Etat des lieux relatif à la menace que constituent pour la Suisse les campagnes de désinformation (Po. 22.3006)

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Adopté par 103 voix contre 79 (pas d'abstention), le postulat de la Commission de la politique de sécurité (CPS-CN) charge le Conseil fédéral d'établir un rapport sur l'existence d'activités visant à influencer l'opinion publique en Suisse. Dans cette optique, la commission veut s'attaquer en particulier à des possibles campagnes de désinformation utilisées à des fins politiques, estimant que la Suisse pourrait devenir la cible de telles activités. Ce postulat s'inscrit dans le cadre du rapport sur la politique de sécurité 2021 et était soutenu par le Conseil fédéral. En revanche, une minorité des membres de la commission, composée de parlementaires du camp bourgeois, proposait de le rejeter.

Le rapport, résultant du postulat qui visait à définir dans quelle mesure la Suisse est concernée par la désinformation et la prise d'influence d'autrui sur l'opinion publique, a été publié par le Conseil fédéral. Dans le compte rendu des Sept sages, le contexte autour des activités d'influence et de la désinformation ainsi que les mesures entreprises pour les contrer ont été évoqués. Le rapport souligne que les activités d’influence dans l’espace de l’information «visent à manipuler les perceptions, les pensées et les actions des individus, des groupes et des sociétés» et «peuvent être menées par des acteurs étatiques comme non étatiques». Ceci comprend par exemple la désinformation qui «consiste en informations trompeuses ou entièrement inventées pour influencer ou saboter des processus politiques, pour attaquer la crédibilité des institutions et des médias, ou tout simplement pour semer le doute sur la fiabilité des informations». Ainsi, le rapport évoque des éléments clés de la transmission d'information et de la sécurité nationale tout comme la nécessité de prendre des actions pour l'ensemble de la société.
Soulignant l'aspect transfrontalier du phénomène, l'analyse fédérale mentionne divers conflits internationaux proches de la Suisse – Ukraine, Russie; Hamas, Israël – dans lesquels l'espace de l'information est d'importance significative, notamment pour une prise d'influence sur autrui, aussi au-delà des pays où surviennent les tensions. Comme la désinformation et les activités d'influence affaiblissent la démocratie, les prévenir et les contrer est important pour la Suisse.
Selon le rapport, par un paysage médiatique varié, un niveau de vie élevé, un bon niveau d'instruction et une confiance en les institutions étatiques plus élevée que la moyenne – notamment par l'appel régulier des citoyens aux urnes –, la résilience de la Suisse face à la désinformation et aux activités d'influence est renforcée. Toutefois, par le nombre de votations annuelles, le risque de prise d'influence augmente. En effet, malgré la résilience face à la désinformation en Suisse, le gouvernement considère sérieusement le danger que représentent les activités d'influence et diverses mesures sont entreprises afin de les limiter et les empêcher. Le Conseil fédéral a illustré ses propos avec l'évocation de deux cas d'activités d'influence répertoriés, respectivement en 2018 et 2022.
L'observation de la situation, la résilience et la sensibilisation – éducation de la population à ce sujet –, la réglementation et la prise de sanctions, la communication et la coordination sont les lignes directrices entreprises par la Suisse pour lutter contre les activités d'influence. Le SRC s'occupe d'observer l'état des lieux. A l'intérieur du pays, «les informations sur les activités d’influence qu’il peut collecter, examiner ou traiter sont très limitées», mais lorsqu'il est question d'influences venant de l'étranger, il se concentre sur les «menaces directes, concrètes ou potentielles que les rivalités entre grandes puissances font peser sur la Suisse». Quand il est question de conflits hybrides, la Chine et la Russie sont des acteurs particulièrement observés, étant présumés comme «les deux pays qui cherchent à exercer le plus d’activités d’influence visant la Suisse».
Le rapport précise que l’OFCOM veille au respect de la LRTV, soit que la SSR respecte son engagement journalistique. Il a aussi été souligné que l'évolution technologique était observée afin de réagir au mieux à des activités d'influence. C'est pourquoi plusieurs projets de recherche sont en cours à ce sujet. Un autre exemple de projet, supervisé par l'OFCOM, concerne un programme de recherche qui étudie la désinformation dans le contexte de la formation d'opinion. Le Conseil fédéral mentionne également qu'en cas de désinformation conforme à la loi, mais considérée comme fausse ou trompeuse, une rectification par la Confédération – procédure de démystification (debunking) –, à usage modéré, est possible. Finalement, la coopération – et l'observation des prises de décisions – avec l'OTAN ou l'UE sont des lignes directrices et une forme d'inspiration pour la Suisse. Ainsi, pour lutter contre la désinformation, qui est transnationale, des échanges d'informations sont organisés. Le rapport souligne aussi que l’institutionnalisation de la coopération internationale permettrait une meilleure perception de la situation. Au niveau national, comme la lutte contre la désinformation n'est pas centralisée et concerne plusieurs départements fédéraux – DJP: Fedpol, DDPS ou l'OFCOM –, la coopération est primordiale. Le rapport souligne finalement que la mise en place d'un institut de contrôle centralisé pourrait améliorer la surveillance de la désinformation.