Faut-il légiférer sur les trusts

Etant donné la mutation structurelle de l'industrie financière, la vigueur de la concurrence internationale sur les marchés financiers et les difficultés d'accès aux marchés financiers européens, il est important, selon le groupe libéral-radical, de réviser la législation suisse sur les trusts. Le groupe a donc déposé un postulat pour obtenir un rapport sur l'opportunité d'introduire les trusts dans le droit privé suisse. Ce rapport serait incorporé au prochain rapport sur la stratégie politique pour la place financière helvétique. Pour appuyer son argumentation, le groupe libéral-radical a expliqué que l'adoption de l'article 26 du nouveau modèle de convention fiscale de l'OCDE, lié au blanchiment d'argent et à la sphère privée, détruit un avantage concurrentiel de la Suisse. L'implémentation du trust dans la législation suisse offrirait un nouvel instrument indispensable pour faire jeu égal avec nos concurrents sur les marchés financiers. Le Conseil fédéral s'est opposé à l'adoption de ce postulat. Pour justifier cette position, il a mentionné deux rapports récemment publiés. Tout d'abord, il a précisé que les normes internationales du GAFI exigent l'identification de l'ayant droit économique afin de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. A partir de là, il a ajouté que des contournements législatifs pour cacher l'identité de l'ayant droit économique allaient à contre-courant de l'évolution internationale sur la thématique qui mise sur plus de transparence, et de la stratégie du Conseil fédéral qui vise l'intégrité de la place financière suisse. Pour conclure, le Conseil fédéral a précisé qu'aucune mesure législative n'avait été recommandée lors du récent rapport sur le droit des fondations. Néanmoins, le chambre du peuple s'est rangée du côté du groupe libéral-radical. Elle a adopté le postulat par 123 voix contre 67 et 2 abstentions. Les voix du PS, des Verts et des Vert'libéraux, opposées à ce postulat, ont donc été insuffisantes.

Aufnahme des Rechtsinstituts des Trusts in die schweizerische Gesetzgebung (Pa.Iv. 16.488)

Fabio Regazzi (pdc, TI) a déposé une initiative parlementaire qui vise l'introduction du trust dans la législation suisse. Le trust se définit comme un acte juridique qui transfère le contrôle d'actifs à des tiers qui opèrent dans l'intérêt de la personne qui a transféré le contrôle. Le parlementaire tessinois explique, qu'à l'heure actuelle, l'utilisation du trust en suisse est régie par un droit étranger selon une convention de la Haye sur le trust et sa reconnaissance. Pour combler cette lacune législative helvétique, il préconise donc l'introduction du trust dans le droit helvétique. Une modification du Code Civil (CC) et du Code de Obligations (CO) permettrait d'améliorer la lisibilité, la transparence fiscale, la sécurité du droit et d'ouvrir de nouvelles perspectives pour les professionnels suisses.
La commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-CN) a adopté l'initiative par 15 voix contre 4 et 3 abstentions. A l'identique, la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-CE) a validé l'initiative parlementaire par 6 voix contre 3 et 1 abstention. De plus, la CAJ-CE a déposé une motion (18.3383) pour que cette modification législative soit menée par le Conseil fédéral.

Etant donné l'adoption de la motion 18.3383, déposée par la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-CE), la CAJ-CN a recommandé à sa chambre de proroger de 2 années le délai de mise en œuvre de l'initiative parlementaire. La motion et l'initiative parlementaire visent l'introduction du trust dans la législation suisse. La chambre du peuple a adopté tacitement la prolongation du délai.

Im März 2022 verlängerte der Nationalrat auf Antrag seiner RK-NR die Behandlungsfrist einer parlamentarischen Initiative Regazzi (mitte, TI) zur Aufnahme des Rechtsinstituts des Trusts in die schweizerische Gesetzgebung um weitere zwei Jahre bis zur Frühjahrssession 2024. Die Kommission hatte argumentiert, dass sie zuerst die Arbeiten des Bundesrats im Zusammenhang mit der angenommenen Motion der RK-SR (Mo. 18.3383) abwarten möchte.

Introduction du trust dans l’ordre juridique suisse (Mo. 18.3383)

La chambre des cantons a adopté, par 25 voix contre 16 et 2 abstentions, une motion de sa commission des affaires juridiques (CAJ-CE). La motion vise l’introduction du trust dans l’ordre juridique suisse. Le Conseil fédéral a estimé que la démarche était prématurée étant donnée les travaux sur le postulat 15.3098. La motion passe à la chambre du peuple.

Les mutations structurelles dans l’industrie financière posent la question du statut de trust dans l’ordre juridique helvétique. Cette question a d’abord été politisée par l’intermédiaire du postulat 15.3098, adopté en 2017. Puis, la commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-CE) a déposé une motion.
Après adoption par la chambre des cantons, la commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-CN) a recommandé à sa chambre d’adopter la motion par 13 voix contre 7. Elle estimait que cette motion concrétisait une volonté du Parlement déjà exprimée d’introduire la forme de trust dans la législation.
Bien que plusieurs voix se sont élevées pour demander d’attendre le rapport du postulat 15.3098 avant de se prononcer, cette motion a été adopté par le Conseil national par 123 voix contre 58. Les voix de la gauche, bien que rejointes par les vert’libéraux, n’ont donc pas été suffisantes. Le statut de trust devra donc être introduit dans la législation suisse.

En novembre 2023, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-CE) a soutenu, par 7 voix contre 2 et 2 abstentions, la proposition du Conseil fédéral, formulée dans le cadre du rapport 23.065, de classer la motion « Introduction du trust dans l’ordre juridique suisse ». Le Conseil fédéral avait en effet suggéré de classer la motion suite aux avis critiques qui avaient été exprimés lors de la consultation de l'avant-projet, notamment concernant des aspects fiscaux. La commission parlementaire avait alors organisé plusieurs auditions à ce sujet et conclu que la proposition envisagée était inadaptée. Ainsi, au lieu de promouvoir un trust suisse, la commission recommande plutôt de libéraliser les fondations de famille suisses, déjà présentes dans le droit suisse et d’adopter la motion 22.4445 déposée par le conseiller aux États Thierry Burkhart (plr, AG).
En décembre 2023, le Conseil des Etats a accepté le classement de la motion dans le cadre de l'examen du rapport 23.065 du Conseil fédéral.

En janvier 2024, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-CN) s'est opposée à la motion. Tout comme la CAJ-CE, la CAJ-CN a recommandé à l’unanimité au Conseil national de suivre le Conseil fédéral dans sa proposition 23.065 de classer de la motion 18.3383. En guise d'alternative, les commissions des deux chambres lui préfèrent la motion 22.4445 du conseiller aux Etats Thierry Burkart (plr, AG) qui propose de libéraliser les fondations de famille suisses. Selon la CAJ-CN ces fondations permettront de répondre à un besoin de planification patrimoniale dans le cadre familial, tout en introduisant des mesures pour limiter la perpétuation illimitée du patrimoine.
A la fin du mois de février 2024, lors du débat en chambre, l'UDC est intervenue par écrit pour signaler son opposition à la proposition de classement de la motion 18.3383. En effet, le parti, jugeant qu'il était prématuré de clore les débats sur les trusts, considère qu'il est possible d'introduire la notion juridique de trust dans le droit civil, tout en conservant la pratique fiscale actuelle. Selon l'UDC, cette approche ne causerait aucun effet fiscal défavorable, serait cohérente avec le traitement réservé aux trusts étranger et favoriserait l'expansion des activités suisses liées aux trusts grâce à la bonne réputation et à la stabilité du système juridique suisse. L'argumentaire rassurant de l'UDC n'aura toutefois pas suffit à convaincre les autres partis. A l'issue des débats, le Conseil national a choisi par 125 voix contre 61 et 1 abstention de classer la motion 18.3383 dans le cadre de l'examen de l'objet 23.065.

Introduction du trust dans l’ordre juridique suisse. Rapport du Conseil fédéral sur le classement de la motion 18.3383

Le Conseil fédéral, dans son rapport sur l'introduction du trust dans l’ordre juridique suisse, a pris connaissance des résultats de la consultation. L'exécutif a relevé l'absence d'un consensus politique suffisant pour instaurer un trust suisse. Les règles fiscales proposées ont été rejetées, conduisant le Conseil fédéral à renoncer à élaborer un message et à recommander au Parlement de classer la motion 18.3383.
Le trust, d'origine anglo-saxonne, est un instrument flexible utilisé dans la planification successorale familiale et la préservation de patrimoines économiques, rappelle le Conseil fédéral dans son rapport. Bien que les trusts étrangers soient reconnus en Suisse depuis 2007, la proposition d'introduire un trust suisse dans le code des obligations n'a pas recueilli une majorité politique, en raison du rejet des règles fiscales proposées lors de la consultation. Malgré la reconnaissance de la nécessité d'un instrument de gestion patrimoniale en Suisse, la création d'un trust suscite un scepticisme généralisé. Face à ces résultats, le Conseil fédéral estime que l'introduction du trust dans le droit suisse ne peut pas rassembler une majorité politique à l'heure actuelle et recommande donc de classer la motion.
Par la suite, la commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-CE) a soutenu, par 7 voix contre 2 et 2 abstentions, la proposition du Conseil fédéral de classer la motion. Cette recommandation fait suite à l'évaluation critique de l'avant-projet lors de la consultation, notamment en ce qui concerne les aspects fiscaux. La commission, après plusieurs auditions, a conclu que la proposition fiscale rendrait le trust peu attrayant et que les autres options de mise en œuvre sont limitées. Elle préconise donc, au lieu de persister dans l'idée d'un trust suisse, une libéralisation des fondations de famille suisses, déjà inscrites dans le droit suisse, en tant qu'alternative à la planification patrimoniale et successorale. Par 7 voix contre 5, la commission propose d'adopter la motion déposée par le conseiller aux États Thierry Burkhart (plr, AG) en 2022. Une minorité, préférant une clarification préalable par le biais d'un postulat, suggère de rejeter la motion. Celle-ci sera traitée par le Conseil des Etats lors de la session d'hiver.

En janvier 2024, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-CN) s'est opposée à l'unanimité à l'introduction d'un trust dans l'ordre juridique suisse. La commission a proposé au Conseil national de suivre le Conseil fédéral dans sa proposition de classement — formulée dans le cadre du rapport 23.065 — de la motion 18.3383 « Introduction du trust dans l’ordre juridique suisse » et de l’initiative parlementaire 16.488 « Codifier le trust dans la législation suisse ».
Tout comme la CAJ-CE, la commission de la chambre basse recommande en revanche une modernisation des fondations de famille suisses. Par un vote de 15 voix contre 9, elle propose d'adopter une motion déposée à cet effet par le conseiller aux Etats Thierry Burkart (plr, AG) (22.4445). Selon la majorité de la commission, les fondations de famille sont déjà établies dans le cadre juridique suisse, offrant ainsi la base nécessaire à leur imposition. Ainsi, lever l'interdiction des fondations de famille suisses, comme le propose la motion, ne devrait pas rencontrer les mêmes obstacles que l'introduction du trust. Cependant, une minorité s'oppose à la motion. Craignant les questions de transparence et de surveillance soulevées par les fondations de familles, et considérant que ces dernières profiteraient principalement aux personnes aisées, la minorité aurait préféré une clarification au recours d'un postulat.
L'objet 23.065 ainsi que le débat sur la motion Burkhart 22.445 sont planifiés à l'agenda de la session de printemps 2024 du Conseil national.

Renforcer les fondations de famille suisses en supprimant l'interdiction des fondations d'entretien (Mo. 22.4445)

En novembre 2023, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-CE) a examiné la motion de Thierry Burkart (plr, AG) visant à renforcer les fondations de famille suisses en supprimant l'interdiction des fondations d'entretien. La motion propose au Conseil fédéral de présenter au Parlement une modification de l'article 335 du code civil (CC) afin d'autoriser la création de ces fondations.
Dans son rapport, la commission a émis une recommandation en faveur de la motion, par 7 voix contre 5. Si la minorité s'interroge sur son utilité pour la majorité de la population, la majorité de la commission souligne qu'actuellement, en Suisse, il n'existe pas d'instrument adéquat pour la planification du patrimoine familial. Les restrictions sur les fondations de famille suisses ont conduit à un recours fréquent à des trusts étrangers. La levée de l'interdiction des fondations d'entretien est considérée comme une solution pour faciliter la planification successorale et réduire la dépendance à l'égard d'institutions étrangères. La commission propose d'envisager une éventuelle limitation temporaire pour éviter des perpétuations illimitées de patrimoines. De plus, elle recommande d'examiner la légalisation des droits de révocation et de modification pour les fondations. Finalement, la majorité de la commission estime toutefois que la libéralisation des fondations de famille serait plus simple que l'introduction du trust, soutenant que la fondation familiale d'entretien pourrait combler une lacune dans la planification successorale.
De son côté, le Conseil fédéral propose de rejeter la motion. L'exécutif avait en effet ouvert une consultation sur l'introduction du trust suisse en réponse à une motion antérieure, et estime qu'une révision plus large du droit des fondations serait nécessaire. Le Conseil des Etats examinera la proposition lors de la session d'hiver.

Lors de la session d'hiver, une motion de Thierry Burkart (plr, AG) visant à renforcer les fondations de famille suisses en supprimant l'interdiction des fondations d'entretien a été acceptée par le Conseil des Etats. Avec cet objet, l'objectif du sénateur argovien est de permettre la transmission graduelle du patrimoine familial aux descendants, évitant le recours à des trusts étrangers.
Lors des délibérations, Martin Schmid (plr, GR) a expliqué, au nom de la majorité de la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-CE), qu'avec le rejet du trust et de la motion 18.3383, il n'existe toujours pas, en Suisse, de moyen de planifier la succession et la gestion du patrimoine de cette manière. Le sénateur libéral-radical a rappelé qu'actuellement, les citoyennes et citoyens doivent recourir à des juridictions étrangères et acceptées en Suisse, ce qui entraine des craintes liées à la fraude fiscale et au blanchiment d'argent, malgré l'échange automatique d'informations. L'élu grison a également rappelé que la motion Burkart propose de lever l'interdiction des fondations familiales en Suisse en modifiant ou en abrogeant l'article 335 du code civil (CC). Schmid a souligné que les fondations familiales ont été considérées comme une alternative viable au trust anglo-saxon, et que celles-ci existent déjà en Suisse, mais avec des objectifs limités. L'idée serait donc de permettre des objectifs plus larges, notamment en autorisant les fondations familiales d'entretien. Le rapporteur de la CAJ-CE a finalement souligné que la proposition permettrait de combler une lacune existante dans la loi suisse. Au nom de la minorité de la commission, Heidi Z'graggen (centre, UR) a exprimé des réserves quant à l'adoption de la motion. La sénatrice centriste a en effet suggéré de clarifier la question par le biais d'un postulat, affirmant que la proposition de fondation familiale est plus complexe qu'elle ne le semble et pourrait être source d'abus. L'élue uranaise a également souligné la nécessité de réglementations approfondies et prudentes en raison de la complexité et des implications dans différents domaines du droit. Pour sa part, Erich Ettlin (centre, OW) a également soutenu la motion, soulignant l'efficacité des fondations étrangères et la nécessité de proposer une solution similaire en Suisse. Le centriste a partagé son expérience en tant que fiscaliste, soulignant que les arguments contre la motion ne tiennent pas compte des garanties fiscales existantes et qu'il serait logique de permettre aux citoyens et citoyennes suisses de régler leurs affaires sur le plan successoral de manière efficace.
Le Conseil fédéral, représenté par Elisabeth Baume-Schneider, a recommandé le rejet de la motion. L'exécutif a en effet souligné la nécessité d'une révision globale du droit des fondations afin d'assurer la transparence internationale et d'éviter des inégalités de traitement. Le Conseil fédéral se réserve également le droit de proposer un mandat d'examen pour étudier d'éventuelles modifications dans la législation sur le droit des fondations et la fiscalité. Lors du vote, la motion a été adoptée par la chambre haute par 31 voix pour et 12 voix contre ; seuls les élu.e.s du PS et des Vert-e-s ont voté contre.

Après son acceptation au Conseil des Etats, la Commission des affaires juridiques du Conseil National (CAJ-CN) approuve la motion de Thierry Burkart (plr, AG) en faveur du renforcement des fondations de famille en supprimant l'interdiction des fondations d'entretien. Par 15 voix contre 9, la commission se positionne en faveur d'une modernisation des fondations de famille, notamment parce que la base légale nécessaire à l'imposition existe déjà, au contraire du trust (23.065). La minorité réfractaire de la commission souligne que les fondations de famille posent question en matière de transparence et de surveillance et qu'elles profiteraient surtout aux personnes aisées. Le traitement de la motion est à l'agenda de la session de printemps 2024 du Conseil National.

La motion en faveur du renforcement des fondations de famille de Thierry Burkhart a été adoptée au Conseil national (116 oui, 68 non, 3 abstentions). La minorité de la commission n'aura réussi à convaincre que le PS, les Vert-e-s et les Vert'libéraux de s'opposer à la motion, tandis que le PLR, l'UDC et le Centre se sont prononcés en faveur de la proposition. La motion est ainsi transmise au Conseil fédéral pour sa mise en application.