Dernière mise à jour: 10.11.2022, 13:07

Dossier: Réactions au rejet de l'EEE (1992–2001) Sauvegarder en format PDF

Eurolex: Adaptation du droit fédéral au droit de I'EEE (MCF 92.057)

Quelques semaines après le message relatif à l'approbation de l'accord EEE, le Conseil fédéral a publié son message sur l'adaptation du droit fédéral au droit de I'EEE (92.057), élaboré sous la direction du DFJP dans le cadre du programme Eurolex. Dans ce message, composé de deux «paquets législatifs», 51 arrêtés fédéraux de portée générale étaient soumis aux Chambres qui prévoyaient la modification de 61 lois existantes et l'introduction de 9 actes législatifs nouveaux (voir tableau ci-dessous). Les autorités fédérales se sont limitées aux seules modifications juridiques indispensables, à savoir, d'une part, celles qui étaient destinées à supprimer des dispositions législatives ou à les rendre conformes au traité EEE lorsque elles contredisaient le droit de l'EEE directement applicable et, d'autre part, celles nécessaires à la transposition du droit de l'EEE non directement applicable. La marge d'appréciation dont disposait le législateur helvétique et la portée politique des projets législatifs variaient considérablement d'un projet à l'autre. Etant donné le délai très court pour l'introduction de ces modifications, il n'a pas été possible de suivre la procédure de consultation habituelle: il a fallu renoncer à la consultation écrite et se contenter d'informer les cantons, partis et organisations intéressées.


Eurolex - Liste des lois modifiées et des nouveaux actes législatifs

1. Etat - Peuple - Autorités:
- LF du 26.3.1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
- LF du 21.3.1986 sur les recueils de lois et la Feuille fédérale
- LF du 20.12.1968 sur la procédure administrative
- Statut des fonctionnaires du 30.6.1927
- LF d'organisation judiciaire du 16.12.1943
- Arrêté Fédéral (AF) sur l'égalité entre femmes et hommes

2. Droit privé - Procédure civile - Exécution:
- LF du 16.12.1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger
- LF du 25.6.1930 sur l'émission de lettres de gage
- LF du 30.3.1911 complétant le Code civil suisse:
Première partie: dispositions générales (art. 40 a ss. CO)
Arrêté fédéral sur la responsabilité du fait des produits
AF sur le crédit à la consommation
Contrat de travail (art. 319 ss. CO)
Droit des sociétés (art. 530 ss. CO)
Emprunts par obligations (art. 1156 ss. CO)
- LF du 2.4.1908 sur le contrat d'assurance
- LF du 7.12.1922 concernant le droit d'auteur sur les oeuvres littéraires et artistiques
- AF sur la protection des topographies des circuits intégrés
- LF du 26.9.1890 concernant la protection des marques de fabrique et de commerce, des indications de provenance et des mentions de récompenses industrielles
- LF du 19.12.1986 contre la concurrence déloyale
- LF du 20.12.1985 sur les cartels et organisations analogues

3. Droit pénal - procédure pénale - exécution:
- LF du 15.6.1934 sur la procédure pénale

4. Ecole - science - culture:
- LF du 23.7.1870 concernant les relevés officiels statistiques en Suisse
- LF du 1.7.1966 sur la protection de la nature et du paysage

5. Finances:
- LF du 1.10.1925 sur les douanes
- LF du 13.12.1974 sur l'importation et l'exportation de produits agricoles transformés
- LF du 21.6.1932 sur l'alcool

6. Travaux publics - Enérgie - Transports et communication:
- LF du 4.10.1985 sur les chemins pour piétons et les chemins de randonnée pédestre
- LF du 23.12.1959 sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations
- LF du 18.3.1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire
- LF du 19.12.1958 sur la circulation routière
- LF du 23.6.1944 sur les chemins de fer fédéraux
- LF du 4.10.1985 sur le transport public
- LF du 20.12.1957 sur les chemins de fer
- LF du 4.10.1963 sur les installations de transport par conduites de combustibles ou carburants liquides ou gazeux
- LF 23.9.1953 sur la navigation maritime sous pavillon suisse
- LF du 3.10.1975 sur la navigation intérieure
- LF du 21.12.1948 sur la navigation aérienne
- LF du 2.10.1924 sur le Service des postes
- LF du 21.6.1991 sur la radio-télévision

7. Santé - Travail - Sécurité sociale:
- LF du 19.12.1877 concernant l'exercice des professions de médecin, pharmacien et de vétérinaire dans la Confédération suisse
- LF du 7.10.1983 sur la protection de l'environnement
- LF du 8.10.1971 sur la protection des eaux contre la pollution
- LF du 21.3.1969 sur le commerce des toxiques
- LF du 8.12.1905 sur le commerce des denrées alimentaires et de divers objets usuels
- Nouvelle loi sur les marchés publics
- LF du 18.12.1970 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme
- LF du 19.3.1976 sur la sécurité des installations et appareils techniques
- LF du 13.3.1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce
- AF sur l'information et la participation des travailleurs dans les entreprises
- LF du 6.10.1989 sur les services de l'emploi et la location des services
- LF du 20.12.1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants
- AF du 4.10.1962 concernant le statut des réfugiés et des apatrides dans l'assurance-vieillesse et survivants et dans l'assurance-invalidité
- LF du 19.6.1959 sur l'assurance-invalidité
- LF du 19.3.1965 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité
- LF du 25.6.1985 sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité
- LF du 13.6.1911 sur l'assurance-maladie
- LF du 20.3.1981 sur l'assurance-accidents
- LF du 20.6.1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture

8. Economie - Coopération technique:
- LF du 3.10.1951 sur l'amélioration de l'agriculture et le maintien de la population paysanne
- LF du 1.7.1966 sur les épizooties
- LF du 21.6.1991 sur la pèche
- LF du 9.6.1977 sur la métrologie
- LF du 5.10.1990 sur l'information des consommatrices et consommateurs
- LF du 1.7.1966 sur les fonds de placement
- LF du 8.11.1934 sur les banques et les caisses d'épargne
- AF instituant un système transitoire d'échange d'informations en matière boursière
- LF du 23.6.1978 sur la surveillance des institutions d'assurances privées
- LF du 4.2.1919 sur les cautionnements des sociétés d'assurances
- LF du 25.6.1930 sur la garantie des obligations assumées par les sociétés suisses d'assurances sur la vie
- AF sur l'assurance-vie directe
- AF sur l'assurance directe à l'exclusion de l'assurance-vie
- LF du 2.5.1992 sur l'assurance-dommage
- AF sur les produits de construction

Initiative populaire «Négociations d'adhésion à l'UE: que le peuple décide!» (MCF 95.061)

Dossier: Négotiations sur l'adhésion de la Suisse à la Communauté Européenne (CE)

Quelques jours après la décision du Conseil fédéral de solliciter l'adhésion de la Suisse à la CE, le parti des démocrates suisse et la Lega dei Ticinesi ont annoncé le lancement le 1er août d'une initiative populaire «Négociations d'adhésion à la CE: que le peuple décide!» qui propose d'introduire dans la constitution un article transitoire stipulant que l'ouverture de négociations en vue de l'adhésion à la CE est soumise à l'approbation du peuple et des cantons. Lors du lancement de l'initiative, les dirigeants des deux partis ont clairement indiqué qu'ils espéraient mettre un frein à la politique d'intégration européenne du Conseil fédéral. Outre des membres de ces deux partis, le comité de soutien à l'initiative comprend plusieurs personnalités politiques de l'UDC et du PRD. Les deux formations politiques avaient annoncé qu'elles espéraient récolter les 100'000 signatures nécessaires avant la votation du 6 décembre. Cependant, à la fin du mois de novembre, les initiants n'en avaient recueillis qu'environ 65'000.

Lancée en juillet 1992 par les démocrates suisses et par la Lega, l'initiative populaire "Négociations d'adhésion à la CE: que le peuple décide!" a abouti avec 101'337 signatures valables. Cette initiative, qui demande que l'ouverture de négociations en vue de l'adhésion à l'UE soit soumise à l'approbation du peuple et des cantons, constitue par ailleurs un contrepoids à l'initiative du comité "Né le 7 décembre" intitulée "Pour notre avenir au coeur de l'Europe". La récolte des signatures de l'initiative des démocrates suisses et de la Lega n'a pratiquement eu lieu qu'en Suisse alémanique.

Le Conseil fédéral a pris position sur les initiatives populaires "Négociations d'adhésion à la CE: que le peuple décide!" (95.061) et "Pour notre avenir au coeur de l'Europe" (95.062): dans deux messages leur étant consacrés, le gouvernement a proposé aux Chambres de soumettre ces textes sans contre-projet au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de les rejeter. La première de ces initiatives, déposée en janvier 1994 par les Démocrates suisses et la Lega, propose que le peuple et les cantons prennent eux-mêmes la décision de l'ouverture de négociations d'adhésion à l'ancienne CE, dénommée désormais Union européenne. Constatant que le système institutionnel suisse charge expressément l'exécutif des relations extérieures et, qu'à ce titre, il lui incombe de décider de l'ouverture de négociations internationales, le Conseil fédéral a tenu à souligner que l'initiative change foncièrement la répartition constitutionnelle des compétences entre l'exécutif, le parlement et le souverain. Cette répartition ayant fait ses preuves, le gouvernement a dès lors estimé qu'il n'y avait pas lieu de la modifier. Il a également jugé inopportun de présenter un contre-projet au texte des Démocrates suisses et de la Lega, estimant que cette démarche ne conduirait somme toute qu'à répéter sa position en matière d'ouverture d'éventuelles négociations d'adhésion - telle qu'exposée dans le rapport de novembre 1993 sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90.

En ce qui concerne la seconde initiative, déposée en septembre 1993 par le Comité "Né le 7 décembre", le Conseil fédéral a également mis en exergue le fait que son adoption par le peuple et les cantons conduirait à un changement profond dans la répartition constitutionnelle des compétences entre l'exécutif, le législatif et le souverain. Le texte des initiants propose en effet de déléguer au gouvernement la faculté de négocier, conclure et ratifier l'accession de la Suisse à l'EEE. Son acceptation aurait dès lors pour conséquence que le parlement, le peuple et les cantons ne seraient plus appelés à se prononcer sur un accord dont le contenu a été substantiellement modifié et enrichi depuis décembre 1992. Dans de telles circonstances, le gouvernement a estimé qu'il serait politiquement déraisonnable et juridiquement contestable de s'écarter de la procédure ordinaire d'adoption des traités internationaux. Le Conseil fédéral a en outre renoncé à établir un contre-projet, du fait que son calendrier d'intégration pour la législature 1995/99 répond à l'attente du Comité "Né le 7 décembre". Ce dernier a toutefois déclaré qu'il ne retirerait en aucun cas son initiative.

Alors qu'en 1995 le Conseil fédéral avait simultanément pris position sur les initiatives populaires "Négociations d'adhésion à la CE: que le peuple décide!" des Démocrates suisses/Lega et "Pour notre avenir au coeur de l'Europe" du Comité "Né le 7 décembre", le parlement s'est quant à lui limité à l'examen de la première des deux initiatives, laissant en suspens la seconde compte tenu de son éventuel retrait au cas où l'initiative des jeunes "Oui à l'Europe" viendrait à aboutir.

C'est au terme d'une discussion nettement plus circonscrite - durant laquelle fut à nouveau soulignée la nécessité de ne pas modifier la répartition des compétences en matière de politique étrangère telle que définie par la Constitution - que les députés du Conseil des Etats ont eux aussi rejeté sans contre-projet l'initiative des Démocrates suisses/Lega.

La majorité des députés siégeant au Conseil national s'étant entendue sur la nécessité de se limiter au strict traitement de l'initiative des Démocrates suisses et de la Lega - à savoir à la question de l'opportunité de modifier ou non la répartition des compétences prévues par la Constitution en matière de politique étrangère - la discussion relative à cet objet n'a pu être à l'origine d'un nouveau débat de fond sur la question de l'intégration de la Suisse au sein de l'Europe. C'est dès lors principalement sur les terrains formel et institutionnel que les différents groupes parlementaires sont intervenus pour finalement tous rejeter, à l'exception des initiants et du groupe du parti de la liberté, l'initiative déposée en janvier 1994 par les Démocrates suisses et la Lega. Les arguments invoqués pour justifier ce rejet massif ont principalement porté sur le fait que le report de compétences du Conseil fédéral au souverain prévu dans l'initiative conduirait ni plus ni moins à l'atrophie et à l'immobilisme total de la politique étrangère helvétique. Par ailleurs, nombre de députés ont mis l'accent sur la nécessité de ne voir intervenir le peuple et les cantons en matière de politique extérieure qu'une fois connus le contenu et les résultats des négociations, ce qui au demeurant n'entraîne aucun déficit démocratique puisque, en fin de compte, la décision finale incombe au souverain. De leur côté, les défenseurs de l'initiative ont principalement soutenu que face à l'ouverture de négociations engageant pareillement l'avenir du pays, il n'était pas concevable de laisser au seul gouvernement le pouvoir de décider et qu'en conséquence, il fallait que cette prérogative soit transférée au peuple et aux cantons.

Si la Chambre du peuple a ainsi recommandé au peuple et aux cantons de rejeter cette initiative à une très forte majorité, elle a également refusé de présenter un contre-projet au texte des Démocrates suisses/Lega, conformément au souhait exprimé par la Commission de politique extérieure.

Rejetée en 1996 par le parlement pour les mêmes motifs d'ordre constitutionnel que ceux invoqués contre l'initiative des jeunes, l'initiative des Démocrates suisses/Lega "Négociations d'adhésion à l'UE: que le peuple décide!" a en revanche été soumise au verdict populaire au début du mois de juin. Compte tenu de l'hostilité unanime des partis gouvernementaux et de l'Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) à l'encontre de ce texte, la campagne qui précéda le scrutin fut étonnamment calme en comparaison des débats enflammés que suscite généralement la question européenne. Craignant de pécher par excès d'optimisme à un moment où l'ensemble des observateurs s'accordaient à reconnaître l'échec programmé de l'initiative, huit associations proeuropéennes - regroupées au sein d'une "Plate-forme suisse Oui à l'Europe" - décidèrent néanmoins de relancer le débat sur l'intégration en publiant à cette fin un manifeste appelant la population à rejeter massivement l'initiative des Démocrates suisses/Lega, d'une part, et prônant un rapprochement rapide de la Confédération vers l'UE, d'autre part. Face à cette offensive qui reçut l'appui de nombreux parlementaires, les auteurs de l'initiative créèrent à leur tour un comité de soutien à leurs revendications auquel ne vinrent toutefois s'associer que des représentants de l'Union démocratique fédérale (UDF) et du parti catholique populaire (KVP). Contrairement aux craintes partagées par certains politiciens quant à un brusque réflexe de fermeture de la part de l'opinion publique, ce déséquilibre des forces en présence fut largement confirmé le soir de la votation, puisque l'initiative des Démocrates suisses/Lega a été très nettement rejetée par le peuple - 1'189'440 voix contre 416'720 -, ainsi que par tous les cantons.


Initiative populaire "Négociations d'adhésion à l'UE: que le peuple décide!"
Votation du 8 juin 1997

Participation: 35,4%
Non: 1 189 440 (74,1%)
Oui: 416 720 (25,9%)

Mots d'ordre:
- Oui: PdL, DS, Lega dei Ticinesi, UDF, Parti catholique populaire.
- Non: PS, PRD, PDC, UDC, PES, PLS, PEP, AdI; Vorort, Centre patronal, USS.

L'analyse Vox sur les résultats du scrutin a permis de mettre en évidence une prépondérance de votes négatifs dans tous les groupes de population observés: Ainsi, ni le sexe, ni l'âge, ni le statut professionnel ou encore la religion ne semblent avoir joué un rôle significatif dans l'attitude du vote. Un rejet équivalent de l'initiative a par ailleurs été observable au sein des grandes villes et à la campagne, de même qu'en Suisse alémanique et en Suisse romande. Il s'est toutefois avéré que l'opposition aux revendications des Démocrates suisses/Lega a été nettement moins virulente parmi les personnes se sentant proches de l'UDC qu'au sein des sympathisants des autres partis gouvernementaux. L'analyse du comportement du vote par rapport à l'axe idéologique gauche-droite a d'ailleurs révélé que le rejet de l'initiative a eu tendance à s'accroître à mesure que l'on se rapprochait de la gauche de l'échiquier politique. L'examen des raisons avancées par les votants pour justifier leur décision a finalement montré que la question de l'adhésion de la Suisse à l'UE n'a joué qu'un rôle secondaire dans le résultat du scrutin, du fait que les opinions se sont avant tout formées sur la base des motifs d'ordre constitutionnel invoqués par les autorités. Ainsi, l'analyse Vox est parvenue à la conclusion que le rejet à plus de 70% de l'initiative ne pouvait en aucun cas être interprété comme un témoignage d'ouverture en faveur de l'entrée de la Confédération au sein de l'Union européenne.

Initiative populaire «Pour notre avenir au coeur de l'Europe» (MCF 95.062)

Le «Comité né le 7 décembre», regroupant différents mouvements de jeunesse pro-européens, a organisé un rassemblement national des jeunes «contre une Suisse étriquée» sur la place fédérale qui a réuni une dizaine de milliers de personnes. Cette action qui avait été précédée par plusieurs manifestations à l'échelon cantonal avait pour objectif de relancer le débat sur l'Europe. Le «comité né le 7 décembre» a également annoncé le lancement d'une initiative populaire demandant un nouveau vote sur le traité EEE. La Chambre fribourgeoise du commerce et de l'industrie, ainsi que la section valaisanne du Réseau d'échanges transfrontaliers alpins (RETA), avaient exprimé l'intention de lancer une initiative de type similaire. Après concertation, les associations fribourgeoise et valaisanne se sont ralliées au projet du comité des jeunes. Le texte de l'initiative «Pour notre avenir au coeur de l'Europe» prévoit l'adjonction d'une disposition transitoire à la constitution qui autorise le Conseil fédéral à négocier, conclure et ratifier les traités nécessaires à la participation à l'EEE; la préservation des acquis sociaux, démocratiques et écologiques de la Suisse est également mentionnée dans une autre disposition.

Six mois après son lancement, l'initiative populaire du «Comité né le 7 décembre», intitulée «Pour notre avenir au coeur de l'Europe», a abouti. Les initiants, comportant une forte proportion de Romands, se sont efforcés de récolter des signatures à travers l'ensemble du pays; un peu plus de 40% d'entre elles provenaient de Suisse alémanique.

Après s'être penché en 1996 sur l'initiative populaire "Négociations d'adhésion à l'UE: que le peuple décide!" des Démocrates suisses/Lega, le Conseil national a entamé l'examen de l'initiative concurrente intitulée "Pour notre avenir au coeur de l'Europe". Lancé par les jeunes du Comité "Né le 7 décembre" au lendemain du scrutin négatif de 1992 sur l'entrée de la Suisse au sein de l'Espace Economique Européen, ce texte propose de déléguer au seul gouvernement la faculté de négocier, conclure et ratifier l'accession de la Confédération à l'EEE. Bien qu'ayant permis de réactiver le débat sur l'intégration de la Suisse au sein de l'Europe, le traitement de l'initiative des jeunes n'a fait que confirmer une fois de plus la polarisation persistante des positions partagées par les différents groupes parlementaires sur cette délicate question. Contraints de rejeter l'initiative compte tenu de son non respect des formes constitutionnelles en matière d'adhésion aux traités internationaux, les pro-européens n'ont cependant pas manqué de saluer la volonté politique des jeunes initiants d'enrayer la logique d'isolement dans laquelle se trouve plongée la Suisse depuis cinq ans. Les nombreuses interventions des députés favorables à l'Europe ont à ce titre laissé entrevoir une légère différence d'appréciation quant à la voie à suivre en matière d'intégration: Si les groupes socialiste et libéral - estimant que l'EEE ne représente plus une étape suffisamment attrayante en raison des modifications subies par cet accord depuis 1992 - se sont dès lors clairement prononcés en faveur de l'adhésion à terme de la Suisse à l'Union européenne, plusieurs députés radicaux et démocrates-chrétiens ont tenu à défendre l'alternative médiane que constitue à leurs yeux l'option EEE bis. L'ensemble des députés proeuropéens n'ont en revanche parlé que d'une seule voix concernant la priorité absolue à accorder aux négociations bilatérales en tant que première étape du rapprochement de la Suisse vers l'Europe.

Si les opposants traditionnels à toute forme d'intégration - à savoir, le groupe UDC dans sa majorité, le parti de la liberté et les Démocrates suisses/Lega - ont à leur tour invoqué comme principal argument de rejet le non respect des dispositions constitutionnelles en matière de traités internationaux tel que consacré par l'initiative des jeunes, certains d'entre eux n'ont pas manqué de réitérer leurs critiques de fond sur la construction européenne. Ayant fait la quasi-unanimité des voix contre elle en raison des moyens retenus par les initiants dans leur quête d'une Suisse au coeur de l'Europe, l'initiative du Comité "Né le 7 décembre" a finalement été rejetée, sans contre-projet, par 104 voix contre 6, 42 députés ayant quant à eux préféré s'abstenir. Compte tenu des différentes pressions exercées par le monde politique sur le mouvement "Né le 7 décembre", et au vu du faible soutien accordé par la grande Chambre à leurs revendications, les jeunes proeuropéens se sont alors résignés à retirer leur initiative.

Sauvegarde de la neutralité (Mo. 92.3343)

Dossier: Débats sur la politique de neutralité de la Suisse (première guerre du golfe Persique, CE, UE)
Dossier: Négotiations sur l'adhésion de la Suisse à l'Union Européenne (UE)

Une motion Rechsteiner (ps, SG), qui charge le Conseil fédéral, lors des négociations futures d'adhésion de la Suisse à l'UE, de partir du principe que la Suisse ne doit pas participer à des alliances militaires, a été transmise comme postulat par la chambre basse.

Deux initiatives parlementaires demandant que les négociations entamées avec l'UE en vue d'une adhésion soient rompues (Mo. 92.422 et Mo. 92.425)

Dossier: Négotiations sur l'adhésion de la Suisse à l'Union Européenne (UE)

Lors des sessions parlementaires, plusieurs interventions sur le sujet de la politique européenne ont été traitées par les Chambres. Ces dernières ont rejeté à la quasi-unanimité les initiatives parlementaires jumelles Morniroli (Lega, TI) et Ruf (ds, BE) (92.422) qui, reprenant le texte de l'initiative populaire des Démocrates suisses et de la Lega, demandaient que les négociations entamées avec l'UE en vue d'une adhésion soient rompues et que l'ouverture de celles-ci soit soumise au vote du peuple et des cantons. Dans les deux Conseils, les commissions de politique extérieure ont estimé que la décision du Conseil fédéral de 1992 de transmettre une demande d'ouverture de négociation en vue d'une adhésion à l'UE était conforme à la Constitution.

Resolution pour le renforcement de l'incluence des cantons (1993)

Dossier: Négotiations sur l'adhésion de la Suisse à l'Union Européenne (UE)

Plusieurs Grands Conseils romands (JU, GE, FR notamment) ont adopté une résolution demandant au Conseil fédéral de maintenir sa demande d'ouverture de négociations en vue d'une adhésion à l'Union européenne.
(c.f. aussi: politique de coopération transfrontalière)

Analyse des conséquences du vote sur l'EEE (Po. 93.3167)

Par ailleurs, le Conseil national a transmis un postulat Caccia (pdc, TI) qui prie le Conseil fédéral de mandater un institut indépendant de l'administration fédérale pour établir une étude scientifique sur les conséquences, avant tout sur les plans économique et technologique, du vote négatif du 6 décembre 1992. Le gouvernement a annoncé qu'une analyse systématique des discriminations rencontrées par les entreprises suisses à la suite du rejet de l'EEE allait être effectuée. La chambre basse a également accepté un postulat Gross (ps, ZH) (93.3467) qui demande au Conseil fédéral d'élaborer un rapport sur les différentes options et positions concernant l'évolution institutionnelle future de l'UE en tenant compte de l'attachement du peuple suisse à la démocratie directe et au fédéralisme.

Plusieurs interventions parlementaires traitant de l'avenir de la politique européenne (1993)

Dossier: Négotiations sur l'adhésion de la Suisse à l'Union Européenne (UE)

Lors de la session de septembre à Genève, le bureau des deux Chambres fédérales avait prévu de mettre à l'ordre du jour plusieurs interventions parlementaires traitant de l'avenir de la politique européenne du Conseil fédéral. Cependant, dans les deux Conseils, une motion d'ordre, déposée par M. Suter (prd, BE) au Conseil national et par E. Rüesch (prd, SG) au Conseil des Etats, demandant un report du débat sur la politique européenne ont été approuvées par 90 voix contre 62 à la chambre basse et 24 contre 14 à la chambre haute. Pour le député radical bernois, pourtant partisan de l'EEE et d'une adhésion à l'Union européenne, l'ouverture d'un débat parlementaire sur cette question était prématurée et nécessitait une plus grande préparation pour aboutir à des résultats concrets. Il a également été souligné qu'un débat parlementaire risquait d'affaiblir la position du Conseil fédéral dans les négociations bilatérales avec l'Union européenne. Les auteurs des motions d'ordre ont proposé que les Chambres fédérales abordent la question de la politique européenne lorsque le Conseil fédéral aura publié son rapport sur la politique extérieure ou pris position sur l'initiative populaire «Pour notre avenir au coeur de l'Europe». Les députés socialistes et écologistes étaient favorables à l'ouverture d'un débat alors que les groupes radical et de l'UDC y étaient opposés, le PDC restant divisé sur la question. Les discussions autour du report du débat ont révélé les stratégies divergentes des partis sur la question de l'intégration européenne. La plupart des députés radicaux et de l'UDC voulaient accorder une priorité exclusive aux négociations bilatérales, alors que dans les rangs du PDC, du PS, des écologistes et des libéraux, une majorité envisageait plutôt d'organiser rapidement un deuxième vote sur la participation au traité de l'EEE, voire d'entamer dans les plus brefs délais des négociations en vue d'adhérer à l'UE.

Fondation de l'Association pour une Suisse ouverte (1993)

En Suisse alémanique, a vu le jour l'Association pour une Suisse ouverte (APSO). Placée sous la présidence de l'ancien conseiller aux Etats Paul Bürgi (prd, SG), elle a pour but de rassembler les forces favorables à une plus grande ouverture politique et économique de la Suisse. Des personnalités de tous les horizons politiques font partie de l'association; plusieurs parlementaires, dont Ch. Friderici (pl, VD), R. Simmen (pdc, SO), et T. Onken (ps, TG) ainsi que l'ancien conseiller fédéral R. Friedrich, en sont membres. Les représentants de l'association se sont déclarés favorables à un nouvel élan pour une participation de la Suisse à l'EEE, mais n'ont toutefois pas apporté leur soutien à l'initiative populaire du «Comité né le 7 décembre». Un mois après sa présentation publique, l'organisation comptait déjà près de 1000 membres.

Fondation du mouvement politique «Renouveau Suisse-Europe» (1993)

Dossier: Négotiations sur l'adhésion de la Suisse à l'Union Européenne (UE)

Un nouveau mouvement politique, «Renouveau Suisse-Europe», a été fondé en Suisse romande. S'opposant aux tendances nationalistes et xénophobes, il poursuit trois objectifs: adhésion de la Suisse à l'Union européenne avant l'an 2000, stimulation des réformes intérieures et défense des équilibres socio-économiques. Cette nouvelle organisation a annoncé qu'il envisageait de présenter une liste de candidats pour le Conseil national lors des prochaines élections fédérales.

Initiative populaire «Oui à l’Europe» (MCF 99.011)

Réunies deux ans après le vote négatif sur l'EEE, cinq organisations proeuropéennes, dont le mouvement "Né le 7 décembre", ont décidé de lancer une nouvelle initiative intitulée "Oui à l'Europe" dans le but de réactiver le débat européen avant les élections fédérales de 1995. Plus ambitieuse que la première qui requérait un second vote sur l'EEE, celle-ci demande que la Suisse participe au processus d'intégration européenne et vise dans ce but l'adhésion à l'UE.

Concrétisant ce qu'elles avaient annoncé en décembre 1994, cinq organisations proeuropéennes, regroupées au sein d'un même comité, ont officiellement lancé l'initiative populaire "Oui à l'Europe". Celle-ci dispose que la Suisse participe au processus d'intégration européenne et charge, à cette fin, le Conseil fédéral d'engager sans délai des négociations avec l'UE en vue d'y adhérer. Le texte demande par ailleurs aux autorités fédérales de veiller à ce que les valeurs fondamentales de la démocratie et du fédéralisme ainsi que les acquis sociaux et environnementaux soient assurés par des mesures adéquates lors de ces négociations et de l'adaptation du droit suisse à celui de l'Union. La nouvelle initiative proeuropéenne n'a pas tardé à recevoir le soutien de multiples forces politiques dont l'USS, le PSS, le PLS et le PES ainsi que celui de nombreuses personnalités des mondes académique, du spectacle et du sport.

Munie de 106 442 signatures récoltées non sans mal, l'initiative "Oui à l'Europe" a été déposée dans le courant du mois de juillet à la Chancellerie fédérale. Rappelons que cette initiative demande que la Confédération engage sans délai des négociations avec l'UE en vue d'y adhérer; elle constitue pour l'heure la troisième initiative populaire pendante concernant les relations Suisse-UE.

Le Conseil fédéral a choisi de rejeter l’initiative «Oui à l’Europe», qui demande l’ouverture de négociations sans délai, et de lui opposer un contre-projet indirect non soumis au référendum sous la forme d’un arrêté fédéral simple. Ce texte stipule, dans les grandes lignes, que la Suisse participe au processus d’intégration européenne et vise dans ce but à adhérer à l’UE, mais que c’est le Conseil fédéral qui prépare les négociations et décide du moment de la réactivation de la demande d’adhésion. Fondamentalement d’accord avec l’idée d’une adhésion à l’UE – il en a fait son but stratégique à long terme – le gouvernement n’a pas voulu risquer un échec des négociations bilatérales et la possibilité d’un refus devant le peuple. Ce faisant, il a réaffirmé le caractère éminemment prioritaire de la conclusion des bilatérales et préféré garder le pouvoir de décider en temps voulu de la candidature de la Suisse à l’UE.

Le Conseil fédéral a transmis aux chambres son message relatif à l’initiative populaire « Oui à l’Europe ! » en leur recommandant de la rejeter. Bien que le gouvernement partage largement la vision des promoteurs de l’initiative, il ne désire pas entamer immédiatement des négociations d’adhésion avec l’UE et veut surtout éviter toute confusion avec le dossier des accords bilatéraux qu’il considère comme prioritaire (voir supra). Comme contre-projet indirect à ce texte, le gouvernement a élaboré un arrêté fédéral simple (non soumis au référendum) en reprenant plusieurs éléments de l’initiative, notamment le premier article qui stipule que « la Suisse participe au processus d’intégration européenne et vise dans ce but à adhérer à l’Union européenne ». Dans ce projet, le Conseil fédéral mentionne toutefois clairement qu’il souhaite se réserver la décision de la réactivation de la demande d’adhésion en fonction des débats sur le rapport d’intégration, de l’état des négociations bilatérales et sur la base des consultations. A la suite de la publication de ce message, le Nouveau mouvement européen suisse (NOMES) a annoncé qu’il ne retirerait pas son initiative tant que la procédure d’intégration ne serait pas entamée. Le parlement a jusqu’au 30 juillet 2000 pour se prononcer sur ce texte et au cas où il déposerait son propre contre-projet, le vote sur l’initiative pourrait être retardé d’un an et repoussé en 2002 ou 2003. Dans cet esprit, la discussion sur une motion Comby (prd, VS) demandant l’ouverture de négociations pour une adhésion à l’UE dès l’entrée en vigueur des accords bilatéraux a été combattue par le démocrate du centre Hanspeter Seiler (BE) et renvoyée par le Conseil national.

Le conseiller national Christoph Blocher (udc, ZH) a proposé un moratoire sur la question européenne jusqu’en 2005 si la Suisse accepte les accords bilatéraux. Ce délai permettrait de calmer le jeu entre les partis pour pouvoir ensuite reprendre sereinement le débat. Sur ce même thème, le Conseiller fédéral Pascal Couchepin a parlé lui d’un moratoire de fait rendant irréaliste un vote sur l’adhésion à l’UE avant 2008. Cette date correspond au début de la deuxième étape de l’accord sur la libre circulation des personnes contre laquelle un référendum sera possible. Le NOMES, par la bouche de son président Marc Suter (prd, BE), a réagi à ces déclarations et a affirmé pour sa part qu’il s’était fixé comme but une adhésion en 2006. Provenant même du parti radical, d’autres réactions furent émises les jours suivants pour regretter cette prise de position du ministre de l’économie.

Plusieurs sondages ayant trait à l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne ont été publiés en 1999. Rendue publique à la fin de l’année par l’EPF Zurich, une enquête a mis en évidence que 79% des Suisses approuveraient l’adhésion si la votation était fixée en 2010. De janvier à août, les opinions favorables à une adhésion sont passées de 50% à 57%. Un autre sondage effectué dans les pays de l’UE a montré que la Suisse serait la bienvenue dans l’Union. Le septante pour-cent des personnes interrogées s'est prononcé positivement à l’égard d’une adhésion de la Suisse. Avec un score de 84%, les Danois et les Hollandais se sont montrés les plus favorables, alors que le Royaume-Uni (64%), l’Irlande (64%) et le Portugal (59%) ont été les plus sceptiques.

La législature 2003-2007 devrait voir l’ouverture des négociations concernant l’adhésion de la Suisse à l’UE, selon le Conseil fédéral. Celui-ci, par la voix de Joseph Deiss, a annoncé à maintes reprises qu’il examinerait rapidement les conséquences d’une entrée dans l’Union, dans des domaines comme le fédéralisme, les droits populaires, les impôts – avec une TVA qui passerait à 15% –, la politique économique et monétaire. La perspective d’une ouverture des négociations a traversé l’entièreté des interventions du gouvernement en matière de politique étrangère au cours de l’année sous revue.

Plus concrètement, l’année fut rythmée au pas de l’initiative populaire «Oui à l’Europe» que les chambres fédérales ont empoigné dans un débat haut en couleurs. Premier jalon au calendrier, le Conseil fédéral a rejeté le texte de l’initiative et a proposé au parlement un contre-projet indirect, non soumis au referendum facultatif et principalement caractérisé par la confirmation du gouvernement de se donner comme but l’intégration de la Suisse à l’UE, ceci sans qu’un délai soit fixé, ainsi que par une totale autonomie du gouvernement quant à l’éventuel dégel de sa demande d’adhésion déposée en 1992 – comme prévu par la Constitution. Suite à l’annonce du contre-projet fédéral, les initiants l’ont jugé trop laxiste et ont refusé de retirer leur texte, fixant des modalités et des délais très précis. Soumise au Conseil national en session estivale, l’initiative a déchaîné les passions et entraîné de nombreux remous au sein même des partis. Le jour du vote, 70 orateurs se sont succédés à la tribune, durant plus de neuf heures de débat. Par 113 voix contre 61, les parlementaires ont rejeté l’initiative populaire avant de s’échauder autour des nombreux contre-projets présentés par les partis. L’acceptation d’une alternative jouait un rôle fondamental de l’avis des pro-européens, désireux, à défaut de voir l’initiative acceptée par le peuple, de lancer un débat de fond sur l’urgence de renouer avec une demande d’adhésion. Finalement, le contre-projet enfanté dans le douleur par le PDC a été retenu de justesse par 99 voix contre 84. Le texte du PDC, un peu plus contraignant que celui du Conseil fédéral, exhortait ce dernier à préparer les négociations et à soumettre un rapport sur les conséquences institutionnelles, économiques, monétaires, sociales et environnementales d’une adhésion suisse. Toujours selon le contre-projet, le gouvernement aurait aussi l’obligation de préparer les réformes nécessaires, gardant toute discrétion quant au choix du moment adéquat pour une réactivation des discussions avec l’UE. La Chambre des cantons a rejeté l’initiative (par 33 voix contre 9) et son contre-projet démocrate-chrétien (par 29 contre 16). La majorité était d’avis que la Confédération ne devait pas se focaliser sur l’unique voie d’une adhésion à l’UE, mais laisser aussi le chemin libre pour d’autres formes de collaboration. A la Chambre du peuple comme au Conseil des Etats, le contre-projet a pu compter sur l’appui des socialistes, des Verts, des libéraux, d’une majorité du PDC et d’une minorité des radicaux. Le refus alémanique fut très net à la Chambre des cantons: un seul sénateur germanophone s’est engagé en faveur du contre-projet.

Suite au refus des Etats, le Conseil national a rapporté à la session suivante le dossier européen, alors que les promoteurs de l’initiative «Oui à l’Europe» annonçaient qu’ils ne retireraient pas leur texte au cas où les Chambres ne parviendraient pas à s’entendre sur un contre-projet acceptable. Au cours de la pause estivale, la commission de politique extérieure du Conseil national a confirmé son attachement au texte du contre-projet parlementaire, par 15 voix contre 8. A la session d’automne, la Chambre du peuple a maintenu son soutien au contre-projet, par 97 voix contre 83, selon la même découpe partisane qu’à la session précédente. Après que la commission de politique extérieure du Conseil des Etats eut à nouveau refusé le texte par 8 voix contre 5, la Chambre des cantons a définitivement enterré le contre-projet, à une majorité de 26 voix contre 15. Les initiants ont annoncé leur volonté de présenter malgré tout leur initiative au peuple, regrettant que le refus d’un contre-projet ne leur permettait pas de la retirer.

Face au maintien de l’initiative «Oui à l’Europe» par ses promoteurs, le Conseil fédéral a inscrit au 4 mars 2001 la votation populaire. A ce sujet, l’Union syndicale suisse et le Comité des syndicats chrétiens se sont prononcés en faveur du oui en toute fin de l’année.

L’initiative populaire «Oui à l’Europe», maintenue par ses initiants Nouveau mouvement européen (NOMES) malgré un parcours parlementaire tumultueux qui avait abouti au rejet par les Chambres de l’initiative comme de son contre-projet, est entrée dans sa phase de campagne dès le début de l’année. Le comité de soutien à l’initiative se fixait comme but obtenir la majorité du peuple, ainsi que l’acceptation du texte par au moins sept cantons les romands et les deux Bâles. Pour mener sa campagne, le comité escomptait sur un budget de 1,4 millions de francs: deux semaines avant la votation, il n’aura pu récolter que la moitié. Parmi les parlementaires fédéraux au sein du comité cohabitaient 15 radicaux et autant de démocrates-chrétiens, 52 socialistes, 10 écologistes, 4 libéraux, un indépendant et un membre du POP. En découpe partisane, le mot d’ordre du «oui» n’a pas bénéficié d’une aussi belle concorde. Si le PS a appelé facilement sa base à accepter l’initiative, le PRD l’a refusée par 98 voix sur 133, lors de son assemblée des délégués. En revanche, le PDC suisse a créée la surprise en apportant son approbation au projet européen, par 189 voix contre 148, désavouant du même coup son président Adalbert Durrer, opposé à l’initiative, et son conseiller fédéral Joseph Deiss, tenant du calendrier européen «officiel» définit par la Confédération. Afin de dépasser les querelles parlementaires, un comité de jeunes radicaux, socialistes et démocrates-chrétiens a vu le jour pour défendre l’initiative du NOMES. Les jeunes radicaux, en opposition avec le mot d’ordre national de leur parti, avaient déjà fait connaître leur volonté de s’engager activement en faveur du oui. L’USS s’est elle aussi prononcée pour une acceptation de l’initiative par le peuple, alors que, de l’autre côté de l’échiquier idéologique, le parti libéral suisse s’annonçait aussi favorable au oui.

Dans le camp opposé, l’initiative a dû affronter les arguments des partisans d’un «non raisonnable» qui, sans refuser l’UE, jugent les termes et les délais prévus par l’initiative imprudents ou irréalisables. Dans cet ordre d’idées, un comité de 102 parlementaires, principalement radicaux et alémaniques, s’est formé sous le nom «Penser européen, agir intelligent». Plus strictement réfractaire à toute idée d’adhésion, l’ASIN a évidemment apposé son refus à l’initiative des jeunes. Parmi ses arguments en forme de mise en garde, une hausse massive de la TVA, des difficultés majeures dans l’agriculture et l’impossibilité de faire face aux flux migratoires ne seraient que quelques dangers qui accompagneraient une Suisse devenue membre de l’UE. Quelques jours plus tard, en assemblée à Martigny (VS), l’UDC a en toute logique suivi la voie de l’ASIN en enterrant l’initiative à l’unanimité moins deux voix. Autres mots d’ordre négatifs: Economiesuisse et l’Association suisse des banquiers. A l’instar de ces deux représentants de poids, l’USAM et l’USP ont jugé l’initiative aventureuse et précipitée.

Le 4 mars, le résultat de la votation s’est exprimé en véritable camouflet pour les initiants comme pour les europhiles helvétiques. Avec plus de trois quarts de refus populaire et un rejet de l’ensemble des cantons, l’échec de l’initiative est sans appel. Entre le non ferme de l’ASIN et de l’UDC et le non «raisonnable» de multiples sources, dont le Conseil fédéral, le projet du NOMES n’est apparu que comme une option sans caractère de nécessité. Une bonne participation a pu démontrer cependant l’importance attachée par les électeurs au dossier européen. Parmi les plus hostiles à l’initiative, le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures a pris la tête (90,3% de non), alors que Neuchâtel fut le plus près d’accepter le texte du NOMES (55,8% de non). Si beaucoup s’attendaient à un refus, tous ont été surpris de son ampleur, à tel point que la première réaction de l’ASIN fut de proposer le retrait immédiat de la demande d’adhésion à l’UE déposée, puis gelée en 1992. Quant à l’UDC, elle a déposé une motion – refusée par le National – exigeant que le Conseil fédéral ajourne tous les travaux liés à l’adhésion à l’UE, rendus selon elle obsolètes par les chiffres de la votation. Ueli Maurer a même remis en question l’avenir politique de Joseph Deiss au poste des affaires étrangères, arguant du fait que la fibre pro-européenne du ministre ne pouvait être représentative d’une population opposée à l’Europe.


Votation du 4 mars 2001

Participation: 55,8%
Oui: 597 217 (23,1%) / 0 cantons
Non: 1 982 549 (76,9%) / 26 cantons

Mots d'ordre:
– Oui: PDC (19*), PS, PL (2*), PES (2*), PdT; USS, CSS.
– Non: UDC, PRD (4*), PEP, UDF, DS, Lega, PdL; Economiesuisse, USAM, USP.
* Recommandations différentes des partis cantonaux


Au contraire, le gouvernement a donné une analyse positive du résultat, y constatant un refus populaire de brusquer les choses et une adéquation sur la ligne européenne du Conseil fédéral. Ce dernier a ainsi maintenu son calendrier européen éventualité d’une réouverture des négociations en cours de magistrature 2003-2007 et a confirmé ses priorités: entrée en vigueur des accords bilatéraux à brève échéance, puis réalisation de nouvelles négociations bilatérales, enfin, à plus long terme, adhésion de la Suisse à l’UE. L’analyse VOX relativise cependant ces deux commentaires unilatéraux et montre que, parmi les opposants, ceux qui rejetaient toute idée d’adhésion étaient un peu plus nombreux (51%) que ceux qui considéraient le moment précipité.

Réalisation des conditions intérieures et extérieures nécessaires à la politique européenne (Mo. 94.3144)

Le Conseil des Etats a transmis - partiellement en tant que postulat et partiellement en tant que motion - une motion Cottier (pdc, FR) priant le Conseil fédéral de procéder chaque semestre à l'appréciation et au contrôle des négociations bilatérales avec l'UE, ainsi que de faire rapport sur l'évolution de la réalisation des conditions intérieures et extérieures nécessaires au progrès de la politique européenne de la Suisse. Le gouvernement est par ailleurs prié d'analyser les conséquences pour la Confédération des votations de l'Autriche, la Finlande, la Suède et la Norvège sur leur adhésion à l'UE et de présenter aux Chambres un avis sur l'importance future de l'EEE pour la Suisse. Le texte de la motion demande également au Conseil fédéral d'examiner si un contre-projet commun aux initiatives "Négociations d'adhésion à la CE: que le peuple décide!" et "Pour notre avenir au coeur de l'Europe" est possible et opportun. Finalement, les autorités fédérales sont chargées de soumettre au parlement des lignes directrices sur lesquelles elles entendent se fonder pour rendre régulières l'information et la communication sur des questions de politique européenne.

Fondation de l'Association des jeunes pour l'avenir de la Suisse (1994)

L'Association des jeunes pour l'avenir de la Suisse (ASAS) a vu le jour en Suisse alémanique. Ce mouvement, coprésidé par Patrick Woerz et Thomas Weber des jeunesses radicales et de l'UDC, entend empêcher une entrée de la Suisse dans l'UE sous sa forme actuelle et s'engager pour le maintien des droits démocratiques dans une Suisse neutre et autonome. La création de ce groupement, qui compte quelque 300 membres dont un délégué francophone, a été saluée par les démocrates suisses et le parti de la liberté (ex-PA).

Ouvrir des négociations avec l'UE (Mo. 93.3443)

Dossier: Négotiations sur l'adhésion de la Suisse à l'Union Européenne (UE)

Après une longue discussion au sein du Conseil des Etats, le député Roth (pdc, JU) a décidé de retirer la motion qu'il avait déposée en 1993 et qui demandait au Conseil fédéral d'ouvrir des négociations avec l'UE en vue de l'adhésion de la Suisse.

Ouverture de négociations pour une adhé­sion à l'UE (Iv.pa. 94.435)

Dossier: Négotiations sur l'adhésion de la Suisse à l'Union Européenne (UE)

En fin d'année, le Groupe socialiste a déposé une initiative parlementaire visant à modifier les dispositions transitoires de la Constitution de façon à ce que les autorités fédérales soient expressément chargées de réactiver la demande d'ouverture des négociations d'adhésion avec l'UE et de mettre à profit toute leur marge de manoeuvre sur le plan de la politique intérieure afin de créer les conditions propres à apaiser les diverses craintes que suscite l'idée d'une adhésion à l'UE au sein de l'opinion publique. L'initiative veut par ailleurs modifier les droits populaires, les prérogatives du parlement et les droits de participation des cantons pour les rendre compatibles avec une intégration de la Suisse dans l'UE.

Rapport intermédiaire sur la politique d'intégration européenne de la Suisse du 29 mars 1995 (MCF 95.023)

Conformément à ce qui avait été annoncé en 1993, puis réaffirmé l'année suivante, le Conseil fédéral a transmis aux Chambres un rapport intermédiaire sur la politique d'intégration européenne de la Suisse. Répondant à un besoin d'information sur ce thème controversé, ce document se veut un état général des lieux depuis la votation du 6 décembre 1992 sur l'EEE et non une base à un nouveau débat parlementaire sur la question européenne, comme a tenu à le souligner le gouvernement.

Le rapport décrit premièrement l'évolution de la construction européenne qui - de par l'entrée en vigueur du Traité de Maastricht, l'avènement de l'Europe des Quinze et l'affaiblissement consécutif de l'EEE et de l'AELE - a été marquée par des mutations importantes. Dans un deuxième temps, il passe en revue les développements qu'a connus le processus d'intégration européenne à l'échelle nationale. Sur le plan intérieur tout d'abord, le rapport mentionne l'étroite coopération instituée dans ce domaine entre le Conseil fédéral, d'une part, et le parlement, les cantons et les associations faîtières économiques, d'autre part. Il relève, en outre, les modifications juridiques adoptées de façon autonome en vue d'assurer l'eurocompatibilité du droit suisse ainsi que les différentes initiatives populaires et interventions parlementaires pendantes ayant pour objet l'intégration de la Suisse au sein de l'Europe. Sur le plan extérieur ensuite, le document rappelle les mesures prises au nom de la politique européenne helvétique, telles que l'intensification du dialogue politique avec l'UE ou l'observation de la mise en oeuvre et du développement du Traité EEE. Se fondant sur les résultats d'études confiées à des instituts indépendants, la troisième partie du rapport fait état, quant à elle, des effets économiques de la non-participation de la Suisse à l'EEE, dans la mesure où ceux-ci sont déjà perceptibles. Le document traite finalement des négociations bilatérales sectorielles entre la Confédération et l'UE. A cet égard sont notamment évoqués la stratégie d'ensemble retenue par le gouvernement ainsi que le déroulement des négociations en général, puis secteur par secteur, pour chacun desquels les objectifs suisse et communautaire de même que les premiers résultats sont systématiquement mentionnés.

Quoique factuel, ce rapport intermédiaire a néanmoins été à l'origine d'un débat de fond sur la politique européenne au sein du Conseil national qui a profité de cette occasion pour se prononcer simultanément sur diverses initiatives parlementaires et motions encore pendantes en matière de politique d'intégration. Toutefois, le nombre de celles-ci avait alors singulièrement diminué en raison de la décision des groupes socialiste et démocrate-chrétien de retirer leurs deux initiatives déposées en 1994 au profit d'une motion de la Commission de politique extérieure. Rédigé dans l'optique de fournir une assise consensuelle solide à la politique européenne poursuivie par le Conseil fédéral, ce texte demande principalement au gouvernement de se concentrer, dans un premier temps, sur les négociations bilatérales puis, durant la législature 1995-1999, de déterminer le moment où il conviendra de relancer la procédure d'adhésion de la Suisse à l'UE. Ne souhaitant pas cautionner cette logique de compromis minimal entre les formations politiques proeuropéennes, la députée Grendelmeier (adi, ZH) a, pour sa part, maintenu son initiative parlementaire invitant fermement le Conseil fédéral à engager, au plus tard en 1996, des négociations avec l'UE en vue de l'adhésion de la Suisse.

A quelques mois des élections fédérales d'automne, ce débat sur l'Europe a permis de constater que les positions des différentes forces politiques représentées au Conseil national n'avaient guère évolué, notamment sur la question d'une éventuelle adhésion de la Suisse à l'UE. Ainsi l'UDC, les Démocrates suisses, la Lega et le parti de la liberté se sont à nouveau clairement prononcés contre toute forme d'intégration. A l'opposé, les socialistes, les libéraux, la majorité des écologistes et les indépendants ont réitéré leur souhait de voir la Confédération faire partie, à plus ou moins court terme, de l'Union européenne. Plus réservées, les interventions des députés radicaux et démocrates-chrétiens ont mis une nouvelle fois en exergue la retenue de ces deux partis quant à une éventuelle intégration de la Suisse à l'UE: le PRD et le PDC ont en effet souhaité que l'attention soit avant tout portée sur les négociations bilatérales et que, par ailleurs, l'option EEE reste ouverte.

Bien que le rapport intermédiaire du Conseil fédéral ait été l'objet d'une proposition de renvoi Moser (pdl, AG) et d'une proposition de désapprobation Pini (prd, TI), le Conseil national a décidé d'en prendre acte par 115 voix contre 27. Si, par ailleurs, la motion de la Commission de politique extérieure a été transmise par 93 voix contre 44 et 7 abstentions sous la forme moins contraignante d'un postulat, les députés de la Chambre du peuple ont en revanche décidé de ne pas donner suite à l'initiative Grendelmeier. Dernier objet à avoir été traité à cette occasion, la motion Cottier (pdc, FR) - sur laquelle le Conseil des Etats s'était penché en 1994 - a quant à elle été transmise comme postulat.

C'est à l'issue d'un débat moins mouvementé que le Conseil des Etats a, à son tour, décidé de prendre acte du rapport intermédiaire du Conseil fédéral. A cette occasion, la très forte majorité des intervenants s'est largement entendue sur la nécessité d'accorder la priorité aux négociations bilatérales que la Suisse mène avec l'UE, notamment dans l'attente de la révision du Traité de Maastricht qui interviendra lors de la Conférence intergouvernementale de 1996. Il est à relever que la Suisse ne devrait probablement pas bénéficier d'un statut d'observateur lors de cette conférence.

Idée d'une éventuelle votation populaire sur une adhésion "à l'essai" à l'EEE (1995)

Suite à la décision du Conseil fédéral de rejeter sans contre-projet l'initiative des jeunes "Pour notre avenir au coeur de l'Europe", le groupe de travail Suisse-Europe - composé d'une centaine de parlementaires bourgeois ainsi que de représentants des milieux économiques helvétiques - a lancé l'idée d'une éventuelle votation populaire sur une adhésion "à l'essai" de la Suisse à l'EEE. Passé un délai de cinq ans, le peuple et les cantons seraient à nouveau consultés pour confirmer ou infirmer leur premier vote. Si l'ensemble des partis gouvernementaux a qualifié cette alternative à l'initiative du Comité "Né le 7 décembre" de base de discussion intéressante, le PRD et le PDC ont néanmoins jugé qu'à l'heure des négociations bilatérales avec l'UE une telle option ne pouvait faire partie de l'agenda politique actuel. Quant au PSS, il a clairement rappelé que sa préférence allait à une adhésion de la Suisse à l'Union européenne, alors que de son côté, l'UDC a rappelé son opposition à une entrée de la Confédération au sein de l'EEE.

Au vu de l'avancée difficile des négociations bilatérales entre la Suisse et l'UE, l'option visant à faire revoter une seconde fois le peuple helvétique sur l'Espace économique européen ("EEE bis" ou "EEE-bis à l'essai") a rassemblé les suffrages d'un nombre grandissant de proeuropéens, tant parmi les partis gouvernementaux - exception faite de l'UDC – qu'au sein des milieux économiques et syndicaux. Jugeant que l'adhésion de la Suisse à l'UE n'est pas envisageable dans le contexte actuel, les partisans de cette voie médiane ont laissé entendre que pareil scrutin pourrait avoir lieu en 1997 ou 1998. Sous l'impulsion d'une interpellation (96.3029) déposée par le député valaisan Simon Epiney (pdc), une dizaine de parlementaires favorables à la réactivation du dossier EEE devait même recommander au Conseil fédéral de retirer la demande d'adhésion de la Suisse à l'Union, ceci afin de dépassionner le débat sur l'Europe et de préparer le terrain pour cette seconde votation populaire sur l'Espace économique européen. Cette proposition de retrait fut d'ailleurs reprise par l'UDC lors des entretiens de la Maison de Watteville qui se tinrent au début du mois de novembre: présentée comme un moyen à même de faciliter l'aboutissement des négociations bilatérales ainsi que l'acceptation de leurs résultats par le peuple suisse, cette voie sembla alors trouver un écho grandissant auprès des présidents des partis socialiste et radicaux. Elle fut en revanche fraîchement accueillie par le Conseil fédéral qui s'est attaché à répéter son intention de maintenir le cap dans la conduite des affaires européennes.

De leur côté, les opposants à toute forme d'intégration de la Confédération à l'UE devaient réitérer à maintes reprises leur volonté d'empêcher la conclusion de tout accord passé avec l'UE qui pourrait être dommageable aux intérêts helvétiques. Ainsi, la menace d'un référendum contre le résultat des négociations bilatérales menées avec les Quinze dans les domaines clés de la libre circulation des personnes et des transports terrestres s'est faite pressante tout au long de l'année, limitant par là-même la marge de manoeuvre des négociateurs suisses à Bruxelles.

Manifestations d'ampleur nationale des opposants et des partisans (1995)

La confrontation entre opposants et partisans d'une intégration de la Suisse au sein de l'Europe a atteint une intensité toute particulière à l'occasion de trois manifestations d'ampleur nationale qui se sont déroulées dans les villes de Zurich, puis Bienne. C'est tout d'abord à l'appel du conseiller national et président de l'ASIN Christoph Blocher (udc, ZH) que quelque 10 000 défenseurs d'une Suisse indépendante se sont rassemblés, fin septembre, dans les rues de la ville bordant la Limmat sous le slogan "Oui à la Suisse - Non à une adhésion à l'EEE/UE". L'après-midi du même jour, le parti socialiste zurichois - désireux de contrecarrer l'aile dure de l'UDC à quelques semaines des élections fédérales - a mis sur pied une contre-manifestation sur le Platzspitz qui devait à son tour rassembler près de 10 000 participants favorables à une "Suisse ouverte et tolérante", dont le conseiller fédéral démissionnaire Otto Stich. La présence, en marge des deux manifestations, de nombreux casseurs issus de la droite et de la gauche extrémistes a été à l'origine d'importantes échauffourées provoquant des dégâts matériels non-négligeables. Clairement placée sous le signe de l'apaisement, puisque organisée une semaine plus tard dans la ville bilingue de Bienne, une seconde manifestation pro-européenne a réuni environ 3000 personnes, sous la houlette du mouvement "Né le 7 décembre". Outre le PSS, le PLS, les grands syndicats, l'UNES ainsi que les jeunes libéraux, radicaux, démocrates-chrétiens et écologistes, de nombreuses personnalités du monde politique - dont la conseillère fédérale Ruth Dreifuss - ont apporté leur soutien à la manifestation. Quelque 700 anti-Européens devaient parallèlement se rendre à Morgarten (ZG) à l'occasion d'une rencontre de l'UDC de Suisse centrale durant laquelle Christoph Blocher a rappelé son attachement à une Suisse indépendante et neutre.

Forum «Europa-Dialog» (1996)

Réunis à Lucerne dans le cadre du premier Forum "Europa-Dialog", les ministres des affaires étrangères d'Autriche, de Suède, de Finlande et de Norvège ont fait part aux autorités helvétiques ainsi qu'à un public d'un millier de personnes de leurs expériences mutuelles au sein et en dehors de l'UE. Bien que les représentants des trois nouveaux membres de l'Union aient jugé de façon positive leur entrée au sein de l'Europe des Quinze, ils se sont néanmoins gardés de dresser une image par trop idyllique de la construction européenne, reconnaissant que celle-ci ne résoud en aucun cas de façon automatique les problèmes des Etats-membres. Mettant en exergue le poids important accordé aux petits pays dans le processus décisionnel européen, les ministres autrichien, suédois et finlandais ont invité la Suisse à profiter de l'échéance de 1998 - année durant laquelle l'UE considérera son élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale - pour se présenter aux portes de l'Union. De son côté, le dignitaire norvégien a déclaré que son pays n'envisageait pas d'organiser un nouveau référendum en vue d'adhérer à l'UE après l'échec de novembre 1994. Tirant un bilan positif de ce forum, les organisateurs de l'"Europa-Dialog" ont fait part de leur intention de réitérer cette manifestation en 1997.

Divers motions et postulats ayant pour objet la politique d'intégration européenne de la Suisse (Mo. 94.3088, Mo. 94.3093)

Une fois achevé le débat relatif à l'initiative des Démocrates suisses et de la Lega, le Conseil national a en outre traité à la suite divers motions et postulats ayant pour objet la politique d'intégration européenne de la Suisse. Ainsi, la motion déposée en 1994 par le groupe de l'Union démocratique du centre selon laquelle le gouvernement est chargé de donner une nouvelle orientation à la politique extérieure de la Suisse en renonçant avant tout à l'adhésion à l'UE comme objectif stratégique a été transmise comme postulat. Bien que poursuivant une finalité fort différente de celle de la motion du groupe UDC, la motion Comby (prd, VS) - qui enjoint le Conseil fédéral de réactiver la demande d'adhésion de la Suisse à l'UE sitôt connu le résultat des négociations bilatérales - a également été transmise sous la forme moins contraignante du postulat, et ce en dépit de l'opposition formulée par les députés Reimann (udc, AG) et Frey (udc, ZH). En revanche, la motion Keller (ds, BL) chargeant le Conseil fédéral de baser sa politique étrangère sur le strict maintien de la neutralité du pays et, à ce titre, de renoncer notamment à l'adhésion de la Confédération à l'Union européenne n'a pas été transmise par les députés du National. Un postulat du même auteur demandant au gouvernement de revoir son rapport sur la politique étrangère de la Suisse en tenant compte de l'opinion exprimée par la majorité des citoyens lors du vote sur l'EEE devait d'ailleurs connaître le même sort.

Initiative cantonale du Jura sur l’adhésion de la Suisse à l’UE (In.ca. 95.309)

Le Conseil des Etats a décidé de ne pas donner suite à l'initiative déposée fin 1995 par le canton du Jura qui demandait que la Confédération réactive la demande d'ouverture de négociations d'adhésion avec l'Union européenne et qu'elle s'engage, indépendamment du processus bilatéral, pour de rapides pourparlers en vue d'une entrée de la Suisse au sein de l'UE. Pareille requête a en effet été jugée malvenue en raison des conséquences néfastes qu'elle ne manquerait pas d'avoir sur le bon déroulement des négociations bilatérales sectorielles ainsi que sur le climat politique en Suisse.

Le canton du Jura avait déposé en 1995 une demande d’adhésion de la Suisse à l’UE («Négociations d’adhésion à l’Union européenne. Que le peuple décide!»). Refusée par le Conseil des Etats deux ans plus tard, c’était au tour de la Chambre basse de se prononcer sur cette initiative cantonale que Jean-Claude Rennwald (ps, JU) a voulu attacher par l’esprit au vote parlementaire sur l’initiative populaire «Oui à l’Europe». Le Conseil national ne l’a pas suivi, rejetant le texte par 105 voix contre 53.

Fondation des Plate-forme suisse «Oui à l'Europe» et «Né en 1848» (1995)

Les débats sur une éventuelle adhésion de la Suisse à l'EEE, voire à l'Union européenne ont été, en 1997, largement évincés par la priorité absolue accordée par la classe politique et par les médias aux négociations bilatérales. La perspective de leur conclusion avant la fin juin, puis les efforts déployés par la suite en vue de relancer le processus bilatéral dans l'espoir de le mener à terme avant la fin de l'année ont en effet relégué au second plan les discussions concernant un rapprochement plus significatif de la Confédération vers l'Europe. Peu satisfaits de cette absence de vision à moyen et long termes, les partisans de l'adhésion de la Suisse à l'UE ont néanmoins tenté à plusieurs reprises de relancer le débat sur l'intégration européenne. A ce titre, la "Plate-forme suisse Oui à l'Europe" - née du rassemblement de huit organisations proeuropéennes - invita le Conseil fédéral à réactiver sa demande d'adhésion à l'Union sitôt les négociations bilatérales achevées. Cette revendication, formulée au lendemain du vote sur l'initiative des Démocrates suisses/Lega, fut reprise par la suite par le comité "Né en 1848", auteur d'un manifeste en faveur de l'entrée de la Suisse au sein de l'UE et auquel plus de 2000 personnalités des mondes politique, économique, médiatique et culturel apposèrent leur signature.

Le mutisme quasi total dans lequel s'était jusqu'ici retranchée la classe politique à l'égard de toute tentative plus ambitieuse de rapprochement de la Suisse vers l'Europe fut soudainement brisé à la suite des difficultés rencontrées dans le cadre des négociations bilatérales au début du mois de novembre. Face à l'impasse qui se dessinait alors, les conseillers fédéraux Jean-Pascal Delamuraz et Moritz Leuenberger se déclarèrent en effet favorables à l'ouverture d'un nouveau débat public sur l'adhésion de la Confédération à l'UE. Cette impulsion en faveur de la relance du processus d'intégration ne fut toutefois que de courte durée en raison de la reprise active des pourparlers à l'échelon bilatéral dont le caractère prioritaire fut réaffirmé par le Conseil fédéral à la fin du mois de novembre.