Massnahmen des Bundesrats zur Stärkung der Stabilität der Banken (2025)

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Alors que le Conseil fédéral se préparait à annoncer les lignes directrices de la régulation des banques d'importance systémique après la chute de Credit Suisse, l'UBS, principale concernée, a clamé son opposition au durcissement envisagé des exigences en matière de fonds propres. Lors de l'assemblée générale début avril 2025, le président Colm Kelleher s'est montré inquiet pour la compétitivité internationale de la banque, déjà soumise à «certaines des exigences en matière de capitaux propres les plus strictes du monde», selon lui. Devant les actionnaires, l'Irlandais a mis un point d'orgue à rappeler l'importance de l'institut dans le système financier helvétique. Un tiers des ménages suisses sont clients de l'UBS, tout comme 200'000 PME et plus de 90 pour cent des grandes entreprises. La banque est en outre le troisième plus gros employeur privé du pays, ainsi qu'un contributeur fiscal très important. Le message à lire entre les lignes était, selon la NZZ, «vous ne pouvez pas vous passer de nous».
Laissant planer la rumeur d'un éventuel déménagement à l'étranger, les dirigeants de l'UBS ont tenté de faire pression sur la sphère politique au cours du printemps. Le directeur Sergio Ermotti a confirmé cette volonté de s'impliquer dans les débats sur la régulation des banques dans la presse, déclarant vouloir montrer les bénéfices pour la Suisse d'une grande banque consciente des risques et compétitive à l'échelle mondiale. Selon le Sonntagsblick (25.5), les dirigeants de l'UBS – Ermotti, Kelleher ainsi que le vice-président Lukas Gähwiler et le membre de la direction Markus Ronner – ont pu rencontrer début avril 2025 une délégation composée notamment de la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter, des conseillers fédéraux Guy Parmelin et Albert Rösti, ainsi que du président de la BNS Martin Schlegel et de la présidente de la FINMA Marlène Amstad. Cette rencontre au sommet avec trois membres du gouvernement constituait, d'après le journal dominical, une exception absolue dans le fonctionnement de la politique helvétique.
Responsable du dossier à l'exécutif, Karin Keller-Sutter s'est pourtant montrée inflexible face aux revendications de la banque. Elle a adhéré aux conclusions du rapport de la Commission d'enquête parlementaire (CEP), selon lesquelles les raisons de la chute de Credit Suisse se trouvent non seulement dans des problèmes de management, mais aussi dans un manque de capital propre, en particulier dans les filiales à l'étranger. Ainsi, des mesures pour une capitalisation complète des filiales dans les fonds propres de l'entreprise mère en Suisse semblaient se profiler.

Comme anticipé dans la presse, les grandes lignes des mesures destinées à renforcer la stabilité des banques, communiquées début juin par le Conseil fédéral, contenaient une hausse des exigences en matière de fonds propres pour les banques d'importance systémique (EBIS). Parmi les nombreuses mesures prévues, c'est celle-ci qui a suscité le plus de réactions dans la sphère publique, et en particulier de la part de l'UBS, principale concernée. Le feuilleton ne fait que commencer, puisque le Parlement aura son mot à dire à ce sujet, s'agissant d'une modification de la loi. Toutes les mesures, que ce soit des modifications de loi ou d'ordonnance, seront mises en consultation au préalable.

Dans le but d'améliorer le dispositif «too-big-to-fail», le Conseil fédéral s'est appuyé, d'une part, sur son rapport d'avril 2024 sur la stabilité des banques, et, d'autre part, sur le rapport de la Commission d'enquête parlementaire (CEP) de décembre 2024. Trois priorités ont été identifiées pour renforcer la place financière et diminuer les risques pour l'Etat, les contribuables et l'économie suisse. Il s'agit de «renforcer la prévention, renforcer les liquidités et augmenter les instruments à disposition en cas de crise». Dans l'aspect préventif, une nouvelle mesure clé doit être l'instauration d'un régime de responsabilité: les banques devront indiquer à l'avenir quelles personnes prennent quelles décisions, afin d'imputer clairement la responsabilité d'un comportement fautif à l'individu concerné et prendre des sanctions en conséquence. Il pourra s'agir de la restitution de rémunérations variables déjà versées ou de la réduction voire la suppression de bonus, ce qui n'avait pas été possible lors de la faillite de Credit Suisse, faute de base légale, a indiqué Le Temps (7.6.). En outre, les compétences de la FINMA en termes de surveillance des marchés financiers vont être élargies. Celle-ci pourra, si cela est confirmé par le législatif, ordonner des mesures d'intervention plus rapidement et de manière plus efficace, prononcer des sanctions administratives pécuniaires contre les établissements manquants à leurs obligations, et retirer l'attestation d'une activité irréprochable ou prononcer une activité d'exercer. Pour le renforcement des liquidités, la BNS proposera des possibilités d'approvisionnement étendues grâce à une simplification des transferts de sûretés pour les banques. En ce qui concerne les instruments à disposition en cas de crise, le Conseil fédéral a prévu d'améliorer le plan de stabilisation et de liquidation des banques d'importance systémiques, inscrivant de nouvelles solutions de liquidation dans la loi.

Mais parmi ces mesures, c'est donc l'obligation pour les banques d'importances systémiques de déduire de leurs fonds propres la valeur comptable des participations qu'elles détiennent dans des filiales étrangères qui a fait couler le plus d'encre. Actuellement, les banques suisses ne doivent que partiellement couvrir leurs participations dans des filiales à l'étranger par des fonds propres. Ainsi, si une filiale perd beaucoup de valeur, la banque mère, en Suisse, enregistre une diminution de ses fonds propres, qui ne sont pourtant pas destinés au financement des filiales. La banque mère ne dispose donc plus de ces fonds lorsqu'elle doit couvrir ses propres risques opérationnels, ce qui peut restreindre considérablement sa marge de manœuvre. En obligeant les banques à une capitalisation complète de leurs filiales dans les fonds propres, le Conseil fédéral veut éviter que les difficultés de filiales étrangères n'aient d'impact sur les fonds propres de base dur (common equity tier 1, CET1) de la banque, à l'image de ce qui était arrivé à Credit Suisse. Dans son communiqué de presse, le Conseil fédéral a précisé renoncer à des mesures visant à un relèvement général des exigences en matière de fonds propres. En d'autres termes, il ne s'agit pas d'une hausse du ratio de fonds propres, mais d'une application du ratio actuel à toutes les échelles. Des délais transitoires relativement longs seront accordés aux banques afin de se conformer aux exigences de fonds propres.

Ces révisions de lois seront mises en consultation dans deux projets distincts. Le premier traitera de la modification des exigences en termes de fonds propres, le second des autres mesures. Dans le même temps, des modifications d'ordonnances seront soumises à consultation. L'ordonnance sur les fonds propres (OFR) sera modifiée afin d'instaurer des règles plus strictes concernant l'évaluation des actifs dont la valeur est insuffisante durant une crise, comme des logiciels ou des créances fiscales latentes. Des ajustements seront également apportés à l'ordonnance sur les liquidités (OLiq), afin que les banques en difficulté fournissent régulièrement des informations complètes et à jour, ainsi que des scénarios d'analyse sur l'état de leurs liquidités. Cela permettra une évaluation en tout temps de la part de la FINMA ou des autres autorités de régulation.

Sans surprise, l'UBS a été très critique envers la mesure de capitalisation complète des filiales étrangères dans les fonds propres, estimant que cela nuirait à sa compétitivité en raison des montants importants qui devraient être levés, estimés à CHF 20 milliards. En parallèle, l'Association suisse des banquiers a qualifié le paquet de mesures de «surchargé»: trop de nouvelles réglementations, avec un champ d'application trop large. Dans son communiqué de presse, la faîtière du secteur bancaire a regretté qu'on réagisse «à une crise au sein d'une seule banque, imputable à cette banque elle-même, par une vague réglementaire touchant toutes les banques». A l'inverse, la présidente de la CEP et sénatrice Isabelle Chassot (centre, FR) a salué des mesures «ciblées et pertinentes, faisant écho aux recommandations, motions et postulats de la commission d'enquête». Le Conseil fédéral a en effet précisé que ces interventions seront intégrées dans les projets de révision de la loi et des ordonnances. La sénatrice Chassot a cependant regretté que le Conseil fédéral renonce à régler la question des fonds propres nécessaires pour les filiales à l'étranger par voie d'ordonnance, soulignant que le Parlement «a montré par le passé ne pas être à l'abri du lobbying dans ce dossier».

Le géant bancaire UBS peut-il vraiment quitter la Suisse ? Cette question a agité la sphère médiatique à l'automne 2025. Alors que le Conseil fédéral a ouvert la consultation relative à la Loi sur les banques (LB) et à l'Ordonnance sur les fonds propres (OFR), la banque aux trois clés a été très active dans les médias pour dénoncer la proposition de couverture totale des filiales étrangères par des fonds propres. Pour mettre la pression sur les autorités, elle a un temps laissé planer la menace d'un départ aux Etats-Unis.

La procédure de consultation durera jusqu'en janvier 2026. Le Conseil fédéral prévoit ensuite de publier son message au cours du premier trimestre. Le projet soumis à consultation comprend donc, comme prévu, l'obligation de couvrir 100 pour cent de la valeur comptable des filiales à l'étranger par des fonds propres durs (CET1), contre 45 pour cent jusqu'alors. Dans son communiqué de presse, le Conseil fédéral a exposé que la logique derrière ce changement consiste à pouvoir se séparer, ou encaisser la dépréciation en cas de crise, de filiales à l'étranger sans engendrer de conséquences négatives sur les fonds propres de la maison mère en Suisse. Il s'agit donc d'une protection pour les clients et les créanciers suisses contre les pertes subies à l'étranger. Le projet prévoit une phase de transition de sept ans. Au début de celle-ci, la couverture en fonds propres devra atteindre 65 pour cent de l'objectif, puis augmenter de 5 points de pourcentage par année jusqu'à atteindre 100 pour cent.
Affichant son soutien «à la plupart» des propositions, avec une mise en œuvre «ciblée» et alignée sur les normes internationales, UBS s'est en revanche montrée véhémente à l'encontre du renforcement des fonds propres, une mesure qualifiée d'«excessive et non conforme aux pratiques internationales», «complètement à côté de la plaque». Les médias ont rapportés qu'UBS se sentirait mal comprise avec cette volonté de la Confédération de lui serrer la ceinture. Aux yeux des dirigeants, le directeur général Sergio Ermotti en tête, les autorités devraient au contraire se sentir redevables du grand service rendu par UBS en sauvant Credit Suisse de la faillite et en évitant ainsi une crise financière.

C'est dans ce contexte que se sont répandues les rumeurs d'une rencontre, mi-septembre (avant l'ouverture de la consultation), entre le président d'UBS Colm Kelleher, Sergio Ermotti et les autorités américaines autour des possibilités d'UBS de racheter un concurrent américain et échapper aux réglementations suisses. Une phrase d'Ermotti lâchée dans une interview avec le média Bloomberg a attisé les bruits de couloir: «nous devons réfléchir à la manière de protéger les intérêts de nos actionnaires».
Des spécialistes interrogés par Le Temps (23.9) ont fait part de leurs doutes sur la faisabilité d'un tel déménagement. Au risque de perdre une partie de la clientèle asiatique et européenne dans un contexte géopolitique tendu, s'ajoutait le fait de renoncer à la stabilité politique de la Suisse, et à l'accès à une main-d'œuvre qualifiée locale et internationale. En outre, les charges sont plus élevées aux Etats-Unis dans le domaine de la gestion de fortune, division phare d'UBS. Enfin, il faudrait encore avoir les moyens de racheter les banques ciblées, à savoir la banque de New York (76.6 milliards de dollars de capitalisation) ou PNC Financial Services (81 milliards de dollars). La capitalisation d'UBS se monte à 135 milliards de dollars. Selon les personnes interrogées, d'autres options sont à disposition d'UBS pour augmenter ses fonds propres: la diminution progressive des activités risquées de Credit Suisse, le rapatriement de capitaux de filiales étrangères vers la holding suisse, la diminution des dividendes distribués aux actionnaires ou la réduction des programmes de rachat d'actions.

La rumeur a pris du plomb dans l'aile en octobre, lorsque Sergio Ermotti a déclaré qu'UBS n'avait jamais voulu quitter la Suisse. Le journal Le Temps (2.10) s'est néanmoins demandé si «l'attitude assez agressive» d'Ermotti était productive, dans un contexte déjà tendu avec le Conseil fédéral, et peu avant que les parlementaires ne se penchent sur le sujet. Le quotidien lémanique a quand même rappelé qu'Ermotti s'est déclaré en faveur «d'échanges plus constructifs avec la présidente de la Confédération». Toujours dans Le Temps (7.10), le professeur Aymo Brunetti, de l'université de Berne, a rappelé que la proposition du Conseil fédéral en matière de fonds propres n'impliquerait qu'une augmentation d'un point de pourcentage sur le ratio de levier («leverage ration CET1») d'UBS, qui atteindrait environ 6 pour cent, «un compromis très suisse compte tenu de la taille d'UBS, et en aucun cas une mesure extrême en comparaison internationale». L'article a également mentionné que les filiales d'UBS hors de la Suisse sont nettement plus importantes que celles dans le pays; compte tenu de la taille limitée du marché suisse, UBS s'est en effet développée à l'international. Ces filiales constituent donc un risque important en cas de difficulté pour la maison mère.