Reporter d'un an l'exigence de 3,5 pour cent de surfaces de promotion de la biodiversité dans les grandes cultures (Mo. 23.3846)

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Le Conseil fédéral avait décidé, dans le cadre de sa volonté de réduire les produits phytosanitaires et la réduction des rejets d'intrants fertilisants, d'instaurer une exigence de 3,5 pour cent de surfaces de promotion de la biodiversité dans les grandes cultures. Alors que cette mesure devait entrer en vigueur en 2023, la situation instable avec la guerre en Ukraine a incité le Conseil fédéral à la repousser à 2024. Selon l'USP et BioSuisse qui se sont exprimées ensemble à ce sujet au printemps 2023, la mise en oeuvre de cette mesure est complexe et prend du temps. Il a donc été demandé de repousser encore cette exigence d'une année supplémentaire, c'est-à-dire en 2025. Cette doléance a été reprise par la sénatrice saint-galloise Esther Friedli (udc, SG) qui suggère au Conseil fédéral de s'asseoir à une table avec les acteurs du terrain pour repenser cette mesure. Consciente de la nécessité de préserver la biodiversité, la sénatrice UDC rappelle toutefois que «auch bei gut gemeinten Massnahmen gilt: Gut gemeint ist nicht immer gut». Elle a ainsi évoqué des cas d'exploitations tentant de contourner la volonté du législateur, soit en cultivant des surfaces qui étaient jusqu'à présent dédiées à la biodiversité pour les utiliser dans un deuxième temps afin de répondre à ces nouvelles exigences, soit en n'annonçant plus les grandes surfaces agricoles, cette mesure ne s'appliquant qu'aux domaines possédant plus de 3 hectares de terres ouvertes. De plus, les producteurs de semences ont annoncé être proche de la rupture de stock s'agissant des semences pour les bandes fleuries. Toutes ces incertitudes pourraient finalement nuire à la biodiversité selon l'élue saint-galloise, car une bonne collaboration avec le monde agricole est nécessaire. Ses propos ont été suivis des prises de parole du centriste Othmar Reichmut (SZ) et de l'écologiste et paysanne Maya Graf (BL), tous deux en faveur de la motion. Cette dernière souhaite que cette année supplémentaire soit utilisée pour réfléchir à d'autres solutions, comme la prise en compte des cultures extensives ou des cultures mélangeant céréales et sous-cultures de fleurs.
Conscient des défis et des retours des acteurs sur le terrain, le conseiller fédéral en charge des questions agricoles, Guy Parmelin, a quand même demandé à la chambre haute de rejeter cette motion. Ses services s'attèleront, quoi qu'il arrive, à une adaptation de cette mesure pour 2025. La position du Conseil fédéral n'a été suivie que par 9 parlementaires issus du PLR et de la gauche, tandis que 30 autres sénatrices et sénateurs de droite comme de gauche ont soutenu la proposition Friedli.
À noter que ce n'est pas la première fois que cette mesure est débattue en chambre, alors que l'UDC avait convoqué une session extraordinaire sur l'approvisionnement du pays en denrées alimentaires en 2022 (au Conseil national et au Conseil des Etats). De plus, quelques jours avant les délibérations sur cette présente motion, la chambre haute rejetait une initiative déposée par le canton de Genève pour un abandon total de l'exigence des 3,5 pour cent.

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«Landwirte setzen ein erstes Zeichen» titre l'Aargauer Zeitung. Lors de la première session de cette nouvelle législature, les représentants et représentantes de l'agriculture conventionnelle se sont imposées sur le tout premier objet parlementaire débattu au Conseil national, qui demandait de repousser d'une année supplémentaire la mesure obligeant les agricultrices et agriculteurs à consacrer 3.5 pour cent des surfaces assolées à la promotion de la biodiversité. C'est une longue discussion politique qui s'achève ainsi, alors que cette mesure a été amplement débattue lors d'une session spéciale convoquée par l'UDC en 2022. Représentant la majorité de la CER-CN, Marcel Dettling (udc, SZ) — lui-même agriculteur — a énuméré les raisons pour lesquelles ce délai devait être instauré. Il a notamment parlé de la nécessité de prendre en compte une série de mesures déjà existantes mais non considérées dans le projet du Conseil fédéral. Le parlementaire agrarien a insisté sur les efforts d'ores et déjà fournis par l'agriculture s'agissant des surfaces dédiées à la biodiversité. Alors que les paysan.ne.s doivent dédier 7 pour cent de leurs surfaces à cet usage, la moyenne suisse atteint 19 pour cent par domaine. Repousser la mise en œuvre de cette mesure d'une année permettrait ainsi de réévaluer certains points et de clarifier la question des surfaces considérées pour le calcul de ces 3.5 pour cent.
Représentant la minorité, Kathrin Bertschy (pvl, BE) est revenue sur l'historique de cette mesure, rappelant qu'elle faisait partie d'un paquet de mesures qui servait de contre-projet informel à l'initiative sur les pesticides (initiative pour une eau potable propre et à l'initiative pour une interdiction des pesticides de synthèse). En connaissance de cause, le corps électoral avait alors rejeté ces deux initiatives. Ce que l'élue bernoise critique, c'est le non-respect des institutions et des processus démocratiques. Elle a également souligné les bénéfices d'une telle mesure pour l'agriculture, alors que les insectes auxiliaires permettent de lutter contre les nuisibles et d'ainsi réduire la quantité totale de pesticides déversés. Les agricultrices et agriculteurs pourraient ainsi économiser sur l'achat de ces produits. A la suite d'une question de Jacques Nicolet (udc, VD) sur la prétendue intelligence de cette mesure, alors qu'une quantité importante de céréales ne pourrait plus être produite, Kathrin Bertschy a rappelé qu'il s'agit pour les productrices et producteurs de déplacer les surfaces de promotion de la biodiversité à un autre endroit et non pas d'en créer des supplémentaires. Elle n'a pas hésité à l'attaquer sur les proportions dérisoires de ces surfaces en comparaison de celles dévolues à la production de fourrages animaliers, qui représentent 60 pour cent des surfaces arables totales.
Au nom du Conseil fédéral, le ministre en charge de l'agriculture, Guy Parmelin, s'est lui aussi opposé à la motion. Il s'agit, selon lui, d'être de bonne foi et de ne pas repousser d'une année supplémentaire cette mesure, alors que le monde agricole a d'ores et déjà bénéficié d'une année supplémentaire pour s'adapter. Il a d'ailleurs clamé que les cantons sont prêts, l'entrée en vigueur étant planifiée pour le mois suivant. Le ministre de l'agriculture a également tenu à évoquer le changement de position de Bio-Suisse et IP-Suisse, organismes qui représentent 50 pour cent des exploitations et qui avaient en premier lieu soutenu cette motion. Les deux organisations se sont par la suite toutefois rétractées dans une prise de position commune, s'opposant à un changement des règles au tout dernier moment. La plupart des exploitations se sont en effet déjà préparées pour 2024. Guy Parmelin a finalement assuré qu'une évaluation de cette mesure — suivie d'adaptations en 2025 si cela s'avérait nécessaire — interviendrait dès son application.
Une large majorité du Conseil national (119 voix contre 68 et 4 abstentions) a été sourde aux promesses du ministre de l'agriculture, estimant nécessaire de repousser à 2025 l'obligation d'allouer 3.5 pour cent des terres arables en surfaces de promotion de la biodiversité. La motion est ainsi transmise au Conseil fédéral.
Dans les médias, il a été question de la puissance du lobby paysan dans ce nouveau Parlement, alors que le contre-projet à l'initiative Biodiversité sera rejeté quelques jours plus tard — «2:0 für die Bauern» a-on pu lire dans l'Aargauer Zeitung qui termine ainsi son article: « Es wird gemunkelt, dass die Bauern mit einem Abstimmungssieg an der Urne ihre Macht und den Mythos der Unbesiegbarkeit weiter ausbauen möchten», de quoi augurer d'une législature de combat entre les milieux paysans conservateurs et les protectrices et protecteurs de l'environnement.

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