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Sozialpolitik
Soziale Gruppen
Das Volk lehnte die Initiative der Nationalen Aktion für eine Begrenzung der Einwanderung deutlich ab. — Trotz des Inkrafttretens der 2. Revision des Asylgesetzes reiste eine neue Rekordzahl von Flüchtlingen in die Schweiz ein. Dies führte zu einer Zuspitzung der Unterkunftsprobleme. — Der Nationalrat stimmte gegen den Widerstand aus Wirtschaftskreisen dem Gesetz über die Förderung der ausserschulischen Jugendarbeit zu.
Politique à l'égard des étrangers
Occultés par la lancinante question des demandeurs d'asile, les problèmes liés à l'intégration des étrangers et à l'immigration ont, l'espace d'une votation populaire, à nouveau occupé le devant de la scène politique. Même s'il y a eu unanimité parmi les principaux partis, les syndicats et les associations patronales pour stigmatiser l'initiative "Pour la limitation de l'immigration", déposée par l'Action nationale (AN), il subsistait néanmoins un doute quant à l'issue du scrutin, la démagogie n'étant pas absente du discours politique tenu par les initiants. En effet, profitant d'une dynamique favorable, ils ont prétendu qu'en limitant l'immigration étrangère ils seraient en mesure de répondre aux inquiétudes d'une large partie de la population devant la dégradation de l'environnement, l'afflux de demandeurs d'asile et la pénurie de logements. Ces craintes se sont finalement révélées infondées, le peuple, suivant les recommandations des autorités fédérales, rejetant massivement l'initiative xénophobe [1].
Considérant que le Conseil fédéral avait échoué dans sa politique de stabilisation de la population étrangère, l'AN avait lancé ladite initiative en 1983. Son texte visait à ramener puis à maintenir la population globale de la Suisse au seuil des 6,2 millions d'habitants. Pour y parvenir, le nombre des autorisations de séjour accordées chaque année n'aurait pas dû excéder les deux tiers des étrangers ayant quitté la Suisse au cours de l'année précédente. Au terme d'une durée de 15 ans ou moins si la population atteignait plus rapidement la limite fixée, serait entrée en vigueur une disposition générale postulant l'équilibre entre arrivées et départs. Les auteurs de l'initiative entendaient également abaisser à 100 000 le nombre des saisonniers et à 90 000 celui des frontaliers ainsi que supprimer la possibilité de transformer automatiquement les autorisations de durée limitée en autorisations de séjour de longue durée. Ils exigeaient en outre d'intégrer les réfugiés reconnus dans le contingent total des étrangers. L'Action nationale a fait valoir que la Suisse n'est pas un pays d'immigration et que la présence d'un million d'étrangers crée fatalement des problèmes psychologiques et risque, à terme, de porter atteinte à l'identité nationale [2].
Si les exigences formulées dans l'initiative avaient été appliquées, la Suisse aurait compté 290 000 étrangers titulaires d'un permis d'établissement ou à l'année en moins, dont environ 180 000 exerçant une activité lucrative. Aux initiants qui prétendaient que cette réduction de main-d'oeuvre aurait un effet de cure sur l'économie et favoriserait l'automatisation, les opposants ont répliqué en insistant sur les dramatiques conséquences économiques et sociales. Et ceux-ci de rappeler que ces réductions d'effectifs affecteraient en premier lieu des secteurs dans lesquels le capital humain est prioritaire comme le bâtiment, le tourisme, l'hôtellerie, la santé, la recherche, l'industrie textile et de l'habillement.
En outre, il aurait fallu, selon le message du Conseil fédéral, renoncer en l'espace de quatre ans à 57 000 saisonniers et à 32 000 frontaliers. Une telle ponction aurait indubitablement constitué une menace pour l'économie des cantons périphériques où la main-d'oeuvre frontalière est vitale. Pour les adversaires de l'initiative, les premiers à souffrir d'une telle mesure auraient été les travailleurs indigènes des cantons voisins économiquement faibles, réduits au chômage par l'effondrement probable de leurs entreprises; ils n'auraient alors eu d'autre alternative que l'exode vers les grands centres industriels, contribuant ainsi bien malgré eux à accentuer le déséquilibre entre les régions. Qui plus est, ontils poursuivi, l'impérieux besoin de main-d'oeuvre aurait créé un recours massif aux travailleurs clandestins, entraînant son cortège de passeurs, d'expulsions et de condamnations. D'aucuns ont aussi relevé avec pertinence l'impact favorable de la population étrangère sur la pyramide des âges de la Suisse. En effet, elle compense une natalité indigène trop faible pour assurer un renouvellement des générations et enraie un vieillissement de la population suisse qui, à long terme, pourrait menacer notre système de sécurité sociale [3].
Aux conséquences économiques se serait ajouté un profond malaise moral et politique. D'une part, la cohabitation entre Suisses et étrangers en aurait durablement souffert et des tensions auraient pu naître de cette situation nouvelle. D'autre part, dans la perspective d'une future coopération avec la Communauté européenne, une fermeture des frontières aurait isolé la Suisse sur la scène internationale. Qui plus est, elle aurait peut-être été amenée à dénoncer différents traités et à formuler des réserves à l'égard de la Convention européenne des droits de l'homme. Alors que la législation actuelle sépare clairement les étrangers qui viennent en Suisse pour des raisons économiques des requérants d'asile, le texte de l'initiative liait les deux groupes sociaux en prévoyant de soumettre l'admission définitive des réfugiés au régime de la limitation et de les englober ainsi dans les contingents d'étrangers acceptés. Dans sa prise de position, E. Kopp a déclaré qu'une telle mesure opérait un mélange inadmissible des politiques en matière d'asile et de marché de l'emploi, domaines où les objectifs sont totalement différents. Et la conseillère fédérale de renchérir en faisant remarquer que l'amalgame des deux problématiques était inacceptable et que l'initiative ne réduirait pas d'une unité le nombre des demandeurs d'asile [4].
Tandis que la droite avançait presque essentiellement des arguments économiques pour fonder son réquisitoire, la gauche s'intéressait davantage aux conséquences humaines d'une acceptation de l'initiative, comme une forte limitation du droit des travailleurs étrangers au regroupement familial et la suppression du droit des saisonniers de transformer ultérieurement leur statut en autorisation à l'année [5].
Limitation de l'immigration. Votation du 4 décembre 1988
Participation: 52,8%
Non: 1 506 392 (67,3%) / 23 cantons
Oui: 732 029 (32,7%) / 0 canton

Mots d'ordre:
Non: tous les partis bourgeois et du centre, la gauche, les écologistes, les indépendants ainsi que les associations patronales et syndicales.
Oui: Action nationale et Vigilance.
Malgré le sort réservé par le peuple à l'initiative pour la limitation de l'immigration, il subsiste néanmoins un certain malaise au sein de la population et le spectre d'une rechute xénophobe n'est pas pour autant dissipé. Si le peuple a refusé d'adhérer aux thèses de l'Action nationale et de désigner les étrangers comme bouc émissaire, il manifeste pourtant une inquiétude latente devant les atteintes à l'environnement, l'afflux de réfugiés et la pénurie de logements. Les votations relatives à la politique des étrangers traduisent toujours une certaine protestation de la part de citoyens qui y expriment aussi leur malaise face à des problèmes qui n'ont pas pour cause les étrangers.
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Pour la première fois depuis 1975, la population étrangère résidant en Suisse a à nouveau dépassé le seuil du million de personnes (1 006 530). La proportion des étrangers par rapport à l'ensemble de la population s'élève à 15,3%. Cette évolution s'explique par une immigration croissante résultant de la bonne situation de l'économie suisse, par une hausse du nombre des naissances et par une progression du nombre de transformations d'autorisations saisonnières en autorisations non saisonnières [6].
Pour procéder à la révision de l'Ordonnance limitant le nombre des étrangers, le Conseil fédéral a non seulement dû tenir compte des avis divergents des associations économiques et des syndicats, les premières réclamant une main-d'oeuvre plus abondante et mieux qualifiée et les seconds une réduction des effectifs, mais également de la votation sur la limitation de l'immigration. Fidèle à sa politique de stabilisation de la population étrangère, le gouvernement a décidé de reconduire le contingent global actuel. Il a toutefois procédé à une nouvelle répartition entre les cantons d'environ 20% du nombre des saisonniers afin de mieux prendre en considération l'évolution économique différente constatée d'un canton à l'autre [7].
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La Commission fédérale pour les problèmes des étrangers (CFE) a élaboré une série de propositions afin d'améliorer les conditions de vie des saisonniers aux plans humain et social. Ces propositions sont destinées aux autorités cantonales et fédérales concernées, aux partenaires sociaux et aux services d'aide aux étrangers. Elle a toute-fois limité sa recherche au cadre législatif en vigueur, renonçant à modifier le statut de saisonnier. La CFE souhaite assouplir les règles qui régissent la transformation de l'autorisation saisonnière en autorisation à l'année. Elle est également d'avis qu'il faut traiter avec bienveillance les cas où le refus du permis annuel aurait des conséquences extrêmement graves, et notamment pour les saisonniers de longue durée. Parmi les autres propositions formulées figurent notamment de meilleures prestations d'assurance sociale, une information plus complète et la généralisation du contrat de travail écrit [8].
Pour lutter contre les discriminations liées au statut de saisonnier, le syndicat FOBB a fait pression tant auprès des autorités helvétiques qu'auprès des gouvernements des Etats de provenance des saisonniers. Il revendique la préférence absolue en faveur des anciens saisonniers, l'uniformisation et l'assouplissement des pratiques de transformation des autorisations saisonnières en permis annuels et l'abaissement du nombre de mois donnant droit au permis annuel de 36 à 32. Mais à long terme, la FOBB prône une abolition du statut de saisonnier. Pour y parvenir, elle estime qu'il faut réduire chaque année le contingent des saisonniers du nombre des transformations d'autorisations saisonnières, et donc au profit des autorisations de longue durée. Cette volonté s'inscrit à la fois dans la logique des syndicats qui préconisent une politique des étrangers qui limite le nombre des entrées et garantisse aux travailleurs et à leurs familles les mêmes droits sociaux qu'aux Suisses et dans la perspective de la création du marché unique européen [9].
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Sous l'impulsion du groupe de concertation des cantons limitrophes de la France, les 16 cantons frontaliers ont ratifié une déclaration pour une politique concertée à l'égard des travailleurs frontaliers. Réponse implicite à l'initiative de l'Action nationale et à la création du marché unique de 1992, ce document souligne en particulier la nécessité économique du flux transfrontalier et la volonté des cantons de conserver la maîtrise de la régulation des effectifs. Ils s'opposent par conséquent avec la plus grande fermeté à ce qu'un contingentement déterminé par la Confédération ne les prive de la possibilité de juger eux-mêmes de la nature et du nombre des ouvriers dont leur économie a besoin [10].
Pour l'Union syndicale suisse, l'augmentation du nombre des frontaliers dans certaines régions est devenue le problème majeur de la politique à l'égard des étrangers. Parmi les mesures qu'elle préconise pour remédier à cet état de choses figurent notamment un contrôle syndical plus sévère de l'admission des nouveaux frontaliers, grâce à la création de commissions tripartites (autorités, syndicats et patronat), l'instauration par les cantons de barèmes fixant les salaires minimaux dans toutes les branches et la suppression des autorisations pour les frontaliers saisonniers [11].
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Réfugiés
Si la deuxième révision de la loi sur l'asile, ratifiée par le souverain en 1987, a permis d'accélérer la procédure d'examen des demandes et de mieux répartir les requérants entre les cantons, elle n'a cependant pas été en mesure d'enrayer le flot des nouvelles demandes d'asile déposées en Suisse et n'a par conséquent pas eu l'effet dissuasif escompté. Le nombre de cas traités est resté inférieur au nombre de demandes déposées, les quatre centres fédéraux d'enregistrement ont été plus d'une fois saturés et la recherche d'emplacements pour de nouveaux centres d'hébergement s'est avérée difficile. Quant aux passages obligatoires, mis en place pour lutter contre l'action des passeurs et pour filtrer les réfugiés, ils se sont révélés inefficaces. Pour l'année 1988, le délégué aux réfugiés a enregistré 16 726 nouvelles demandes d'asile, soit une augmentation de 53% par rapport à l'année précédente. Plus de la moitié ont été déposées par des requérants en provenance de Turquie. A la fin 1988, 18 866 demandes d'asile n'avaient pas encore été réglées en première instance [12].
Le service des recours du DFJP doit lui aussi faire face à une accumulation des dossiers en suspens. Plusieurs interventions parlementaires ont demandé une réorganisation de ce service et une plus forte indépendance de recours afin d'améliorer la situation. La conseillère nationale U. Bäumlin (ps, BE) et le groupe écologiste ont chacun déposé une motion demandant la création d'une autorité de recours indépendante en matière d'asile [13]. Ils considèrent intolérable que dans un Etat de droit l'instance de recours soit la même que l'autorité qui a la compétence de prendre les décisions et estiment urgent de traiter plus rapidement les demandes de recours. Le Conseil fédéral s'est prononcé pour le rejet de cette requête, rappelant aux motionnaires que lors de la première révision de la loi sur l'asile, il avait déjà écarté une proposition identique parce que l'institution d'une commission de recours indépendante équivaudrait selon lui à créer une juridiction administrative susceptible d'orienter sensiblement la pratique de l'asile. Il a également souligné que sa faculté d'édicter des directives ne serait plus préservée, de sorte que la plus haute autorité politique serait privée de la possibilité d'intervenir dans la jurisprudence en matière de recours. Enfin, il a relevé qu'il n'existait aucun indice qui permette de dénier au DFJP la conformité de sa qualité d'instance de recours avec les obligations internationales de la Suisse, découlant notamment de la Convention européenne des droits de l'homme [14].
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Tant la volonté de diminuer l'attractivité économique de la Suisse pour ceux qui, sous le couvert de l'asile, viennent en réalité y chercher du travail que celle de pénaliser les requérants entrant illégalement, ont conduit le Conseil fédéral à modifier sur deux points l'Ordonnance sur l'asile. Elle prévoit dorénavant une procédure d'audition accélérée menée par des fonctionnaires fédéraux pour les requérants entrés illégalement en Suisse et dont la demande est manifestement infondée. A la place de l'audition obligatoire faite par les cantons, ces candidats à l'asile pourront être directement entendus par les services du délégué aux réfugiés et une décision définitive pourra être rendue dans un délai de quatre mois. En outre, ils seront placés dans des centres fédéraux d'hébergement, empêchant ainsi l'exercice de toute activité lucrative. Cette procédure s'adresse en priorité aux requérants en provenance de Turquie, du Pakistan ou du Liban. Cette mesure administrative, dite aussi Procédure 88, a soulevé l'indignation des oeuvres d'entraide et de certains partis politiques qui dénoncent les inégalités de traitement et l'insécurité juridique qui découlent de son application [15].
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Avec l'arrivée massive de requérants d'asile turcs et kurdes, les cantons sont rapidement parvenus aux limites de leurs capacités d'hébergement. Les quatre centres d'enregistrement ont eux aussi connu momentanément des problèmes liés au manque de place. Pour les décharger, le Conseil fédéral avait pris la décision, très controversée, de loger provisoirement 500 requérants d'asile sans abri dans les baraquements militaires de Melchtal (OW). Mais devant les protestations, tant de la part des autorités locales et cantonales que de celles de la population, le DFJP a finalement décidé d'abaisser de 500 à 150 le nombre des réfugiés. Pour beaucoup d'observateurs, l'exemple de Melchtal a montré qu'il fallait que les centres de la Confédération ne soient pas trop grands et qu'ils s'intègrent raisonnablement à leur environnement afin de ne pas déclencher une vague d'hostilité [16].
La désignation de nouveaux centres fédéraux d'hébergement, réservés aux requérants entrés illégalement en Suisse et dont la demande d'asile est manifestement infondée, découle de la modification de l'Ordonnance sur l'asile. Dans un premier temps, le délégué aux réfugiés avait projeté d'en ouvrir quatre, mais devant la vague de protestation des autorités et de la population des sites concernés, amplifiée par le fait que les communes se sont trouvées devant le fait accompli, il a finalement dû se résoudre à renoncer aux emplacements de Chandolin (VS) et de Wangs-Pizol (SG) et, pour d'autres motifs, à celui d'Aquarossa (TI). En définitive seul celui de Goldswil (BE) a pu ouvrir ses portes. Avec les centres d'hébergement de Gorgier (NE) et de Klosters (GR), il recevra les demandeurs d'asile qui, après une première audition dans l'un des quatre centres fédéraux, seront soumis à une audition accélérée [17].
Le Conseil des Etats a décidé à l'unanimité d'allouer un crédit d'ouvrage de 5,1 millions de francs pour la construction et l'exploitation de deux centres d'enregistrement pour requérants d'asile. Cet arrêté fédéral va permettre à la Confédération de mettre en place des installations définitives tant à Bâle qu'à Chiasso. Afin d'appliquer les nouvelles dispositions de procédure découlant de la deuxième révision de la loi sur l'asile, le Conseil fédéral avait ouvert des centres d'enregistrement à Bâle, Chiasso et Kreuzlingen (TG) dans des locaux provisoires et à Genève dans des locaux définitifs. En mars 1988, le gouvernement avait approuvé le crédit d'engagement destiné à la construction d'un centre définitif à Kreuzlingen [18].
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Le manque de coordination et de collaboration entre les communes et les cantons d'une part et la Confédération d'autre part, la résurgence de certains relents xénophobes à l'approche de la votation sur l'immigration étrangère et la volonté de désamorcer les tensions, ont incité E. Kopp à convoquer une conférence nationale sur l'asile. Auparavant, le Conseil d'Etat genevois avait lui aussi demandé la tenue d'une conférence à laquelle participeraient des représentants de tous les gouvernements cantonaux et les membres du Conseil fédéral. Mais le DFJP a pris les devants et a convoqué sous son égide une conférence réunissant des représentants de la Confédération, des gouvernements cantonaux et de l'Office central suisse d'aide aux réfugiés. Il s'agissait pour l'essentiel d'évoquer la situation actuelle et de trouver un consensus sur les mesures à prendre. Les participants ont adopté à l'unanimité une prise de position dans laquelle ils ont affirmé leur intention de poursuivre l'actuelle politique d'asile et ont écarté l'idée d'une nouvelle révision de la loi sur l'asile. Ils ont aussi bien rejeté la proposition préconisant le renforcement des contrôles frontaliers par l'armée que celle demandant la reconnaissance par la Suisse de la Turquie comme pays de recrutement afin de faire bénéficier les travailleurs turcs du statut de saisonnier [19].
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Devant le retard dans le traitement des demandes d'asile, dû pour une bonne part aux carences de l'administration et aux effectifs insuffisants affectés à cette tâche, nombreux sont ceux qui préconisent l'application d'une solution globale. Selon eux, sa mise en oeuvre permettrait de désamorcer une situation déjà tendue par l'accumulation d'anciennes demandes restées en souffrance. Parmi les partisans d'une solution globale, le canton de Fribourg, la Fraction Verte au Conseil national et le groupe libéral aux Chambres. Ce dernier a demandé, par voie de motion, une solution fédéraliste en matière de droit d'asile. Cette motion demande plus précisément au Conseil fédéral de modifier la loi sur l'asile afin de permettre aux cantons qui le désirent d'appliquer, à titre exceptionnel, une solution d'ensemble pour les candidats à l'asile ayant déposé leur demande avant le 1er janvier 1984 et résidant depuis cette date sur leur territoire et qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié ou qui n'ont pas encore reçu de décision à cet égard, par l'octroi de permis humanitaires hors contingent [20]. Le Conseil d'Etat genevois a adressé au Conseil fédéral le texte d'une résolution allant dans le même sens [21]. Le Mouvement "Coordination Suisse Asile" a lui lancé une pétition, adressée au Conseil fédéral, aux gouvernements cantonaux et au parlement, en faveur de l'adoption d'une solution politique et humaine pour les requérants ayant déposé leur demande d'asile depuis plus de deux ans [22].
Dans sa prise de position, le Conseil fédéral s'est dit opposé à l'application du principe d'une solution globale. Il a justifié son refus en soulignant que la deuxième révision de la loi sur l'asile avait écarté les propositions préconisant une solution partielle ou globale des demandes en suspens depuis plusieurs années. En outre, il dit douter de l'efficacité d'une telle mesure, estimant que la solution proposée n'est pas adéquate pour éliminer plus rapidement les cas en suspens et décharger efficacement les autorités fédérales et cantonales. En effet, un examen individuel resterait nécessaire pour déterminer quels requérants devraient être exclus. Il a cependant tenu à préciser que l'Office fédéral des étrangers était prêt, dans des circonstances exceptionnelles, à approuver le règlement des conditions de séjour pour certains cas particuliers en les imputant au contingent cantonal de la main-d'oeuvre étrangère et que la Confédération se montrait assez souple quand il s'agissait d'accorder des autorisations de séjour humanitaires pour les anciens demandeurs d'asile ou d'accepter provisoirement des familles [23].
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L'expulsion manu militari vers son pays d'origine du demandeur d'asile Mathieu Musey a fait l'objet d'un large retentissement médiatique et a soulevé une vague d'indignation au sein d'une frange de la population. Ce ressortissant zaïrois, qui avait vu sa demande d'asile rejetée, vivait en Suisse dans la clandestinité depuis février 1987 grâce à l'aide de sympathisants. A ceux qui se sont élevés contre cette expulsion et qui craignaient pour la vie de Musey, le délégué aux réfugiés a répondu que l'opération se justifiait par la nécessité d'agir avant que les groupes de sympathisants ne l'en empêchent et que les autorités du Zaïre lui avaient donné les plus fermes assurances quant à la sécurité du demandeur d'asile refoulé. Il a également estimé indispensable d'appliquer une loi approuvée par le peuple, faute de quoi la politique de l'asile risquerait, à ses yeux, de perdre toute crédibilité [24].
Si ce renvoi a créé un profond malaise entre les institutions et une grande partie de la population, il a aussi déclenché une vive polémique entre le Conseil fédéral et les autorités jurassiennes. Ces dernières estiment en effet que la procédure suivie par P. Arbenz a violé les principes qui sont à la base du fédéralisme et, par conséquent, a porté atteinte aux compétences cantonales. En effet, celui-ci s'est directement adressé au commandant de la police jurassienne pour requérir son intervention et a tenu à l'écart le pouvoir politique du canton. En réponse à une requête adressée par le gouvernement jurassien à propos de la procédure suivie dans l'affaire Musey, le Conseil fédéral se justifie en arguant du fait que la décision d'expulsion ne peut être remise en cause par le canton et qu'il n'y a aucune raison d'échanger des informations à ce sujet avec le gouvernement, la communication intervenant au niveau des autorités chargées de l'exécution. Il apparaît donc que le Conseil fédéral avalise une pratique qui autoriserait un organe fédéral à donner aux autorités de police ou tout autre service cantonal des ordres et des directives d'exécution immédiate [25].
En réponse à une requête de la conseillère nationale Pitteloud (ps, VD), contresignée par 50 parlementaires (des socialistes, des écologistes, des indépendants et trois démocrates-chrétiens), le Conseil fédéral a réaffirmé que les demandeurs d'asile zaïrois Maza et Musey avaient été traités correctement et a estimé que les milieux critiques face à la politique d'asile ont fait de cette affaire un exemple pour alimenter la controverse intérieure. Il reconnaît avoir pris des mesures extraordinaires mais pas irrégulières. La requête demandait aussi la création d'une commission parlementaire d'enquête chargée de porter un jugement sur la procédure suivie et sur les contacts pris avec le pays d'origine des deux requérants. Elle devra aussi définir si les compétences cantonales ont été respectées. Comme la demande tendait à la constitution d'une commission d'enquête spéciale, mais n'excluait pas pour autant un examen par une commission permanente, celle-ci a été confiée à la commission de gestion du Conseil national [26].
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Faute d'avoir pu récolter un nombre suffisant de signatures dans les délais, le Parti républicain suisse a décidé de retirer son initiative "Pour la limitation de l'accueil des demandeurs d'asile". Celle-ci demandait l'inscription dans la Constitution fédérale d'un nouvel article 69 quater, selon lequel la Suisse n'aurait pu accorder l'asile qu'à des Européens dont la vie et l'intégrité physique étaient menacées en raison de leurs opinions politiques, de leur race ou de leur religion [27].
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L'actuelle vague de demandeurs d'asile ne comprend qu'une minorité de réfugiés politiques au sens où l'entend la loi. La Suisse, à l'instar des autres pays occidentaux, est confrontée à une migration sud-nord. Face à l'ampleur croissante de ce phénomène, nombreux sont ceux qui préconisent une refonte de notre politique d'asile et échaffaudent des solutions susceptibles, à leurs yeux, de la sortir de la crise qu'elle traverse actuellement. Certains sont d'avis que l'on pourrait résoudre les difficultés des requérants d'asile en accroissant l'aide au développement afin de créer des structures économiques et sociales qui puissent les convaincre de rester chez eux ou d'y retourner. La Suisse pourrait par exemple participer à la reconstruction d'infrastructures détruites par la guerre ou par des catastrophes naturelles afin de permettre aux réfugiés de trouver un travail dans leur pays [28].
D'autres, et en particulier la classe politique genevoise, recommandent une remise en question du système actuel de recrutement des travailleurs étrangers. Il s'agirait en l'occurence d'ouvrir aux ressortissants turcs l'accès au statut de saisonnier. En effet, empêchés par la loi d'obtenir un permis de saisonnier, la plupart des émigrants turcs recourent à l'asile pour décrocher un travail en Suisse. Les autorités fédérales demeurent cependant sceptiques à cette idée. Elles craignent en effet qu'au bout de quatre ans, quand les travailleurs turcs auront le droit de faire venir leur famille, la Suisse ne soit soumise à une forte immigration et que les sentiments xénophobes ne soient à nouveau ravivés. La gauche, parce qu'elle a toujours combattu le principe du statut de saisonnier et les syndicats parce qu'ils refusent l'idée d'augmenter le nombre de saisonniers par ce biais, y sont également opposés [29].
Quant au Groupe de réflexion et stratégie, chargé par E. Kopp d'élaborer les grandes lignes de la politique d'asile pour les années nonante, il a évoqué le principe de la solution des quotas. Chaque année, l'autorité compétente déciderait du nombre de réfugiés que la Suisse pourrait accueillir. Pour les membres de ce groupe, des réglementations globales sur l'immigration, embrassant toutes les catégories d'étrangers, seraient préférables à la séparation actuelle entre travailleurs étrangers et requérants d'asile. Un autre avantage résiderait selon eux dans l'accueil de groupes de réfugiés et, par conséquent, dans l'économie de temps qui en découlerait inévitablement. Pour ses détracteurs, la solution des quotas priverait de l'asile des personnes véritablement persécutées une fois le contingent atteint [30].
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Condition de la femme
Institué en 1986 à la suite de l'adoption par le Conseil national d'un postulat Jaggi (ps, VD), le groupe de travail "Egalité des salaires", chargé par le DFJP de déterminer les raisons et l'étendue des disparités salariales entre hommes et femmes, a livré ses conclusions. Dans son rapport final, il souligne que la seule mise en oeuvre de l'égalité des salaires est insuffisante pour parvenir à l'égalité des droits entre hommes et femmes sur le marché du travail. Il estime nécessaire de promouvoir une politique d'égalité des chances pour améliorer le statut de la femme sur le marché de l'emploi et pour éliminer toute forme de discrimination avant l'entrée sur le marché du travail. D'après cette étude, la différence moyenne entre les salaires des hommes et ceux des femmes se situe autour de 28%. Si cet écart peut s'expliquer pour moitié par des facteurs de formation, d'expérience professionnelle et de santé, l'autre moitié relève d'une discrimination de type sexuel.
Les auteurs accordent une place toute particulière à de nouvelles prescriptions étatiques relatives au recours à la voie judiciaire pour faire prévaloir le principe de l'égalité des salaires pour un travail analogue. En d'autres termes, ils souhaitent renforcer la position des femmes devant les tribunaux en complétant la législation actuelle avec la mise sur pied d'offices de conciliation au niveau cantonal, par l'introduction d'un droit de plainte pour les organisations féminines et syndicales et par le renforcement des dispositions contre les licenciements. Le groupe de travail demande en outre des possibilités de formation identiques pour les deux sexes. Il envisage également des adaptations des conditions générales favorisant la réalisation de l'égalité des femmes dans les assurances sociales, la politique familiale ainsi que dans le droit fiscal. Il s'est aussi prononcé pour la création de services cantonaux pour l'égalité des droits.
Les propositions formulées dans ce document ne s'adressent pas uniquement aux autorités fédérales mais aussi aux cantons et au secteur privé. Si certaines d'entre elles nécessitent la création de dispositions légales, d'autres sont susceptibles d'être appliquées sur la base des lois déjà en vigueur ou de revêtir la forme de recommandations [31]. Les associations patronales ont reproché aux auteurs d'accorder une place trop importante aux prescriptions étatiques qui, à leurs yeux, troubleraient l'entente et les rapports entre employeurs et collaborateurs et collaboratrices. Selon elles, il faudrait davantage insister sur l'amélioration des conditions de formation des femmes et sur l'assouplissement des possibilités en matière d'emploi afin de leur permettre de concilier vie familiale et activité professionnelle [32].
La volonté de prendre une certaine distance par rapport aux syndicats traditionnels qui, à leurs yeux, n'accordent pas une place suffisante à la concrétisation de l'égalité des sexes, a conduit un groupe de femmes à créer un nouveau syndicat qui leur est réservé. Les initiantes souhaitent toutefois qu'il soit admis au sein de l'USS pour ne pas exclure les femmes déjà membres d'un syndicat et pour pouvoir participer aux négociations des contrats collectifs. Pour R. Dreyfuss et R. Gassmann, respectivement secrétaire et vice-présidente de l'USS, la création de ce syndicat va contribuer à diviser et à affaiblir le mouvement des femmes [33].
Devant le succès remporté en Suisse alémanique par le Comité d'action "Taten statt Worte", il s'est créé un groupe analogue en Suisse romande sous la dénomination "Des paroles aux actes". Ce mouvement indépendant qui réunit des personnalités de la politique et de l'économie agit en faveur de la promotion professionnelle des femmes dans les entreprises et dans les administrations publiques. Il tente de les persuader de mieux utiliser le potentiel féminin, les encourage à créer des postes pour les femmes à tous les niveaux hiérarchiques et à fixer comme objectif d'atteindre un certain quota de femmes parmi les cadres. Des efforts tout particuliers sont portés aux domaines du recrutement, de la promotion, de l'encadrement et de la réinsertion professionnelle. Des entreprises ont ainsi commencé à accorder une place plus importante aux plans de carrière des femmes, à les encourager à gravir les échelons hiérarchiques, à établir des modèles de travail à temps partiel et à expérimenter des infrastructures visant à décharger les femmes devant s'occuper de leurs enfants.
Si, de façon générale, cette initiative a été bien accueillie par les milieux concernés, les organisations féminines ont cependant émis certaines réserves, craignant notamment qu'elle ne soit utilisée davantage au bénéfice de l'image de marque de l'entreprise qu'au bénéfice des femmes. Si elles en reconnaissent la qualité pragmatique, elles regrettent qu'elle soit limitée à l'enceinte de l'entreprise et n'aborde pas une réflexion de fond sur l'organisation globale du monde du travail. En effet, la plupart des projets sont basés sur la démarche personnelle et peuvent y apporter des solutions individuelles, mais il n'y a pas de remise en cause des structures existantes qui peuvent créer des inégalités entre hommes et femmes. Elles demeurent aussi sceptiques à l'égard de programmes qui leur semblent avant tout destinés aux femmes pouvant prétendre à des postes de cadres et non pas aux femmes de chaque échelon hiérarchique [34].
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Le développement des nouvelles technologies constitue-t-il une chance de promotion et d'épanouissement pour les femmes ou, au contraire, contribue-t-il à renforcer la division traditionnelle du travail entre les sexes? En d'autres termes, l'informatisation peut-elle revaloriser le métier typiquement féminin de secrétaire dans ses aspects d'organisation et de contact ou confine-t-elle les femmes dans des travaux monotones et répétitifs?
C'est justement à ces interrogations que la Commission fédérale pour les questions féminines a tenté de répondre en publiant les résultats d'une recherche relative à l'introduction des nouvelles technologies sur les postes de travail de bureaux ou d'administration. D'après cette étude, l'apparition du terminal ou de l'ordinateur privilégie les collaboratrices de secrétariat qualifiées, qui se consacrent prioritairement à leurs activités professionnelles du fait qu'elles n'ont pas d'obligations familiales. Les plus favorisées bénéficient de nouvelles perspectives professionnelles et de l'occasion d'élargir leur champ d'activité. Pour les employées moins qualifiées, engagées à temps partiel et accordant la priorité à leurs charges familiales, la situation s'apprécie de façon différente. En effet, leurs emplois sont menacés de suppression suite à la rationalisation du travail introduite par les nouvelles techniques. Pour la Commission fédérale pour les questions fémivines, les mesures qui visent à favoriser la promotion professionnelle des femmes grâce à l'emploi de l'informatique n'auront qu'un effet très limité si l'on n'accélère pas la concrétisation de l'égalité de fait entre hommes et femmes au niveau de la politique sociale. Afin d'empêcher que l'innovation technologique n'aboutisse au renforcement de la discrimination des femmes sur le marché du travail, il convient, selon elle, d'exploiter les possibilités de rationalisation de façon à favoriser l'accès des femmes aux possibilités de perfectionnement professionnel [35].
Les milieux féministes ont, dans un premier temps, craint que la réorganisation du travail informatisé n'entraîne la disparition de la secrétaire polyvalente au profit de deux nouvelles catégories d'employées: l'une affectée uniquement aux tâches intellectuelles et d'organisation, l'autre confinée à temps complet dans des tâches d'exécution, répétitives et monotones. Nombreux sont ceux et celles pour qui l'informatisation a été ressentie comme un facteur de radicalisation de la hiérarchie et de ségrégation supplémentaire entre personnes qualifiées et non qualifiées, catégorie où l'on compte beaucoup de femmes. De nombreuses voix s'élèvent pourtant pour reconnaître que l'informatique est un phénomène suffisamment récent pour qu'il soit possible d'éviter la reproduction de schémas traditionnels et que l'on puisse assister à une réorganisation du travail fondée sur un double partage des tâches entre les cadres et les secrétaires [36].
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Le Conseil fédéral a institué un Bureau de l'égalité entre femmes et hommes appelé à encourager l'application du principe de l'égalité entre les deux sexes dans tous les domaines et à oeuvrer en vue d'éliminer toute forme de discriminations. La création de ce Bureau, rattaché à l'Office fédéral de la culture et avec à sa tête Claudia Kaufmann, fait suite à un postulat Hubacher (ps, BS) et à une motion Stamm (pdc, LU) transformée en postulat et adopté en 1987 par le Conseil national. Le Bureau participe directement à l'élaboration de la législation visant à promouvoir et à garantir l'égalité et collabore avec les administrations des cantons et communes ainsi qu'avec les bureaux de l'égalité qui existent déjà. En tant qu'organe consultatif, il lui incombe la tâche d'informer et de sensibiliser l'opinion publique sur toutes les questions liées à l'élimination des discriminations fondées sur le sexe.
Si les organisations féminines ont salué la création de ce Bureau, elles ont cependant regretté qu'il ne s'agisse que d'une simple section au sein d'un office existant et non pas d'un véritable office fédéral disposant de la compétence de faire appliquer ses décisions. La Commission fédérale pour les questions féminines avait également souhaité que ce Bureau disposât d'une base légale [37].
Les discriminations dont les femmes sont victimes tant dans les assurances sociales que dans l'enseignement seront traitées respectivement dans les chapitres I, 7c (Assurance-maladie et maternité) et 8a (Hautes écoles) [38].
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Politique familiale
Le Conseil fédéral a proposé de rejeter, sans lui opposer de contre-projet, l'initiative populaire "En faveur d'impôts fédéraux plus équitables pour les couples mariés et pour les familles", déposée par le Parti radical en 1987. Le projet, qui part de la constatation suivant laquelle les couples mariés avec enfants sont défavorisés fiscalement par rapport aux concubins, prévoit un allégement de la charge fiscale de l'impôt fédéral direct pour les époux et les familles. Pour justifier son refus, le Conseil fédéral a fait valoir que les buts de l'initiative seront partiellement atteints par l'entrée en vigueur en 1989 du "programme immédiat", adopté en 1987 par les Chambres fédérales. Cette réforme fiscale institue un nouveau barème différencié selon qu'il s'agit de célibataires ou de couples et des déductions plus importantes pour les enfants. En raison de son caractère provisoire, elle ne déploiera ses effets que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur l'impôt direct. Le PRD a néanmoins décidé de maintenir son initiative. Quant aux allégements fiscaux que la loi sur l'impôt fédéral direct accorde aux personnes physiques, ils correspondent presque intégralement à ceux contenus dans le programme immédiat [39].
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Le Conseil national ayant rejeté en 1987 le principe de la solution fédéraliste, le dossier de l'interruption de grossesse se trouve à nouveau plongé dans l'impasse politique. Le lancement de l'initiative populaire en faveur de la solution des délais, annoncée par l'Union suisse pour la décriminalisation de l'avortement pour le début de l'année 1988, a finalement été ajourné. Faute d'appuis politiques et financiers, les initiants ont jugé opportun d'attendre un moment plus propice pour la récolte des signatures. Le texte de l'initiative insiste en particulier sur le libre choix de la femme et sur son droit à être informée de manière approfondie [40]. Comme la libéralisation de la législation sur l'interruption volontaire de grossesse est bloquée au niveau fédéral, les organisations féminines ont décidé d'entreprendre une campagne de sensibilisation du public afin de relancer le débat et de miser sur une libéralisation au niveau des cantons. En effet, la législation en vigueur, qui date de 1942 et n'autorise en principe l'interruption de grossesse que si la vie ou la santé de la mère sont en danger, n'est plus appliquée dans de nombreux cantons dits libéraux, comme Vaud, Genève, Berne ou encore Zurich [41].
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Jeunesse
Malgré une opposition des milieux économiques et d'une partie de la droite, le Conseil national a, non sans l'avoir auparavant quelque peu édulcorée, approuvé la loi fédérale sur l'encouragement des activités extra-scolaires en faveur de la jeunesse. Le projet de loi prévoit pour l'essentiel l'intégration dans le droit fédéral du soutien des activités de jeunesse extra-scolaires et l'introduction dans le Code des obligations du droit à un congé non rétribué d'une semaine par année pour les jeunes âgés de 25 ans ou moins qui exercent une fonction dans des organisations oeuvrant en faveur de la jeunesse. La majorité des conseillers nationaux a refusé d'appliquer à ce congé le système des allocations pour perte de gain. Elle a également rejeté l'idée de la nomination d'un délégué fédéral aux affaires de la jeunesse. Pour les partisans du projet, les partis de gauche et les démocrates-chrétiens, il s'agissait avant tout d'appliquer une loi qui a pour objet d'encourager la prise de responsabilité des jeunes et de concrétiser certaines promesses faites lors de la flambée des mouvements de jeunesse au début des années quatre-vingt.
Certains détracteurs, libéraux et radicaux, ont avancé des arguments qui relevaient de principes juridiques et tenaient à la constitutionnalité du projet. Ceux-ci ont fait valoir que pour élaborer une loi, il fallait d'abord que la Confédération dispose d'une base légale constitutionnelle lui conférant cette compétence. Or, l'article constitutionnel sur la culture ayant été rejeté en votation populaire, le gouvernement n'a, à leurs yeux, pas le droit moral et politique de s'octroyer des compétences non écrites. Avis d'ailleurs partagé par 43 conseillers d'Etat, regroupés pour l'occasion au sein d'un comité suisse pour le respect de la Constitution fédérale, qui estiment que ce domaine relève exclusivement de l'initiative privée ainsi que de la compétence des communes et des cantons. A ces griefs d'ordre fédéraliste se sont ajouté des considérations d'ordre économique, certains députés n'hésitant pas à parler d'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie lorsqu'ils évoquent l'obligation qui est faite à l'employeur d'accorder une semaine de congé par an. Plus généralement, les représentants des milieux de l'économie ont condamné ce qui constitue à leurs yeux une intervention inadmissible de l'Etat dans les relations entre employeurs et salariés [42].
Même si l'Etat encourage les jeunes à se prendre en charge, à imaginer des projets et à être actifs, il n'en demeure pas moins vrai qu'un nombre croissant d'entre eux prend ses distances à l'égard des autorités. A l'heure de l'abstentionnisme, de la méfiance vis-à-vis des autorités et des élus, cette constatation ne peut que soulever des inquiétudes. L'absence de dialogue, des interventions policières pour le moins musclées tant à Berne qu'à Bâle et unè attitude de méfiance à l'égard des jeunes marginaux ont, selon la Commission fédérale pour la jeunesse, conduit de nombreux jeunes à ne voir dans l'Etat plus qu'une autorité qui s'arroge le pouvoir [43]. Qui plus est, a-t-elle poursuivi, la jeunesse manifeste un désintérêt grandissant pour les questions politiques. Et d'aucuns de rappeler qu'il faut construire une politique de la jeunesse avec les jeunes plutôt que pour les jeunes [44].
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Sélection bibliographique
L. Calabria, Die undefinierbare Generation. Italienische Jugendliche in der Schweiz. Ein Mehrgenerationenprojekt, Luzern 1988; Grenzgänger in der Schweiz, Basel 1988.
E. Kopp, "Le rejet de l'initiative pour la limitation de l'immigration", in Documenta, 1988, no 4, p. 31.
H. Schwarz, Volkswirtschaftliche Wirkungen der Ausländerbeschäftigung in der Schweiz, Grüsch 1988.
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B. Bucher / A. Hartmann, Flucht. Ein Handbuch zu Asyl- und Flüchtlingsfragen, Luzern 1988.
"Fürsorge während des Asylverfahrens", in Zeitschrift für öffentliche Fürsorge, 85/88, Nr. 10, p. 146 ss.
M. Gattiker, Procédure d'asile et de renvoi: document de travail pour représentant(e)s d'oeuvres d'entraide, Lausanne 1988.
E. Kopp, "Situation actuelle dans le domaine de l'asile", in Documenta, 1988, no 4, p. 12 s.
T. Mächler (éd.), Asylpolitik in der Schweiz. Analysen, Einwände, Alternativen. Dokumentation zum Asyl-Forum der Caritas Schweiz vom 14. September, Luzern 1988.
M. Musey, L'asile en Suisse: nègres s'abstenir, ou, la démocratie à l'épreuve, Immensee 1988.
D. Thränhardt (éd.), Flucht und Asyl: Informationen, Analysen, Erfahrungen aus der Schweiz und der Bundesrepublik Deutschland, Freiburg i. Br. 1988.
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P. Kugler, "Lohndiskriminierung in der Schweiz. Evidenz von Mikrodaten", in Zeitschrift für Volkswirtschaft und Statistik, 124/1988, Nr. 1, p. 23 ss.
P. Kugler, "Wie gross ist die Lohndiskriminierung in der Schweiz", in Wirtschaft und Recht, 40/1988, Nr. 4, p. 299 ss.
H. Reis, Die Lohndifferenzen zwischen Männern und Frauen in der Schweiz: eine empirische Untersuchung unter besonderer Berücksichtigung des Postulats "Gleicher Lohn für gleiche Arbeit", Bern 1988.
"Die Idee der Partnerschaft zwischen den Geschlechtern", in Politik und Zeitgeschichte, 1988, B42, p. 43 ss.
Frauenlexikon: Traditionen, Fakten, Perspektiven. Basel 1988.
K. Holenstein, "Gleiche Rechte, ja, aber kosten darf es nichts", in Emanzipation, 14/1988, Nr. 4.
C. Kaufmann, "Gleiche Rechte für Mann und Frau ", in Emanzipation, 14/1988, Nr. 2.
C. Kaufmann, "Les quotas valent mieux que leur réputation! La voie contestée à la réalisation de l'égalité entre hommes et femmes", in Questions au féminin, 1988, no. 1, p. 14 ss.
M. Madörin, "Erfahrungen mit Quotierung in einer schweizerischen Partei", in Questions au féminin, 1988, no. 1, p. 41 ss.
F. Rubart, "Partizipation von Frauen in neuen sozialen Bewegungen", in Politk und Zeitgeschichte, 1988, B42, p. 30 ss.
E. Rühmkorf, "Quotierung und Frauenförderung in der öffentlichen Verwaltung", in Questions au féminin, 1988, no. 1, p. 33 ss.
L'égalité entre hommes et femmes. Bilan et perspectives, Lausanne 1988. Même si depuis 1981 figure dans la Constitution fédérale un article établissant l'égalité des droits entre hommes et femmes, les réalisations concrètes en vue d'y parvenir demeurent encore bien timides. L'ouvrage précité tente de faire le bilan de l'impact de la norme constitutionnelle sur le droit suisse (famille, travail, sécurité sociale et fiscalité). L'égalité entre les sexes ne se réalise pas seulement par le droit, mais passe également par la promotion des femmes dans la vie économique et politique. L'ouvrage évoque la nécessité d'une stratégie pour développer l'égalité qui implique une connaissance approfondie de la situation présente des femmes et des facteurs qui contribuent à maintenir cette discrimination.
T.H. Ballmer-Cao, Le conservatisme politique féminin en Suisse: mythe ou réalité?, Genève 1988. Elle analyse le conservatisme politique féminin à différents niveaux et, partant, constate de notables différences entre la culture de l'élite féminine du pouvoir qui recherche l'intégration à travers la complémentarité, celle de l'avant-garde qui diffuse la contre-culture féministe et celle de l'électorat féminin, partagé entre ses propres besoins et les influences venant des deux autres groupes (cf. aussi NZZ, 14.1.89).
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"La famille d'un point de vue radical", in Revue politique, 67/1988, no 1.
K. Rechsteiner, Familienplätze in der Schweiz, Luzern 1988.
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M. Boehlen, Jugend und Delinquenz, Grüsch 1988.
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[1] Le CE a rejeté à l'unanimité l'initiative et le CN par 121 voix contre 3 (membres de l'AN). BO CE, 1988, p. 185 ss. et 425; BO CN, 1988, p. 387 ss. et 971. Arrêté fédéral: FF, 1988, II, p. 110 s. Résultats: FF, 1989,1, p. 226 et presse du 5.12.88. Sur l'initiative cf. aussi JdG, 23.11.88; 24 Heures, 25.11.88; Bund, 28.11.88.
[2] Cf. APS 1987, p. 205.
[3] Position AN: Volk + Heimat, 1988, Nr. 5, 9, 14, 15 et 16; NZZ, 23.8. et 7.11.88; TA, 24.11.88. Position des milieux économiques: RFS, 47, 22.11. et 48, 29.11.88.
[4] Sur les conséquences d'une acceptation: SGT, 2.11.88; BZ, 10.11.88; NZZ, 24.11.88. Interview Kopp: TA, 23.11.88.
[5] Syndicats: USS, 26, 7.9., 28, 24.9. et 34, 9.11.88. Cf. aussi BaZ, 26.11.88.
[6] Rapp. gest. 1988, p. 203 s. Presse du 28.1.88. Sur la population étrangère en général: Ww, 10.11.88; TA, 16.11.88; Bund, 19.11.88; L'Hebdo, 24.11.88 ; SGT, 26.1 1.88. Droit de vote des étrangers cf. supra, part. I, 1b (Grundrechte).
[7] RO, 1988, p. 1592 ss. et presse du 2.6.88; cf. aussi L'Hebdo, 19.5.88.
[8] Presse du 22.3.88.
[9] SAZ, 29, 21.7.88; USS, 25, 31.8.88.
[10] Presse du 6.2. et 22.9.88; JdG et 24 Heures, 2.7.88.
[11] USS, 4.5.88; BaZ et BZ, 5.5.88.
[12] Rapp. gest. 1988, p. 223. Presse du 13.9.88 et du 14.1.89. Cf. aussi JdG, 15.6.88; L'Hebdo, 29.9.88; TA, 14.10.88 et APS 1987, p. 206 ss.
[13] Délib. Ass. féd., 1988, I, p. 36 (écologiste) et 45 (Bäumlin). Sur l'encombrement des services des recours au DFJP: Heure des questions, BO CN, 1988, p. 741. Cf. aussi L'Hebdo, 28.1.88.
[14] JdG, 3.6.88; NZZ, 9.6.88.
[15] RO, 1988, p. 1558; cf. aussi presse du 4.10.88.
[16] Presse 24.9., 28.9. et 3.10.88; WoZ, 30.9.88.
[17] Presse 12.10. et 23.11.88.
[18] FF, 1988, II, p. 1455 ss.; BO CE, 1988, p. 932.
[19] JdG, 15.10.88; 24 Heures, 16.10., 18.10. et 20.10.88; presse du 10.11. et 11.11.88; L'Hebdo, 20.10.88. Interview Kopp: SGT, 16.4.88; TA, 23.11.88. Interview Arbenz: LNN, 2.4.88.
[20] Délib. Ass. féd., 1988, 1, p. 38.
[21] JdG, 16.8.88.
[22] JdG et NZZ, 21.6.88.
[23] Réponse du CF: presse du 18.8.88; cf. aussi DP, 5.5.88 et APS 1987, p. 209 s.
[24] Presse du mois de janvier 1988.
[25] L'Hebdo, 14.1. et 21.1; JdG, 17.1.88; Le Pays, 2.4.88. Enquête interne: presse du 1.4.88. Cf. aussi Dém. de janvier à mai 1988.
[26] Presse du 4.3. et 7.5.88.
[27] FF, 1988, III, p. 1350; cf. aussi APS 1987, p. 211.
[28] L'Hebdo, 29.9.88. Cf. aussi APS 1987, p. 72.
[29] L'Hebdo, 21.7.88; DP, 29.9.88.
[30] Ww, 22.9.88; L'Hebdo, 29.9.88. Sur la situation des réfugiés: BODS—Rundbrief 1988, Nr. 1-4.
[31] DFJP (éd.), "Egalité des salaires entre hommes et femmes. Rapport final du groupe de travail Egalité des salaires mandaté par le DFJP", Berne 1988. Cf. aussi presse du 3.2.88. (publication d'un des rapports) et presse du 9.11.88. (rapport final); USS, 6, 10.2.88. Discriminations salariales: TA, 12.2.88; SHZ, 25.2.88.
[32] RFS, 46, 17.11.88; SAZ, 46, 17.11.88.
[33] Presse du 18.4.88; NZZ, 19.4.88. Cf. aussi Femmes Suisses, juin-juillet 1988.
[34] Presse du 7.9.88. Romandie: JdG, 23.3.88. Cf. aussi Vr, 13.4.88; Tw, 24.8.88; WoZ, 9.9. et 16.9.88; SAZ, 17, 28.4.88; Femmes Suisses, mai et octobre 1988; DP, 9.6.88 et APS 1987, p. 212.
[35] C. Mussmann, Auswirkung neuer Techniken auf Frauenarbeitsplätze im Büro- und Verwaltungsbereich: Bericht der Eidgenössischen Kommission für Frauenfragen, Bern 1988. Cf. aussi presse du 20.12.88.
[36] Femmes Suisses, février 1988.
[37] RO, 1988, p. 408 ss. Presse du 29.3. et 18.8.88; USS, 24, 24.8.88. Cf. aussi APS 1987, p. 212.
[38] Pour la représentation des femmes dans les gouvernements et parlements cantonaux et communaux, cf. supra, part. I, 1e.
[39] FF, 1989, I, p. 91 ss. Cf. aussi APS 1987, p. 213.
[40] BZ, 26.1.88; Bund, 2.4.88; NZZ et JdG, 5.7.88. Cf. aussi APS 1987, p. 214.
[41] Femmes Suisses, août-septembre 1988, p. 6; SGT, 12.8.88.
[42] BO CN, 1988, p. 1704 ss., 1791 ss. et 1843 ss. Patronat: SAZ, 22.12.88. Cf. aussi APS 1987, p. 214 s.
[43] NZZ, SGT et Vat., 29.6.88.
[44] Dossier sur la politique de la jeunesse dans les différents cantons: BZ, 30.1., 6.2., 13.2., 27.2., 5.3., 19.3. et 26.3.88. Mouvements de jeunesse: Ww, 1.9.88; NZZ, 29.10.88. Cf. aussi supra, part. I, 1b (Öffentliche Ordnung) et APS 1987, p. 21 s.
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