MCF 99.055: la loi sur le marché de l'électricité (LME)

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Ayant pris connaissance du rapport Kiener à la fin du mois de juin, le Conseil fédéral a chargé le DFTCE d'élaborer d'ici à l'automne un avant-projet de loi sur le marché de l'électricité qui puisse être rapidement mis en consultation. Ce faisant, le gouvernement a satisfait la motion (Mo. 97.3005) de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie (Ceate) que le Conseil national lui avait transmise en mars et qui invitait l'exécutif fédéral à préparer dans les plus brefs délais une modification de la législation en vue de soumettre le marché électrique suisse à la concurrence dès le 1er janvier 1999 au plus tard, ceci afin d'être en harmonie avec le calendrier de l'UE en la matière. Parallèlement à cette motion qui fut aussi transmise par le Conseil des Etats, la Chambre du peuple a converti en postulat une motion Semadeni (ps, GR) (Mo. 96.3643) demandant également au Conseil fédéral d'adapter les conditions-cadre régissant les installations électriques afin que l'ouverture du marché helvétique de l'électricité puisse se dérouler au même rythme que celui retenu par l'Union, sans pour autant que les objectifs suisses en matière d'énergie, d'environnement et de politique régionale soient remis en question. Ce souci de ne pas sacrifier les standards helvétiques à la seule logique économique de la libéralisation a également été partagé par les associations de protection de l'environnement, par la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie ainsi que par la Conférence gouvernementale des cantons alpins. Bien que ces deux derniers organes aient déclaré soutenir l'ouverture du marché en cours, ils ont néanmoins souhaité que ce processus soit conduit de façon progressive et qu'il soit assorti de mesures d'accompagnement. Ainsi, les cantons alpins ont notamment requis l'introduction d'une taxe d'incitation destinée à renchérir les énergies fossiles, ceci afin d'assurer la capacité concurrentielle des agents énergétiques renouvelables et indigènes, au premier rang desquels figure l'hydroélectricité.

Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung

Dans le cadre de l'élaboration de l'avant-projet de loi sur l'ouverture du marché de l'électricité, le groupe écologiste de l'Assemblée fédérale a fait connaître – à l'instar de diverses associations et des cantons – ses positions à l'égard de cette base légale qui sera mise en consultation dans le courant du mois de janvier 1998. Ainsi, les Verts ont formulé une proposition visant à créer un pool national étatique du courant. Fonctionnant en qualité de bourse de l'électricité, cette institution aurait pour principales tâches de fixer le prix du courant électrique ainsi que de réglementer l'équilibre entre l'offre et la demande. De l'avis des écologistes, cet organe créerait les conditions d'un accès non discriminatoire au marché pour tous les producteurs et consommateurs tout en permettant de contrôler l'application de dispositions écologiques dans un régime libéralisé.

Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung

Sous la pression de l'ouverture du marché de l'électricité dans l'Union européenne prévue pour 1999, la Suisse s'apprête elle aussi à libéraliser ce secteur jusqu'ici en situation monopolistique. Le Conseil fédéral a mis en consultation en début d'année un avant-projet de loi sur le marché de l'électricité. Ce dernier consiste en une loi cadre qui s'appuie sur les principes de coopération et de subsidiarité. Il propose un accès réglementé au réseau sur la base d'un accord et formule les principes régissant la gestion du réseau, la compatibilité et la sécurité de l'approvisionnement. La libéralisation se fera par étapes sur neuf années. A l'entrée en vigueur de la loi, seuls les gros consommateurs auront accès au libre marché. Cette première étape concernera 114 entreprises suisses consommant plus de 20 gigawattheures annuellement. Elle permettra de libéraliser 21% de l'ensemble du marché. Après trois ans, la part s'élèvera à 33%, puis à 60% après six ans et enfin à la totalité au bout de neuf ans. Parallèlement, les petites usines de distribution devront vendre un courant issu du marché libre à hauteur de 10% pour les trois premières années, de 20% pour les trois suivantes, puis de 50% et atteindre les 100% après neuf ans. Selon l'Union des centrales suisses d'électricité (UCS), les investissements non amortissables (INA) s'élèveraient à CHF 4.8 milliards si l'ouverture se faisait totalement en 1999. Ce montant diminuerait avec une libéralisation progressive pour atteindre entre CHF 700 millions et 1.8 milliard. Les consommateurs devront payer cette somme; le projet de loi autorise en effet les fournisseurs à augmenter temporairement (10 ans au maximum) leurs tarifs afin de rembourser ces investissements. Cela consistera en une hausse du kwh de 0.18 à 0.45 centime, selon l'Office fédéral de l'énergie. Le produit de cette augmentation sera réuni dans un fonds privé qui servira à indemniser les INA ainsi qu'à maintenir ou rénover des centrales hydrauliques. Les centrales nucléaires n'ont pas été exclues de l'indemnisation des INA. Le projet demande d'encourager au moyen d'un fonds de soutien les énergies renouvelables. Les distributeurs d'électricité devront en acquérir une part minimale. Le projet recommande également la création d'une seule société suisse de réseau qui sera issue du rapprochement entre les six grandes compagnies nationales. Une commission d'arbitrage est aussi prévue. Quant aux 900 sociétés de distribution au détail, elles devront se concentrer.
L'avant-projet de loi s'est heurté en procédure de consultation à d'âpres résistances, même si la majorité des acteurs concernés ont reconnu la nécessité de la libéralisation. L'encouragement des énergies renouvelables et la compensation des INA – deux pièces majeures du dossier – ont fait l'objet de critiques acerbes. Il en a été de même pour la création d'une société suisse unique pour l'exploitation du réseau. Concernant la priorité donnée aux énergies renouvelables, le Vorort, l'USAM, l'UCS, Migros, l'Union des villes suisses, plusieurs partis (PRD, PL, UDC) et la commission de la concurrence s'y sont opposés. Parmi les partisans d'un encouragement aux énergies renouvelables, le PS et le PDC ont souhaité maintenir la compétitivité des centrales hydroélectriques avec l'aide d'une taxe sur les énergies non renouvelables. Les cantons de montagne ont réclamé haut et fort cette taxe pour accompagner l'ouverture du marché de l'électricité. Ils ont demandé que la moitié des recettes de la taxe soit affectée à l'encouragement des énergies renouvelables. Concernant l'indemnisation des INA, le Vorort a exprimé son désaccord, estimant que les consommateurs n'avaient pas à payer pour les mauvais investissements des centrales. L'USAM, l'Union suisse des paysans et la commission de la concurrence s'y sont opposés. Les milieux écologistes et le PS se sont opposés à toute indemnisation des INA pour les centrales nucléaires. Concernant la création d'une société suisse unique pour l'exploitation du réseau, la gauche est d'accord, le Vorort, l'UCS, l'UDC et le PRD sont contre. L'UCS a proposé un bureau de coordination pour les lignes du réseau et réclamé un rythme d'ouverture plus lent. La commission de la concurrence, qui a vivement critiqué tout le projet, a néanmoins soutenu ce dernier point.

Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung

Le Conseil fédéral a transmis au parlement son message concernant la loi sur le marché de l’électricité (LME). Il rappelle qu’il a décidé, début 1999, de soutenir l’introduction d’une taxe temporaire sur l’énergie et de compenser, de manière limitée, certains cas spécifiques d’INA de centrales hydrauliques. Cette question n’est pas traitée dans la LME. L’exécutif a décidé d’une ouverture sur six ans, alors que l’avant-projet en envisageait neuf. De plus, il a refusé de prévoir une pause de réflexion après six ans, ce qui aurait permis d’estimer la situation au niveau européen. Les exploitants des réseaux devront acheminer sans discrimination le courant des clients autorisés qui le souhaiteront. Pourront avoir accès au réseau, dès l’entrée en vigueur de la loi, les consommateurs dont la demande annuelle dépasse 20 gigawattheures (GWh), soit quelque 110 entreprises. En même temps, les entreprises de distribution auront également accès au marché, cela pour les quantités d’énergie fournies à des clients autorisés, ainsi qu’à hauteur de 10 % de leurs fournitures à des clients captifs. Cette première étape correspondra à une ouverture de 21 % du marché. Après trois ans, le seuil devrait s’abaisser à 10 GWh pour les clients, et la limite imposée aux entreprises distributrices sera relevée à 20 %. Après six ans, les entreprises de distribution et les consommateurs auront accès au libre marché sans restriction. Finalement, l’industrie de l’électricité devra instituer une société suisse pour l’exploitation du réseau de transport. Les exploitants auront trois ans pour convenir d’une solution.

Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung

Le président de l’Union des centrales suisses d’électricité (UCS) a réagi vivement au message de l’exécutif, jugeant trop rapide le projet de libéralisation en six ans. Toutefois, le conseiller fédéral Leuenberger a relativisé la situation, estimant que le parlement aura besoin au minimum de deux ans pour traiter le projet, si bien que la loi n’entrerait en vigueur qu’en 2002. L’ouverture totale du marché ne devrait donc pas être effective avant 2008. Par la suite, le président de l’UCS a rencontré, avec d’autres acteurs du marché de l’électricité, la Ceate du Conseil national en vue de l’examen du projet de l’exécutif. Le président de l’UCS a réclamé une adaptation au marché européen qui aura en 2007 des degrés d’ouverture divers: 33 % en France, 40 % en Italie, 50 % en Autriche et 100 % en Allemagne. Il souhaiterait que la Suisse ait la possibilité de réorienter sa politique en 2007, en fonction de la situation européenne. Il a également réclamé de régler au niveau de la LME la question des INA des centrales hydrauliques, pour éviter un vide juridique si les taxes énergétiques étaient rejetées en référendum.

Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung

En juillet, la Ceate du National s’est penchée sur le projet de loi de l’exécutif. Dans un premier temps, elle a souhaité attendre l’adoption de la taxe sur l’énergie par les deux Chambres, le projet devant régler la question de l’indemnisation des INA. La Ceate envisageait de laisser cet examen au nouveau parlement, élu en novembre. En septembre, elle est toutefois revenue sur sa décision, car sa remplaçante (nouvelle Ceate) n’aurait pas pu traiter l’objet avant décembre. En novembre, elle a proposé (12 voix contre 11) de lier l’entrée en vigueur de la LME avec l’acceptation populaire de la taxe d’incitation de 0.3 ct/kWh sur les énergies non renouvelables. De plus, elle a accepté l’idée d’une société nationale unique pour l’exploitation du réseau et refusé de traiter la question de l’indemnisation des INA dans la LME. Elle s’est prononcée pour une ouverture progressive sur six ans et pour l’accès immédiat au marché libéralisé des producteurs d’énergies renouvelables et des petites centrales hydrauliques.

Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung

Dans le cadre des traitements de la loi sur le marché de l'électricité, Epiney (pdc,VS) et Maissen (pdc,GR) ont en vain proposé au Conseil des Etats une taxe qui frapperait le nucléaire. Elle aurait été destinée à couvrir les frais de désaffectation des centrales et le dépôt des déchets. Moritz Leuenberger a rappelé qu'il existait déjà deux fonds pour financer ces tâches. Le Conseil national a ratifié par 92 voix contre 76 une proposition analogue.

Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung

La CEATE du Conseil national a poursuivit ses délibérations concernant la loi sur le marché de l'électricité (LME), proposée en 1999 par le Conseil fédéral. Le renouvellement de la moitié de la commission a remis au goût du jour les points controversés, comme d'une part le lien entre la LME et les taxes énergétiques et, d'autre part, le sort réservé aux investissements non amortissables (INA). Celles-ci représentent les sommes que les sociétés électriques ont investies dans leurs centrales et qu'elles ne pourront pas amortir d'ici à l'ouverture du marché. Les propositions de la «nouvelle»' Commission ont été de lier formellement l'entrée en vigueur de la LME à celle de la loi sur une taxe d'encouragement (LTE) prélevée sur les énergies non renouvelables et destinées partiellement à financer les INA. Une minorité des membres de la Commission, proche de l'industrie de l'électricité non hydraulique et de l'économie en général, s'est élevée pour réclamer leur séparation. Elle s'opposait à cette taxe et voulait soumettre au parlement la proposition que des prêts soient consentis par le Conseil fédéral pendant 10 ans aux centrales hydrauliques mises en difficulté suite à l'ouverture du marché.

Lors de la session de mars, le Conseil national s'est occupé de la nouvelle loi. Toutes les parties, même le PS, étaient pour une entrée en matière. Malgré tout, Maillard (ps, VD) a demandé à la commission son rejet et a rappelé aux membres de son parti la décision qui avait été prise lors du Congrès du Parti Socialiste en 1999, à savoir le rejet fondamental de la libéralisation du marché de l'électricité. Sa proposition fut écrasée par 136 voix contre 19. Celle de Zisyadis (pdt, VD) eut encore moins de succès, puisqu'elle n'a même pas passé la rampe. Sur la question de savoir comment assurer après la libéralisation un accès non discriminatoire au réseau à haute tension, le Conseil national s'est rallié par 104 voix contre 46 à la solution proposée par le Conseil fédéral d'une société nationale de droit privé unique pour l'exploitation du réseau électrique. Quant aux propositions de la gauche (contrôle par l'Etat de la Société nationale) et de celle de Hegetschweiler (prd, ZH) (organisation de l'accès réglée par les sociétés d'électricité elles-mêmes), elles ont été repoussées. Le Conseil national s'est ensuite attaqué au rythme d'ouverture du marché de l'électricité. Par 139 voix contre 31, il a opté pour une ouverture en 3 étapes réparties sur 6 ans. Lors de l'entrée en vigueur de la loi, agendée pour 2002, seuls les 110 entreprises consommant 20 gigaWatt/heure et plus pourront choisir librement leur fournisseur. Cette ouverture sélective représenterait 10% du marché pour les distributeurs d'électricité. Dans une seconde étape, dès 2005, l'approvisionnement sera ouvert pour les entreprises consommant 10 gigaWatt/heure, ce qui représentera 20% du marché. La dernière étape, 2008, représentera l'ouverture intégrale en termes de marché et de consommateurs. Concernant l'ouverture, le Conseil national a rejeté la proposition de Rechsteiner (ps, BS) et du PS pour une libéralisation activée, par 139 à 31. Les motivations inhérentes à cette proposition socialiste peu orthodoxe étaient que si le marché devait être ouvert rapidement, les consommateurs devaient pouvoir en jouir immédiatement. La majorité parlementaire, allant dans le sens du Conseil fédéral, a préféré mettre sur pied une libéralisation par étapes, parce que celle-ci permettait aux entreprises locales de se préparer progressivement à la pression de la concurrence. La nouvelle proposition de la CEATE de lier directement la LME et la taxe promotionnelle pour assurer le financement des INA a été acceptée par une majorité du Conseil national (93 contre 88) formée par la gauche et le PDC. Lors du vote sur l'ensemble, le Conseil national a approuvé par 104 voix contre 24 la loi sur le marché de l'électricité. Une forte minorité du PS a voté non et un grand nombre d'élus du PRD et de l'UDC (51) se sont abstenus. Comme la solution trouvée au Conseil national pour les INA dépendait du résultat de la votation populaire du 24 septembre sur la taxe sur l'énergie, le Conseil des Etats a renvoyé le débat sur la LME à la session d'automne.

Au début de ses délibérations en vue d'éliminer les divergences, le Conseil national a refusé la proposition de la gauche de revenir sur la création d'une société privée nationale destinée à exploiter le réseau de transport de l'électricité et de confier la dite tâche à un monopole étatique. Le National s'est ensuite aligné sur la décision du Conseil des Etats d'accélérer le processus de libéralisation, mais il a élargi le champ d'application des mesures de soutien aux centrales hydrauliques. Il a décidé d'accorder des prêts non seulement pour les INA mais aussi pour des investissements de modernisation. Le Conseil des Etats a d'abord rejeté contre l'avis des socialistes et des représentants des cantons de montagne cette aide pour les futurs investissements, mais il l'a finalement accepté sous condition qu'elle améliore notablement la rentabilité des centrales et leur comptabilité avec l'environnement. Après le règlement des dernières divergences par la Conférence de conciliation, la LME s'est vue approuvée en décembre en votation finale par les Chambres Fédérales. Le Conseil des Etats l'a accepté par 36 voix contre 2, et le Conseil national par 160 voix contre 24. Ce dernier vote a mis en évidence la fracture entre la gauche alémanique qui soutenait le projet et la gauche romande qui s'y opposait.

Suite à la ratification de la loi, le Syndicat des services publics (SSP) et la FTMH ont annoncé le lancement d'un référendum en début de l'an 2001.

Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung

Un comité mené par l’Alliance de gauche genevoise et regroupant des sections romandes vaudoises et bernoises du PS a annoncé son soutien au "Référendum contre la libéralisation du marché de l’électricité", dont le Syndicat des services publics (SSP) de concert avec la gauche romande et les jeunesses socialistes en sont les protagonistes. Ces derniers l’ont lancé la campagne de signatures afin de défendre le service public et l’égalité des citoyens quant à l’accès des prestations, car, selon eux, la libéralisation du marché entraînerait une concentration des entreprises électriques, une augmentation des prix et des suppressions d’emplois. L’USS, le syndicat de la fonction publique, la ville de Lausanne et les Verts ont annoncé leur soutien aux référendaires. Le PS s’est prononcé pour une demande d’éclaircissement avant de prendre position. Les signatures ont pu être déposées en avril et le référendum a officiellement abouti avec 67'575 signatures valables, dont près de la moitié provenant de la Suisse romande.

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Après avoir décidé d’un quatrième report, le Conseil fédéral a fixé au 22 septembre la date du vote sur la loi sur le marché de l’électricité (LME). Cet ajournement a permis au nouveau directeur de l’OFEN de relancer le dialogue avec les milieux qui étaient fondamentalement favorables à la LME, mais qui avaient été déçus par l’ordonnance sur le marché de l’électricité (OME). Les opposants de la première heure n’ont en revanche pas été associés à ces discussions. Le DETEC a donc procédé, de janvier à mars, à de nouvelles consultations avec les cantons, l’économie, les arts et métiers, la branche électrique, les organisations de travailleurs, de consommateurs et de protection de l’environnement, ainsi qu’avec des représentants des partis gouvernementaux.

Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung

La nouvelle mouture de l’OME a réussi le tour de force de réconcilier les partisans de la loi sur le marché de l'électricité (LME) et de rallier d’autres acteurs autour d’un consensus relatif. Parmi les partis gouvernementaux, les démocrates-chrétiens, les radicaux et l’UDC ont apporté un soutien déterminé, avec néanmoins certaines déviances cantonales. Economiesuisse, l’USAM et pratiquement tous les milieux économiques, dont un comité proche des PME, ont fait de même. Longtemps hésitante avant la publication de l’ordonnance, l’Association des entreprises électriques suisses s’est rangée derrière la LME. C’est également le cas de l’Entente suisse pour une politique énergétique raisonnable, de la Fondation suisse pour l’énergie, du Forum suisse de l’énergie et de l’Association des petites centrales électriques. La Fédération romande des consommateurs et son pendant alémanique, le Konsumentinnenforum, ont rejoint les rangs des partisans à la loi après avoir obtenu la création d’un poste d’ombudsman. Les cantons, avec l’appui de la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie et celui de la Conférence des cantons de montagne, ont aussi apporté leur soutien. Tous ces acteurs soutenaient la loi cadre (LME) et ses directives d’application (OME). Parmi les avantages directs de la LME, ils citaient la garantie d’une ouverture politiquement et légalement contrôlée. Sans cette loi, ils craignaient que la libéralisation ne se fasse de façon sauvage selon les affres du marché et sous le diktat des grandes entreprises. De plus, le service public était préservé par l’obligation de desservir chaque région. La Confédération et les cantons y veilleraient et pourraient intervenir, de même que pour le contrôle des prix et la sécurité de l’approvisionnement. Un autre avantage majeur de la libéralisation aux yeux de ses partisans était le nivellement des variations des prix entre les différentes localités suisses et la baisse générale des coûts de l’électricité. Jusqu’alors, le client était captif d’un fournisseur local ; avec la LME, il continuerait d’en dépendre pour l’acheminement final mais serait libre d’acheter du courant de son choix (vert, hydraulique, nucléaire) au producteur de son choix. Le transport par lignes à haute tension resterait un monopole géré par une société privée mise sur pied et sous contrôle de la Confédération. La libre concurrence permettrait également de mettre à jour les prélèvements pour les taxes et impôts communaux, ainsi que de mettre fin à des tarifs librement décidés. Les consommateurs et l’économie pourraient donc immédiatement profiter de cette baisse de prix. Pour les milieux économiques, cet argument était extrêmement important, car les entreprises suisses, en particulier les PME, payaient trop cher leur électricité en comparaison avec leurs concurrents immédiats. Une libéralisation permettrait donc d’accentuer la compétitivité de la place économique suisse. L’acceptation de la libéralisation du marché de l’électricité était aussi importante pour les partisans en regard avec celle qui se mettait progressivement en place dans les différents pays européens. La Suisse étant exportatrice de courant de pointe, un rejet de la LME pouvait entraîner des mesures de rétorsion. La promotion des énergies renouvelables via l’achat ou l’acheminement gratuit était également citée comme point positif de la LME.

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Alors que la droite faisait bloc en faveur de la loi sur le marché de l'électricité, la gauche montrait des signes de division. Le WWF, l’Agence des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (AEE), les protagonistes des énergies nouvelles et renouvelables comme SOFAS et Swissolar pour l’énergie solaire, SVW pour l’éolienne, SGG pour la géothermie, ainsi que les antinucléaires comme Gewaltfreie Aktion Kaiseraugst (GAK) et le Komitee gegen Atomkraftwerke (NWA) apportaient un appui ferme à la LME. Ces associations estimaient qu’un rejet de la LME n’arrêterait pas la libéralisation et voyaient dans cette législation des règles du jeu protégeant les consommateurs et favorisant les énergies nouvelles. Sur ce dernier point, la LME prévoyait la gratuité de l’acheminement du courant provenant de l’énergie solaire, éolienne ou du biogaz pendant dix ans. Certains ténors socialistes (Simmonetta Sommaruga (BE), Rudolf Strahm (BE) et Rudolf Rechsteiner (BS)), ainsi que le groupe parlementaire socialiste, se sont alignés sur leur représentant au Conseil fédéral – Moritz Leuenberger, en charge du dossier – et ont rejoint un comité rose-vert qui plaidait en faveur de la libéralisation. Le PS, suivant sa direction, a toutefois émis un mot d’ordre négatif envers LME. En votation finale, ce sont les Romands, en persuadant une majorité d'Alémaniques, qui ont fait basculer la balance. Les Verts se sont également opposés à la LME. Ils ont estimé que la loi ne changerait pas les rapports de forces entre énergies "propres" et énergies non renouvelables. Au clan des référendaires, emmené par l’USS, l’Alliance de gauche, le Syndicat Industrie publics (SIB) et le Syndicat des services publics (SSP), sont venus s’ajouter les maires de Lausanne, Berne, Delémont et Granges (BE). Les opposants reprochaient à la LME de vouloir remplacer un système performant, où les prix sont stables et des réserves constituées compte tenu de la planification connue de la demande, par une situation chaotique. D’après eux, la libéralisation entraînerait une hausse des prix pour les petits et moyens consommateurs et ceci malgré l’offre, alors qu’ils baisseraient pour les grandes entreprises. Ils déploraient que la LME ne prévoie ni de limite maximale des prix, ni de contrôle sévère pour éviter les fluctuations qu’engendreraient le marché et les spéculateurs. Autre défaut ; la loi n’obligeait pas suffisamment les producteurs à entretenir des réserves de courant. Un vrai devoir d’approvisionnement n’y figurait pas et les mesures imaginées par la Confédération étaient inapplicables face à un marché où l’offre s’adapte à la demande. Les opposants à la LME craignaient également qu’un oui permette aux géants étrangers d’écouler du courant à des prix de dumping afin de conquérir le marché suisse. Face à cette brutale intrusion, les compagnies suisses seraient trop petites pour résister, d’où une complète réorganisation de l’industrie électrique suisse et des alliances avec des grandes compagnies étrangères. La conséquence directe serait la suppression de 6000 des 25'000 emplois du secteur. Les opposants déploraient que l’ordonnance n’ait prévu aucune mesure sociale contraignante. Quant à l’évolution du marché suisse, ils imaginaient une situation de privatisation d’abord partielle puis complète. Le service public, dont il n’était pas fait mention dans la loi, serait ainsi progressivement démantelé par les privatisations. Les communes perdraient tout contrôle sur la production et une hausse des pannes et un abaissement dans la sécurité des installations seraient à craindre. Les référendaires se montraient aussi perplexe quant aux avantages de la loi pour l’électricité "verte". Le coup de pouce – acheminement gratuit – n’était pour eux que de la poudre aux yeux. Quant à l’argument que la libéralisation était déjà en cours, ils le contestaient fermement en rappelant qu’il fallait un acte législatif pour le rendre effectif. Les changements intervenus étaient uniquement pour certains gros consommateurs qui avaient réussi à négocier des précontrats plus favorables avec leur fournisseur dans la perspective d’une acceptation de la LME.

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Les votants ont refusé la loi sur le marché de l’électricité par 52,6%. La Suisse romande et le Tessin l’ont rejeté en bloc. Huit cantons suisses alémaniques (Appenzell AR, Appenzell AI, Glaris, Schaffhouse, Soleure, St-Gall, Thurgovie, Zurich) se sont montrés tout aussi sceptiques. L’analyse VOX constatait que les votants – spécialement en Suisse romande –, ont principalement retenu l’aspect de la libéralisation et de la privatisation, bien que ce dernier point ne faisait pas partie de l’objet de la LME. La LME a principalement été rejetée par les votants qui font peu confiance au gouvernement et par les adversaires de la privatisation. Ces derniers se sont prononcés bien plus nettement en Suisse romande qu’en Suisse alémanique pour le maintien d’entreprises d’Etat. Parmi les arguments avancés chez les opposants à la LME, ce sont les motifs économiques qui prédominaient : un refus de la libéralisation et de la privatisation, ainsi que la crainte des désavantages de la concurrence et des augmentations de prix. Quant aux partisans de la LME, ils ont cité les mêmes motifs que les opposants, avec cependant une connotation positive : l’inéluctabilité de la libéralisation et son adaptation au marché suisse et européen, ainsi que les avantages de la concurrence et une baisse des prix. Il est à noter le peu d’importance accordé aux motifs écologiques par les deux camps.

Moritz Leuenberger, prenant acte du résultat, a tenu à préciser le rôle du Conseil fédéral. Celui-ci agira sur la base du droit en vigueur, en l’occurrence la loi sur les cartels, qui lui permet de passer outre s’il estime que l’intérêt public justifie le maintien d’un monopole. Concernant d’éventuels accords entre les entreprises électriques ou en cas de conflit entre producteurs et distributeurs d’électricité, le rôle du Conseil fédéral se limitera à celui d’arbitre ou de médiateur. Compte tenu de la distorsion des conditions de concurrence entre opérateurs suisses et européens résultant du refus de la libéralisation du marché électrique, l’UE a exigé la réciprocité en la matière. Les EEF ont également réagi en faisant recours au Tribunal fédéral dans l’affaire les opposant à la Comco. La procédure est suivie de très prêt, car le dossier, quelle que soit son issue, sera un cas d’école.


Loi sur le marché de l’électricité (LME)

Votation du 22 septembre 2002

Participation : 44,8%
Oui: 972 770 (47,4%)
Non: 1 078 412 (52,6%)

– Oui: PRD (1*), PDC, UDC (4*), PL, PE, UDF ; UCAPS, USAM, Economiesuisse.
– Non: PS (4*), PE (1*), PCS, PST, DS ; USS.
– Liberté de vote : USP, CSC.
* Recommandations différentes des partis cantonaux

Dossier: Strommarktöffnung/Strommarktliberalisierung