L'achat de nouveaux avions de combat fait débat depuis le début du processus de négociation dans la société. Pour quelles raisons? Quels éléments ont fait réagir les médias et ont soulevé des critiques? Quels reproches ont été faits aux organes internes du gouvernement helvétique? Quelles éventuelles zones d'ombres ont été identifiées?
Premièrement, il faut noter que le vote qui a permis de concrétiser le projet a été serré. En effet, l'objet accepté le 27 septembre 2020 a laissé 49.9 pour cent de la population suisse insatisfaite. Puis, la confédération a effectué des tests de sélection sur quatre avions de combat, dont deux européens, avec l'objectif que le choix final devait revenir le moins cher possible. Sur la base d'une série de critères dont 79 sous-critères gardés confidentiels, le Conseil fédéral s'est décidé pour le F-35A américain. Suite à cette décision, le gouvernement, tout particulièrement Viola Amherd, a dû répondre à une série de critiques. Ces dernières font référence au choix du modèle d'avion, aux coûts estimés de celui-ci ou encore à la mauvaise gestion de la politique internationale liée à l'achat des jets. Concernant la première critique, le choix de l'avion a provoqué le lancement de l'initiative «Stop F-35A». D'après le comité d'initiative, qui regroupe les Vert.e.s le PS et le GSsA, le F-35A serait hors de prix, inadapté, inutile et peu fiable. En lançant leur initiative, les initiantes et initiants espèrent faire réfléchir leurs collègues et réenvisager l'option d'un avion européen: le Rafale français ou l'Eurofighter (né d'une collaboration européenne). Cette prise de position du comité d'initiative montre à quel point il est complexe de choisir un avion de combat en raison des paramètres extérieurs qui sont influencés par cette décision. Effectivement, en plus de devoir définir quelle stratégie militaire sera suivie et quel jet de combat sera le plus apte à répondre aux demandes formulées, le choix de l'avion a des conséquences sur les relations internationales de la Suisse. En signant pour le Rafale français, la Suisse aurait pu bénéficier du soutien de son voisin auprès de l'UE, mais aussi d'un versement de CHF 3.5 milliards, étendu sur trente ans, en raison des impôts des travailleurs frontaliers. Cependant, dans un article du Temps du 10 septembre 2022 il a été affirmé que le Conseil fédéral «n’a même pas osé songer à un avion européen». Un point que le rapport du contrôle fédéral des finances (CDF), publié en juillet 2022, critique ouvertement. Le fait que la Confédération n'ait pas pris en compte ces relations internationales (seul le prix comptait) et que les relations avec l'Europe ont pris une claque n'aurait, pas dû arriver. Dans ce même rapport tout comme dans les médias, certaines actions entreprises par Viola Amherd, en ce qui concerne les discussions avec les pays des constructeurs, ont été critiquées à de nombreuses reprises. La conseillère fédérale aurait, en effet, été au courant des résultats des évaluations des avions lorsqu'elle est allée, en mars 2021, s'entretenir avec les différents représentants étatiques en charge des négociations. La critique s'est renforcée par la suite, car le choix final de la Suisse n'a été rendu public que deux mois après ces entrevues. D'après le rapport, cette procédure a engendré du travail inutile et des faux espoirs du côté des potentiels vendeurs. Dans les marges de l'article du Temps, il a été mis en avant que la commission chargée de l'écriture du rapport n'a pas tenu compte de tous les points essentiels de la question. En effet, d'autres critiques concernant les coûts d'entretien et le prix d'achat des jets n'ont pas été abordés par le Contrôle fédéral des finances. L'explication avancée par la commission concernerait un manque de connaissances techniques pour pouvoir juger de ces aspects. Cette justification a été remise en cause lorsque un journaliste du Temps a demandé pourquoi, dans ce cas, aucun expert extérieur n'a été engagé pour permettre cette analyse. Ce point était central car il a, à lui seul, déjà fait beaucoup de bruit et mis d'accord différentes orientations politiques sur les manquements du rapport. De plus, les 6.035 milliards de francs que coûteraient les 36 F-35A à l'achat étaient aussi entourés d'incertitudes. Effectivement, pour certains députés, il n'était pas clair si les prix avaient été fixés. Sur ce point, Viola Amherd a affirmé plusieurs fois que «le contrat est à prix fixe».
Dans un deuxième temps, il a aussi été question des frais qu'engendreront les avions au total. En effet, leur prix étant un des critères principaux, il était important pour les politicien.ne.s d'être sûr.e.s que sur trente ans, le F-35A coûterait bel et bien 2 milliards de francs moins cher que son concurrent classé le plus proche, tel que l'avançait l'évaluation technique du DDPS. En y regardant de plus près, deux aspects ont été remis en question à ce sujet par les opposants, soit le nombre d'heures de vol que les avions effectueraient ainsi que le montant que représenteraient les frais d'entretien. Concernant le premier aspect, il a été remarqué que, pour la comparaison des avions, un nombre d'heures de vol différent a été octroyé au F-35A. Ceci serait dû à un besoin d'exercice moins élevé avec l'avion américain en raison de son résultat technique. Argumentation que certain.e.s remettent en cause en raison de la complexité de l'engin. Concernant le deuxième aspect, les frais d'entretien ont été calculés sur les bases d'informations données par le constructeur et non sur les frais que le gouvernement américain rapporte suite à son expérience avec ces avions. Sur ce point, la conseillère fédérale Viola Amherd a assuré que les chiffres avancés par la Confédération étaient corrects et qu'en vu des commandes annoncées, pour les mêmes avions, par le Canada, la Finlande et l'Allemagne, les prix d'entretien pourraient même baisser.
En définitive, comme écrivait la NZZ le 9 juillet 2022, c'est un «théâtre politique» et, ce n'est pas fini.