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Politique sociale
Assurances sociales
Le Conseil fédéral a présenté ses propositions relatives à la 10e révision de l'AVS. — Le souverain a rejeté l'initiative POCH visant à abaisser l'âge donnant droit à la rente AVS. — Lancement d'une initiative pour un libre passage intégral dans le cadre de la loi sur la prévoyance professionnelle. — Le Conseil fédéral et le Conseil des Etats ont proposé le rejet de l'initiative "Pour une assurance-maladie financièrement supportable".
Assurance-vieillesse et survivants
Après différents groupements politiques ou économiques, le Conseil fédéral a, à son tour, présenté des propositions relatives à la 10e révision de l'AVS et a chargé le DFI de préparer la rédaction du futur message s'y référant. A l'exception de l'âge donnant droit à la rente vieillesse, le programme élaboré par le. gouvernement prévoit une égalité parfaite entre hommes et femmes. En raison de la vive opposition qu'elle avait suscité lors de la présentation en 1986 du programme pour la 10e révision de l'AVS, le Conseil fédéral a abandonné l'idée d'un relèvement à 63 ans de l'âge de la retraite pour les femmes et l'a maintenu à 62 ans. Pas de changement non plus en ce qui concerne l'âge de la retraite pour les hommes, celui-ci reste toujours fixé à 65 ans. Toutefois, ceux qui le désirent pourront bénéficier d'une retraite anticipée dès l'âge de 62 ans avec en contrepartie une réduction de la rente de 6,8% par année d'anticipation. Quoiqu'il en soit, le problème de l'âge donnant droit à la rente demeure le plus épineux de cette 10e révision de l'AVS. Présenter un message qui suive la voie obligée du compromis et tienne compte à la fois des perspectives démographiques, des impératifs financiers et du principe de l'égalité entre les sexes, constituera à ne pas en douter une tâche plus que difficile pour le gouvernement.
Toujours dans le cadre de l'élaboration de la 10e révision de l'AVS, le Conseil fédéral a décidé de maintenir la rente couple et, par conséquent, a refusé de passer à un système de rentes indépendantes de l'état civil. Dans ce modèle, appelé splitting, les revenus obtenus par les époux durant le mariage sont additionnés puis versés par moitié sur le compte de chaque conjoint. Pour justifier son choix, le gouvernement a estimé que le principe des rentes individuelles entraîne une détérioration de la situation pour toute une série de rentiers et ne correspond pas à la réalité sociale en Suisse. En effet, à ses yeux, la famille reste la cellule de base et seules 38% des femmes mariées exercent une activité professionnelle. Toutefois, il a apporté une modification au système de rente couple qui va permettre à la femme de bénéficier de son propre droit. Le montant total de la rente couple sera divisé en deux et payé séparément à chaque conjoint. Quant aux principales mesures de politique sociale, elles concernent l'extension du droit à l'allocation pour impotent, l'instauration d'une rente de veuf et l'introduction de bonifications pour les tâches éducatives afin compenser les pertes de revenu dues au temps consacré à l'éducation des enfants. La 10e révision de l’AVS telle qu'elle est proposée par le Conseil fédéral s'écarte du principe de la neutralité des coûts. Les 290 millions de francs de dépenses supplémentaires par année représentent 2% du budget total de l’AVS et seront financés par l'Etat ainsi que par une augmentation de l'impôt sur le tabac. Le Conseil fédéral a d'ores et déjà exclu toute augmentation des cotisations [1].
Les propositions du gouvernement ont suscité diverses critiques et réserves, émanant aussi bien de la droite et des milieux patronaux que de la gauche et des syndicats. Les premiers ont reproché au Conseil fédéral en particulier de n'avoir pas respecté le principe de la neutralité des coûts et ont regretté qu'en raison d'une évolution démographique caractérisée par un vieillissement de la population, il ait renoncé à relever l'âge de la retraite pour les femmes. Si les seconds se sont félicités de l'abandon d'un relèvement de l'âge de la retraite, ils ont cependant déploré que l'égalité entre les sexes n'ait pas été atteinte et que le modèle de rentes individuelles n'ait pas été retenu. Seuls les démocrates-chrétiens ont approuvé le projet [2]. Quant aux organisations féminines, elles ont regretté que le Conseil fédéral ait renoncé à introduire des rentes indépendantes de l'état civil. Et d'une façon plus générale, elles ont trouvé les propositions du projet gouvernemental trop timorées [3].
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Pour le groupe de travail du Parti radical, l'attention doit être portée en premier lieu sur le vieillissement démographique et ses retombées financières sur l'AVS. Dans ce contexte, il estime nécessaire de réaliser des économies et préconise par conséquent l'introduction générale de l'âge de la retraite à 65 ans dans les douze ans qui suivront l'entrée en vigueur de la loi. Mais il n'écarte pas la possibilité de toucher une rente dès 62 ans, moyennant une réduction des prestations de 6,8% par année. Le modèle radical, neutre du point de vue des coûts, prévoit également un système de rentes calculé indépendamment de l'état civil ainsi qu'un bonus pour les assurés à faible revenu et pour ceux qui doivent assumer des tâches éducatives ou ont des parents handicapés à charge [4].
La Commission fédérale pour les questions féminines est d'avis que la révision de I'AVS doit parvenir à concrétiser le principe constitutionnel de l'égalité des droits entre hommes et femmes ainsi que l'égalité de traitement entre les femmes. Dans son projet, neutre du point de vue financier, elle a affirmé sa volonté de supprimer toutes les inégalités, préjudiciables ou non à la femme. Elle se prononce en faveur des rentes individuelles et souhaite l'introduction d'un bonus dont l'effet consisterait à améliorer la rente vieillesse des assurés célibataires et divorcés qui ont accompli des tâches éducatives. A une faible majorité, elle a préconisé une augmentation de l'âge de la retraite pour les femmes assortie de la flexibilité dès 60 ans [5].
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Suivant les recommandations du Conseil fédéral et des Chambres, le peuple a rejeté l'initiative lancée par les Organisations progressistes (POCH) demandant qu'en l'espace de trois ans l'âge ouvrant le droit à la rente AVS soit abaissé à 62 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes. Soutenue par le Parti du travail et le Parti socialiste ouvrier, l'initiative précisait en outre que cet âge pouvait être ultérieurement abaissé par voie législative, mais qu'il ne pouvait être relevé. En effet, les initiants proposaient que l'âge donnant droit aux rentes soit atteint en deux étapes. La première fixant la limite à 62 ans pour les hommes et 60 pour les femmes, la seconde devant établir l'égalité entre homme et femme. Au cours du débat qui a précédé le scrutin populaire, partisans et adversaires de l'abaissement de l'âge de la retraite ont tour à tour invoqué des motifs d'ordre démographique, financier, économique et social pour étayer leur argumentation [6].
Les opposants ont estimé que les conséquences financières de cette requête populaire n'étaient supportables ni pour les salariés ni pour l'économie et pas davantage pour les pouvoirs publics. L'acceptation de cette initiative aurait entraîné, selon le Conseil fédéral, des dépenses supplémentaires de l'ordre de 2,1 milliards de francs par an. Comme les initiants excluaient toute possibilité d'abaisser le montant des rentes, il en aurait résulté, toujours selon les estimations du gouvernement, une augmentation des prélèvements sur les salaires de 1,55% ainsi qu'un accroissement de la charge de la Confédération et des cantons de 295 millions de francs. L'initiative aurait également eu des répercussions d'ordre financier sur d'autres branches de la sécurité sociale, notamment sur le régime des prestations complémentaires à l'AVS et sur la prévoyance professionnelle. A propos du financement, les initiants ont tenu à rappeler que les contributions de la Confédération avaient été réduites de 25 à 20% lors de la 9e révision de l'AVS et ont suggéré que l'accroissement de la charge des pouvoirs publics soit compensé par une diminution des dépenses militaires afin de n'entraîner aucune augmentation des cotisations salariales.
L'inexorable vieillissement de la population, conjugué à une espérance de vie en constante augmentation, a permis aux opposants de présenter l'initiative comme dangereuse pour le financement futur de l'AVS. En effet, l'évolution démographique de la Suisse entraîne une détérioration du rapport entre cotisants et rentiers. Une baisse de l'âge donnant droit à la rente constituerait à leurs yeux une mise en danger de la sécurité sociale. Autre argument brandi par les opposants, la menace que fait peser l'initiative sur la 10e révision de l'AVS.
L'aspect social et humain de l'âge de la retraite a également servi d'argument pour les partisans comme pour les adversaires de l'initiative. Pour les premiers cités, un abaissement de l'âge de la retraite permet une réelle amélioration de la qualité de la vie, répond à une nécessité sociale et s'appuie sur un réel désir de nombreux salariés. Quant aux seconds, ils ont souligné que, face à une espérance de vie toujours plus longue, de nombreux travailleurs redoutent un retrait prématuré de la vie professionnelle, signe pour eux d'une mise au ban de la société [7].
Initiative visant à abaisser l'âge donnant droit à la rente AVS. Votation du 12 juin 1988
Participation: 42,0%
Non: 1 153 540 (64,9%) / 21 cantons
Oui: 624 390 (35,1%) / 2 cantons (TI, JU)

Mots d'ordre :
Non: PRD, PDC, UDC, PLS, AdI, PEP, PES, AN, PA; Vorort, UCAP, USAM, USP, Assoc. suisse des employés.
Oui: PSS, POCH, PST, Alliance verte; USS, CSCS, Confédération romande du travail.
L'analyse Vox réalisée à l'issue du scrutin a démontré que le souverain avait rejeté l'initiative en raison des risques financiers qu'elle aurait pu entraîner. Pour les opposants, la Suisse n'est pas assez riche pour supporter un accroissement du nombre des personnes jouissant des rentes AVS. Toujours selon cette analyse, le déséquilibre croissant entre le nombre de cotisants et celui des bénéficiaires des rentes a également constitué un motif de rejet. La minorité qui s'est dégagée des urnes et les motifs qui ont incité les votants à rejeter l'initiative, permettent cependant d'avancer l'hypothèse suivant laquelle un relèvement de l'âge de la retraite serait mal perçue par une large part de la population. Ce résultat peut conforter la position du Conseil fédéral qui, malgré les pressions des milieux économiques, a refusé de procéder à un relèvement de l'âge de la retraite pour les femmes dans son programme pour la 10' révision de l'AVS [8].
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Les Chambres fédérales ont adopté l'arrêté fédéral urgent concernant la prolongation du délai pour l'octroi de subventions de construction prévu par la loi sur l'assurance-vieillesse et survivants. En conséquence, il sera encore possible d'allouer des subventions pour la construction, l'agrandissement et la rénovation d'établissements et autres installations pour personnes âgées sous réserve que le projet ait été déposé avant le lei janvier 1986 et que les travaux débutent au plus tard le 30 juin 1990. Cet arrêté fédéral fait suite à l'approbation par le parlement d'une motion Fischer (pdc, LU) exigeant une prorogation de deux ans du délai de l'octroi de subventions pour la construction de homes pour personnes âgées. En effet, dans le cadre du premier train de mesures en vue de la nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, l'aide financière que l'AVS octroyait depuis 1975 avait été supprimée et deux délais avaient été fixés pour régler cette période transitoire, soit le ler janvier 1986 pour l'envoi des demandes et le 30 juin 1988 pour le début des travaux de construction [9].
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Assurance-invalidité
Dans son message relatif au second train de mesures de répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, le Conseil fédéral a prévu une réorganisation de la loi sur l'assurance-invalidité (AI). Elle doit permettre de simplifier la procédure et d'accroître la transparence de l'administration afin de les rendre plus accessibles au citoyen. Le Conseil fédéral envisage également la création d'offices cantonaux de l'AI qui prendraient en charge toutes les tâches assumées jusqu'à présent par les commissions, secrétariats et offices régionaux. Ceux-ci vont devoir fixer les prestations de l'AI et offrir une gamme complète de services [10].
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Prévoyance professionnelle
Deux commissions de l'administration fédérale se penchent actuellement sur la question de la révision de la loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) et plus particulièrement sur la question du libre passage, réglementation qui est devenue l’objet de très vives critiques. Il s'agit d'abord d'une commission d'experts instituée par le Conseil fédéral et chargée de préparer une modification du code des obligations en vue d'y introduire le libre passage intégral [11]. Il s'agit ensuite de la commission de la prévoyance professionnelle qui a entamé ses discussions et a prévu de présenter, d'ici à la fin de la présente législature, un projet de révision de la loi. Outre la question prioritaire du libre passage, les autres modifications porteront sur une amélioration du fonctionnement et des prestations de la LPP. Pour mener à bien sa tâche, elle va prendre en considération les expériences faites depuis l'entrée en vigueur de la loi en 1985 et examiner les interventions parlementaires s'y référant [12].
La Commission fédérale pour les questions féminines estime elle aussi nécessaire de procéder à une révision de la LPP afin de l'harmoniser avec le principe de l'égalité des droits entre hommes et femmes. Elle préconise l'élaboration d'un modèle indépendant de l'état civil et conforme au nouveau droit matrimonial. Afin d'étendre le cercle des assurés, elle recommande que les travailleurs soient soumis à la LPP à partir d'un salaire de 12 000 francs déjà et non 18 000 comme cela est prévu dans la loi. Cette mesure toucherait environ 10% de toutes les femmes ayant une activité lucrative. La Commission exige également une amélioration des prestations de libre passage. A ses yeux, celles-ci ne devraient plus être fixées sur la base des années de cotisation, mais sur celle de l'âge de sortie [13].
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Aux termes de la loi actuelle, le libre passage intégral n'est garanti qu'à concurrence d'un salaire annuel de 54 000 francs. Pour les salaires plus élevés, ainsi que pour la prévoyance accumulée avant 1985, c'est le code des obligations qui s'applique. Celui-ci stipule que l'assuré qui change d'entreprise ne peut emporter que la part qu'il a lui-même versée. Ce n'est qu'après avoir passé cinq ans dans la même entreprise qu'il pourra avoir droit à une partie des contributions versées par l'employeur, l'intégralité de la part patronale ne lui étant acquise qu'après trente ans de service. En lançant une initiative populaire en vue de garantir le libre passage intégral dans le cadre de la prévoyance professionnelle, la Société suisse des employés de commerce (SSEC) entend justement supprimer cette réglementation qui pénalise les assurés qui changent d'emploi et constitue un frein à la mobilité de la main-d'oeuvre. Conçue en termes généraux, l'initiative impose à toutes les caisses de pension de transmettre intégralement le fonds de vieillesse d'un cotisant. Pour ses auteurs, elle constitue un moyen de pression pour inciter le Conseil fédéral à faire accélérer les travaux de révision de la loi sur la prévoyance professionnelle actuellement en cours.
Si l'initiative bénéficie de l'appui tant des syndicats que des organisations d'employés et rencontre un large soutien populaire, elle n'a par contre pas enthousiasmé les milieux patronaux qui la jugent superflue, le Conseil fédéral ayant déjà chargé deux groupes d'experts d'élaborer des propositions de révision visant à améliorer le libre passage. L'initiative se heurte également à la résistance des caisses de pension pour lesquelles le libre passage, dans sa conception actuelle, est une substantielle source de revenus [14].
Le Parti socialiste prépare le lancement d'une initiative populaire sur le deuxième pilier. Celle-ci exigera, outre le libre passage intégral, des dispositions sur la politique de placement des caisses de pension. Selon lui, les investissements réalisés par les caisses de retraite déstabilisent le marché immobilier et encouragent une surchauffe du marché foncier. Et le PSS d'exiger que les placements soient orientés vers la construction de logements sociaux et vers des projets écologiques [15].
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Assurance-maladie et maternité
Le Conseil fédéral a proposé le rejet, sans lui opposer de contre-projet, de l'initiative populaire "Pour une assurance-maladie financièrement supportable" déposée en 1985 par le Concordat suisse des caisses-maladie. Pour justifier son renoncement à élaborer un contre-projet, le gouvernement a estimé inopportun de présenter un nouveau projet si rapidement après le rejet par le peuple de la révision de l'assurance-maladie et maternité en décembre 1987 . L'initiative entend lutter contre la hausse des coûts de la santé sans remettre toutefois en question le principe de l'assurance facultative. Elle demande que la Confédération et les cantons fixent des normes en matière de tarifs et que les cotisations des assurés à ressources modestes et des familles soient réduites. Ces exigences sont assorties d'une disposition transitoire qui contraint la Confédération à augmenter de manière substantielle ses subventions aux caisses dans l'année qui suit l'acceptation de l'initiative, puis de les adapter constamment à l'accroissement des coûts de l'assurance-maladie. En d'autres termes, cela pourrait signifier qu'en 1991 la Confédération serait tenue de verser 2,5 milliards de francs aux caisses-maladie au lieu des 984 millions dus selon le régime actuel [16].
C'est précisément cette disposition d'ordre financier qui a constitué la principale raison du rejet de l'initiative par le Conseil fédéral. Celui-ci a mis en évidence l'incompatibilité de cette exigence avec la situation des finances fédérales. A son avis, la mise à disposition de plus grands moyens financiers ne suffirait pas à résoudre les problèmes qui se posent à l'assurance-maladie et contribuerait même à perpétuer le système actuel de financement qui ne tient pas compte de la capacité économique de l'assuré. Qui plus est, a-t-il ajouté, l'initiative n'apporte pas de solution au problème crucial de l'explosion des coûts de la santé puisqu'elle s'attaque davantage au financement qu'à la cause des dépenses. Pour le gouvernement, c'est au niveau législatif que l'on doit résoudre les problèmes de l'assurance-maladie et non au niveau constitutionnel [17]. Le Conseil fédéral a également tenu à rappeler qu'il a chargé quatre experts d'élaborer séparément des propositions concrètes et réalisables en vue de trouver une solution aux problèmes de l'assurance-maladie [18].
A l'instar du Conseil fédéral, le Conseil des Etats a jugé insupportable pour les finances de la Confédération la disposition transitoire de l'initiative prévoyant une adaptation régulière des subventions fédérales et a estimé que le remède préconisé par les caisses-maladie était peu apte à enrayer l'inflation des coûts de la santé. La chambre haute a également fait valoir que l'initiative aboutirait à un monopole des caisses-maladie, mettant à l'écart l'assurance privée. Elle a donc décidé, à l'unanimité, de recommander son rejet. Mais, afin de sortir le dossier de l'assurance-maladie de l'impasse dans laquelle il se trouve, le Conseil des Etats a, contre l'avis du Conseil fédéral, souscrit au contre-projet indirect au niveau législatif élaboré par sa commission [19].
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Présenté sous la forme d'une révision partielle de l'assurance-maladie, le contre-projet reprend de nombreuses dispositions du programme d'urgence, à l'exception du volet consacré à l'assurance maternité, refusé en votation populaire. La révision prévue oblige les caisses-maladie à accueillir toutes les demandes d'assurance, soutient des mesures de médecines préventives, instaure un contrôle économique des traitements, permet la constitution de nouveaux modèles d'assurance et augmente de 10 à 15% la participation des assurés aux frais. Par rapport à la révision soumise au souverain en 1987, le contre-projet prévoit une augmentation de 200 millions de francs des subventions fédérales aux caisses-maladie [20].
Une majorité du Conseil des Etats, composée de démocrates-chrétiens, de socialistes et de démocrates du centre, a soutenu le projet de sa commission en insistant sur la nécessité de lutter sans tarder contre l'explosion des coûts de la santé et la hausse des cotisations qui grèvent toujours plus lourdement le budget des plus défavorisés. Elle a aussi relevé que cette révision partielle n'était pas incompatible avec une refonte complète de la loi et a tenu à souligner qu'elle serait susceptible d'inciter les initiants à retirer leur initiative. Les détracteurs, radicaux et libéraux, ont dénoncé l'inopportunité de la démarche en rappelant que le peuple avait repoussé les solutions qui composent pour l'essentiel le contre-projet. Ils ont également souligné qu'il pouvait compromettre, ou tout au moins différer, les travaux du Conseil fédéral en la matière et qu'il était peu probable que l'initiative des caisses-maladie soit retirée [21].
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A l'initiative du Concordat des caisses-maladie, aux propositions des experts mandatés par le Conseil fédéral et au contre-projet indirect élaboré par la Commission du Conseil des Etats viennent encore s'ajouter d'autres modèles de révision de l'assurance-maladie. Il s'agit d'abord de celui du Parti radical (PRD) qui préconise un renforcement de la responsabilité individuelle, une extension des caisses de santé du type HMO afin d'intensifier la concurrence entre les caisses-maladie et enfin l'abandon des subventions dites "arrosoir" au profit d'une aide ciblée. Il s'est également prononcé en faveur de primes proportionnelles aux risques pour les femmes, les hommes et les enfants [22].
Pour sa part, la Fédération des médecins suisses (FMH) souhaite l'élaboration d'une nouvelle loi sur l'assurance-maladie basée sur la libre concurrence, accessible à chaque citoyen indépendamment de son statut social et qui garantisse la qualité des soins tout en favorisant la responsabilité individuelle. Pour la FMH, l'assurance-maladie doit rester facultative et les caisses-maladie en mesure d'offrir une assurance de base identique pour les soins médicaux. En ce qui concerne son financement, il doit être garanti par des cotisations échelonnées selon les groupes d'âges en tenant compte du principe de solidarité, la Confédération versant des subventions modulées d'après la capacité financière des assurés. Enfin, elle se prononce en faveur de l'égalité des cotisations entre l'homme et la femme, seules les personnes âgées devant être mises plus fortement à contribution. Autant de propositions émanant des milieux les plus divers qui témoignent de la difficulté à parvenir à dégager un consensus politique indispensable à toute refonte de la loi sur l'assurance-maladie [23].
Le Conseil national a rejeté, par 88 voix contre 75, l'initiative Borel (ps, NE) qui demandait une modification de la loi sur l'assurance-maladie afin de concrétiser l'égalité des cotisations entre hommes et femmes. Le projet était soutenu par la gauche, les écologistes, les indépendants et plusieurs élus de la majorité bourgeoise qui ont estimé qu'il s'agissait d'un premier pas en direction de l'égalité des sexes. Ils ont également tenu à rappeler que quatre cantons, Neuchâtel, Fribourg, Genève et Tessin, appliquent déjà cette réglementation. Les opposants, radicaux, libéraux et démocrates-chrétiens, ont répliqué en soulignant que cette égalité ne saurait être instituée sans une ponction dans les caisses fédérales ou une hausse des cotisations des hommes, avec le risque de voir se créer des caisses-maladie réservées aux hommes. Enfin, ils ont fait remarquer que les dépenses occasionnées par les soins médico-pharmaceutiques des femmes sont de 50% supérieures à celles des hommes et que ces derniers faisaient déjà preuve de solidarité, la différence des primes entre les sexes ne s'élevant qu'à 10% [24].
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Après le rejet en votation populaire de la révision partielle de la loi sur l'assurance-maladie et maternité en 1987, qui prévoyait entre autres d'instituer le principe d'une assurance maternité dans le système de sécurité sociale, le besoin de garantir un revenu aux femmes enceintes et aux jeunes mères exerçant une profession demeure entier [25]. Au Conseil des Etats, les sénateurs ont transmis sous la forme d'un postulat une motion Jaggi (ps, VD) priant le Conseil fédéral de procéder à une révision du code des obligations afin de garantir un congé-maternité payé de 16 semaines. La loi sur le travail interdit aux femmes de travailler pendant les huit semaines suivant l'accouchement mais ne prévoit aucune garantie quant au salaire pendant cette période. Sauf si certaines conventions collectives adoptent une position différente, une salariée qui a eu un enfant n'a droit qu'à trois semaines de congé payé si elle a été engagée depuis une année, chaque année de service supplémentaire au sein de l'établissement ajoute une semaine de congé payé. Aux opposants qui insistaient sur les nouvelles charges salariales que pouvait entraîner une telle réglementation sur les petites entreprises, les partisans de la forme contraignante de la motion ont répliqué en évoquant l'urgence de trouver une solution en faveur des femmes ayant effectivement besoin d'un soutien et en rappelant que le congé de seize semaines n'avait pas été contesté lors de la campagne précédant le vote [26].
A l'instar du Conseil des Etats, le Conseil national a adopté sous la forme d'un postulat une motion de la commission de la sécurité sociale chargeant le gouvernement de lui soumettre un projet d'acte législatif relatif à la protection de la maternité. Celui-ci doit contenir des dispositions qui garantissent un congé-maternité de seize semaines dent huit après l'accouchement, un revenu assuré pour les femmes exerçant une activité lucrative et la protection contre les licénciements durant toute la grossesse et le congé maternité. A l'origine de cette intervention, une initiative parlementaire de l'ancienne conseillère nationale Christinat (ps, GE) que la Commission de la sécurité sociale du Conseil national a transformé en motion. Une majorité du Conseil national a déploré la situation sociale des femmes enceintes, mais est toutefois restée très divisée lorsqu'il s'est agi de prendre des mesures concrètes. Si les socialistes, les écologistes, les indépendants et quelques élus de la droite ont soutenu la forme contraignante de la motion, les démocrates-chrétiens ont plaidé en faveur de la forme du postulat arguant du vote négatif sur la révision partielle de la loi sur l'assurance-maladie et maternité [27].
A une interpellation Nabholz (prd, ZH) qui lui demandait ce qu'il entendait entreprendre pour instaurer une assurance maternité, le Conseil fédéral, se référant au résultat de la votation populaire du 6 décembre 1987, a déclaré qu'il n'avait pas l'intention de soumettre prochainement de nouvelles propositions [28]. Il est dès lors peu probable qu'une solution fédérale intervienne dans de brefs délais, même si le gouvernement n'a pas exclu une future réglementation prévoyant des allocations pour des familles de condition modeste. Selon lui, il appartient désormais aux cantons de légiférer dans ce domaine. Mais une cantonalisation de la protection de la maternité risque de créer des disparités à l'instar de celles qui existent déjà dans le domaine des allocations familiales.
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Allocations pour perte de gain (APG)
Le Conseil national a adopté une motion Hafner (ps, SH) sous la forme d'un postulat priant le Conseil fédéral de présenter un projet de modification du règlement sur les APG en faveur des personnes astreintes au service militaire ou à la protection civile. La modification proposée vise à accorder une allocation pour compenser la perte de gain subie par le conjoint d'une personne astreinte au service lorsqu'il doit se charger de la garde des enfants qui serait sinon assurée par la personne qui remplit ses obligations militaires [29].
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Assurance-chômage
Le DFEP a ouvert une procédure de consultation relative à l'avant-projet de révision partielle de la loi sur l'assurance-chômage. Si la majorité des milieux consultés s'est déclarée favorable à l'uniformisation des taux d'indemnisation journalière des célibataires et des personnes mariées, ainsi qu'à l'allégement de la charge patronale en cas de réduction de l'horaire de travail, les avis divergent par contre lorsque l'on aborde l'indemnité en cas d'intempéries. La révision proposée apporte des éclaircissements sur les cas où les intempéries ouvrent le droit aux indemnités, tout en maintenant une limitation discriminatoire des branches bénéficiaires. Ce point de vue est partagé par la majorité des cantons et des associations qui estiment que la Confédération doit rester restrictive quant à l'application de ces indemnités, le PDR et l'UDC allant même jusqu'à se prononcer en faveur de la suppression de cette forme d'assurance-chômage. D'autres milieux intéressés, dont l'Union suisse des paysans et des cantons à vocation touristique comme le Valais ou les Grisons, ont eux demandé une extension du cercle des bénéficiaires des indemnités en cas d'intempéries à la branche du tourisme [30].
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Sélection bibliographique
F. Cotti, "Die finanzielle Zukunft der Sozialversicherung", in Documenta, 1988, no 2, p. 16 s.
J.P. Fragnière, Sécurité sociale en Suisse, Lausanne 1988.
R. Frey (éd.), Der Sozialstaat unter der Lupe. Wohlstandsverteilung und Wohlstandsumverteilung in der Schweiz, Basel 1988.
S. Hill, "Neue Finanzierungsmodelle für das schweizerische Gesundheitswesen — eine politisch-ökonomische Analyse", in Wirtschaft und Recht, 40/1988, p. 224 ss.
S. Möckli, Der schweizerische Sozialstaat. Sozialgeschichte, Sozialphilosophie, Sozialpolitik, Bern 1988.
P. Spälti, Stand und Probleme der sozialen Sicherheit, Winterthur 1988.
H.-P. Tschudi, "Sozialpolitische Grundlagen", in Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung, 1988, p. 289 ss.
P. Gilliand, Politique sociale en Suisse, Lausanne 1988. L'auteur s'attache essentiellement à retracer le développement de la sécurité sociale en Suisse. Il décrit et analyse le fonctionnement et l'histoire de l'AVS, du deuxième pilier, de l'assurance-chômage, de l'assurance-maladie et accidents. Gilliand s'arrête sur des considérations relatives à l'évolution démographique et au vieillissement de la population et nous livre quelques réflexions sur la mise en cause ou la crise actuelle de l'Etat social.
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Y. Abrahamsen e.a., Die Zukunft derAHV, Grüsch 1988.
Y. Abrahamsen / H. Kaplanek / B. Schips, "Die 10. AHV–Revision – ein Modell zur Evaluierung ihrer finanziellen Konsequenzen", in Wirtschaft und Recht, 40/1988, p. 206 ss.
"AHV – Welche Gleichstellung?", in Emanzipation, 1988, Nr. 5, p. 7 ss.
"Avenir de l'AVS. Rapport final d'un groupe de travail du PRD", in Revue politique, 67/1988, no 2.
F. Cotti, "Votation sur l'initiative concernant l'AVS", in Documenta, 1988, no 2, p. 37.
S. Gaillard / U. Oberhänsli, "Die Kosten einer Einführung des flexiblen Pensionierungsalters unter Berücksichtiguhg der zukünftigen Entwicklung des Finanzhaushaltes der AHV"; in Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle, 32/1988, p. 65 ss.
P. Gilliand, "L'AVS à 66 ans: pourquoi nous fait-on peur?", in Revue syndicale suisse, 80/1988, p. 34 ss.
T. Koller, "Familienrecht und AHV", in Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle, 32/1988, p. 229 ss.
H.-P. Tschudi, "L'AVS – pièce maîtresse de l'Etat social suisse", in Revue syndicale suisse, 80/1988, p. 69 ss.
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[1] Presse du 9.4.88. Cf. aussi L'Hebdo, 14.4.88. Interview Cotti: Ww, 14.4.88; Vat., 7.5.88. Sur l'égalité: BaZ, 7.4. et 27.4.88. Sur l'âge de la retraite pour les femmes: Ww, 31.3.88. Cf. aussi APS 1987, p. 197 s.
[2] Réactions: presse du 9.4.88. Positions patronales: SAZ, 21.4.88. Positions syndicales: USS, 13.4.88. Positions radicales: NZZ, 14.4.88; JdG, 23.4.88. Cf. aussi L'Hebdo, 2.6.88.
[3] Femmes Suisses, mai 1988, p. 5 s.
[4] Presse du 23.2.88.
[5] Questions au féminin, 1988, no 1, p. 56 ss. ; L'Hebdo, 4.2.88; presse du 29.1.88.
[6] Résultat: FF, 1988, III, p. 446 ss. Cf. aussi presse du 13.6.88. Pour l'historique de l'initiative: APS 1987, p. 198. En 1978, le souverain avait déjà rejeté une initiative lancée par les POCH demandant un abaissement de l'âge de la retraite à 60 ans pour les hommes et 58 ans pour les femmes, APS 1978, p. 128 s.
[7] Généralités sur l'initiative: Bund, 16.5., 4.6. et 8.6.88; LNN, 7.5., 17.5. et 7.6.88; NZZ, 21.5.88; BZ, 31.5.88; TA, 28.5. et 4.6.88. Arguments des opposants: NZZ et SZ, 28.5.88; JdG, 6.4.88; Arguments des partisans: VO, 14.4. et 26.5.88; SZ, 27.5. et 3.6.88; JdG, 20.5.88. Position du Conseil fédéral et des Chambres fédérales cf. APS 1986, p. 162. Positions patronales: SAZ, 26.4. et 7.6.88. Positions syndicales: USS, 4.5. et 15.6.88.
[8] Vox, Analyse de la votation du 12 juin 1988, Genève 1989.
[9] FF, 1988, I, p. 754 ss. et 1373; BO CE, 1988, p. 1 ss., 104, 119 et 120; BO CN, 1988, p. 315, 379 et 473; RO, 1988, p. 556.
[10] FF, 1988, III, p. 1293 ss.
[11] BaZ et NZZ, 5.3.88; Bund, 10.3.88. Cf. aussi APS 1987, p. 199.
[12] JdG et NZZ, 2.4.88.
[13] Questions au féminin, 1988, no 1; cf. aussi presse du 12.12.88.
[14] FF, 1988, III, p. 684 ss. Cf. aussi presse du 11.10.88.
[15] Presse du 10.10.88. Sur la politique de placement: LNN, 30.9.88. Généralités sur le deuxième pilier: Ww, 14.1. et 4.2.88; TA, 22.1.88; BaZ, 21.4., 6.8. et 8.8.88; SZ, 11.8.88; L'Hebdo, 25.8.88. Les réserves des institutions de prévoyance s'élèvent à quelque 200 milliards de francs.
[16] FF, 1988, II, p. 256 ss. Cf. APS 1985, p. 150 (Dépôt de l'initiative) et 1987, p. 199 ss.
[17] FF, 1988, II, p. 256 ss.
[18] Cf. supra, part. I, 7b (Politique de la santé).
[19] BO CE, 1988, p. 892 ss.
[20] FF, 1988, III, p. 1262 ss.; presse du 7.9. et 18.10.88.
[21] BO CE, 1988, p. 892 ss. Cf. aussi DP, 8.9. et 22.12.88; USS, 4.1.89; SHZ, 5.1.89.
[22] Presse du 30.5.88. HMO: APS 1986, p. 157.
[23] Presse du 30.8.88.
[24] BO CN, 1988, p. 1899 ss.
[25] Cf. APS 1987, p. 199 ss.
[26] BO CE, 1988, p. 61 ss.
[27] BO CN, 1988, p. 840 ss. et 858 ss.
[28] BO CN, 1988, p. 461.
[29] BO CN, 1988, p. 1908 s.
[30] Rapp. gest. 1988, p. 345. Cf. aussi Bund et BaZ, 13.7.88; Vr, 15.7.88; Vat. et NZZ, 24.11.88.
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