de l'UDC (CHF 60 au plus jusqu'à la fin de l'an 2000, puis CHF 70 dès 2001) – a ainsi été balayé par le front uni composé des représentants des cantons alpins et des partis de la gauche en général. Le même sort devait être réservé à la position défendue par la majorité des groupes radical et libéral, favorables aux CHF 70 retenus dans le projet du gouvernement. Concernant le supplément pour les ouvrages de retenue, la Chambre du peuple s'est ralliée de justesse à la décision du Conseil des Etats, puisqu'il a fallu que ce soit le président de l'Assemblée fédérale, le libéral vaudois Jean-François Leuba, qui départage les partisans et opposants à ce prélèvement supplémentaire. C'est en revanche à une assez large majorité que les députés du Conseil national ont à leur tour accepté d'autoriser la Confédération à percevoir un franc par kilowatt pour assurer les montants compensatoires attribués aux cantons ou communes qui renoncent à exploiter un cours d'eau à des fins énergétiques.
La Chambre du peuple ayant introduit certaines modifications d'importance mineure par rapport à la version adoptée par le Conseil des Etats, une procédure d'élimination des divergences a dès lors été instituée. Principal objet de dissension entre les deux Chambres, l'éventuelle exemption totale ou partielle de la redevance pour les petits aménagements hydro-électriques à laquelle tenaient les sénateurs devait finalement trouver également un écho favorable auprès du National.

N'ayant pas suscité le lancement d'un référendum, la version révisée de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques est entrée en vigueur au 1er mai de l'année sous revue. Rappelons que celle-ci consacre l'augmentation de CHF 54 à 80 du montant annuel maximal de la redevance que les cantons de montagne sont autorisés à prélever sur chaque kilowattheure de puissance brute produit à partir de leurs ressources en eau.