Le projet de loi sur l'énergie qu'Adolf Ogi avait projeté de soumettre au parlement avant la fin de l'année 1995 a été une fois encore remanié sous l'égide de son successeur Moritz Leuenberger. Etablie après que plusieurs entretiens avec les milieux intéressés eurent été organisés durant le printemps, cette nouvelle version a fait l'objet d'un message transmis aux Chambres dans le courant du mois d'août. Celui-ci stipule d'entrée que le dispositif légal soumis au parlement a pour principes fondamentaux la coopération et la subsidiarité, ce qui fait de ce projet une véritable loi-cadre définissant des lignes directrices en matière d'approvisionnement énergétique économique et peu polluant et dans laquelle les mesures volontaires sont largement privilégiées par rapport aux prescriptions étatiques. Dans cette perspective, le Conseil fédéral sera notamment habilité à transférer certaines tâches d'exécution de la loi à l'économie et à d'autres organisations privées. Ainsi, l'idée initiale du Vorort de créer une agence de l'énergie privée et unique au sein de laquelle ses intérêts auraient été majoritairement représentés n'a été que partiellement retenue, puisque cette instance ne pourra s'occuper que des tâches concernant directement l'économie (production d'énergie, par exemple). Soucieux de ne pas offrir une position par trop dominante au secteur économique par rapport aux autres acteurs de la scène énergétique, le nouveau chef du DFTCE a en effet tenu à ce que d'autres organismes privés telles que les associations de protection de l'environnement et des consommateurs puissent se voir également confier, dans leurs domaines propres d'activités, des prérogatives en matière de politique de l'énergie.
La priorité étant accordée aux mesures volontaires plutôt qu'à l'interventionnisme de l'Etat, les autorités fédérales se sont attachées à réduire à son minimum la densité normative des dispositions légales énoncées dans le projet de loi au titre de l'utilisation économe et rationnelle de l'énergie. Ainsi, sur la base de l'évaluation des mesures prises en vertu de l'arrêté sur l'énergie de 1990, les prescriptions détaillées ont été revues à la baisse, notamment dans le domaine du bâtiment (isolation thermique et décompte individuel des frais de chauffage et d'eau chaude) pour lequel la loi ne comporte que des mandats législatifs à l'adresse des cantons. Concernant les mesures visant à faire diminuer la consommation des installations, véhicules et appareils produits en série, il est prévu que le Conseil fédéral ne pourra agir de façon contraignante en la matière que dans l'hypothèse où les actions volontaires développées à ce titre par les organisations privées ne parviendraient pas à atteindre les objectifs. Si tel devait être le cas, le gouvernement pourrait alors avoir recours à des prescriptions sur la consommation (valeurs-cibles ou exigences relatives à la commercialisation) ou – ce qui est une nouveauté – à des instruments économiques tels que des certificats de consommation d'énergie. Quant aux dispositions légales consacrées jusqu'alors par l'arrêté sur l'énergie dans les domaines du chauffage de plein air, des rideaux à air chaud ainsi que des appareils d'éclairage, elles ont été simplement abandonnées, tout comme le projet qui visait à introduire dans le nouveau dispositif légal une gestion intégrée des ressources. Par contre, le projet de loi reprend pour ainsi dire sans modification les mesures promotionnelles (information, conseils, formation et perfectionnement, recherche, développement et démonstration, promotion des agents renouvelables et de la récupération de chaleur) inscrites dans l'arrêté de 1990, hormis le fait qu'il sera désormais possible à la Confédération de subventionner également des mesures visant à encourager l'utilisation économe et rationnelle de l'énergie.
Bien qu'établi dans l'optique de rassembler un large consensus et d'éviter ainsi que ne soit lancé un référendum à son encontre, le projet de loi sur l'énergie a néanmoins été critiqué tant par les milieux économiques que par les organisations de protection de l'environnement et le parti socialiste: le Vorort a regretté notamment la dilution de son projet concernant la création d'une agence de l'énergie. A cet égard, l'association faîtière du commerce et de l'industrie a expressément demandé que le mandat et la fonction de cette agence soient définis dans la LEn-même; elle a en revanche souhaité que le choix des moyens auxquels cette instance pourra avoir recours soit laissé à l'économie. De leur côté, les écologistes et les socialistes – déçus par le faible degré de contrainte impliqué par la future loi sur l'énergie – ont reproché au Conseil fédéral d'avoir fait de trop fortes concessions aux revendications émises par les milieux économiques. La Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie s'est en revanche déclarée satisfaite par les mesures législatives proposées par le gouvernement.