Message sur l'armée 2024 (MCF 24.025)

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Le message sur l’armée 2024 du Conseil fédéral tient compte de la volonté du Parlement d'augmenter les dépenses de l'armée - pour faire en sorte qu'elles représentent 1 pour cent du PIB d'ici à 2030 - et de la décision du Conseil fédéral de repousser cette échéance à 2035. Il est prévu que les dépenses de l'armée augmentent de 3 pour cent en 2025 et en 2026 et de 5,1 pour cent en 2027. Ce message détermine la manière dont l'armée devra se développer dans les 12 prochaines années. Puisqu'il s'agit du début de la législation, la vision présentée dans le message est relativement large et ne se limite pas à 2024. Le message est organisé autour de cinq axes principaux, dont chacun correspond à un arrêté fédéral.
Il s’agit avant tout de garantir la sécurité de la population et des infrastructures stratégiques du pays en identifiant les menaces auxquelles la Suisse pourrait être confrontée dans les années à venir. Le Conseil fédéral a ainsi déterminé l’orientation que devrait prendre l’armée en envisageant trois types de menaces. La plus réaliste correspondrait au maintien ou à l’intensification d’une situation stratégique préoccupante non loin du territoire helvétique, la seconde au déclenchement d’un conflit hybride accompagné ou suivi par de potentielles attaques conventionnelles et la troisième à la possibilité d’une intervention militaire de grande ampleur sur le sol suisse. Le Conseil fédéral estime que l’armée doit dédier la plus grande partie de ses efforts à l’anticipation des menaces qu’il serait possible d’apparenter au deuxième scénario envisagé. Mais il reconnaît que « vu les moyens financiers disponibles, des concessions devront être faites sur le niveau de capacités ».
Pour atteindre ces objectifs, le Conseil fédéral propose au Parlement de voter un arrêté fédéral relatif aux valeurs-cibles pour l’orientation de l’armée d’ici à 2035 afin de développer les capacités logistiques de l’armée en renforçant son système de conduite et de mise en réseau ainsi que son dispositif de renseignement intégré. Il s’agit également d’améliorer « les effets obtenus contre des cibles au sol, des cibles aériennes ainsi que dans le cyberespace et l’espace électromagnétique ».
Le deuxième pilier du message sur l’armée 2024 concerne l’acquisition de matériel pour la période 2024 à 2027. D’après le Conseil fédéral, l’arrêté fédéral conçu à cet effet «permettra de combler une partie des lacunes de capacités et d’équipement» de l’armée, puisqu’il prévoit l’allocation d’un crédit d’engagement de CHF 3,52 milliards, dont la majeure partie servira à couvrir des frais liés à l’équipement personnel et au renouvellement du matériel. Parmi les acquisitions programmées par le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) figurent notamment « des radars semi-stationnaires pour la surveillance de l’espace aérien intermédiaire et supérieur ainsi que des moyens de défense aérienne sol-air de courte portée ».
Le troisième volet de ce message sur l’armée concerne le programme d’armement 2024. Il permettra de renouveler certaines des infrastructures informatiques de l’armée – donnant à l’armée les moyens de lutter plus efficacement contre les cyberattaques –, d’acquérir des nouveaux missiles de longue portée, de développer le système de contrôle de l’espace aérien grâce à l’acquisition de radars semi-stationnaires et de maintenir en état les avions d’entrainement PC-7. Le montant alloué à l'acquisition d'engins guidés sol-sol s'élève à CHF 210 millions, alors qu'il est prévu de dépenser CHF 70 millions pour l'entretien des avions PC-7 et 40 millions pour développer la protection du cyberespace.
Le quatrième arrêté fédéral présenté dans le message est lié au programme immobilier du DDPS pour l’année 2024. Il y est notamment fait mention du projet de construction d’un nouveau centre de calcul qui sera utilisé à des fins purement militaires et des travaux qui auront cours sur les places d’armes de Frauenfeld et de Bière. Il est ainsi prévu d'allouer CHF 483 millions pour la construction du nouveau centre de calcul, CHF 93 millions pour la rénovation de la place d'arme de Frauenfeld et CHF 46 millions pour celle de la place d'arme de Bière.
Le dernier élément dont le message fait état est le plafond des dépenses de l’armée prévu pour les années 2025 à 2028. Alors que sa portée était auparavant plus restreinte, il concerne à présent le Groupement Défense ainsi qu’armassuisse dans son ensemble. Il s’élève à CHF 25,8 milliards.
A la suite de la présentation du message par la conseillère fédérale Amherd, la presse s'est surtout intéressée aux problèmes de financement de l'armée, puisqu'il a été annoncé au début du mois de février que des investissements d'une valeur de 1,4 millards de francs devaient être différés. Pour la NZZ, il était évident que « dieses Mal standen Bundesrätin Viola Amherd sowie die Armeespitze besonders im Fokus. Nachdem die Schweizer Armee jahrzehntelang in weiten Teilen kaputtgespart worden ist, soll sie so schnell wie möglich wieder nach-gerüstet werden », alors que la Liberté a estimé que l'« opération de déminage » tentée par Viola Amherd s'est soldée par un « échec ».

Dossier: Armeebotschaften

Les sénatrices et sénateurs ont débattu du message sur l'armée 2024 du Conseil fédéral. Parmi les décisions prises par les membres de la chambre haute, l'une des plus controversées a été l'augmentation du plafond des dépenses de CHF 4 milliards. En effet, dans son message, le Conseil fédéral proposait que le plafond des dépenses s'élève à CHF 25.8 milliards pour 2025-2028, mais une majorité des conseillères et conseillers aux Etats a décidé de faire passer ce montant à CHF 29.8 millards, malgré l'opposition de la gauche. Ce changement a été accepté par 27 voix contre 17 et une abstention. La conseillère aux Etats lucernoise Andrea Gmür (centre), qui s'exprimait au nom de la commission, a justifié cette augmentation du plafond des dépenses en arguant que le contexte géopolitique actuel était particulièrement tendu et que de nombreux Etats européens avaient eux aussi augmenté le moyens qu'ils accordaient à leurs forces armées.
L'un des autres points de friction entre membres du Conseil des Etats a été la question d'une éventuelle compensation des montants alloués à l'armée par une diminution des investissements dans d'autres domaines d'action de la Confédération. Au grand dam de la gauche, une proposition du PLR, qui demandait de compenser les CHF 4 milliards supplémentaires dédiés à l'armée par des baisses d'investissement dans la coopération au développement, dans les charges liées au personnel du DDPS ainsi que dans celles du Groupement défense et d'Armassuisse a été acceptée par 24 voix contre 18 et 3 abstentions. Les élus de gauche, notamment le sénateur genevois Carlo Sommaruga (ps), ont tenté en vain de convaincre leurs collègues qu'une diminution du montant alloué à l'aide au développement nuirait à la réputation de la Suisse.
Par ailleurs, la majorité des membres du Conseil des Etats a décidé d'ajouter un crédit d'engagement de CHF 660 millions pour l'acquisition de matériel de défense sol-air de moyenne portée. Andrea Gmür a défendu cette initiative en affirmant que la Suisse était en retard en ce qui concerne l'acquisition de matériel permettant de lutter contre les drones armés. Malgré l'opposition de la conseillère fédérale chargée de la défense, Viola Amherd, qui a indiqué aux parlementaires que la Confédération n'avait actuellement pas les moyens financiers de procéder à cette acquisition, les élu.e.s de la chambre haute ont décidé, par 31 voix contre 14 et aucune abstention, de voter pour ce crédit d'engagement supplémentaire. Les autres crédits d'engagement prévus pour 2024 n'ont fait l'objet d'aucun débat.

Dossier: Armeebotschaften

A la suite des débats au Conseil des Etats, la Commission des finances du Conseil national(CdF-CN) a présenté la manière dont elle souhaitait que l'armée soit financée dans les prochaines années. Si elle a soutenu l'augmentation du plafond des dépenses de l'armée à CHF 4 milliards prévue par le Conseil fédéral, elle a fustigé la décision du Conseil des Etats de diminuer le montant alloué à un large éventail de secteurs d'activité de la Confédération pour financer cette hausse du plafond des dépenses militaires. L'augmentation du plafond des dépenses voulue par le Conseil des Etats permet d'élever le budget de la défense à 1 pour cent du PIB d'ici à 2030, alors que le Conseil fédéral s'était résolu à le faire d'ici à 2035. Les membres de la CdF-CN ont notamment critiqué la manière dont le Conseil des Etats envisage de financer cette augmentation du plafond des dépenses de l'armée, puisque la commission des finances du Conseil des Etats (Cdf-CE) n'a pas été consultée avant que les sénatrices et sénateurs ne décident de ces coupes.
A la place des mesures envisagées par le Conseil des Etats, la CdF-CN a proposé, dans un rapport écrit avec la commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-CN), de financer l'augmentation du plafond des dépenses de l'armée en diminuant la part de l'impôt fédéral direct versée aux cantons. La commission a proposé que cette mesure soit prise dans le cadre d'une décision de principe et de planification. Elle a également estimé qu'il serait nécessaire de mettre en place un système de réduction des montants alloués à la coopération internationale et de diminution des charges liées au personnel de la Confédération, afin d'accorder plus de moyens à l'armée. Une minorité de la commission – dont la proposition a été rejetée par 14 voix contre 10 – a estimé qu'il était plus opportun de faire mention des domaines dans lesquels ces compensations seraient effectuées dans des arrêtés fédéraux séparés. Une autre proposition de minorité, rejetée par 16 voix contre 8 et 1 abstention, demandait que l'augmentation du plafond des dépenses de l'armée soit uniquement financée par des recettes supplémentaires.
Par ailleurs, la majorité des membres de la CdF-CN a proposé de diminuer les dépenses d'exploitation de l'armée afin d'accorder plus de place aux investissements d'armement. D'après les membres de la commission, cette nouvelle répartition devrait être mise en place de manière progressive, pour atteindre CHF 500 millions en 2028.
Une minorité de la CdF-CN, dont la proposition a été rejetée par 15 voix contre 9 et 1 abstention, jugeait excessif le projet du Conseil des Etats d'élever le plafond des dépenses de CHF 4 milliards et estimait nécessaire de limiter l'augmentation du plafond des dépenses à CHF 2.8 milliards. Une autre minorité, dont la proposition a été rejetée par 16 voix contre 9, s'opposait à la décision du Conseil des Etats de faire passer le plafond des dépenses à CHF 29.8 milliards et voulait suivre le projet initial du Conseil fédéral, qui proposait que le plafond des dépenses soit fixé à CHF 25.8 milliards. Enfin, une proposition de minorité, rejetée par 17 voix contre 8, demandait quant à elle de réduire le plafond des dépenses de 1.4 pour cent.
Par ailleurs, la commission a approuvé le projet d'arrêté fédéral sur l’acquisition de matériel de l’armée 2024 par 17 voix contre 8, alors qu'une minorité souhaitait diminuer de 10 pour cent les crédits d'engagement relatifs à l'acquisition de matériel militaire.
En ce qui concerne l'arrêté fédéral sur le programme d’armement 2024, la CdF-CN s'est rangée derrière la proposition du Conseil des Etats et a voté en faveur d'un crédit d'engagement de CHF 660 millions pour l'acquisition de systèmes de défense sol-air de moyenne portée. Une minorité y était opposée et souhaitait que le projet initial du Conseil fédéral, qui prévoyait un crédit d'engagement de CHF 490 millions, soit mis en œuvre.

Dossier: Armeebotschaften

Les membres de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-CN) ont examiné le message sur l'armée 2024 du Conseil fédéral ainsi que les arrêtés fédéraux qui sont associés à ce document. La question du plafond des dépenses, que les membres de la CPS-CN ont décidé de faire passer de CHF 25.8 milliards à CHF 29.8 milliards, a été au coeur des débats en commission. En effet, pour financer cette augmentation, les parlementaires siégeant à la CPS-CN ont décidé de privilégier la création d'un fonds temporaire pour l'armée à l'idée de compenser ces dépenses en réduisant les montants alloués à d'autres domaines d'activité de la Confédération. Les membres de la CPS-CN ont soutenu cette nouvelle solution par 12 voix contre 12 et la voix prépondérante de la présidente. En raison d'un résultat aussi serré, les membres de la CPS-CN ont finalement décidé de rejeter l'arrêté fédéral sur le plafond des dépenses par 15 voix contre 8 et 1 abstention. Cela correspond à une non-entrée en matière, bien que la CPS-CN ait décidé de proposer aux membres du Conseil national de débattre des deux options envisagées en ce qui concerne le financement de la hausse du plafond des dépenses, pour lui laisser la possibilité d'entrer en matière sur cet arrêté fédéral.
Les membres de la CPS-CN ont décidé que le fonds destiné à garantir l'augmentation du plafond des dépenses devait être financé par des prêts d'un maximum de CHF 10 milliards, remboursables d'ici à 2045 à partir du budget de l'armée. Les parlementaires estiment par ailleurs qu'il est nécessaire d'alimenter ce fonds grâce à la vente de matériel militaire, grâce à la vente de biens immobiliers ou grâce à des mesures d'économie mises en place par le Département de la défense (DDPS).
Les membres de la CPS-CN ont également débattu de l'arrêté fédéral sur les valeurs-cibles de l'armée. Il s'agit de l'arrêté fédéral qui détermine les priorités de l'armée pour les années à venir. La commission a proposé par 21 voix contre 4 et aucune abstention d'inclure le domaine de l'espace aux valeurs-cibles déterminées dans l'arrêté fédéral qui lui est dédié. Par ailleurs, les membres de la CPS-CN ont également estimé, par 13 voix contre 12 et 0 abstention, qu'il était nécessaire de développer les capacités et le dispositif de protection des systèmes de communication utilisés par l'armée. Lors du vote sur l'ensemble, l'arrêté fédéral sur les valeurs-cibles a été approuvé par 10 voix contre 7 et 8 abstentions.

Dossier: Armeebotschaften