Interventions parlementaires concernant l'EEE (1990/1991)

Dossier: Verhandlungen über den Europäischen Wirtschaftsraum (EWR; 1988-1992)

Quatre initiatives parlementaires en la matière ont aussi été déposées. La première provient de députés formant le groupe parlementaire "Communauté européenne", dont le chef de file est le conseiller national Jaeger (adi, SG) (90.262). Elle exprime une demande similaire à celle de "Euro-Initiative". Les trois autres ont un contenu identique et émanent des conseillers nationaux Caccia (pdc, TI) (90.246), Petitpierre (prd, GE) (90.247) et Sager (udc, BE) (90.245). Par le biais d'un nouvel article constitutionnel 8bis elles demandent une plus grande implication de la Suisse dans la construction européenne, non seulement par l'intermédiaire de la CE, mais aussi par celui de toutes les autres institutions oeuvrant en ce sens.

Le Conseil national a transmis comme postulats les motions Zbinden (ps, AG) et Portmann (pdc, GR) (90.303) qui demandaient toutes deux la création d'une structure parlementaire capable de traiter les problèmes relatifs à l'Europe et de servir d'interlocuteur valable au gouvernement. Il a également transmis le postulat Allenspach (prd, ZH) (91.3254), invitant le Conseil fédéral à préparer un rapport relatif aux conséquences politiques et constitutionnelles d'une adhésion à la CE.

Au Conseil des Etats, l'initiative Roth (pdc, JU) qui demandait l'ouverture de négociations en vue de l'adhésion à la CE a été rejetée par une large majorité. Les arguments du député jurassien n'ont pas suffi à convaincre la majorité de la chambre haute qui jugeait une demande d'adhésion prématurée.

A plusieurs occasions, lors des sessions de mars et du mois de juin, les parlementaires ont questionné le Conseil fédéral sur l'état d'avancement des négociations sur le traité de l'EEE et ont réclamé une plus grande transparence de sa part. Le débat sur la politique européenne de la Suisse s'est poursuivi lors de la session d'octobre par le biais de différentes initiatives parlementaires. Ainsi, au Conseil national, malgré la motion d'ordre Portmann (pdc, GR) demandant de reporter le débat sur la Suisse et l'Europe après la conclusion du traité de l'EEE (rejetée de justesse par 65 voix contre 61), la triple initiative parlementaire Sager (udc, BE) (90.245) / Caccia (pdc, TI) (90.246)) / Petitpierre (prd, GE) (90.247) et celle du conseiller national Jaeger (adi, SG) (90.262) suscitèrent d'importantes discussions. La première propose une modification de la Constitution fédérale en spécifiant que "la Confédération participe à la construction de l'Europe" et qu"elle négocie avec la Communauté européenne les termes de sa participation" (90.245-247) . Pour ses auteurs, elle devrait permettre une approche européenne la plus large possible, pas uniquement limitée à la CE, et d'ouvrir un débat public afin de sensibiliser l'opinion sur la question de l'intégration européenne. La seconde initiative allait encore plus loin puisque elle proposait que le Conseil fédéral ouvre des négociations en vue de l'adhésion de la Suisse à la CE (90.262). Les socialistes ont demandé que l'initiative Jaeger soit renvoyée à la commission pour que la demande d'adhésion soit assortie de conditions pour garantir l'acquis environnemental de la Suisse et les droits démocratiques. Cette proposition a été largement rejetée. Les socialistes et les indépendants se sont montrés les plus favorables à une demande d'adhésion à la CE alors que les écologistes, l'UDC et le PA étaient les plus réticents; quant aux partis radical et démocrate-chrétien, ils ont déclaré qu'ils préféraient attendre la signature du traité de I'EEE avant d'envisager une autre forme de rapprochement avec la CE. Après un long débat et faute de solution faisant l'unanimité parmi les députés, les deux initiatives ont été renvoyées à la commission des affaires étrangères pour un nouvel examen et seront traitées après la conclusion du traité de l'EEE.

«Euro-initiative»: L'initiative en faveur de l'adhésion de la Suisse à la Communauté européenne (1990-1991)

Dossier: Verhandlungen über den Europäischen Wirtschaftsraum (EWR; 1988-1992)

En 1990 a également été lancée, par les journaux "Bilan/Bilanz", "Le Matin" et "Politik und Wirtschaft", l'initiative populaire en faveur de l'adhésion de la Suisse à la Communauté européenne, dite "Euro-Initiative". Elle prévoit un nouvel article constitutionnel demandant l'ouverture de négociations avec la CE dans ce dessein. C'est également pour permettre une meilleure information de la population que ce mouvement a été initié. Ce texte est d'ores et déjà soutenu par l'Alliance des indépendants, l'Union européenne de Suisse (UES), la FTMH ainsi que par des politiciens de différents partis.

Lancée en 1990, par les organes de presse "Le Matin", "Politik und Wirtschaft" et "Bilanz-Bilan" et soutenue par de nombreuses personnalités politiques d'horizons politiques différents, l'initiative en faveur de l'adhésion de la Suisse à la Communauté européenne, dite Euro-initiative a été transformée en pétition une année après son lancement. Avec 62'000 signatures, alors qu'ils ne leur restaient plus que six mois pour atteindre les 100'000 nécessaires, les initiants ont préféré renoncer, la récolte s'étant avérée plus difficile que prévu. Etant donné la prise de position du Conseil fédéral, l'initiative avait perdu une partie de son sens selon les membres du comité d'initiative.

Le débat sur la politique extérieure de la Suisse et sur la question de sa neutralité

Dossier: UNO-Beitritt
Dossier: Debatten über die Neutralitätspolitik der Schweiz (Erster Persischer Golfkrieg, EG, EU)
Dossier: Verhandlungen über den Beitritt der Schweiz zur Europäischen Union (EU)

Le problème de la participation aux sanctions économiques de l'ONU vis-à-vis de l'Irak et celui du survol du territoire suisse par les avions militaires de la coalition, ainsi d'ailleurs que le processus d'intégration européenne ont incité plusieurs parlementaires — postulats Hubacher (ps, BS) et Hafner (pe, BE) (90.645), motion Baerlocher (poch, BS) (91.3056) et Ledergerber (ps, ZH) (91.3002), transmises comme postulats — à demander au Conseil fédéral une clarification, voire une redéfinition de la conception de la neutralité helvétique. Dans le même ordre d'idée, le Conseil des Etats a transmis comme postulat la motion Onken (ps, TG), qui invite le Conseil fédéral à élaborer un programme substantiel en faveur d'une politique de paix active de la Suisse (91.3106). Répondant à ces interventions et à différentes interrogations soulevées dans la presse, le DFAE a mis sur pied un groupe de travail, présidé par l'ambassadeur M. Krafft et composé d'une quinzaine de personnalités, dont plusieurs hauts fonctionnaires et experts extérieurs. Ce groupe est chargé de procéder à une analyse détaillée des problèmes que soulève, dans un contexte international nouveau, la politique de neutralité de la Suisse, ainsi que de présenter un rapport sur sa politique étrangère pour la décennie à venir. Ce rapport devrait aussi répondre à la question des éventuelles conséquences d'un changement ou d'un abandon de la neutralité suisse pour le Comité international de la Croix rouge.

S'opposant à toute redéfinition du statut de neutralité, un groupe de conseillers nationaux – Hafner (pep, BE), Bircher (pdc, AG), Mauch (prp, AG) et Fischer (udc, AG) – a remis au DFAE une expertise effectuée par le professeur W. von Wartburg de l'université de Bâle. Ces parlementaires considèrent qu'une adhésion à la CE ou à l'ONU serait incompatible avec la neutralité de la Suisse; une telle adhésion nuirait en particulier à l'efficacité des actions de la Suisse en faveur de la paix par l'exercice des bons offices, de même qu'au travail du CICR.

La fin de la guerre froide, l'accélération de la construction européenne et, plus récemment, la position de la Suisse lors de la guerre du Golfe ont relancé le débat sur la politique extérieure de la Suisse et, plus particulièrement, sur la question de sa neutralité. L'année dernière, le Conseil fédéral, à la demande de la majorité des parlementaires, mandatait un groupe d'étude afin d'établir un rapport sur le rôle futur de la neutralité pour la Suisse. Sa publication était attendue avec impatience car ses conclusions devraient inspirer les grandes lignes de la politique extérieure de la Suisse de ces prochaines années, notamment en ce qui concerne le rapprochement avec la CE. Tout en réaffirmant l'attachement au noyau dur de la neutralité, les auteurs du rapport estiment que pour faire face aux changements fondamentaux de l'environnement international il est devenu nécessaire de donner une nouvelle orientation à la politique étrangère de la Suisse sous l'angle de la neutralité.

Les auteurs du rapport relèvent que dans un contexte européen où le spectre d'une guerre entre grandes puissances s'est considérablement éloigné, l'importance et la signification de la neutralité ont diminué; celle-ci ne constitue qu'un instrument parmi d'autres servant à promouvoir les intérêts de la Suisse. La probabilité de conflits armés classiques entre Etats s'est nettement atténuée; la nature des dangers a changé. La neutralité n'offre que peu de protection face à de nouvelles menaces, telles que l'utilisation d'armes A, B ou C (Armes ABC), les migrations, la destruction de l'environnement ou les catastrophes. En raison de leur dimension internationale et de l'interdépendance accrue entre les Etats, la sécurité reposera davantage que par le passé sur la coopération internationale. Pour la Suisse, cela signifie que la meilleure façon de défendre ses intérêts consiste à participer de manière constructive à la mise en place de nouvelles structures de sécurité.

Selon le rapport, la Suisse doit concentrer sa neutralité à la stricte définition du droit international public, à savoir la non-participation militaire à un conflit armé entre Etats tiers. Cela doit permettre à la Confédération, tout en maintenant son statut de neutralité permanente – maintien de la neutralité en cas de conflit indépendamment des parties engagées –, de faire preuve d'une plus grande flexibilité dans l'application de sa politique de neutralité. Concrètement, lorsque des sanctions non-militaires – en particulier économiques – sont prises par la communauté internationale au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Suisse, pour des raisons de solidarité, devrait y participer. De même, elle ne devrait pas entraver les actions militaires menées au nom de la communauté internationale; elle pourrait donc autoriser le transit ou le survol du territoire helvétique par des forces armées, ce que le Conseil fédéral n'avait pas fait lors de la guerre du Golfe. Par ailleurs, le statut de neutralité ne constituerait pas un obstacle à l'adhésion à la CE et à l'Union européenne du traité de Maastricht, tant que ses Etats membres n'ont pas conclu d'alliance militaire. En ce qui concerne les liens entre la Suisse et le CICR, la renonciation à la neutralité n'entraverait pas les activités de ce dernier, étant donné l'indépendance acquise par cette institution.

La publication du rapport du groupe d'étude avait été précédée par différentes prises de position sur ce sujet. Ainsi, au début de l'année, un groupe de travail du parti radical-démocratique a rendu public un rapport, dans lequel il se déclarait favorable à une définition plus flexible du concept de neutralité. Les principales conclusions du groupe d'étude mandaté par le Conseil fédéral rejoignent celles du PRD. Afin d'adapter la politique de neutralité aux bouleversements récents de la société internationale, les auteurs préconisent de la limiter à son noyau dur – non-participation militaire à une confrontation armée – afin que le gouvernement puisse disposer d'une plus grande marge de manoeuvre dans ses relations extérieures sur les plans politique, idéologique et économique. Selon eux, le Conseil fédéral aurait dû autoriser le survol du territoire helvétique par l'aviation militaire de la coalition internationale lors de la guerre du Golfe en 1991.

Le chef du DMF a également exposé à plusieurs reprises sa conception de la neutralité dans le nouveau contexte de l'après-guerre froide; elle diffère quelque peu des conclusions du rapport du groupe d'étude. En préconisant une neutralité différenciée, K. Villiger est favorable à l'abandon de la neutralité dans l'éventualité de certains types de conflits. Pour ce qui concerne les conflits intra-européens ou extra-européens, la Confédération devrait maintenir sa neutralité; par contre, lorsque un conflit mettrait au prise les Etats européens à un ennemi commun, la Suisse devrait se montrer solidaire de l'Europe en contribuant à une défense commune.

Négociations officielles sur l'Espace économique européen (EEE; 1991/1992)

Dossier: Verhandlungen über den Europäischen Wirtschaftsraum (EWR; 1988-1992)

Après des périodes d'incertitudes, de tensions et de menaces d'échec, les négociations entre la Communauté européenne (CE) et les pays membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE) concernant le traité de l'EEE, formellement lancées le 20 juin 1990, ont été conclues le 22 octobre 1991 à Luxembourg. A cette occasion, l'accord sur le transit alpin entre la Suisse et la CE, dont le lien avec la concrétisation de l'espace économique européen a été établi par la CE, a également été signé. Le traité de l'EEE assure la participation des pays de l’AELE au marché unique européen de 1993 en établissant la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes entre les 19 pays signataires.

Au fur et à mesure de l'évolution des négociations et de l'affirmation de la fermeté de la CE, les représentants suisses ont dû renoncer à certaines de leurs propositions initiales, tout particulièrement sur le plan institutionnel. Plusieurs points, tels la co-décision au sein de l'EEE ou l’"opting out" individuel (possibilité pour un membre de l'AELE de se soustraire à certaines dispositions du traité), n'ont pas été retenus dans le texte final. Malgré cela, l'intransigeance de la délégation suisse a été soulignée et a même suscité une certaine réprobation de la part des représentants des autres pays. Au mois d'avril, différents négociateurs parlaient ouvertement de crise; dans plusieurs domaines (la pêche, les transports, la Cour de justice de l'EEE, l’"opting out" et le fonds de cohésion en faveur des pays du Sud de la CE notamment) les positions de la CE et des pays de l'AELE paraissaient difficilement conciliables. Prévue à l'origine pour la fin du mois de juin, la signature du traité a été repoussée au mois d'octobre en raison principalement de l'absence d'accord sur les dossiers du transit alpin et de la pêche. Lors de l'annonce de la conclusion du traité, les conseillers fédéraux, J.P. Delamuraz, R. Felber et A. Ogi ont indiqué que le résultat des négociations constituait une plate-forme idéale pour une future adhésion à la CE et que celle-ci était devenue le but de la politique du Conseil fédéral. Déjà au début du mois de mai, le Conseil fédéral avait annoncé que la perspective d'une adhésion à la CE avait nettement gagné en signification et qu'elle constituait l'option à étudier en priorité.

En cas de ratification, le traité de I'EEE, un document de plus de 1'000 pages, aurait des implications profondes dans les domaines politique et économique de la société helvétique. La Suisse devrait ainsi reprendre environ deux tiers du droit communautaire, ce qui l'obligerait à adapter plus de 60 lois fédérales. Signalons cependant que les pays de l’AELE ne sont pas inclus dans l'Union douanière communautaire; les contrôles douaniers seront maintenus, mais rendus moins lourds. La Suisse pourrait donc continuer à mener sa propre politique commerciale. L'EEE ne prévoit pas non plus une harmonisation de la fiscalité.

Dans le domaine des quatre libertés et des politiques d'accompagnement, le bureau de l'intégration DFAE/DFEP a indiqué que la Confédération a atteint l'essentiel de ses objectifs. En ce qui concerne la libre circulation des marchandises, toutes les barrières non-tarifaires seront éliminées; le libre-accès des produits helvétiques au marché communautaire sera ainsi assuré. La Suisse est toutefois autorisée à maintenir pour une très large part son niveau actuel de protection de l'environnement et de la santé dans les domaines importants, à condition qu'il ne s'agisse pas de mesures manifestement protectionnistes. En ce qui concerne les véhicules à moteur, la Suisse a obtenu une période transitoire de deux ans, pendant laquelle l'importation de toutes les catégories d'automobiles ne sera autorisée que si les prescriptions suisses en matière de gaz d'échappement et de protection contre le bruit sont respectées. Passé ce délais, les prescriptions communautaires seront presque au même niveau que celles de la Suisse. En revanche, dans les domaines de la législation sur les toxiques ainsi que pour les prescriptions contre le bruit pour les motocycles, le niveau de protection helvétique devra s'abaisser.

Même si le secteur agricole n'est pas inclus dans le traité de l'EEE, la Suisse et la CE ont néanmoins conclu un accord bilatéral qui prévoit que les deux parties s'accordent mutuellement des concessions tarifaires sur certains produits. Vingt-trois d'entre eux, provenant essentiellement des pays les moins développés de la CE, connaîtront des réductions tarifaires conséquentes. De plus, le traité contient une clause évolutive qui prévoit un examen des échanges agricoles tous les deux ans en vue d'étendre la libéralisation de ce domaine.

Dans le cadre de la libre circulation des services et des capitaux qui comprend les secteurs financier et des transports, la libre prestation transfrontalière, le libre établissement des entreprises et la liberté de mouvement des capitaux seront garantis. La Suisse pourra toutefois conserver pendant cinq ans, jusqu'au ler janvier 1998, les dispositions de la Lex Friedrich qui limitent les placements en biens immobiliers et les investissements dans la branche du commerce professionnel d'immeubles. A l'origine, la Suisse avait demandé une exception permanente à la reprise de l'acquis communautaire en ce qui concerne la Lex Friedrich. Finalement, la seule exception permanente contenue dans le traité de l'EEE touche la limitation à 28 tonnes des camions empruntant le réseau routier helvétique.

La libre circulation et le libre établissement des travailleurs et des indépendants seront assurés après une période transitoire de cinq ans. Le traitement discriminatoire vis-à-vis des citoyens de I'EEE sera progressivement démantelé et le système de contingentement devra être aboli en ce qui concerne les ressortissants des pays de l'EEE à partir de 1998. La reconnaissance mutuelle des diplômes entre Suisses et Européens deviendra effective à partir de 1995; les frontaliers auront un accès direct au marché du travail suisse à partir de cette même date et les saisonniers pourront faire venir leur famille en Suisse à partir de 1997.

Le traité de l'EEE contient des règles de concurrence qui s'appliqueront aux acteurs économiques. Le respect de ces règles sera assuré par les organes de surveillance de la CE et de l'AELE. Le pouvoir d'examen de ceux-ci et leur coopération est réglementée par le traité. Les fusions et acquisitions d'entreprises qui risquent d'entraver la concurrence sur un marché seront soumises à des autorisations préalables; de même, les aides d'Etat aux entreprises seront contrôlées. Dans le domaine des marchés publics, la plupart des commandes devront faire l'objet d'appel d'offres au niveau européen. Les collectivités publiques pourront être sommées de prouver qu'elles ont choisi l'entreprise européenne qui offrait le meilleur rapport qualité-prix. Des moyens de recours juridiques seront mis en place afin d'assurer que les autorités publiques respectent les dispositions instaurant la libéralisation des marchés publics. Le traité de l'EEE prévoit également l'harmonisation des dispositions fondamentales en matière de droit de la propriété intellectuelle. Ces mesures d'harmonisation touchent les secteurs des marques, des produits semi-conducteurs et des programmes d'ordinateur.

Les politiques horizontales et d'accompagnement doivent permettre la reprise de l'acquis communautaire. Dans le domaine de la politique sociale, plusieurs directives relatives à la santé et la sécurité au travail, à l'égalité de traitement hommes/femmes, ainsi qu'au droit du travail seront introduites dans la législation fédérale. La CE n'ayant que peu de compétences dans le domaine social, les modifications pour la Suisse seront relativement peu importantes. Plusieurs dispositions touchant à la protection de l'environnement seront également intégrées dans les différents droits nationaux. En ce qui concerne le droit des sociétés, il s'agira de créer un cadre juridique homogène. Les adaptations relatives à la présentation des comptes (bilan, compte des pertes et profits) et à la qualification des vérificateurs des comptes devraient permettre une plus grande transparence des entreprises suisses. Celles-ci disposeront d'une période d'adaptation de trois ans. Outre la baisse des prix que devrait entraîner l'ouverture du grand marché européen, la protection des consommateurs sera consolidée par certaines mesures du traité de l'EEE, le droit communautaire étant plus exigeant que le droit suisse dans ce domaine.

La coopération entre les pays membres de I'EEE sera intensifiée par leur participation à des programmes communs. Ces derniers touchent principalement le secteur de la recherche et du développement et sont destinés à améliorer la compétitivité de l'industrie européenne. La pleine participation de la Suisse à ces programmes ne débutera qu'à partir de 1995. La Confédération contribuera au fonds de cohésion de l'EEE au bénéfice des pays les moins riches de l'Europe; celui-ci est destiné à financer des projets ciblés dans le domaine des infrastructures, de l'environnement et de l'éducation notamment. Jusqu'en 1995, sa contribution globale devrait être de l'ordre de CHF 300 millions.

Les principaux organes institutionnels de I'EEE seront les suivants:

— Le Conseil de l'EEE: composé d'un membre du gouvernement de chaque pays de l'AELE, des membres du Conseil de la CE et des représentants de la commission européenne, il sera chargé de donner les impulsions politiques et de définir les orientations générales pour le fonctionnement de l'EEE. Il prendra ses décisions d'un commun accord, les sept pays de l'AELE s'exprimant d'une seule voix comme les douze de la CE. Il se réunira deux fois par an.

— Le Comité mixte: composé de représentants de chaque pays signataire, il veillera à la mise en oeuvre et au bon fonctionnement de l'EEE. II se réunira une fois par mois.

— L'organe de surveillance de l'AELE: il aura pour mission de faire respecter les règles de l'EEE relatives à la concurrence et aux aides d'Etat dans les pays de l'AELE.

— La Cour de justice de l'EEE: composée de cinq magistrats de la CE et de trois des sept pays de l'AELE, elle règle les différends entre les parties à la demande de ceux-ci ou du comité mixte.

— L'Organe parlementaire mixte: composé d'un nombre égal de députés du parlement européen et de membres des parlements des pays de l'AELE, il devra contribuer par le dialogue à une meilleure compréhension entre la CE et les Etats de l'AELE.

— L'Organe consultatif: formé d'un nombre égal de représentants des milieux économiques et sociaux, il devra contribuer à renforcer leurs contacts et leur coopération.

Sur le plan institutionnel, les objectifs initiaux de la Suisse n'ont pas été entièrement satisfaits. La CE préserve pleinement son autonomie de décision, les membres de l'AELE n'auront donc pas de droit de codécision pour le développement futur de l'EEE; ils seront toutefois consultés et informés de l'évolution du droit de l'EEE en participant aux commissions d'experts dans les domaines importants. Chaque pays de l'AELE dispose bien d'un droit de veto pour la reprise de toute nouvelle règle communautaire adoptée par la CE. Mais au cas où les pays de l'AELE refuseraient une nouvelle loi communautaire et que cela leur procurerait un avantage concurrentiel, la CE aura la possibilité de suspendre le domaine concerné du traité de l'EEE; les entreprises de l'AELE spécialisées dans ce domaine seraient ainsi exclues du grand marché européen. Etant donné les limites d'application du droit de veto des pays de l'AELE dans le processus décisionnel de l’EEE, de nombreux observateurs ont souligné le caractère déséquilibré du traité, voire même la satellisation programmée des pays de l'AELE. Ce déséquilibre institutionnel en faveur de la CE représente une des principales raisons qui a incité la Suède et l'Autriche à poser une demande d'adhésion.

Afin d'adapter le droit suisse à l'acquis communautaire contenu dans le traité sur l'EEE, le département de justice et police a élaboré un programme intitulé Eurolex, destiné à évaluer les effets du droit de l'EEE sur le droit fédéral. Ceux-ci seront présentés dans le message relatif au traité de l’EEE que le Conseil fédéral adressera aux Chambres. D'autre part, un groupe de travail parlementaire, présidé par le conseiller aux Etats U. Zimmerli (udc, BE) a été mis sur pied au printemps afin de clarifier les modalités de l'adaptation du droit suisse; le groupe de travail a déposé son rapport au mois de juin.

Selon la procédure de ratification prévue, la Cour européenne de justice, puis le parlement européen devront, dans un premier temps, donner leur avis sur le traité; il sera ensuite signé par le Conseil fédéral et devra être ratifié par les Chambres fédérales et le peuple. Pour l'ensemble des lois entrant en vigueur dès le ler janvier 1993, deux à trois sessions spéciales des Chambres sont prévues et le peuple votera normalement à la fin de l'année 1992.

A la surprise générale, la Cour de justice européenne, consultée par la Commission européenne, a déclaré les dispositions juridictionnelles du traité de l'EEE incompatibles avec le Traité de Rome, texte fondateur de la Communauté. Dans leur "avis", les magistrats européens s'en sont pris en particulier à la Cour de justice de l'EEE dans laquelle doivent siéger cinq juges de la Cour de justice européenne et trois magistrats des pays de l'AELE. Selon le traité de l'EEE, la Cour de justice européenne serait subordonnée à la Cour de l'EEE, alors que le Traité de Rome établit clairement que seule la Cour de justice européenne est habilité à interpréter le droit communautaire. A la déception des négociateurs des pays de l'AELE, certaines dispositions juridictionnelles du traité de l'EEE devront donc être renégociées. Pour les représentants suisses, la Cour de justice de l'EEE représentait un des principaux aspects positifs du volet institutionnel, dans la mesure où il permettait la présence de juges non-membres de la CE.

1992 aura été l'année de l'Europe pour la Suisse. Durant douze mois, la question de l'adhésion à l'EEE ou à la CE a monopolisé l'attention de la classe politique et des médias. Après la signature du traité EEE puis le dépôt d'une demande de candidature pour adhérer à la CE, la campagne référendaire qui s'est étalée sur plusieurs mois a soulevé les passions; le taux de participation, proche des 80%, en témoigne.

Suite à l'avis de la Cour de Justice de la CE (CJCE) du mois de décembre 1991 au sujet du traité EEE, qui concluait à l'incompatibilité de la création d'une Cour de justice de l'EEE avec le texte du traité de Rome, les délégations des pays de I'AELE et de la CE ont dû renégocier certaines dispositions du volet juridictionnel. Les enjeux principaux de cette révision résidaient dans la préservation maximale de l'homogénéité du droit de l'EEE – l'uniformité de son interprétation et de son application – et dans le règlement des différends. Ayant rapidement admis qu'il n'était plus envisageable d'établir une juridiction commune chargée d'interpréter les dispositions du traité, les négociateurs de l'AELE, tout particulièrement suisses, ont surtout insisté sur l'instauration d'un mécanisme d'arbitrage paritaire permettant de relativiser la «soumission aux juges étrangers» de la CJCE.

Après deux mois d'âpres négociations, la CE et les pays de l'AELE ont finalement abouti à une solution de compromis sous la forme d'un mécanisme juridictionnel complexe en remplacement de la Cour de I'EEE. Il a ainsi été prévu que les tribunaux nationaux de I'AELE interpréteraient eux-mêmes le droit de l'EEE, mais conformément à la jurisprudence de la CJCE établie jusqu'à la date de la signature de l'accord; cependant, ils n'ont pas l'obligation formelle de suivre la jurisprudence ultérieure. En cas de différend relatif à l'application du droit de I'EEE dans les pays de l'AELE (application des tribunaux nationaux sans l'aide de la CJCE ou dans le cas où ceux-ci ne suivraient pas la nouvelle jurisprudence de la CJCE), la recherche d'un règlement entre la CE et les pays de I'AELE devrait se faire au sein du Comité mixte de I'EEE, chargé de la mise en œuvre du traité. Si les partenaires n'arrivaient pas à se mettre d'accord au sein du Comité – qui devra se tenir au courant de l'évolution de la jurisprudence de la CJCE –, deux solutions seraient envisageables. Premièrement, ils pourraient demander d'un commun accord à la CJCE de se prononcer sur l'interprétation correcte; deuxièmement, la CJCE n'est pas sollicitée et, dans cette hypothèse, les pays de l'AELE auraient la possibilité d'adopter des clauses de sauvegarde tandis que la CE serait autorisée à prendre des mesures de rééquilibrage (adoptées en réponse à une mesure de sauvegarde des pays de l'AELE) ou des mesures de suspension à l'égard de tous les pays de l'AELE pour la partie concernée du traité.

Un différend au sujet des clauses de sauvegarde ou des mesures de rééquilibrage, notamment leur proportionnalité, sera soumis à un tribunal d'arbitrage ad hoc, composé de façon paritaire et dont la décision sera contraignante. En revanche, les mesures de suspension ne pourront pas être soumises au mécanisme d'arbitrage. En cas de différends concernant le développement futur du droit de I'EEE, le règlement aura lieu à un niveau strictement politique, au sein du Comité mixte de l'EEE: si un pays de l'AELE s'opposait à la reprise d'une règle communautaire, la CE serait en mesure de suspendre l'application de la partie concernée du traité.

D'autre part, une Cour de justice de I'AELE a été instituée; elle aura notamment pour tâche de régler les conflits internes à l'AELE et d'accorder aux entreprises de l'AELE, en matière de concurrence, des garanties juridictionnelles semblables à celles qui existent dans la CE. Cependant, seuls les différends concernant des affaires réalisées pour 33% au moins sur le territoire des pays de I'AELE et dépourvus d'effets sur la CE seront soumis à la Cour de l'AELE. Pour le reste, les entreprises des pays de l'AELE devront s'adresser à la CJCE.

Quelques jours après la conclusion de ce compromis, la Commission européenne, suite à une résolution du Parlement européen qui avait exprimé certaines critiques à l'égard du traité, a encore une fois demandé à la CJCE de se prononcer sur la conformité des nouveaux articles de l'accord EEE avec le traité de Rome. Au début du mois d'avril, à la satisfaction du Conseil fédéral et des négociateurs suisses qui avaient déjà laissé entendre leur appréciation positive du traité révisé, les magistrats de la CJCE ont rendu un verdict favorable sur la conformité de ces deux textes. Elle a cependant émis quelques réserves, notamment en soulignant que le Comité mixte ne pouvait en rien contredire la jurisprudence communautaire. Même si dans l'ensemble, l'aboutissement de la révision du traité EEE a plutôt été bien accueillie par les partis politiques et les divers acteurs socio-économiques, une majorité des commentaires a souligné que la renégociation des dispositions juridiques avait accentué le déséquilibre du volet institutionnel en faveur de la CE. Certains, le PS notamment, ont déclaré que la nouvelle version de l'accord n'avait fait que renforcer son caractère transitoire. Pour leur part, le PRD et le PDC se sont montrés satisfaits de la conclusion du traité, alors que l'UDC a annoncé qu'elle s'y opposerait très vraisemblablement. A la mi-avril, les négociateurs en chef des délégations de la CE et des pays de l'AELE paraphaient le traité EEE; deux semaines plus tard, les gouvernements des 19 pays européens le signaient.

Demande d'ouverture de négociations en vue d'une adhésion à la CE (1992)

Dossier: Verhandlungen über den Europäischen Wirtschaftsraum (EWR; 1988-1992)

Durant les mois de février, mars et avril, une large discussion s'est ouverte, aussi bien dans la presse, dans les partis qu'au, sein même du Conseil fédéral, sur la stratégie européenne que devait suivre le gouvernement: devait-il déposer une demande d'ouverture de négociations en vue d'une adhésion à la CE avant ou après le vote du peuple suisse sur le traité EEE? Les opinions étaient très divergentes à ce sujet. Afin d'obtenir de plus amples informations sur la politique d'élargissement de la CE et d'informer leurs partenaires sur le processus de ratification en Suisse, le Conseil fédéral a multiplié les contacts avec les Etats membres de la CE et la Commission européenne. Les conseillers fédéraux en charge du dossier se sont ainsi rendus à Bruxelles, où ils ont rencontré J. Delors, président de la Commission européenne, à Londres, à La Haye et au Portugal, dont le gouvernement assumait la présidence du Conseil des ministres.

Les partisans d'une demande rapide, parmi lesquels les chefs du DFAE et du DFEP, ainsi que les principaux hauts fonctionnaires qui avaient participé à la négociation du traité, ont avancé comme principal argument la possibilité de participer en même temps que les trois pays neutres de l'AELE aux futures négociations sur l'élargissement de la CE. La capacité d'influencer la construction européenne a également été mentionnée par les partisans. De plus, en cas de refus populaire du traité EEE, il ne serait plus possible de déposer une candidature d'adhésion, ce qui fermerait les portes à tout rapprochement ultérieur avec la Communauté. Les opposants à une telle demande avançaient essentiellement qu'un dépôt rapide ruinerait les chances d'un vote favorable sur l'EEE.

Lors de la session parlementaire du mois de mars, le Conseil des Etats a adopté par 22 voix contre 15 un postulat Weber (AdI, ZH) qui invitait le Conseil fédéral à examiner le dépôt immédiat d'une demande d'adhésion de la Suisse à la CE et à en informer le parlement avant le début de la session d'été. La majorité des sénateurs a estimé qu'une telle demande clarifierait le débat sur l'Europe et permettrait une plus grande transparence pour les citoyens dans l'orientation de la politique européenne du Conseil fédéral. Par la suite, le groupe de travail parlementaire «Communauté européenne», composé de 45 députés, a fait savoir qu'il était favorable au dépôt immédiat d'une demande d'ouverture de négociation avec la CE. Les partis socialistes des cantons romands ont exprimé la même requête dans une résolution envoyée au Conseil fédéral.

Après plusieurs mois d'hésitations et de tergiversations, le Conseil fédéral a décidé, au lendemain du vote positif sur l'adhésion aux institutions de Bretton Woods, à une majorité de 4 – R. Felber, J.P. Delamuraz, A. Ogi et F. Cotti – contre 3 de déposer une demande d'ouverture de négociations en vue d'une adhésion à la CE.

Les conseillers fédéraux ont justifié leur décision en soulignant plusieurs raisons. Tout d'abord, il était important pour la Suisse de prendre position avant le sommet de la CE à Lisbonne au mois de juin qui devait traiter de la question de l'élargissement de la CE. D'autre part, cela permettrait de participer avec les trois autres pays de I'AELE aux futures négociations sur l'adhésion à la Communauté. Enfin, en adhérant à la CE en 1996, il serait possible d'influencer la redéfinition des structures communautaires qui devrait intervenir à cette période. A la fin du mois de mai, la lettre de candidature de la Suisse a été officiellement transmise au Conseil des ministres de la Communauté.

La décision du Conseil fédéral a suscité des réactions très partagées. Les dirigeants des partis radical et démocrate-chrétien se sont montrés très critiques et ont qualifié la décision du Conseil fédéral d'erreur tactique car elle risquerait de créer une certaine confusion parmi la population entre la participation à l'EEE et l'adhésion à la CE. Certains ont également reproché la précipitation dont a fait preuve le gouvernement. A l'inverse le PS, l'USS et le Vorort ont salué la décision du Conseil fédéral en soulignant qu'elle clarifiait l'orientation de la politique européenne. Estimant que cette décision levait le voile sur les intentions du Conseil fédéral, certains adversaires à toute forme d'intégration ont également exprimé leur satisfaction.

Lle Conseil fédéral a rendu public son rapport sur la question de l'adhésion de la Suisse à la CE

Simultanément à l'annonce du dépôt d'une demande d'ouverture de négociation en vue d'une adhésion à la CE, le Conseil fédéral a rendu public son rapport sur la question de l'adhésion de la Suisse à la CE. Faisant suite à la déclaration du Conseil fédéral, en octobre 1991, qui, pour la première fois, fixait comme objectif de la politique européenne suisse l'adhésion à la CE, le rapport présente les motifs qui ont conduits le gouvernement à prendre cette décision. A la différence des deux premiers documents sur la position de la Suisse dans le processus d'intégration européenne de 1988 et de 1990 (c.f. aussi le rapport de 1989), ce texte est consacré exclusivement à la question de l'adhésion de la Suisse à la CE. Il constitue en quelque sorte l'aboutissement de l'évolution de la position du Conseil fédéral dans ce domaine. Après une première partie exposant les raisons d'adhérer, ainsi qu'à la place et au rôle de la Suisse au sein de la CE, la seconde présente les conséquences d'une adhésion à la CE sur les plans économique, institutionnel, de la fiscalité, de la politique agricole et de la politique étrangère. Les principaux motifs invoqués par le Conseil fédéral sont les suivants: 1) l'accélération du processus d'intégration 2) le renforcement du rôle de la CE dans l'Europe et dans le monde 3) la perspective d'élargissement de la CE à de nouveaux Etats 4) les enseignements de la négociation du traité EEE 5) la liberté de choix.

A l'occasion du débat parlementaire, les députés ont préféré, à trois mois de la votation sur I'EEE, ne pas prendre position sur le rapport et ont décidé de le renvoyer au Conseil fédéral en exigeant plusieurs compléments d'information. En raison de l'imminence du vote, la discussion n'a pas donné lieu à un débat de fond sur l'adhésion à la CE. Une minorité de la commission de la politique étrangère, composée entre autres de députés favorables à l'EEE mais opposés à une adhésion à la CE, a proposé de renvoyer le rapport au gouvernement en le désapprouvant. D'autres l'ont critiqué et ont reproché au Conseil fédéral d'avoir déposé une demande d'adhésion avant le vote sur I'EEE. Les opposants à toute forme d'intégration ont eu des propos très virulents à l'encontre du Conseil fédéral et de sa politique européenne. Ce sont finalement les groupes libéral et indépendant qui se sont montrés les plus positifs à l'égard du texte du Conseil fédéral.

Initiative populaire «Négociations d'adhésion à l'UE: que le peuple décide!» (MCF 95.061)

Dossier: Reaktionen auf das EWR-Nein (1992–2001)

Quelques jours après la décision du Conseil fédéral de solliciter l'adhésion de la Suisse à la CE, le parti des démocrates suisse et la Lega dei Ticinesi ont annoncé le lancement le 1er août d'une initiative populaire «Négociations d'adhésion à la CE: que le peuple décide!» qui propose d'introduire dans la constitution un article transitoire stipulant que l'ouverture de négociations en vue de l'adhésion à la CE est soumise à l'approbation du peuple et des cantons. Lors du lancement de l'initiative, les dirigeants des deux partis ont clairement indiqué qu'ils espéraient mettre un frein à la politique d'intégration européenne du Conseil fédéral. Outre des membres de ces deux partis, le comité de soutien à l'initiative comprend plusieurs personnalités politiques de l'UDC et du PRD. Les deux formations politiques avaient annoncé qu'elles espéraient récolter les 100'000 signatures nécessaires avant la votation du 6 décembre. Cependant, à la fin du mois de novembre, les initiants n'en avaient recueillis qu'environ 65'000.

Lancée en juillet 1992 par les démocrates suisses et par la Lega, l'initiative populaire "Négociations d'adhésion à la CE: que le peuple décide!" a abouti avec 101'337 signatures valables. Cette initiative, qui demande que l'ouverture de négociations en vue de l'adhésion à l'UE soit soumise à l'approbation du peuple et des cantons, constitue par ailleurs un contrepoids à l'initiative du comité "Né le 7 décembre" intitulée "Pour notre avenir au coeur de l'Europe". La récolte des signatures de l'initiative des démocrates suisses et de la Lega n'a pratiquement eu lieu qu'en Suisse alémanique.

Le Conseil fédéral a pris position sur les initiatives populaires "Négociations d'adhésion à la CE: que le peuple décide!" (95.061) et "Pour notre avenir au coeur de l'Europe" (95.062): dans deux messages leur étant consacrés, le gouvernement a proposé aux Chambres de soumettre ces textes sans contre-projet au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de les rejeter. La première de ces initiatives, déposée en janvier 1994 par les Démocrates suisses et la Lega, propose que le peuple et les cantons prennent eux-mêmes la décision de l'ouverture de négociations d'adhésion à l'ancienne CE, dénommée désormais Union européenne. Constatant que le système institutionnel suisse charge expressément l'exécutif des relations extérieures et, qu'à ce titre, il lui incombe de décider de l'ouverture de négociations internationales, le Conseil fédéral a tenu à souligner que l'initiative change foncièrement la répartition constitutionnelle des compétences entre l'exécutif, le parlement et le souverain. Cette répartition ayant fait ses preuves, le gouvernement a dès lors estimé qu'il n'y avait pas lieu de la modifier. Il a également jugé inopportun de présenter un contre-projet au texte des Démocrates suisses et de la Lega, estimant que cette démarche ne conduirait somme toute qu'à répéter sa position en matière d'ouverture d'éventuelles négociations d'adhésion - telle qu'exposée dans le rapport de novembre 1993 sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90.

En ce qui concerne la seconde initiative, déposée en septembre 1993 par le Comité "Né le 7 décembre", le Conseil fédéral a également mis en exergue le fait que son adoption par le peuple et les cantons conduirait à un changement profond dans la répartition constitutionnelle des compétences entre l'exécutif, le législatif et le souverain. Le texte des initiants propose en effet de déléguer au gouvernement la faculté de négocier, conclure et ratifier l'accession de la Suisse à l'EEE. Son acceptation aurait dès lors pour conséquence que le parlement, le peuple et les cantons ne seraient plus appelés à se prononcer sur un accord dont le contenu a été substantiellement modifié et enrichi depuis décembre 1992. Dans de telles circonstances, le gouvernement a estimé qu'il serait politiquement déraisonnable et juridiquement contestable de s'écarter de la procédure ordinaire d'adoption des traités internationaux. Le Conseil fédéral a en outre renoncé à établir un contre-projet, du fait que son calendrier d'intégration pour la législature 1995/99 répond à l'attente du Comité "Né le 7 décembre". Ce dernier a toutefois déclaré qu'il ne retirerait en aucun cas son initiative.

Alors qu'en 1995 le Conseil fédéral avait simultanément pris position sur les initiatives populaires "Négociations d'adhésion à la CE: que le peuple décide!" des Démocrates suisses/Lega et "Pour notre avenir au coeur de l'Europe" du Comité "Né le 7 décembre", le parlement s'est quant à lui limité à l'examen de la première des deux initiatives, laissant en suspens la seconde compte tenu de son éventuel retrait au cas où l'initiative des jeunes "Oui à l'Europe" viendrait à aboutir.

C'est au terme d'une discussion nettement plus circonscrite - durant laquelle fut à nouveau soulignée la nécessité de ne pas modifier la répartition des compétences en matière de politique étrangère telle que définie par la Constitution - que les députés du Conseil des Etats ont eux aussi rejeté sans contre-projet l'initiative des Démocrates suisses/Lega.

La majorité des députés siégeant au Conseil national s'étant entendue sur la nécessité de se limiter au strict traitement de l'initiative des Démocrates suisses et de la Lega - à savoir à la question de l'opportunité de modifier ou non la répartition des compétences prévues par la Constitution en matière de politique étrangère - la discussion relative à cet objet n'a pu être à l'origine d'un nouveau débat de fond sur la question de l'intégration de la Suisse au sein de l'Europe. C'est dès lors principalement sur les terrains formel et institutionnel que les différents groupes parlementaires sont intervenus pour finalement tous rejeter, à l'exception des initiants et du groupe du parti de la liberté, l'initiative déposée en janvier 1994 par les Démocrates suisses et la Lega. Les arguments invoqués pour justifier ce rejet massif ont principalement porté sur le fait que le report de compétences du Conseil fédéral au souverain prévu dans l'initiative conduirait ni plus ni moins à l'atrophie et à l'immobilisme total de la politique étrangère helvétique. Par ailleurs, nombre de députés ont mis l'accent sur la nécessité de ne voir intervenir le peuple et les cantons en matière de politique extérieure qu'une fois connus le contenu et les résultats des négociations, ce qui au demeurant n'entraîne aucun déficit démocratique puisque, en fin de compte, la décision finale incombe au souverain. De leur côté, les défenseurs de l'initiative ont principalement soutenu que face à l'ouverture de négociations engageant pareillement l'avenir du pays, il n'était pas concevable de laisser au seul gouvernement le pouvoir de décider et qu'en conséquence, il fallait que cette prérogative soit transférée au peuple et aux cantons.

Si la Chambre du peuple a ainsi recommandé au peuple et aux cantons de rejeter cette initiative à une très forte majorité, elle a également refusé de présenter un contre-projet au texte des Démocrates suisses/Lega, conformément au souhait exprimé par la Commission de politique extérieure.

Rejetée en 1996 par le parlement pour les mêmes motifs d'ordre constitutionnel que ceux invoqués contre l'initiative des jeunes, l'initiative des Démocrates suisses/Lega "Négociations d'adhésion à l'UE: que le peuple décide!" a en revanche été soumise au verdict populaire au début du mois de juin. Compte tenu de l'hostilité unanime des partis gouvernementaux et de l'Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) à l'encontre de ce texte, la campagne qui précéda le scrutin fut étonnamment calme en comparaison des débats enflammés que suscite généralement la question européenne. Craignant de pécher par excès d'optimisme à un moment où l'ensemble des observateurs s'accordaient à reconnaître l'échec programmé de l'initiative, huit associations proeuropéennes - regroupées au sein d'une "Plate-forme suisse Oui à l'Europe" - décidèrent néanmoins de relancer le débat sur l'intégration en publiant à cette fin un manifeste appelant la population à rejeter massivement l'initiative des Démocrates suisses/Lega, d'une part, et prônant un rapprochement rapide de la Confédération vers l'UE, d'autre part. Face à cette offensive qui reçut l'appui de nombreux parlementaires, les auteurs de l'initiative créèrent à leur tour un comité de soutien à leurs revendications auquel ne vinrent toutefois s'associer que des représentants de l'Union démocratique fédérale (UDF) et du parti catholique populaire (KVP). Contrairement aux craintes partagées par certains politiciens quant à un brusque réflexe de fermeture de la part de l'opinion publique, ce déséquilibre des forces en présence fut largement confirmé le soir de la votation, puisque l'initiative des Démocrates suisses/Lega a été très nettement rejetée par le peuple - 1'189'440 voix contre 416'720 -, ainsi que par tous les cantons.


Initiative populaire "Négociations d'adhésion à l'UE: que le peuple décide!"
Votation du 8 juin 1997

Participation: 35,4%
Non: 1 189 440 (74,1%)
Oui: 416 720 (25,9%)

Mots d'ordre:
- Oui: PdL, DS, Lega dei Ticinesi, UDF, Parti catholique populaire.
- Non: PS, PRD, PDC, UDC, PES, PLS, PEP, AdI; Vorort, Centre patronal, USS.

L'analyse Vox sur les résultats du scrutin a permis de mettre en évidence une prépondérance de votes négatifs dans tous les groupes de population observés: Ainsi, ni le sexe, ni l'âge, ni le statut professionnel ou encore la religion ne semblent avoir joué un rôle significatif dans l'attitude du vote. Un rejet équivalent de l'initiative a par ailleurs été observable au sein des grandes villes et à la campagne, de même qu'en Suisse alémanique et en Suisse romande. Il s'est toutefois avéré que l'opposition aux revendications des Démocrates suisses/Lega a été nettement moins virulente parmi les personnes se sentant proches de l'UDC qu'au sein des sympathisants des autres partis gouvernementaux. L'analyse du comportement du vote par rapport à l'axe idéologique gauche-droite a d'ailleurs révélé que le rejet de l'initiative a eu tendance à s'accroître à mesure que l'on se rapprochait de la gauche de l'échiquier politique. L'examen des raisons avancées par les votants pour justifier leur décision a finalement montré que la question de l'adhésion de la Suisse à l'UE n'a joué qu'un rôle secondaire dans le résultat du scrutin, du fait que les opinions se sont avant tout formées sur la base des motifs d'ordre constitutionnel invoqués par les autorités. Ainsi, l'analyse Vox est parvenue à la conclusion que le rejet à plus de 70% de l'initiative ne pouvait en aucun cas être interprété comme un témoignage d'ouverture en faveur de l'entrée de la Confédération au sein de l'Union européenne.