Pour endiguer la crise du Covid-19, le canton du Tessin a été au-delà des exigences du Conseil fédéral. Il a décidé de suspendre les chantiers, de fermer toutes les industries n'exerçant pas leurs activités dans des domaines essentiels comme l'alimentation ou la santé, et d'appliquer une nouvelle réglementation aux hôtels. Pour Berne, le régime tessinois était illégal car c'est à la Confédération de manœuvrer en cas de «situation extraordinaire». Les mesures n'étaient pas conformes au droit fédéral – comme l'a indiqué le directeur de l'Office fédéral de la justice (OFJ) Martin Dumermuth – puisque seuls les chantiers et les exploitations ne respectant pas les recommandations en matière d'hygiène et de distance devaient fermer; les autres entreprises ne devaient pas cesser leurs activités. Le président du Conseil d'Etat tessinois, Christian Vitta (TI, plr), a rétorqué qu'une gestion uniforme sur tout le territoire ne faisait pas de sens car la propagation du virus était différente entre les cantons. Cette situation, qui a duré plusieurs jours, n'a pas été sans conséquence pour l'économie régionale. En effet, une cessation d'activités en raison d'une injonction cantonale illégale, ne permettait pas aux entreprises d'être indemnisées pour le chômage partiel. Pour les entreprises de constructions tessinoises, il semblait peu probable qu'elles recourent à la justice pour être indemnisé, puisqu'une demande d'arrêt des chantiers avait été adressée aux autorités de la part d'acteurs du secteur.
Le 21 mars 2020, le Conseil fédéral a fait un pas en direction d'un compromis :«Si la situation épidémiologique d'un canton implique un risque pour la santé publique, le Conseil fédéral peut autoriser ce canton à ordonner, pour une durée limitée, la restriction ou l'arrêt des activités dans des branches entières de l'économie. Les entreprises qui respectent de manière crédible les mesures d'éloignement social et d'hygiène peuvent poursuivre leurs activités» (art. 7e Ordonnance 2 Covid-19). Afin d'éviter un patchwork fédéraliste et préserver une gestion unifiée de la crise, le Conseil fédéral a alors posé quelques conditions – un système de santé arrivant à saturation même après le soutien d'autres cantons, difficulté à respecter les mesures de prévention pour le secteur économique et fonctionnement entravé par le manque de main-d'œuvre transfrontalière, et approbation des restrictions par les partenaires sociaux. En contrepartie, les cantons bénéficiant de la clause d'exemption devaient autoriser la reprise des activités si une entreprise prouvait le respect de la réglementation de l'OFSP. Le canton du Tessin remplissait tous les critères, comme l'a évoqué Alain Berset, pour formuler une demande au Conseil fédéral.