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Grundlagen der Staatsordnung
Politische Grundfragen und Nationalbewusstsein
Das Wahljahr 1971 lässt Entscheide nur unter dem Druck äusserer Umstände reifen; die Polarisierung der Kräfte verstärkt sich — Die Diskussion erfasst die Grundfragen der nationalen Existenz — Noch kein Schlussbericht der Arbeitsgruppe Wahlen zur Totalrevision der Bundesverfassung — Bemühungen um Erhaltung der schweizerischen Eigenart und Angriffe auf das traditionalistische Geschichtsbild — Ungünstige ausländische Urteile über die Schweiz — Vermehrte Beschäftigung mit der schweizerischen Zukunft.
 
1971 fut une année électorale. Comme l'a constaté un jeune politologue [1], les élections ne constituent pas à vrai dire, dans le système de démocratie référendaire que connaît la Suisse, des décisions sur des options politiques, mais, pour les partis gouvernementaux, elles sont le moyen de justifier leur maintien au pouvoir. C'est pourquoi, si les années électorales favorisent l'éclosion de programmes et de postulats, elles retardent la solution des problèmes majeurs. Il s'ensuit que la plupart des grandes décisions de l'année 1971 ont été dictées par les impératifs de l'heure; ce faisant, on recourut souvent à la procédure qu'est l'arrêté fédéral d'urgence. Mais dans les domaines où la pression des événements était plus faible, la solution des problèmes n'a généralement pas dépassé la phase préparatoire. Parmi les dispositions qu'il fallut prendre sans délai, notons surtout la participation au processus d'intégration européenne [2] et l'adaptation de notre monnaie aux nouvelles conditions des échanges internationaux [3]. Au vu de l'inflation croissante, il fallut aussi imposer une stabilisation de la conjoncture par des mesures sur la construction [4]. L'expansion accélérée de l'économie contraignit les autorités à prendre sans délai des mesures préventives à propos de l'aménagement du territoire [5]. La pénurie constante dont souffre le marché du logement, une initiative populaire capable, comme on le craignait, de mobiliser l'hostilité à l'égard de l'industrie ainsi que la crainte de nombreuses couches de l'opinion publique face à l'emprise de la surpopulation étrangère ont imposé la création de dispositions constitutionnelles en faveur d'une aide générale à la construction de logements et une législation moins individualiste en matière de loyers [6]. Enfin, étant donné le caractère transitoire du régime actuel des finances de la Confédération, il fallut procéder en temps opportun à sa prorogation, ce qui, après l'échec de la réforme de l'année précédente, se fit sans modifications notables [7]. En revanche, les innovations les plus importantes de l'année: octroi du suffrage féminin sur le plan fédéral [8] et inscription dans la Constitution de la protection de l'environnement [9] apparurent comme les fruits de l'évolution des idées qui s'était accomplie depuis plusieurs années. La solution d'autres tâches, tel l'élaboration d'un article conjoncturel [10], la révision de l'article sur l'enseignement [11], l'octroi d'une aide substantielle à la vieillesse [12], l'élaboration des principes concernant l'aménagement du territoire [13] et la réorganisation de l'administration fédérale [14], n'atteignit pas la phase parlementaire.
Les élections fédérales n'ont pas seulement contribué à confirmer le partage des forces jusqu'alors au pouvoir; elles ont encore manifesté la fermentation actuelle des esprits. Toutefois, bien que le spectacle quotidien des confrontations ait été, à maintes reprises, dominé par les défis des partisans de transformations radicales, le résultat du scrutin a plutôt souligné le succès des forces conservatrices [15]. Ainsi l'année s'est caractérisée par une polarisation accentuée des forces, tendance qui menaça même les partis gouvernementaux lorsque, peu après avoir renoncé à se regrouper en deux camps [16], éclata le conflit relatif à la composition de la commission militaire du Conseil national [17].
Questions fondamentales
Les thèmes de discussion politiques ne se limitèrent pas aux affaires urgentes et aux élections; ils englobèrent aussi les questions fondamentales de l'entité nationale. Une critique radicale s'attaqua à l'ordre établi. Elle ne fut pas le fait de la seule extrême gauche; elle se manifesta aussi dans l'Annuaire de la Nouvelle Société Helvétique, sous le titre: « La Suisse que nous voulons », où s'exprimèrent des représentants de la jeune génération [18]. Plusieurs d'entre eux émirent des critiques au sujet du concept de croissance économique, au sujet aussi de la propriété privée, de la répartition du travail, de la structure hiérarchique de la société et même de l'indépendance nationale. Comme solution, certains proposèrent une utopique démocratie socialiste. D'autres réclamèrent des réformes plus concrètes ou un rajeunissement de la politique, celle-ci devant se caractériser par plus de clarté, plus de fidélité aux principes, plus de tolérance, de solidarité et d'élan [19]. Une autre publication, se fondant sur une analyse de la crise de confiance du 7 juin 1970, réclama une démocratie plus dynamique devant s'exprimer par une opposition plus nette — jusqu'au sein du Parlement — afin de pouvoir convertir en force productive les manifestations d'une agressivité croissante [20]. Les revendications contenues dans les deux publications dépassèrent nettement tout ce que l'enquête faite en vue d'une révision totale de la Constitution avait pu révéler en fait d'ouverture aux réformes. Mais ce manque d'ouverture de la population suisse fut contesté à son tour; et ceux qui le mirent en doute attribuèrent l'échec relatif de l'enquête à la méthode utilisée [21]. Le groupe de travail Wahlen ne parvint pas à terminer son rapport final en 1971; son président en annonça la publication pour 1972 et laissa entendre qu'à ce moment-là, le Conseil fédéral désignerait une commission chargée d'élaborer un projet de Constitution [22].
Le fait que de nombreux censeurs aient remis en question l'entité nationale [23] a permis de constater que l'image que les Suisses se font d'eux-mêmes était troublée et qu'elle devait être revue grâce à un effort commun [24]. Daniel Roth a entrepris dans ce sens une action qui a essuyé les critiques, violentes des milieux novateurs, bien qu'elle se soit distancée de ceux de droite, hostiles aux réformes. Il a racheté la maison d'édition de la revue « Schweizer Spiegel » dont il était déjà actionnaire, et il a fondé une «Genossenschaft für schweizerische Kultur, Eigenständigkeit, Lebens- und Umweltgestaltung » qui, par des publications et l'organisation de rencontres, doit contribuer à sauvegarder l'identité nationale et à concilier les divergences [25]. Le professeur K. Schmid a constaté sans prosélytisme que, face au problème de l'intégration européenne, les Suisses auraient à décider s'ils allaient rester fidèles à une certaine idée de l'Etat et dans quelles mesure ils allaient le faire, et quels intérêts matériels ils étaient disposés à lui sacrifier [26]. D'autre part, on a souligné le danger qu'il y avait pour la Suisse actuelle à se laisser dominer par une mentalité helvétique qui prenait racine dans la conscience collective et dans un certain attachement inconditionnel au passé [27]. Deux publications ont visé à repousser cette image historique traditionnelle, parachevée au cours de la deuxième guerre mondiale; elles traitent des origines de la Confédération, l'une en style littéraire, l'autre sous forme de vulgarisation scientifique, cherchant toutes deux, entre autres, à détruire le mythe de Tell [28]. Une contribution romande à la définition de la conscience nationale souligna les facteurs de mésentente entre les communautés germanophone et francophone.du pays [29].
De l'étranger, des voix se mêlèrent à cette controverse, reflétant de la Suisse une certaine image. La fête nationale helvétique fut, pour un magazine allemand et un quotidien italien, l'occasion de décrire d'une manière fort peu flatteuse notre pays et ses habitants [30]. Des critiques parvinrent d'autres pays encore [31]. Mgr Camara, l'archevêque brésilien bien connu, fit une profonde impression par les discours qu'il prononça à Zurich et à Fribourg, lorsqu'il réclama un examen de conscience et un changement des structures économiques et politiques en faveur du tiers monde [32]. Le portrait brossé par le journal parisien « Le Monde », auquel avaient collaboré des représentants de la Suisse officielle, était plus aimable [33]. A l'étranger encore, les particularités de la politique suisse n'ont pas manqué de susciter l'intérêt du monde scientifique: deux maisons d'édition allemandes ont publié des études sur le système politique suisse; l'une d'entre elles avait des Suisses comme auteurs [34].
On s'est davantage préoccupé de l'avenir qu'auparavant, ce qui a encore alimenté la discussion politique. Des études prospectives ont été entreprises principalement: par le groupe de travail Kneschaurek, qui publia les résultats de nouvelles enquêtes; par l'Institut pour l'aménagement du territoire de l'EPF de Zurich, qui réussit en outre à proposer des conceptions directrices en matière de politique nationale; par la Nouvelle Société Helvétique, qui désigna des tâches à de nombreux comités d'étude. Partis et associations en firent de même [35]. L'Association suisse pour la recherche prospective se signala par l'organisation d'un congrès dont les communications furent publiées [36]. D'autres publications contribuèrent à confronter un plus large public avec les questions touchant l'avenir de la Suisse [37]. En résumé, c'est le double aspect du problème qui a été souligné: d'un côté, on a pu projeter dans l'avenir certaines lignes d'évolution, ceci aussi bien dans le domaine de la technique que dans celui du comportement humain; d'un autre côté, les auteurs ont postulé certaines formes d'organisation sociale et politique permettant à l'individu d'accroître ses possibilités d'épanouissement et son emprise sur les cours des choses.
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[1] LEONHARD NEIDHART, « Verschiebungen im parteipolitischen Kräfteverhältnis », in Schweizer Monatshefte, 51/1971-72, p. 733 ss.
[2] Cf. infra, p. 46 ss.
[3] Cf. infra, p. 74 ss.
[4] Cf. infra, p. 69 s.
[5] Cf. infra, p. 113 s.
[6] Cf. infra, p. 115 ss.
[7] Cf. infra, p. 85 s.
[8] Cf. infra, p. 13 s.
[9] Cf. infra, p. 119.
[10] Cf. infra, p. 70.
[11] Cf. infra, p. 138 s.
[12] Cf. infra, p. 133 ss.
[13] Cf. infra, p. 112 s.
[14] Cf. infra, p. 20 s.
[15] Cf. infra, p. 16 s. et 36 ss.
[16] Cf. infra, p. 19.
[17] Cf. infra, p. 60.
[18] La Suisse, Annuaire de la NSH, 43/1972.
[19] ROGER BLUM, « Jugendliche Politik — politische Jugend », in La Suisse, Annuaire, 43/1972, p. 35 ss.
[20] JÖRG TOBLER, Demokratie, Testfall: 7. Juni 1970, Zürich 1971 (Dossier Schweiz), notamment p. 50 ss.
[21] Tat, 3, 5.1.71; GdL, 188, 14./15.8.71. Cf. APS, 1970, p. 10 s.
[22] NZZ, 567, 5.12.71.
[23] Cf. aussi A. E. Hohler in NZ, 207, 9.5.71.
[24] P. Dürrenmatt in BN, 338, 343 et 354, 14./15., 18. et 25.8.71.
[25] NZZ (ats), 201, 3.5.71; 414, 6.9.71; NZ, 199, 4.5.71; Ww, 18, 7.5.71. Cf. aussi SAMUEL ARNOLD (pseud.), Provozierte Schweiz, Zürich 1971.
[26] Conférence à la Société des entrepreneurs de Zurich; texte intégral in TA, 83, 10.4.71.
[27] H. Tschäni in TA, 112, 15.5.71.
[28] MAX FRISCH, Wilhelm Tell für die Schule, Frankfurt 1971; OTTO MARCHI, Schweizer Geschichte für Ketzer, Zürich 1971.
[29] AYMON DE MESTRAL, Suisse romande, Suisse' alémanique, Qu'est-ce qui ne va pas? Lausanne 1970.
[30] « Euer Friede ist faul und erlogen, wenn... », in Der Spiegel, 25/1971, n° 32, p. 72 ss. (coauteur suisse: Ludwig A. Minelli); Egidio Sterpa in Corriere della Sera, 176, 29.7.71.
[31] Cf. TdG, 142, 27.7.71 (La Libre Belgique); NZZ, 495, 24.10.71 (Suède); NZZ, 513, 3.11.71 (Autriche); NZZ (ats), 567, 5.12.71 et TLM (ats), 4, 4.1.72 (Angleterre).
[32] Texte allemand du discours de Zurich: TA, 165, 19.7.71; cf. infra, p. 56 s.
[33] Le Monde, 26./27.9.71.
[34] KLAUS SCHUMANN, Das Regierungssystem der Schweiz, Köln 1971 (Demokratie und Frieden, 11); JÜRG STEINER (édit.), Das politische System der Schweiz, München 1971 (Piper Sozialwissenschaft, 5).
[35] Cf. infra, p. 66 et 114; APS, 1970, p. 11 s., 63 et 116; TA, 260, 6.11.71; conceptions politiques: WERNER GEISSBERGER, Leitbild Staatspolitik, 1970 (multigr.); compte rendu in NZ, 120, 15.3.71; 126, 18.3.71.
[36] PAUL DUBACH, BRUNO FRITSCH (édit.), Zukunft Schweiz, Zürich 1971. Cf. NZ, 97, 1.3.71; NZZ, 99, 1.3.71; Bund, 54, 7.3.71.
[37] NIKLAUS FLÜELER, RICHARD SCHWERTFEGER, Die Schweiz von morgen, Gespräche über die Zukunft der Schweiz, Zürich 1971; ARTHUR GLOOR (édit.), Die Zukunft im Angriff. Die Schweiz auf dem Weg ins 21. Jahrhundert, Frauenfeld 1971; GUIDO CASETTI, « Gesellschaftliche Zukunftsperspektiven », in Schweizer Rundschau, 70/1971, p. 82 ss.
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