Loi sur la protection de la population et sur la protection civile. Modification (MCF 24.043)

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Les effectifs de la protection civile étaient de 60’000 personnes au début de l'année 2024, alors qu’il avait été convenu, il y une dizaine d’années, que la protection civile devait compter dans l’idéal 72’000 membres pour fonctionner efficacement. Pour éviter que les effectifs de cette institution ne représentent plus que 50'000 personnes aux alentours de 2030, le Conseil fédéral a adopté – sur la base de la première partie du rapport sur l’alimentation de l’armée et de la protection civile rédigé par le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et par le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR)  ­– un message relatif à la modification de la loi fédérale du 20 décembre 2019 sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi).
Le message prévoit que les personnes astreintes au service militaire ayant été libérées de leurs obligations militaires au moment de leur 25e anniversaire devront rejoindre la protection civile. Par ailleurs, les individus qui ont été déclarés inaptes au service militaire alors qu’ils ont déjà achevé leur école de recrues seront également astreints à la protection civile s’ils doivent encore effectuer plus de 80 jours de service. Il a aussi été décidé que le «principe du domicile» serait abrogé. Cela signifie que les personnes astreintes à la protection civile n’oeuvreront plus forcément dans leur canton d’origine, puisqu'il sera possible de demander aux personnes astreintes originaires d'un canton en sureffectif de travailler dans des cantons en sous-effectifs.
Le message indique également que les organisation de protection civile – les dispositifs déployés dans chaque canton pour assurer la protection de la population en cas de catastrophe – seront transformées en établissements d’affectation du service civil dans les cantons où les organisations de protection civile souffrent d’un manque massif d’effectifs. En outre, si la protection civile ne dispose pas des ressources suffisantes pour répondre aux sous-effectifs, les personnes qui effectuent leur service civil devront passer au maximum 80 jours de leur obligation de servir dans une organisation de protection civile. Les individus astreints au service civil mais mobilisés dans une organisation de protection civile continueront à agir dans le cadre de la législation sur le service civil et seront exemptés de l’obligation de servir dans la protection civile.
Le Conseil fédéral estime que cette modification de la LPPCi pourrait se heurter à l'opposition de certains partis politiques. Il a donc décidé de procéder en deux temps pour s’assurer que dans l’hypothèse d'un référendum, les parties du projet qui ne font l’objet d’aucune contestation puissent être mises en œuvre sans tarder. Le premier projet présenté au Parlement concernera donc les personnes astreintes au service civil et le second traitera des autres changements proposés.

Après avoir pris connaissance du message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi), la commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-CE) a recommandé à son conseil, par 12 voix contre 1, d'adopter cette modification de la LPPCi.
Dans les détails, les membres de la commission ont estimé que ce projet permet de répondre au manque d'effectifs des organisations de protection civile (OPC) implantées dans les cantons, que rien ne doit empêcher les objecteurs de conscience d’œuvrer dans le cadre de la protection civile et que cette modification de la LPPCi ne met pas en cause les missions initiales du service civil, puisqu'il sera possible pour les OPC de faire appel à des personnes astreintes au service civil uniquement après que d'autres mesures pour combler ce manque de personnel auront été envisagées. Une minorité de la commission s'est opposée à cet objet en arguant que l'engagement au sein de la protection civile devait rester volontaire pour les civilistes, puisque «les prestations fournies par les personnes astreintes au service civil représentent une contribution importante à la cohésion nationale». Dans cette optique, la minorité a déposé une proposition qui demandait de ne pas entrer en matière en ce qui concerne les dispositions permettant de contraindre des personnes astreintes au service civil de s'engager dans la protection civile. Néanmoins, cette proposition a été rejetée par 12 voix contre 1 au sein de la CPS-CE.

Les membres du Conseil des Etats ont débattu des deux projets de modification de la loi fédérale sur la protection civile (LPPCi) proposés par le Conseil fédéral. Ces deux projets visent à accroître les effectifs de la protection civile.
Le premier projet (projet A) a été rédigé dans le but de pouvoir demander à des personnes astreintes au service civil de s'engager dans la protection civile en cas de nécessité. Les civilistes qui s'engagent dans une organisation de protection civile continuent à être soumis à la législation relative à la protection civile. Il est laissé à chaque canton la liberté de déterminer l'effectif qu'il estime nécessaire. Cela signifie que les nouvelles dispositions proposées par le Conseil fédéral donnent la possibilité à l'Office fédéral de la protection de la population (OFFP) d'affecter des personnes astreintes à la protection civile dans des cantons en sous-effectif. Le second projet (projet B) traite de questions moins polémiques, telles que la manière dont la Confédération doit coordonner l'action des organes civils qui œuvrent dans le domaine de la protection de la population face à une éventuelle crise sanitaire (Service sanitaire coordonné). Ce projet exige également des personnes déclarées inaptes au service militaire, mais qui ont déjà effectué 166 jours de service, qu'elles s'engagent dans la protection civile. Par ailleurs, les personnes astreintes au service militaire, mais qui ne l'ont pas effectué avant leur 25e année, pourront être amenées à servir dans la protection civile.
S'exprimant au nom de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-CE), Josef Dittli (plr, UR) a tenté de convaincre ses collègues de soutenir ces deux projets. Il s'est notamment attaché à rappeler qu'il était nécessaire de répondre rapidement à la situation de sous-effectif dont pâtissent les organisations de protection civile, puisqu'en 2030, la protection civile sera composée de 50'000 personnes, alors qu'il faudrait en avoir 72'000.
Des parlementaires issus des rangs de la gauche ont émis des réserves par rapport à la proposition d'exiger de certains civilistes qu'ils passent une partie de leur service civil dans une organisation de protection civile. Par exemple, Franziska Roth (ps, SO) s'était déjà opposée à ce projet en commission et avait déposé une proposition de minorité demandant de rejeter le projet A. Comme cette élue l'a indiqué à ses collègues, elle estime nécessaire de continuer à dissocier les activités de la protection civile et celles des civilistes, afin de ne pas diminuer l'importance du service civil au profit de la protection civile. Par ailleurs, il lui paraît important de continuer à valoriser le travail des civilistes qui œuvrent dans des homes, des hôpitaux ou des écoles. Mathias Zopfi (vert-e-s, GL), qui s' est exprimé au nom du groupe des Vert-e-s, a lui aussi affirmé que le projet du Conseil fédéral risquait d'affaiblir le service civil, affirmant que d'autres mesures pourraient être mises en place pour répondre au sous-effectif de la protection civile.
Pour répondre aux critiques de certains élus, tels que Werner Salzmann (udc, BE), qui mettaient en cause la pertinence du service civil dans certains domaines («Bei Einsätzen in Südafrika, beim Vögelzählen für die Vogelwarte Sempach oder dem Kartieren von Alphütten sehe ich keinen grossen Wert für die Allgemeinheit»), Charles Juillard (centre, JU), qui défendait la modification de la LPPCi proposée par le Conseil fédéral a indiqué que la priorité n'était pas de débattre des vertus du service civil, mais de déterminer comment la protection civile pouvait aider la population à faire face à des situations d'urgence et dans quelle mesure des contingents de l'armée pourraient lui permettre de parvenir à cette fin.
A la fin du débat sur le bien-fondé du projet A, la ministre de la défense Viola Amherd a pris la parole au nom du Conseil fédéral pour appeler les parlementaires à voter en faveur de cette modification de la LPPCi. Elle a notamment indiqué que pour répondre au sous-effectif de la protection civile, on ferait d'abord appel à des personnes engagées dans la protection civile dans un canton en sureffectif. Faire appel à des civilistes pour œuvrer dans une organisation de protection civile ne serait vraiment qu'une solution de dernier recours, selon la conseillière fédérale.
La proposition de non-entrée en matière de la conseillère nationale Franziska Roth a été rejetée par 34 voix contre 10 et aucune abstention avant que les sénateurs ne délibèrent et votent sur chacun des articles. Franziska Roth (soutenue par les partis de gauche) a également déposé des propositions de minorité visant à modifier certains articles du projet A. Elle souhaitait par exemple que le nombre de civilistes pouvant être affectés dans une organisation de protection civile ne soit pas supérieur à 200. Cette proposition a été rejetée par 34 voix contre 9 et aucune abstention. Une autre proposition de minorité déposée par Franziska Roth aurait pu changer profondément le caractère du projet A. Cette proposition de minorité s'opposait au projet du Conseil fédéral de ne pas faire payer de taxe aux organisations de protection civile en sous-effectif. Elle a justifié sa démarche en affirmant que dans ce cas, tous les établissements du service civil devraient être exonérés de la taxe qu'ils doivent verser aujourd'hui, puisqu'ils fournissent tous un service d'intérêt public. Cette proposition a été rejetée par 32 voix contre 9 et aucune abstention. Lors du vote sur l'ensemble, le projet A a été soutenu par 33 sénateurs contre 9 et aucune abstention.
Le projet B a suscité beaucoup moins de débats que le projet A. Mais Franziska Roth, toujours soutenue par les partis de gauche, a déposé une proposition de minorité visant à modifier ce texte de manière à ce que les personnes œuvrant dans une organisation de protection civile puissent effectuer leur service obligatoire l'année qui suit leur instruction de base, et non au cours de la même année, comme le proposait le texte du Conseil fédéral. Cette proposition a été rejetée par 33 voix contre 10 et aucune abstention. Lors du vote sur l'ensemble, le projet B a été accepté à l'unanimité (38 voix). Le texte doit maintenant être examiné par le Conseil national.