La ratification du traité EEE (MCF 92.052) et l'adaptation du droit fédéral par le parlement (Eurolex; MCF 92.057) / Die Ratifizierung des EWR-Vertrgs und die Eurolex-Anpassungen

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Suite au retard de la signature du traité EEE en raison de la seconde consultation de la CJCE, le Conseil fédéral avait annoncé que la votation populaire sur le traité, initialement prévue pour la fin de l'année 1992, était reportée au début de l'année 1993. Cette déclaration suscita les protestations du premier ministre suédois, qui déclara que la Suisse exerçait un frein à la ratification du traité EEE. Les autorités fédérales ont réagi en déclarant que ces propos étaient inacceptables et constituaient une ingérence dans les affaires intérieures.

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Dossier: Négociations concernant l'Espace économique européen (EEE; 1988-1992)

Consécutivement à la signature du traité à Porto au début du mois de mai, les autorités fédérales sont revenues sur leurs déclarations des mois précédents pour annoncer que le peuple se prononcerait malgré tout le 6 décembre 1992 afin de ne pas retarder l'entrée en vigueur du traité EEE.

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La ratification du traité EEE (MCF 92.052) et l'adaptation du droit fédéral par le parlement (MCF 92.057) ont eu lieu dans le cadre de deux sessions parlementaires spéciales à la fin du mois d'août et du mois de septembre. Parmi les groupes parlementaires du Conseil national opposés à la ratification du traité EEE se trouvaient les groupes DS/Lega dei Ticinesi, PA, UDC – par 18 voix contre 7 – et le groupe écologiste; du côté des partisans, on pouvait distinguer les groupes des trois principaux partis gouvernementaux, le groupe libéral et celui de l'AdI/PEP. Le point de vue des fractions parlementaires n'a toutefois pas été suivi à l'unanimité par leurs membres; que ce soit du côté des partisans ou des adversaires, de nombreuses dissidences ont été constatées. Lors de l'ouverture de la première session, plus de 126 orateurs individuels, en plus des portes-paroles des groupes, se sont exprimés au Conseil national. Après trois jours de débats, la chambre basse a finalement adopté à une large majorité, par 128 voix contre 57 et trois abstentions, l'arrêté fédéral d'approbation tout en y apportant quelques modifications. Seuls trois Romands — Sandoz (pl, VD), Rohrbasser (udc, FR) et W. Schmied (udc, BE) — se sont prononcés négativement. Au Conseil des Etats, l'arrêté d'approbation a également été accepté par une très large majorité (38 voix contre 2).

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Durant les délibérations aux Chambres et auparavant dans les commissions, la question du maintien du droit de référendum lors de l'adaptation du droit fédéral au droit de l'EEE suscita un large débat. Le Conseil fédéral avait opté en faveur d'une procédure législative spécifique qui prévoyait la délégation des compétences au parlement pour toutes les modifications législatives qui devaient entrer en vigueur le 1e janvier 1993. Plusieurs motifs ont été avancés par le gouvernement pour justifier une telle procédure: tout d'abord, celle-ci permettait de respecter les obligations internationales de la Suisse — entrée en vigueur de l'EEE le 1.1.1993. —; ensuite, elle constituait une procédure simple et transparente qui ne donnait pas l'illusion aux citoyens qu'ils auraient la possibilité de s'opposer sur le fond aux modifications législatives et, enfin, elle garantissait la cohérence et la sécurité du droit. Dès les premières séances des commissions parlementaires, un accord s'est dessiné entre les représentants des partis gouvernementaux pour s'opposer à la ligne restrictive du Conseil fédéral et maintenir dans une plus large mesure le droit de référendum. Estimant que la marge de manœuvre du législateur dans la procédure d'adaptation était plus large que prévue, la commission du Conseil des Etats, à laquelle s'est ralliée sa consœur de la chambre basse, a proposé d'introduire un nouveau type de référendum, le référendum a posteriori. Son lancement n'aurait pas eu d'effet suspensif et la loi contestée serait entrée en vigueur; si la loi avait été rejetée en votation populaire, celle-ci aurait immédiatement cessé d'être en vigueur et c'est le droit de I'EEE qui aurait primé; par la suite, une nouvelle loi fédérale eurocompatible aurait dû être adoptée.

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Aux Chambres, les députés ont suivi les propositions des commissions parlementaires; l'article 20 des dispositions transitoires de la Constitution prévu dans l'arrêté d'approbation a ainsi été modifié par l'adjonction d'un alinéa prévoyant le maintien du droit de référendum contre les adaptations législatives. Pour des raisons de transparence et d'honnêteté vis-à-vis des citoyens et afin d'éviter certains litiges entre le droit européen et le droit fédéral, la chambre haute avait proposé une disposition qui exprimait clairement la primauté du droit de I'EEE en cas de référendum, ce qui était une façon d'indiquer la portée limitée du référendum a posteriori. Estimant que ce principe allait de soi et qu'il était pas indispensable de le mentionner explicitement, le Conseil national a refusé, par 91 voix contre 80, de se rallier à la solution des sénateurs, ce à quoi se rallia la chambre des cantons. La commission des institutions politiques de la chambre basse a également donné suite, sous la forme d'une initiative parlementaire, à la proposition socialiste d'introduire un référendum constructif qui consisterait en la possibilité de présenter une contre-proposition lors d'une demande de référendum. En raison de la portée de cette réforme, qui dépassait le cadre des adaptations législatives dues à la reprise du droit de I'EEE et afin d'examiner cette question de manière approfondie, les députés ont décidé de renvoyer ce texte à la commission.

Par ailleurs, la chambre haute, sur une proposition du libéral vaudois Reymond, a modifié l'article de l'arrêté d'approbation relatif à la participation des cantons lors de la mise en oeuvre et du développement futur du droit de l'EEE de telle manière que le respect des compétences des autorités cantonales soit renforcé, notamment par la participation de celles-ci à la formation des mandats des négociateurs helvétiques.

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Le Conseil fédéral avait annoncé au mois de février qu'un crédit de 5,9 millions de francs serait consacré à une vaste campagne d'information sur l'intégration européenne; cette opération a été conduite par le Bureau de l'intégration DFAE/DFEP, complétée par la participation d'une agence de relations publiques. Répondant à différentes interventions parlementaires, le Conseil fédéral avait déclaré qu'il entendait fournir une information objective et exhaustive sur les différentes questions relatives à la participation à l'EEE. Les principaux axes de cette campagne d'information furent la publication de différentes brochures, générales ou thématiques, la mise à disposition d'une ligne téléphonique gratuite et l'organisation de nombreuses conférences. Le gouvernement a finalement renoncé à financer des affiches et des annonces payantes insérées dans la presse, comme il en avait été question dans un avant-projet au début de l'année. Au mois de juin, le débat parlementaire au sujet de l'octroi du crédit de 3,4 millions de francs consacrés à la campagne d'information (91.050) – les 2,5 millions restant étant à la charge de la Chancellerie fédérale – donna lieu à une première confrontation entre partisans et adversaires d'une participation à l'EEE. Alors que les socialistes, démocrates-chrétiens (91.3406), libéraux et indépendants soutenaient la proposition du Conseil fédéral, les démocrates du centre, les démocrates suisses, la Lega dei Ticinesi et les automobilistes, craignant la «propagande» des autorités fédérales, s'y opposaient vigoureusement, les radicaux et les écologistes restant pour leur part divisés.

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Tout au long de l'année, la question de la participation de la Suisse à I'EEE a suscité un large débat dans les médias et la population. Les opinions au sein des partis et des associations économiques se sont affinées et cristallisées au fur et à mesure que l'échéance de la votation populaire se rapprochait. De nombreux sondages sur l'opinion des Suisses à l'égard de l’EEE ont été publiés durant l'année. Outre la campagne d'information menée par le bureau d'intégration, les conseillers fédéraux, O. Stich excepté, sont intervenus à de nombreuses reprises dans les médias ou lors de conférences publiques pour soutenir et exposer le point de vue du gouvernement durant les mois précédant la votation. Quelques semaines avant la date du 6 décembre, face aux craintes de la population et au ton virulent, voire même intolérant, de la campagne, le Conseil fédéral est intervenu solennellement lors d'une conférence de presse pour demander aux citoyens un plus grand respect de la diversité des opinions. A cette occasion, il a réaffirmé que l'accord EEE ne mettait pas en danger l'identité et les particularités culturelles et politiques de la Suisse. Par ailleurs, 23 des 26 exécutifs cantonaux, de même que la Conférence des chefs des départements cantonaux de l'économie publique, ont formellement souhaité la participation de la Suisse à l'EEE, alors que les trois autres – Thurgovie, Zurich et Glaris – ont manifesté leur approbation mais sans évaluer le traité. Plusieurs Grands Conseils cantonaux ont également pris position en faveur du traité.

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Outre le parti des automobilistes, la Lega dei Ticinesi et les Démocrates suisses qui ont clairement rejeté le traité EEE, l'UDC, lors de son assemblée des délégués, s'est également prononcée négativement, par 289 voix contre 119. Il est à noter que l'UDC zurichoise, emmenée par Ch. Blocher, figure centrale du front de l'opposition à I'EEE durant toute la campagne, avait déjà pris position au début du mois de juillet. Par la suite, les sections bernoise, à, une courte majorité, et vaudoise se sont démarquées du parti national en optant pour le oui.

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A coté des partis et des associations économiques, de nombreux comités, en faveur ou contre le traité EEE, réunissant des personnalités publiques, ont vu le jour aux niveaux national et cantonal. Au début de l'été a eu lieu la fondation du principal comité d'opposition: le «Comité d'action contre la tutelle de I'EEE et de la CE – pour une Suisse ouverte au monde», présidé par W. Frey (udc, ZH) et J.P. Bonny (prd, BE) et composé d'une quarantaine de députés nationaux, dont seulement trois romands – 20 démocrates du centre, huit radicaux, sept automobilistes, cinq démocrates suisses, 3 membres de la Lega dei Ticinesi, 1 libéral et le représentant de l'Union démocratique fédérale –, et de représentants du monde économique.

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Comme lors de la votation sur l'adhésion à l'ONU, l'Action pour une Suisse Indépendante et Neutre (ASIN) fut l'un des animateurs principaux de la campagne des opposants. Ses arguments rejoignirent dans les grandes lignes ceux du comité national d'opposition. Tous deux ont mis l'accent sur les pertes de souveraineté qu'entraînerait I'EEE et sur ses atteintes à la démocratie directe et à la neutralité. D'autre part, ils ont insisté sur la baisse des salaires et l'augmentation du chômage qui découleraient d'une immigration accrue des travailleurs en provenance des autres pays européens. De plus, ils ont constamment affirmé que l'adoption du traité était indissociable d'une adhésion à la CE, ce qui leur paraissait inacceptable. Par ailleurs, selon eux, la Suisse n'aurait rien à craindre de ne pas participer à l'EEE.

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Après que le comité directeur, puis le comité de l'Union Suisse des Paysans – par 58 voix contre 27 – se sont déclarés favorables au traité EEE, tout en rejettant l'idée qu'il s'agisse d'une étape transitoire vers l'adhésion à la CE, l'assemblée des délégués s'est prononcée contre la participation à l'EEE par 287 voix contre et 253 pour.

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L'autre principal camp d'opposition à l'EEE émanait des rangs écologistes et de certaines personnalités de gauche. Par 82 voix contre 30, les délégués du PES ont clairement pris position contre le traité EEE; comme souvent au sujet de l'intégration européenne, un clivage entre romands et alémaniques a pu être observé. Au début du mois d'octobre s'est formé un comité d'orientation écologiste et sociale, composé de 17 parlementaires fédéraux écologistes et de gauche, contre le traité EEE. Selon les membres du comité, ce dernier aurait eu des conséquences néfastes sur le plan de l'environnement, de la démocratie et de la solidarité. D'autre part, ils ont également insisté sur le fait que le non à l'EEE ne devait pas être monopolisé par l'extrême droite.

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Les deux principaux courants en faveur de I'EEE se sont réunis au sein de deux comités nationaux: d'une part, le comité d'action suisse «Oui à l'EEE», composé de parlementaires issus de tous les partis gouvernementaux, sauf le PSS, ainsi que de nombreuses personnalités des milieux économiques; d'autre part, un comité rouge-vert «pour un oui critique à l'EEE», comprenant des députés du PSS, du PdT, du PES, des syndicalistes et des défenseurs des locataires. Dans le premier comité, les membres se sont entendus sur un accord minimum pour soutenir l'EEE; par contre, de nombreuses divergences persistaient quant à la vision à plus long terme au sujet d'une éventuelle adhésion à la CE. Le second considérait I'EEE comme une étape intermédiaire avant une adhésion à la CE et s'est déclaré favorable à «une Suisse sociale dans une Europe sociale».

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Que ce soit le PRD, le PDC, le parti libéral ou l'AdI, tous se sont prononcés à une large majorité en faveur de I'EEE, même si certains de leurs membres ont adopté des positons divergentes. Cependant, ils sont restés divisés sur la question de l'adhésion à la CE, sauf l'AdI qui s'y est déclaré favorable.

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Quant à eux, les délégués du PSS ont approuvé dans une proportion de 10 contre 1 le traité EEE, tout en soulignant qu'il ne constituait pour eux qu'une étape transitoire vers l'adhésion à la CE. La préservation du droit de référendum pour les adaptations législatives et l'obtention de certaines garanties sociales lors des débats parlementaires expliquent en bonne partie un résultat si net. Les opposants socialistes ont surtout dénoncé le caractère purement économique du traité et le peu de respect des droits démocratiques.

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Le Vorort a avancé 6 raisons pour motiver son soutien au traité EEE: 1) ce dernier permet à la Suisse de participer sans discrimination au grand marché européen intégré; 2) I'EEE facilite le recrutement d'une main d'oeuvre européenne qualifiée; 3) avec ce traité, un produit peut être offert en Suisse et dans l'ensemble des pays membres au terme d'une procédure unique; 4) les petites et moyennes entreprises peuvent tirer profit de l’EEE dans une mesure notable; 5) l’EEE garantit la participation aux importants programmes de recherche de la CE; 6) en participant à I'EEE, la Suisse donne la preuve de son attachement à la formation d'une Europe unie et pacifique.

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A la surprise des observateurs, l'USAM, qui s'était montrée très réticente à l'égard de I'EEE, s'est finalement prononcée, à une courte majorité de ses délégués, en faveur du traité. II semblerait que les retombées négatives d'une non-participation à I'EEE pour les sous-traitants des grandes industries d'exportation, qui recrutent principalement dans les milieux des arts et métiers, aient influencé de façon décisive les délégués de l'association. Toutefois, en raison du score serré — 549 voix contre 456 — et des prises de position de certaines sections cantonales, I'USAM n'a pas mené une campagne active en faveur du oui.

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Rassurée par les deux motions adoptées par le Parlement contre la sous-enchère salariale (92.057-42 et 92.057-24)dans le cadre de l’EEE et les modifications législatives du programme Eurolex, l'assemblée des délégués de I'USS s'est clairement prononcée en faveur du traité. Outre les progrès sociaux que ce dernier entraînerait, les dirigeants syndicaux ont également souligné que seules des réglementations sociales et écologiques prises à un niveau européen constituaient une réponse valable dans une économie de plus en plus internationalisée. L'USS a également rappelé que I'EEE ne devait être qu'une étape avant une adhésion complète à la CE.

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La votation historique sur l’EEE a donné lieu à une participation exceptionnelle (78,7%); il faut remonter au mois de juillet 1947 pour retrouver un pareil taux. Alors que, pendant la session spéciale des Chambres fédérales, les sondages effectués indiquaient encore qu'une majorité de citoyens avait l'intention de voter oui, le peuple et les cantons ont rejeté le traité EEE à une majorité de 50,3% et par 14 cantons et 4 demis-cantons. L'élément marquant de ce scrutin a été le clivage net entre la Suisse romande d'une part et la Suisse alémanique et le Tessin d'autre part.


Votation du 6 décembre 1992

Participation: 78,7%
Non: 1'786'708 (50,3%) / 14 et 4/2 cantons
Oui: 1'762'872 (49,7%) / 6 et 2/2 cantons (BL, BS, FR, GE, JU, NE, VS, VD)

Mots d'ordre:
Non: UDC (2*: VD, BE), PES (6*: VD, FR, GE, NE, JU, BL), PA, DS, Lega dei Ticinesi, UDF, FraP; ASIN, USP, Astag, LSPN
Oui: PRD (2*: GR, SZ), PDC (2*: OW, NW), PSS, PLS, AdI, PEP, PdT, gouvernements cantonaux; UCAP, Vorort, USAM (8*: AG, AI, BL, GR, NW, TG, ZH, BE), USS, CSCS, Association suisse des banquiers, nombreuses associations économiques
Liberté de vote: WWF, ATE
*Recommandations différentes sur les plans cantonaux.


Selon l'analyse VOX, les premières traces de recul des opinions favorables au traité sont intervenues dans le courant de l'été dès le début de l'offensive des opposants, emmenés par l'UDC zurichoise, et avec la prise de conscience des conséquences de la participation à I'EEE sur la démocratie directe et sur le plan social. Les adversaires du traité ont renforcé leur potentiel d'opposition par une publication d'annonces conséquente qui faisait contrepoids à la partie rédactionnelle de la presse. D'autre part, la campagne des partisans a débuté plus tardivement. Durant les dernières semaines avant la votation, la campagne a atteint une intensité jamais connue ces dernières années.

L'analyse du comportement des citoyens montre que, au moment du vote, les indécis se sont largement ralliés aux courants majoritaires de leur région: ce phénomène a ainsi renforcé l'acceptation en Suisse romande alors que, de l'autre côté de la Sarine, les indécis se sont plutôt rangés du côté du non. Le même phénomène s'est répété pour les abstentionnistes habituels qui s'étaient rendus aux urnes à cette occasion. Outre le clivage linguistique manifeste, il a également pu être mis en évidence que les citadins, les personnes de niveau de formation supérieur et celles se situant politiquement à gauche ont été largement favorables à l'EEE. La plupart des grandes villes alémaniques, telles Bâle, Zurich, Berne, Lucerne et Winterthour, ainsi qu'une partie de leur banlieue, se sont prononcées en faveur du traité. L'analyse par communes confirme cette tendance générale et révèle que le non a été beaucoup plus important dans les régions économiquement pauvres, les zones périphériques et les communes traditionnellement «conservatrices» que dans les régions riches ainsi que dans les villes et les communes «progressistes». Ces conclusions s'appliquent tout particulièrement aux communes alémaniques alors qu'elles doivent être relativisées pour la Suisse romande, où l'acceptation de I'EEE a été plus forte.

Les principales motivations avancées par les partisans s'articulent autour de deux thèmes principaux: d'une part, des motifs d'ordre culturel comme le refus de l'isolement et la volonté d'ouverture vers l'Europe; d'autre part, des arguments économiques, basés sur les avantages que procurerait l'accès au grand marché européen. Ces deux types de motivations étaient également présents chez les adversaires de l'EEE, mais en sens inverse: d'un côté, un réflexe identitaire, alimenté par la crainte de voir s'effondrer une certaine conception de la Suisse, qui s'est manifestée par le refus de toute perte de souveraineté et de l'immigration de travailleurs étrangers; d'un autre côté, la peur du chômage et de la baisse des salaires. Enfin, une troisième catégorie d'opposants a invoqué les lacunes d'information et le manque de clarté du Conseil fédéral. La victoire des adversaires, en Suisse alémanique, a résidé dans leur capacité à énoncer des arguments qui «cadraient» avec certaines croyances et valeurs de la population.

Le revirement récent des autorités fédérales qui, jusqu'à ces dernières années exprimaient une certaine indifférence, voire de la méfiance à l'égard de la CE, peut expliquer un certain désarrói et finalement l'opposition d'un grand nombre de citoyens. Il n'a pas été possible d'évaluer l'impact de la décision du Conseil fédéral de déposer une demande d'adhésion à la CE; on peut cependant signaler qu'une forte majorité des personnes sondées se seraient opposées à une adhésion et qu'un peu plus d'un tiers des personnes ayant approuvé I'EEE auraient refusé d'adhérer à la CE.

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Réagissant au résultat de la votation, le Conseil fédéral a écarté d'emblée toute éventualité d'une démission parmi ses membres et a annoncé, d'une part, qu'il proposerait prochainement un programme de revitalisation de l'économie suisse afin de compenser les risques de discrimination progressive, ainsi que la reprise d'une partie des lois adoptées dans le cadre d'Eurolex et d'autre part, qu'il entendait maintenir toutes les options ouvertes en ce qui concerne l'intégration européenne. Il a également exprimé son inquiétude face au clivage entre les communautés linguistiques, beaucoup plus net que prévu.

Du côté de la CE, la volonté de mettre en vigueur l'EEE sans la Suisse a été réaffirmée, sans toutefois que cela n'implique une rupture des relations diplomatiques avec les autorités helvétiques; par ailleurs, la négociation d'accords bilatéraux dans certains domaines avec la Suisse n'a pas été exclue, mais pas avant une période de plusieurs mois.

La grande majorité des parlementaires fédéraux, dont plusieurs opposants au traité EEE, se sont déclarés favorables au maintien de la candidature à la CE afin de garder des contacts avec les autorités de Bruxelles. Pour les socialistes, la politique d'intégration européenne ne devrait pas être abandonnée et de nouvelles négociations avec les pays de l'AELE et de la CE devraient être menées. Le PES s'est montré satisfait du résultat en ajoutant qu'il ne s'agissait pas d'un non à l'Europe, mais du refus d'un mauvais accord. Quant au PA, suivi par la Lega dei Ticinesi et les démocrates suisses, il a réclamé de nouvelles élections au parlement fédéral, ainsi que le retrait immédiat de la demande d'ouverture de négociations d'adhésion. Les milieux économiques et les partis bourgeois, dont l'UDC, ont réclamé des mesures de libéralisation économique afin d'améliorer la compétitivité de l'économie suisse. En Suisse romande, de même qu'à Bâle, où la déception a été particulièrement vive, les autorités cantonales ont déclaré qu'elles veilleraient à renforcer leur collaboration et qu'elles essaieraient, sur la base de l'article 9 de la constitution, de dynamiser la coopération transfrontalière.

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Au lendemain du vote, le rejet de l'EEE, et tout particulièrement, le clivage entre Romands et Alémaniques qu'il a révélé, ont été largement abordé aux Chambres. Plusieurs propositions concernant les rapports entre les communautés linguistiques, les compétences des cantons en matière de politique étrangère et les réformes économiques internes ont été avancées.

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