Le Conseil national s'est emparé du dossier de la réforme de l'énergie. A l'identique du Conseil des Etats, les députés et députées n'ont pas remis en question l'urgence de développer les énergies renouvelables en Suisse, afin de dessiner une politique énergétique helvétique sûre et indigène. Ce premier examen de la réforme de l'énergie aura duré trois jours. Il a été le théâtre de débats intenses entre la gauche et le camp bourgeois qui ont dû, l'un et l'autre, faire des concessions pour atteindre un consensus. Lors du vote sur l'ensemble, le projet a été adopté par 104 voix contre 54 et 33 abstentions. L'UDC garnit les rangs des opposants à la réforme de l'énergie, et les Vert-e-s enfilent le costume des abstentionnistes.
Dans l'ensemble, les modifications relatives au projet initial du Conseil fédéral sont la réponse à des objectifs de production d'électricité que le Conseil national a voulu ambitieux. Tout comme la chambre haute, la chambre basse a validé une production d'électricité grâce aux énergies renouvelables de 35TWh en 2035 et de 45TWh en 2050, énergie hydraulique non compris. Ces seuils sont largement supérieurs aux objectifs proposés par le Conseil fédéral, à savoir, 17 TWh en 2035 et 39 TWh en 2050. En ce qui concerne l'énergie hydraulique, le Conseil national a revu à la hausse les exigences initiales. Elles sont désormais fixées à 37,9 TWh en 2035 et 39,2 TWh en 2050. En outre, pour sécuriser l'approvisionnement électrique en hiver, les réserves des centrales hydroélectriques devront être augmentées de 6 TWh au lieu des 2 TWh souhaités par le gouvernement. Afin de remplir ces objectifs, les députés et députées ont dû réviser le projet du gouvernement à coup de compromis.
Premièrement, les installations hydrauliques, photovoltaïques, éoliennes et les centrales de pompage-turbinage bénéficieront d'autorisations de construire facilitées si elles sont décrétées d'intérêt national. Ces autorisations facilitées pourront être attribuées à des infrastructures de plus petites tailles si les objectifs fixés ne sont pas atteints. A l'inverse de la proposition du Conseil des Etats, cette décision a été perçue par la gauche comme un pied-de-nez à la protection de la nature et du paysage. De plus, Delphine Klopfenstein Broggini (vert-e-s, GE) a pointé du doigt l'incohérence avec les décisions de la récente table ronde sur l'énergie hydraulique. Elle a notamment interrogé le Parlement sur la raison d'être des quinze projets hydrauliques prioritaires, si tous les projets d'énergies renouvelables bénéficient d'une accélération de procédure.
Deuxièmement, la protection de la biodiversité et les débits résiduels ont été au cœur des débats. Le Conseil national, à l'inverse du Conseil des Etats, n'a pas autorisé des nouvelles infrastructures dans les biotopes d'importance nationale. En revanche, la proposition de la CEATE-CN d'instaurer des mesures de protection, de remplacement et de reconstitution, en cas d'atteinte à la biodiversité pour les lieux inscrits dans un inventaire de la loi fédérale sur la protection de la nature (LPN), a été rejetée de justesse par la chambre. Le camp bourgeois a réussi à dégager une majorité avec 97 voix contre 92 et 3 abstentions. Finalement, les débits résiduels dans les cours d'eau ont fait couler beaucoup d'encre. Le camp bourgeois a imposé sa décision de suspendre les débits résiduels lors de rénovations ou renouvellement des concessions des centrales hydrauliques. D'après la gauche, cette décision «empiète inutilement sur la protection de l'eau et de la biodiversité». Même la CEATE-CN et le Conseil fédéral ont plaidé contre ces décisions afin d'éviter de mettre en péril l'ensemble de la réforme à cause de ce seul point. La crainte d'un référendum a résonné dans les tranchées du Parlement.
Troisièmement, le Conseil national a appuyé sur l'accélérateur pour l'énergie solaire. Dans les faits, non seulement l'ensemble des nouveaux bâtiments de plus de 300m2 devront être équipés de panneaux solaires, mais également les bâtiments existants de plus de 300m2 en cas de rénovation de la toiture, sauf exceptions liées à la rentabilité ou à l'impossibilité technique. La CEATE-CN souhaitait aller encore plus loin en imposant cette obligation d'installation de panneaux solaires pour tous les grands bâtiments, sauf ceux d'habitation, d'ici 2031. L'UDC et le PLR ont respectivement pointée du doigt une obligation trop onéreuse pour les agriculteurs et les PME. Les difficultés d'approvisionnement et les délais d'installations des panneaux solaires ont également été critiqués. Mais encore, les nouveaux parkings de plus de 250m2 devront installer des panneaux solaires, ainsi que les parkings existants de plus de 500m2. Cette décision a été combattue en vain par l'UDC qui a critiqué une «intrusion dans la vie des propriétaires».
Quatrièmement, l'efficacité énergétique a été au cœur des débats. Dans l'ensemble, le camp bourgeois a réussi à limiter les mesures proposées par la gauche. Ainsi, ni les logements de vacances avec des systèmes de régulation du chauffage intelligents, ni les chauffe-eaux électriques, ni l'assainissement des bâtiments énergivores ne seront impactés par la réforme.
Cinquièmement, la chambre haute a accompagné ces mesures de contributions d'investissements pour les installations hydroélectriques, éoliennes, photovoltaïques, de biogaz et de géothermie, mais pas les centrales de pompage-turbinage. L'électricité injectée dans le réseau sera rétribuée grâce à la hausse du prix du kWh à 2,3 centimes pour l'ensemble des consommateurs et consommatrices d'électricité.
La réforme de l'énergie retourne au Conseil des Etats pour l'élimination des divergences.