Zuletzt aktualisiert: 30.08.2019, 10:23 Uhr

Dossier: Kernenergie in der Schweiz nach Tschernobyl bis 2000 Als PDF speichern

Initiative «Halte à la construction de centrales nucléaires» (Moratoire)

Dossier: Volksinitiativen und Referenden zu Atomkraftwerken
Dossier: Planung und Widerstand: Geschichte des Atomkraftwerks Kaiseraugst

Une concrétisation de Tchernobyl réside dans l'aboutissement des deux initiatives antiatomiques. La première, initiée par les organisations antinucléaires du nord-ouest de la Suisse et intitulée «Halte à la construction de centrales nucléaires», a été déposée en avril. Elle est soutenue par plus de 200 organisations et un certain nombre de partis parmi lesquels le Parti écologiste, l'Alliance des indépendants, des sections cantonales du Parti socialiste. Son unique revendication consiste en l'interdiction de la construction ou de l'exploitation de toute nouvelle centrale pendant dix ans. Un tel moratoire susciterait un délai de réflexion dans la politique énergétique suisse et, indirectement, empêcherait la réalisation de la centrale de Kaiseraugst

L’assertion qu’un vaste programme nucléaire n’est politiquement plus envisageable paraît être démontrée par l'histoire du nucléaire en Suisse. Si, en 1963/64, le Conseil fédéral s'exprima en faveur de l'atome, si Beznau I fut mise en service en 1969, si cette même année vit l'octroi de l'autorisation de site à Motor Columbus pour la centrale de Kaiseraugst, une première faille dans l'unité de la doctrine apparut en 1975 lors de l'occupation, pendant près de deux mois, du site argovien susmentionné. Par la suite, deux initiatives anti-nucléaires furent rejetées par le peuple en 1979 et 1984 (En 1979, celle «pour la sauvegarde des droits populaires et de la sécurité lors de la construction et de l'exploitation d'installations atomiques» (mais par une faible majorité) et, en 1984, celle «pour un avenir sans nouvelles centrales atomiques»). L'accident nucléaire de Tchernobyl, en 1986, contribua à nuancer le crédit dont jouit cette forme d'énergie et conduisit au dépôt, en 1987, de deux nouvelles initiatives (moratoire et abandon). Le rapport du GESE qui, en 1988, envisagea les conditions préalables au possible abandon du nucléaire, contribua aussi à déstabiliser la position de l'atome en Helvétie. Ce sentiment fut encore renforcé par l'abandon, définitif en 1989, de la construction de la centrale nucléaire de Kaiseraugst.

Initiative «Halte à la construction de centrales nucléaires» (Moratoire). Votation du 23 septembre 1990

Participation: 40,4%
- Oui: 946 077 (54,6%) / 19 1/2 cantons.
- Non: 789 209 (45,4%) / 3 1/2 cantons.

Mots d'ordre:
- Oui: PS, PES, AdI (1*), PEP (1*), Alliance verte, PdT, DS; USS, CSCS, Ligue suisse pour la protection de la nature, WWF, Fédération suisse pour l'énergie
- Non: PRD (1*), PDC (4*), UDC (1*), PLS, PA; USP, Vorort, USAM, UCAP, Union des centrales suisses d'électricité, Redressement national, Forum suisse de l'énergie, Association suisse pour l'énergie atomique.
*Recommandations différentes des partis cantonaux.

Cette tendance s'est confirmée en 1990 puisque le souverain, s'il a rejeté de justesse (par 53% des voix) un abandon total de l'énergie nucléaire, a accepté d'instaurer (par 55% des suffrages) un moratoire de dix ans en la matière, période durant laquelle aucune autorisation générale de construire, de mettre en service ou d'exploiter une centrale ne doit être accordée.

Tous les cantons qui votèrent l'abandon en 1984 l'ont à nouveau approuvé en 1990, rejoint par ceux d'Uri et de Vaud (On pourrait y voir une influence des sondages de la Cedra à I'Oberbauenstock (UR) et à Ollon (VD)). L'âge semble jouer un rôle non négligeable puisque, selon les analyses Vox, 64% des votants entre 20 et 29 ans et 57% de ceux entre 30 et 39 ans se sont prononcés en faveur de l'abandon. Ces résultats, ainsi que celui relatif à l'article constitutionnel énergétique, matérialiseraient une tendance allant dans le sens d'un changement des valeurs sociétales, qui s'orienteraient de plus en plus vers des notions post-matérialistes.

En entérinant le moratoire, le peuple et les cantons n'ont pas totalement suivi leurs autorités puisque le gouvernement et le parlement recommandèrent, sans contre-projet, le rejet des deux initiatives. Pour l'exécutif, les deux projets représentent un saut dans l'inconnu et induisent, de ce fait, de grands risques économiques. Pour Adolf Ogi, un abandon du nucléaire est irréalisable, la Suisse ne disposant d'aucune possibilité de substitution. Les arguments des partisans du nucléaire, que ce soit aux Chambres ou dans le public, tournèrent principalement autour de quatre thèmes. Premièrement, la protection de l'environnement: ne dégageant pas de CO2, le nucléaire est une énergie "propre". Deuxièmement, la dépendance face à l'étranger: l'abandon d'une production annuelle indigène de 40% d'électricité se répercuterait sur les importations et la sécurité de l'approvisionnement. Troisièmement, l'économie: l'industrie helvétique se compose et produit de hautes technologies, nécessitant un apport énergétique conséquent. La suppression du nucléaire aurait, à ce niveau, des répercussions négatives. Quatrièmement, l'électricité: difficilement remplaçable dans certains secteurs, les besoins en cette dernière vont, de surcroît, aller en s'accroissant. Les partis bourgeois gouvernementaux et libéral ainsi que les milieux patronaux soutinrent ces positions contre la gauche, l'extrême-gauche, les écologistes, les indépendants, les syndicalistes et les démocrates suisses. Pour ceux-ci, le maintien du nucléaire conduit à une erreur de développement économique et écologique, d'autant plus que les scénarios du GESE ont prouvé la possibilité de son abandon. Ce dernier activerait l'innovation pouvant répondre à une limitation des ressources énergétiques. Une représentation de celles-ci comme étant illimitées est, selon les opposants à l'atome, illusoire. De surcroît, les risques liés à la sécurité des centrales les rendent économiquement non concurrentielles. A cela s'ajoutent le problème non résolu du stockage des déchets radioactifs et l'impossibilité d'utiliser le nucléaire afin de pallier l'effet de serre (En votation finale, initiative du moratoire rejetée, au CE, par 33 voix contre 7, et, au CN, par 85 voix contre 59; initiative de l'abandon refusée par 39 voix contre 5 par la chambre des cantons et par 89 voix contre 52 par celle du peuple).

Initiative «Pour un abandon progressif de l'énergie atomique»

Dossier: Volksinitiativen und Referenden zu Atomkraftwerken

En octobre a abouti l'initiative «Pour l'abandon de l'énergie nucléaire», lancée par le Parti socialiste suisse. Elle est soutenue par quelques 36 partis et groupes dont l'Alliance des indépendants, les organisations progressistes (POCH), le Parti écologiste, le WWF et l'USS. Elle est articulée autour de trois axes: une renonciation à toute nouvelle centrale, une fermeture aussi rapide que possible de celles en activité et un approvisionnement énergétique par le biais d'économies.

Initiative «Pour un abandon progressif de l'énergie atomique». Votation du 23 septembre 1990.

Participation: 40,4%
Oui: 816 289 (47,1%) / 7 cantons.
Non: 915 739 (52,9%) / 16 cantons.

Mots d'ordre:
-Non: PRD, PDC, UDC, PLS, PEP, PA; USP, Vorort, USAM, UCAP, Union des centrales suisses d'électricité, Redressement national, Forum suisse de l'énergie, Association suisse pour l'énergie atomique.
-Oui: PS, PES, AdI (1*), Alliance verte, PdT, DS, USS, CSCS, Ligue suisse pour la protection de la nature, WWF, Fédération suisse pour l'énergie.
* Recommandations différentes des partis cantonaux.

Loi sur la radioprotection (MCF 88.011)

Les prises de position concernant l'avant-projet de loi sur la radioprotection parcourent un large spectre puisqu'elles vont de l'accord sans réserve au refus de principe. Cependant, il y a acquiescement général sur la nécessité de dissocier le domaine de la protection contre les radiations de celui de l'énergie nucléaire en faisant de ces deux objets deux lois. Parallèlement, le gouvernement a édicté une ordonnance sur l'organisation d'intervention en cas d'augmentation de la radioactivité (OROIR), basée notamment sur l'ancienne loi fédérale de 1959 sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations. Née des problèmes connus par le système d'information helvétique lors de la catastrophe de Tchernobyl, elle tend à préciser les tâches et compétences dans le domaine de l'alarme, de l'appréciation de la situation, de la prise des décisions, mesures et règlements lors d'un accident nucléaire. De plus, elle contient les valeurs limites, le gouvernement ayant décidé de ne pas surcharger la loi-cadre.

La nouvelle loi sur la radioprotection a été présentée par le Conseil fédéral en automne. Elle réglemente désormais dans une seule norme ce domaine auparavant éparpillé entre la loi sur l'énergie atomique de 1959 et plusieurs ordonnances. Elle a pour objectif la protection de l'homme et de son environnement contre les dangers provoqués par les rayonnements ionisants. Si l'exposition aux radiations doit être justifiée, elle doit de surcroît être limitée. Des dispositions matérielles fixant le domaine des déchets radioactifs, des clauses en matière d'autorisation et de surveillance ainsi que des stipulations régissant la responsabilité civile et l'assurance sont contenues dans cette norme. Si certains, lors de la procédure de consultation, ont estimé que la réglementation d'application des radiations en médecine était trop peu contraignante, les médecins l'ont par contre jugée excessive et portant atteinte aux relations patient-médecin. De plus, la plupart des avis sollicités désirait que les valeurs-limites soient fixées par ordonnance, non pas directement par la loi.

Le Conseil des Etats a adopté à l'unanimité ce projet de loi, néanmoins modifié dans un sens plus contraignant. Ainsi, il a refusé d'établir une gradation dans l'exposition, a défini précisément les responsabilités au sein des entreprises concernées et surtout a introduit un nouvel alinéa posant le principe de l'élimination, en Suisse, des déchets radioactifs.

Après avoir refusé une motion d'ordre Bär (pe, BE) qui demandait que le projet de loi sur la radioprotection soit traité avant les votations énergétiques du 23 septembre, le Conseil national a adopté, à l'unanimité, ce texte. Incontestée dans son principe, cette nouvelle loi-cadre repose sur trois axiomes. Premièrement, toute exposition à des radiations doit être justifiée. Deuxièmement, toute exposition justifiée doit être aussi faible que possible. Troisièmement, les valeurs limites de dose doivent être fixées individuellement. La matière de cette nouvelle loi prête néanmoins à débat, comme le démontrent les seize divergences créées par la chambre du peuple par rapport à la version adoptée par le Conseil des Etats en 1988. Parmi ces dernières, signalons celle ayant trait à l'obligation de secourir faite à certaines catégories de personnes en cas de catastrophe nucléaire. La députée Fankhauser (ps, BL) souhaitait voir cet article supprimé car elle y percevait les prémices d'un service obligatoire pour les hommes et les femmes. Le conseiller national Thür (pe, AG) voulait rendre responsable de ce type d'intervention les propriétaires-exploitants des centrales nucléaires. La majorité du Conseil a finalement adopté une proposition subsidiaire Béguelin (ps, VD) qui stipule que les personnes engagées dans ces missions de sauvetage devront être particulièrement protégées. Parmi les autres divergences figure notamment celle concernant la responsabilité civile visant les applications médicales des rayonnements. Des seize divergences, le Conseil d'Etat en a maintenu deux lors de sa session d'hiver. La plus importante d'entre elles se réfère à la nécessité d'une vaste protection de la santé lorsqu'il y a concentration de nucléides radioactifs dans les denrées alimentaires. Dans ce contexte, les Chambres ont transmis un postulat de la commission du Conseil national qui sollicite l'établissement d'une statistique de la morbidité et du cancer dûs aux faibles doses radioactives.

La loi-cadre sur la radioprotection a été adoptée à l'unanimité par les deux Chambres; cette décision n'était qu'une formalité, toutes les divergences entre le Conseil national et le Conseil des Etats ayant été réglées en 1990. En résumé, la loi repose sur trois principes: premièrement, toute exposition à des radiations doit être justifiée; deuxièmement, toute exposition justifiée doit être aussi faible que possible; troisièmement, les valeurs limites de dose doivent être fixées individuellement.

Par ailleurs, le gouvernement a soumis à consultation un projet d'ordonnance de la loi cadre sur la radioprotection dont le but est d'améliorer la sécurité de l'ensemble des activités confrontées à des substances radioactives.

La loi-cadre et la nouvelle ordonnance sur la radioprotection sont entrées en vigueur le 1er octobre. Les dispositions de cette législation visent à renforcer la protection de la population et du personnel exposés à des radiations. A cet effet, les valeurs-limites tolérables ont notamment été abaissées.

Arrêté fédéral entraînant l'abandon de la construction de la centrale nucléaire de Kaiseraugst (AG) (MCF 88.065)

Dossier: Planung und Widerstand: Geschichte des Atomkraftwerks Kaiseraugst

Les deux Chambres ont définitivement accepté l'arrêté fédéral entraînant l'abandon de la construction de la centrale nucléaire de Kaiseraugst (AG) et dédommageant, à raison de CHF 350 millions, ses promoteurs. Néanmoins, les débats ont été controversés au Conseil national. En effet, cinq propositions de renvoi ou de non-entrée en matière furent déposées. La suspension des délibérations jusqu'au traitement, par les Chambres, de l'arrêté fédéral sur les économies d'énergie, le réengagement de pourparlers avec la société Kaiseraugst SA afin d'obtenir une solution financière plus favorable à la Confédération, une indemnité symbolique d'un franc et la demande d'un projet global d'abandon de Kaiseraugst, Graben et Verbois forment quelques-unes des raisons invoquées par les déposants. Ces textes ont tous été refusés, notamment en vertu du facteur temps – chaque retard dans le règlement de ce problème en accroissant les coûts – et de la volonté de solutionner ce dossier afin de débloquer la politique de l'énergie. L'éventualité d'un procès judiciaire et la nécessité d'une certaine solidarité entre les consommateurs desservis par les sociétés partenaires de Kaiseraugst et les autres citoyens suisses ont aussi participé à la détermination du Conseil fédéral dans la conclusion rapide de ce dossier. Parmi les partisans de l'accord figurent la plupart des partis bourgeois, à l'exception du PLS qui s'est abstenu en raison de l'arbitraire entachant la forme juridique choisie pour cette convention. Le parti socialiste, divisé entre le devenir des projets d'économies d'énergie et un prompt dénouement de cette problématique, se prononça finalement en sa faveur, tout comme une majorité d'indépendants: l'arrêté fut adopté à l'unanimité au Conseil des Etats, respectivement par 107 contre 30 voix au Conseil national.

De leur côté, les organisations anti-nucléaires firent savoir qu'elles ne feraient pas usage de la possibilité de référendum contre les compensations financières prévues. En réponse à l'interpellation du conseiller national Keller (pdc, AG; Ip. 88.590), demandant une indemnisation spécifique du canton d'Argovie, le gouvernement a précisé que seule la société promotrice Kaiseraugst SA serait dédommagée car c'est elle qui a assumé la responsabilité juridique du projet.

Accord de coopération entre la Suisse et la France concernant l'utilisation de l'énergie nucléaire

Le Conseil des Etats a ratifié, par 33 contre 3 voix, l'accord de coopération entre la Suisse et la France concernant l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Remplaçant un traité conclu en 1970, il réglera les opérations du cycle du combustible, la production d'isotopes, la recherche scientifique et technique ainsi que la sécurité et la protection nucléaires. Par contre, les livraisons d'uranium enrichi, de plutonium ainsi que celles d'installations d'enrichissement, de retraitement ou de fabrication d'eau lourde ne sont pas gérées par ce texte. De surcroît, la France étant dotée de l'arme nucléaire, le contrôle international des équipements sensibles et les conditions de non-prolifération pour certains biens ne sont pas compris dans l'accord. Les quelques oppositions sont venues notamment de la députée Bührer (ps, SH), en raison de ses objections à l'égard du nucléaire et de Creys-Malville.

Le Conseil national a, après la chambre des cantons en 1989, approuvé la ratification d'un traité de coopération avec la France quant à l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Celui-ci, norme-cadre, vise à régler les conditions de conclusion d'accords commerciaux par les entreprises publiques et privées. Se situant dans la ligne de ceux conclus avec l'Australie, la Chine et le Canada, il est principalement constitué par les garanties visant à l'utilisation non-belligérante de cette forme d'énergie. Il ne règle cependant pas matériellement certains problèmes tels le retraitement ou le conditionnement des déchets nucléaires, qui font l'objet de contrats ad hoc. C'est notamment en vertu de cette dernière interrogation, de l'ambiguïté de la démarcation entre emplois pacifique et militaire des rebus mais aussi parce qu'ils refusent d'encourager le commerce du nucléaire que les groupes socialiste, écologiste et indépendant-évangélique s'opposèrent, sans succès, à cet accord.

Centrale nucléaire de Graben (BE)

Dossier: Planung und Widerstand: Geschichte des Atomkraftwerks Kaiseraugst

Après l'abandon définitif, en 1989, de la construction de l'installation de Kaiseraugst, se pose la question de l'avenir des autres centrales potentielles et, en premier lieu, de celle de Graben (BE). Dans ce cas, la dissension la plus totale règne entre Graben SA, promoteur du projet, et le Conseil fédéral. Les désaccords entre ces deux entités, portant principalement sur l'indemnisation de la société exploitante, sont tels qu'une procédure est actuellement en cours auprès du Tribunal fédéral. Graben SA estime que l'attentisme gouvernemental quant à l'octroi de son autorisation générale – demandée en 1979 – équivaut à un refus (Graben SA est titulaire d'une autorisation de site depuis 1972. L'un de ses principaux actionnaires est les Forces motrices bernoises). C'est pourquoi elle exige un dédommagement de 300 millions de francs. Le Conseil fédéral réfute cette argumentation et se déclare prêt à poursuivre la procédure d'autorisation. De ce fait, il considère les prétentions financières de Graben SA comme injustifiées. A ce point du débat, plusieurs acteurs ont exprimé leur point de vue. Le canton de Soleure, par le biais d'une initiative (Iv.ct. 88.208), a demandé un abandon du projet alors que le conseiller national Rychen (udc, BE), soutenu par plusieurs autres députés bourgeois bernois et soleurois, a souhaité que la société exploitante soit indemnisée (Mo. 90.386). Par ailleurs, le Grand Conseil bernois, s'il ne s'est pas prononcé clairement en faveur d'une renonciation, a néanmoins stipulé, dans son décret sur la politique énergétique cantonale, que Graben ne devait en aucun cas constituer un palliatif à Kaiseraugst. La position des partisans de l'abandon et du dédommagement se fonde sur une analogie avec la situation de Kaiseraugst SA. Or, le contexte juridique n'est pas similaire puisque la société exploitante de Kaiseraugst était au bénéfice d'une autorisation générale.

Conformément à l'arrêté fédéral de 1989 entraînant l'abandon de la construction de la centrale nucléaire de Kaiseraugst (AG), la Confédération a dédommagé, à raison de CHF 350 millions, les promoteurs de la centrale. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a admis à l'unanimité que la société Graben SA devait obtenir de la part de la Confédération un dédommagement équitable pour les investissements qu'elle a consentis en vue de la réalisation d'une centrale nucléaire sur le territoire de la commune bernoise. La haute cour ne s'est cependant pas prononcée sur le montant de l'indemnité qui devrait être fixé entre la société promotrice et la Confédération (Après avoir obtenu l'autorisation de site en 1972, Graben SA n'a jamais reçu de réponse du CF quant à sa demande d'autorisation générale déposée en 1979. Estimant qu'un délai de plus de dix ans équivalait à un refus, la société promotrice a alors entamé une action auprès du Tribunal fédéral pour obtenir une indemnisation.).

Le Tribunal fédéral ayant reconnu en 1994 que la Confédération se devait d'accorder un dédommagement équitable aux promoteurs de la centrale de Graben (BE), les parties ont entamé dès le début de l'année des négociations afin de fixer le montant de l'indemnité. Au vu de ces faits, les Chambres fédérales ont dès lors décidé de ne pas donner suite à l'initiative du canton de Soleure (Iv.ct. 88.208) qui invitait les autorités fédérales à entrer en tractations avec la société Graben SA en vue de l'abandon du projet. Après qu'un accord portant sur une indemnisation de CHF 225 millions eut échoué au mois de juillet en raison du refus de la délégation parlementaire des finances d'autoriser de son propre chef le versement de cette somme en procédure d'urgence, la Confédération et les promoteurs de la centrale non construite se sont entendus, début 1996, sur un dédommagement d'un montant de CHF 227 millions de francs.

1990-1997: Demande d'un permis d'exploitation illimitée et d'augmentation de la puissance de la centrale nucléaire de Mühleberg (BE)

Dossier: Geschichte des Atomkraftwerks Mühleberg

La centrale de Mühleberg (BE) a également fait l'objet d'une certaine curiosité puisque sa sécurité a été mise en doute par un rapport de l'Institut d'écologie appliquée de Darmstadt (RFA), présenté par l'Association «Mühleberg sous la loupe». Cette étude décèle des points faibles dans la conception de l'enceinte de confinement (trop petite), dans la cuve pressurisée du réacteur (étanchéité des soudures) et dans le système d'arrêt d'urgence (fiabilité). Conjuguées à une obsolescence générale de l'installation, ces déficiences augmentent, selon l'Institut, le risque de fusion du coeur. Ces conclusions furent infirmées par plusieurs acteurs, dont les Forces motrices bernoises (FMB) – propriétaires de l'installation – et le DFTCE. Le Conseil fédéral, en réponse à des questions des députés Brügger (ps, FR) et Paccolat (pdc, VS), affirma n'avoir aucun doute quant à la sécurité de la centrale, celle-ci bénéficiant d'aménagements de sécurité supplémentaires récents. L'association «Mühleberg sous la loupe» demanda, en vertu de ces nombreuses protestations, l'instauration d'un dialogue public sur la sûreté de l'installation. Celui-ci eut lieu entre les autorités fédérales et l'Institut susmentionné sans que, toutefois, leurs experts respectifs ne parviennent à s'accorder. Le 9 novembre 1990, les FMB ont présenté, à l'OFEN, leur requête d'exploitation illimitée de Mühleberg.

Parallèlement aux efforts entrepris pour augmenter la puissance des centrales nucléaires (le programme «énergie 2000» prévoit une augmentation de 10%) et en raison du moratoire, se dessine, parmi les exploitants de centrales nucléaires, une tendance visant à prolonger de moitié la durée d'exploitation des centrales, initialement programmée à 40 ans. Une telle prolongation de leur durée de vie devra être accompagnée par une lutte constante contre le vieillissement et par un contrôle strict de la sécurité car il a été constaté que la majorité des incidents était dû au vieillissement et à l'usure des matériaux. Les forces motrices bernoises (FMB) ont présenté au Conseil fédéral la demande d'un permis non-limité dans le temps pour l'exploitation de la centrale de Mühleberg (BE) et d'une autorisation pour augmenter de 10% la puissance du réacteur. Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil bernois se sont déclarés favorables à cette requête en dépit de l'opposition des socialistes et des écologistes. Toutefois, ce préavis devra encore être soumis à une votation populaire cantonale consultative en 1992. La Division de sécurité des installations nucléaires de l'OFEN a transmis un préavis favorable quant à l'octroi d'un permis illimité. Sur cette question, deux motions ont été déposées au Conseil national, la première par le groupe écologiste (Mo. 90.565), qui propose au Conseil fédéral de retirer l'autorisation d'exploiter la centrale de Mühleberg, la seconde par la conseillère nationale Bäumlin (ps, BE) (Mo. 91.3023) qui demande au gouvernement de faire exécuter une contre-expertise de la centrale par un organisme international indépendant. En 1990 déjà, l'association «Mühleberg unter der Lupe», se basant sur un rapport de l'institut d'écologie appliquée de Darmstadt (RFA) avait mis en cause la sécurité de la centrale. De nombreuses oppositions à l'octroi d'un permis définitif, issues de Suisse, d'Allemagne et d'Autriche, avaient été envoyées au DFTCE.

A la surprise des observateurs, la population bernoise s'est prononcée à une majorité de 51,4% des voix contre l'octroi d'un permis non-limité dans le temps pour l'exploitation de la centrale de Mühleberg (BE) et l'autorisation d'augmenter de 10% la puissance du réacteur. Elle a ainsi désavoué ses autorités qui s'étaient déclarées favorables à la requête des Forces Motrices Bernoises (FMB). Ce vote n'avait toutefois qu'une valeur consultative, la décision finale relevant de la compétence du Conseil fédéral. Les incertitudes quant à la sécurité de la centrale, qui est en fonction depuis vingt ans, et les risques accrus du fait de l'augmentation de la puissance du réacteur ont pesé de façon décisive dans le résultat de la votation. Au lendemain de la votation; le chef du DFCTE s'est à nouveau entretenu avec le gouvernement bernois, ainsi qu'avec des représentants des partisans et des adversaires de la demande des FMB. Les organisations écologistes ont reproché au gouvernement de mener une politique trop favorable au nucléaire; ils ont même entamé une procédure pour demander la récusation d'Adolf Ogi sur le dossier de Mühleberg, car, selon elles, le «parti-pris» du DFTCE, en particulier des membres de la Division de la sécurité des installations nucléaires (DSN), en faveur du nucléaire rendait impossible une décision neutre.

Au mois de décembre, le Conseil fédéral a finalement décidé d'autoriser l'augmentation de 10% de la puissance du réacteur, mais seulement pour une période de 10 ans. Pour justifier sa décision, le gouvernement a invoqué la dépendance accrue de la Suisse pour son approvisionnement énergétique. Il a ajouté que la sécurité de la centrale serait maintenue à son niveau actuel par la réalisation de travaux supplémentaires et que l'augmentation de la puissance du réacteur n'entraînerait qu'un très léger réchauffement de l'Aar. Les partis écologiste et socialiste bernois, ainsi que les organisations anti-nucléaires ont vivement déploré la décision du Conseil fédéral qui, selon eux, met en cause l'armistice énergétique issu des votations de 1990 et contourne le moratoire de dix ans contre la construction de nouvelles centrales nucléaires. Certaines organisations ont également annoncé leur intention de suspendre leur participation au programme «Energie 2000». Pour leur part, les FMB se sont déclarées satisfaites tout en regrettant la limitation à 10 ans.

Une dizaine de personnes habitant à proximité de la centrale nucléaire de Mühleberg (BE) ont déposé un recours auprès de la Commission européenne des droits de l'homme de Strasbourg contre la décision du Conseil fédéral d'autoriser l'augmentation de la puissance de la centrale de Mühleberg. Le recours porte sur le fait que cette dernière risque de mettre en danger la vie et la santé des personnes résidant aux alentours de la centrale. Les plaignants ont également protesté contre la toute puissance et la partialité du Conseil fédéral et des services spécialisés du DFTCE.

La deuxième Chambre de la Commission européenne des droits de l'homme est entrée en matière sur la requête déposée en 1993 par une dizaine de personnes habitant à proximité de la centrale nucléaire de Mühleberg. Constituant une réaction à la décision du Conseil fédéral d'augmenter de 10% la puissance de la centrale bernoise, cette requête porte sur le droit suisse dans le domaine nucléaire qui exclut la possibilité de porter la décision du gouvernement devant une autorité judiciaire indépendante. Le verdict de la Commission de Strasbourg ne devrait pas être rendu avant deux ou trois ans.

La Commission européenne des droits de l'homme a jugé recevable le recours déposé en 1993 par une dizaine de particuliers contre l'autorisation d'exploitation de la centrale de Mühleberg qui fut prolongée en 1992 par le Conseil fédéral. Les recourants avaient motivé leur action en invoquant le fait que – contrairement à la réglementation de la CEDH sur les décisions concernant la protection de l'existence ou de la santé humaine – la législation nucléaire suisse ne prévoit aucune possibilité de s'opposer aux autorisations d'exploitation délivrées par le gouvernement devant un tribunal indépendant.

Au lendemain de la publication du rapport des Forces motrices bernoises (FMB) sur les alternatives possibles à la centrale de Mühleberg, la presse a annoncé que la Commission européenne des droits de l'homme avait donné raison aux dix habitants de la commune de Mühleberg (BE) concernant leur recours déposé suite à la prolongation de l'autorisation d'exploitation de la centrale bernoise décrétée en 1992 par le Conseil fédéral. Conformément aux arguments invoqués par les recourants, la Commission est arrivée à la conclusion que la procédure suisse d'autorisation en matière de centrales nucléaires viole bel et bien la CEDH du moment que celle-ci ne permet pas aux parties à la procédure de s'adresser à un tribunal indépendant et impartial. Cette étape préliminaire passée, l'affaire a été déférée à la Cour européenne des droits de l'homme dont le verdict pourrait contraindre la Suisse à adapter son droit en la matière (Signalons encore qu'une cinquantaine de militants de Greenpeace ont bloqué fin août l'entrée du site de Mühleberg en signe de protestation contre l'exploitation de la centrale jugée dangereuse en raison notamment de fissures constatées depuis 1990 dans la jupe du coeur du réacteur).

Alors qu'ils avaient obtenu gain de cause devant la Commission des droits de l'homme en 1996, les recourants contre la décision prise en 1992 par le Conseil fédéral de prolonger de dix ans l'exploitation de la centrale de Mühleberg (BE) et d'autoriser parallèlement l'augmentation de sa puissance de 10% ont finalement été déboutés par la Cour européenne des droits de l'homme. Par douze voix contre huit, les juges de Strasbourg ont en effet estimé que la législation suisse relative aux infrastructures nucléaires respecte la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), même si la procédure d'autorisation en la matière ne permet pas aux parties de s'adresser à un tribunal indépendant. Signalons cependant qu'une telle prérogative figurera dans le projet de révision totale de la loi sur l'énergie atomique qui sera mis en consultation en 1998 (Il est à noter que deux autres affaires similaires sont encore pendantes à Strasbourg, l'une concernant la prolongation de l'exploitation de Beznau II (AG), l'autre visant l'autorisation accordée en 1996 pour le dépôt intermédiaire central pour déchets radioactifs à Würenlingen (AG)).

Demande d'un permis d'exploitation illimitée pour la centrale nucléaire de Beznau II (AG)

Pour leur part, les Forces Motrices du Nord-Est de la Suisse ont déposé auprès des autorités fédérales une demande de permis non-limité dans le temps pour la centrale nucléaire de Beznau II, dont l'autorisation d'exploitation expire à la fin de l'année 1993. Les autorités fédérales avaient posé comme condition à l'octroi d'un tel permis l'installation d'un nouveau système de sécurité. Les travaux nécessaires étant arrivés à leur terme cette année, les propriétaires se sont montrés confiants quant à la prise de position du gouvernement. Cependant, environ 16'000 oppositions, émanant de Suisse, d'Allemagne et d'Autriche, ont été transmises au Conseil fédéral. Les arguments des opposants sont du même type que ceux avancés à l'encontre de la centrale de Mühleberg, à savoir l'ancienneté de l'installation et le manque de sécurité.

Dans le courant du mois de mai, les experts de la Division principale de la sécurité des installations nucléaires (DSN) se sont déclarés favorables à l'octroi, par le Conseil fédéral, d'une autorisation d'exploitation non limitée dans le temps à la centrale nucléaire de Beznau II à Würenlingen (AG). La DSN a recommandé toutefois au gouvernement de soumettre l'exploitation de l'installation à certaines conditions de sécurité auxquelles elle ne correspond plus. Se basant sur une étude de l'Öko-Institut de Darmstadt - selon laquelle la centrale de Beznau présenterait de sérieux déficits en matière de sécurité - les milieux antinucléaires et écologistes ont catégoriquement rejeté les conclusions de la DSN. Malgré les quelque 18'000 oppositions qui ont été déposées lors des deux phases de l'enquête publique, le Conseil fédéral a décidé en fin d'année d'octroyer aux Forces motrices du Nord-Est de la Suisse (NOK) une autorisation d'exploitation limitée au 31 décembre 2004. Cette décision n'a pas manqué de provoquer une vive colère au sein des associations antinucléaires et de protection de l'environnement.

Reprenant la même argumentation, plusieurs organisations antinucléaires et de protection de l'environnement – dont Greenpeace – ont décidé d'introduire un recours semblable contre l'autorisation d'exploitation de 10 ans accordée en 1994 par le Conseil fédéral à la centrale de Beznau II à Würenlingen (AG). Dix associations de défense de l'environnement ont par ailleurs demandé au Conseil fédéral qu'un recours de droit administratif contre l'autorisation d'exploitation des centrales nucléaires soit introduit dans le cadre de la révision de la loi sur l'énergie atomique. Elles ont parallèlement requis la révocation des concessions accordées aux centrales de Mühleberg et Beznau II pour fin 1995, requête sur laquelle le Conseil fédéral s'est toutefois refusé d'entrer en matière.

Demande des Forces Motrices de Leibstadt (AG) d'un permis d'augmentation de 15% de la puissance du réacteur

Après les FMB, ce sont les Forces Motrices de Leibstadt (AG) qui ont transmis au Conseil fédéral une demande d'augmentation de 15% de la puissance du réacteur de leur centrale nucléaire. Cette démarche a suscité de nombreuses oppositions individuelles auprès des autorités fédérales. Par ailleurs, ces dernières ont autorisé les forces motrices de Gösgen d'augmenter de 3,5% la puissance du réacteur de la centrale nucléaire de Gösgen-Däniken, ce qui devrait permettre d'élever la production d'électricité de 230 millions de kilowattheures (kwh) par année. La Fondation suisse de l'énergie (FSE) a critiqué cette décision qui va à l'encontre des objectifs d'«Energie 2000» de stabilisation de la consommation d'énergie. Les représentants de l'économie énergétique ont répondu qu'une telle augmentation progressive était déjà prévue depuis 1985.

Lancée au milieu de l'année par les sections argoviennes du WWF et de Greenpeace, la pétition contre l'augmentation de 15% de la puissance de la centrale de Leibstadt (AG) – sujet sur lequel il était prévu que le Conseil fédéral se prononce en novembre de cette année – a recueilli 10'000 signatures. Celles-ci ont été déposées début décembre à la Chancellerie fédérale et sont ainsi venues s'ajouter aux quelque 5'500 oppositions déjà enregistrées. Dans son expertise rendue publique quelques mois auparavant, la Division pour la sécurité des installations nucléaires (DSN) avait conclu qu'au vu des tests de sécurité effectués par ses soins, elle ne voyait aucune objection à ce que la puissance du réacteur argovien soit portée de 3'138 à 3'600 mégawatt.

En raison de la corrosion anormalement importante de certains éléments du réacteur de la centrale nucléaire de Leibstadt (AG), le DFTCE a décidé de suspendre la procédure d'autorisation concernant l'éventuelle augmentation de 15% de la puissance de cette centrale. Estimant que les conditions techniques étaient à nouveau remplies à l'issue de la révision annuelle de l'installation, les exploitants de la centrale ont à nouveau sollicité le feu vert du Conseil fédéral pour porter la puissance du réacteur de 3'138 à 3'600 mégawatts.

En octobre, le Conseil fédéral a présenté, après une réunion à huit clos, les objectifs énergétiques fédéraux futurs. Dans ce contexte, le conseiller fédéral Moritz Leuenberger a soutenu une fermeture des centrales nucléaires suisses dans un délai encore inconnu. La déclaration du conseiller fédéral a eu un retentissement certain auprès des médias qui ont unanimement parlé d'un retrait planifié du nucléaire. Le chef du DETEC a tenu à rectifier la donne, précisant qu'il n'avait jamais parlé de retrait du nucléaire, mais de démantèlement progressif des centrales nucléaires. Au Conseil national cette affaire a fait l'objet de deux interpellations de représentants de l'UDC et du PRD qui n'ont pas hésité à parler de désinformation de la part du gouvernement. Le débat sur le nucléaire fut de la sorte relancé au sein du plénum. D'autre part, lors de cette réunion d'octobre, le gouvernement a décidé que les installations existantes pourraient continuer à fonctionner à pleine puissance. Il a en effet donné son autorisation au réacteur de Leibstadt (AG) d'augmenter sa capacité de production de 15%. Sur une même lancée, il a prolongé la concession de la centrale de Mühleberg (BE) jusqu'en 2012. Le Conseil fédéral a aussi déclaré qu'il souhaitait renoncer à l'indemnisation des INA dans le cas des centrales nucléaires. Moritz Leuenberger et Pascal Couchepin se sont engagés à discuter avec les différents acteurs concernés (centrales, cantons, communes et organisations écologistes) afin de rédiger au plus vite la nouvelle loi sur l'énergie atomique. Cette dernière devrait fixer la date de fermeture des réacteurs et soumettre toute nouvelle construction au référendum facultatif. Le représentant des centraliers suisses, Peter Hälen, ne s'est pas déclaré inquiet de l'annonce du gouvernement, car le Conseil fédéral a laissé ouvert le délai d'abandon du nucléaire. Le camp écologiste s'est déclaré insatisfait, déplorant les concessions accordées aux centrales de Leibstadt et de Mühleberg. Le WWF et Greenpeace ont d'ailleurs déclaré qu'ils poursuivraient leurs efforts de récolte de signatures pour les deux initiatives populaires en cours: «Sortir du nucléaire» et «Moratoire plus». Suite à la décision du Conseil fédéral de donner l'autorisation à la centrale de Leibstadt d'augmenter sa puissance, des activistes de Greenpeace ont bloqué, durant une nuit du mois de mars, 32 transports de déchets nucléaires destinés au retraitement.

1993-1996: Etude des FMB sur les alternatives possibles à la centrale de Mühleberg (BE)

Dossier: Geschichte des Atomkraftwerks Mühleberg

Suite à certaines déclarations du président des Forces motrices bernoises (FMB) sur les coûts exorbitants qu'entraînerait un arrêt de l'exploitation de la centrale de Mühleberg, le Grand Conseil bernois a adopté une résolution exigeant des FMB d'établir une étude sur les alternatives possibles à la centrale bernoise dont le permis d'exploitation, prolongé par le Conseil fédéral en 1992, expirera en 2002.

Conformément à une requête expresse du Conseil fédéral formulée en 1992, les Forces motrices bernoises (FMB) ont présenté fin mars un premier rapport intermédiaire sur les alternatives possibles à l'exploitation de l'énergie atomique sur le site de Mühleberg (BE). Dans ce document, les FMB se sont principalement attachées à étudier dans quelle mesure la conversion de la centrale nucléaire en centrale au gaz naturel est réalisable. Elles sont arrivées à la conclusion que la production de CO2 engendrée par une telle installation s'élèverait à 540'000 tonnes par année, ce qui irait à l'encontre des engagements pris par le gouvernement au niveau national et lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement qui s'est déroulée à Rio de Janeiro en 1992. Dans un second rapport se concentrant cette fois-ci sur les énergies renouvelables, les FMB ont estimé que celles-ci ne parviendraient à combler qu'entre 3 à 10% du déficit d'électricité (-1,5 milliard de kilowattheures) engendré par l'abandon du nucléaire.

Poursuivant leur évaluation des sources d'approvisionnement envisageables pour le siècle prochain – comme l'avait requis le Conseil fédéral en 1992 – les Forces motrices bernoises (FMB) ont publié 4 rapports partiels traitant des alternatives possibles à l'exploitation de l'énergie nucléaire sur le site de Mühleberg (BE). Après une étude sur le recours éventuel à des installations de couplage chaleur-force, les FMB ont analysé dans quelle mesure les importations d'électricité permettraient de combler le manque d'énergie qui résultera du démantèlement de la centrale bernoise prévu en 2012. Si celles-ci ont été jugées aptes à pallier ce déficit de courant, les FMB ont néanmoins estimé que cette option aggraverait la dépendance énergétique du pays par rapport à l'étranger et conduirait de surcroît à exporter les diverses sources de pollution liées à la production de courant électrique. Dans leurs deux derniers rapports partiels, les Forces motrices bernoises sont arrivées à la conclusion que, d'une part, les économies d'énergie ne rendront pas superflu le remplacement de la centrale nucléaire de Mühleberg et que, d'autre part, l'exploitation de cette dernière pourrait se poursuivre bien au-delà de sa durée de vie de 40 ans initialement prévue dans des conditions fiables et sûres. Ce dernier rapport n'a pas manqué de susciter l'ire des milieux écologistes et du parti socialiste bernois qui a requis l'établissement d'une contre-expertise par une instance indépendante.

Après la publication, en l'espace de deux ans, de six rapports partiels sur les alternatives possibles à l'exploitation de l'énergie atomique sur le site de Mühleberg (BE), les Forces motrices bernoises (FMB) ont présenté leur rapport final sur cette question, conformément à ce que leur avait demandé le Conseil fédéral en 1992 lors de la prolongation de l'autorisation d'exploitation de la centrale jusqu'en 2002. Rendu public à la fin du mois de mai, ce document part du principe que le réacteur bernois sera définitivement arrêté d'ici l'an 2012 ou à une date antérieure, ce qui provoquera alors un déficit annuel en courant électrique d'au moins 1500 millions de kWh. Sur cette base, les FMB ont retenu quatre solutions alternatives plus ou moins en mesure de couvrir pareille perte d'énergie: reconversion de la centrale au gaz naturel, extension de la centrale hydro-électrique du Grimsel, construction d'une nouvelle centrale nucléaire et, finalement, importations d'électricité. Les Forces motrices bernoises ont néanmoins tenu à souligner que ces quatre variantes présentaient toutes certains avantages et inconvénients, soit de nature politique, écologique ou économique. Ce rapport, bien que qualifié de base de discussion par ses auteurs, a été d'emblée vivement critiqué par plusieurs organisations antinucléaires. Leur courroux à l'encontre des FMB a été renforcé d'autant que ces dernières ont parallèlement requis du Conseil fédéral l'octroi d'une autorisation d'exploitation illimitée pour la centrale actuelle, marquant ainsi clairement leur préférence pour le maintien de l'option nucléaire (En réponse à plusieurs interventions parlementaires, le gouvernement cantonal bernois a décidé de son côté d'instituer un groupe de travail comprenant 25 experts d'horizons différents qui auront à charge d'examiner le rapport des FMB).

Volksinitiativen «MoratoriumPlus» und «Strom ohne Atom» (Abstimmung 18.05.2003)

Dossier: Volksinitiativen und Referenden zu Atomkraftwerken

La perspective d'une éventuelle pénurie de courant électrique après 2010 a contribué au durcissement du débat entre partisans et opposants à l'énergie nucléaire. Mettant notamment en exergue le manque potentiel d'électricité auquel pourrait être confrontée la Suisse d'ici une vingtaine d'années, l'Association suisse pour l'énergie atomique (ASPEA) a souhaité que l'option visant à construire de nouvelles centrales nucléaires demeure ouverte une fois le moratoire en la matière arrivé à échéance. C'est d'ailleurs dans l'optique de renforcer l'acceptabilité populaire vis-à-vis de cette source d'énergie que l'ASPEA a lancé, fin octobre, une large campagne en faveur de l'énergie nucléaire. Critiquant vivement cette démarche, la Fondation suisse de l'énergie (FSE) – qui s'est déclarée déçue de l'application du moratoire institué en 1990 – a, quant à elle, annoncé qu'une nouvelle initiative populaire prévoyant son extension après l'an 2000 était en préparation. Dévoilant à son tour son intention de lancer deux initiatives populaires contre le nucléaire dans un avenir proche, la Coalition antinucléaire nationale (CAN) a, par ailleurs, présenté en fin d'année un scénario dont l'objectif vise à se passer de l'électricité produite par les cinq centrales nucléaires suisses en l'espace de dix ans. Pour y parvenir, la CAN préconise notamment une rigoureuse discipline de consommation, le recours à des énergies alternatives ainsi que l'introduction d'une taxe d'incitation de 15 centimes par kWh.

La commémoration de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) survenue en avril 1986 a fourni l'occasion au nouveau chef du DFTCE de réitérer sa position critique à l'égard de l'énergie atomique: bien qu'ayant déclaré illusoire à ses yeux l'abandon immédiat de cette source d'énergie, Moritz Leuenberger s'est néanmoins déclaré personnellement opposé à la construction de nouvelles centrales nucléaires une fois le moratoire en la matière arrivé à échéance. Pour leur part, plusieurs mouvements antinucléaires ont profité de cet événement pour manifester une fois encore leur hostilité à l'égard de l'atome, à l'image de Greenpeace et de la Croix-Verte dont plusieurs représentants se sont rassemblés devant le Palais fédéral pour demander que soit mis fin au recours à l'énergie nucléaire en Suisse. Pareille issue à moyen terme n'est d'ailleurs pas à exclure d'emblée, puisque les milieux antinucléaires ont réaffirmé en début d'année leur intention de lancer une nouvelle initiative populaire qui aura pour but de prolonger les effets du moratoire après l'an 2000. A l'extrême opposé de cette position à l'égard de l'atome, le président du Vorort a déclaré devant l'Association suisse pour l'énergie atomique (ASPEA), puis devant le Forum suisse de l'énergie que l'option nucléaire devait à tout prix demeurer ouverte. En présence de conceptions aussi divergentes quant à l'orientation à donner à la future politique énergétique de la Suisse, la rupture de l'«armistice énergétique» une fois le moratoire arrivé à son terme semble d'ores et déjà programmée.

Bien qu'ayant été dans l'ensemble fructueuses, les discussions qui se sont tenues dans le cadre du «dialogue énergétique» conduit sous l'égide du chef du DFTCE ont confirmé l'existence d'irréductibles tensions entre opposants et partisans de l'énergie nucléaire. Quelque peu apaisé grâce à l'«armistice énergétique» issu des votations de 1990, ce conflit latent a d'ailleurs été réactivé suite à la décision du Comité «L'énergie sans le nucléaire» de lancer deux initiatives populaires sur le modèle de celles qui avaient été soumises au peuple suisse en 1990. Intitulée «Moratoire plus», la première des deux initiatives entend prolonger de dix ans l'actuelle interdiction de construire de nouvelles centrales atomiques. Plus ambitieuse, la seconde requiert quant à elle la sortie progressive de l'ère nucléaire. Composé de plusieurs associations écologistes et antinucléaires ainsi que du PS et des Verts, le Comité «L'énergie sans le nucléaire» entamera la récolte des signatures au printemps 1998.

En mars, le Comité «L'énergie sans le nucléaire», regroupant environ 40 organisations écologistes, le Parti socialiste et les Verts, a entamé la récolte de signatures pour deux initiatives antinucléaires: «Moratoire-plus» et «Sortir du nucléaire». La première initiative demande que la décision de prolonger l'exploitation d'une centrale nucléaire après quarante ans fasse l'objet d'un arrêté fédéral soumis au référendum et que cette prolongation ne dépasse en aucun cas dix ans. Elle réclame en outre l'arrêt de toute nouvelle installation nucléaire, de toute augmentation de puissance thermique et de l'utilisation de réacteurs pour la recherche et le développement pour une période de dix ans. La seconde initiative demande l'arrêt progressif des cinq centrales en fonction et la fin du retraitement des combustibles radioactifs.

En octobre, les deux initiatives populaires antinucléaires «Moratoire-plus» et «Sortir du nucléaire» ont abouti avec respectivement 119'828 et 117'916 signatures valables. «Moratoire-plus» demande la prolongation de dix ans du moratoire sur toute nouvelle installation atomique, ainsi qu’un référendum facultatif pour une exploitation au-delà de quarante ans. «Sortir du nucléaire» réclame l’arrêt des cinq centrales suisses dans les dix ans à venir et l’abandon du retraitement des déchets radioactifs. En novembre, le Conseil fédéral a reporté son projet de révision de la loi atomique pour le début 2000, en raison de l’aboutissement des deux initiatives. Le projet devrait constituer un contre-projet indirect aux deux initiatives.

Le Conseil national et le Conseil des Etats ont dû voter en décembre sur les deux arrêtés fédéraux concernant l’initiative populaire "Moratoire plus – pour la prolongation du moratoire dans la construction de centrales nucléaires et la limitation du risque nucléaire" et l’initiative "Sortir du nucléaire – pour un tournant dans le domaine de l’énergie et pour la désaffectation progressive des centrales nucléaires". La proposition de régler "Moratoire plus" a été acceptée par le National (109 contre 67) et les Etats (35 contre 6). Celle concernant "Sortir du nucléaire" a connu un sort identique ; 108 contre 53 au National et 36 contre 5. L’opposition est venue des socialistes et des écologistes.

Les deux mois précédant la votation ont été marqués par une vive lutte entre partisans et opposants aux initiatives anti-nucléaires. Le texte de l'initiative « Sortir du nucléaire » exigeait la mise hors service des centrales de Mühleberg (BE) et de Beznau 1 et 2 (AG) deux ans après l'acceptation de l'initiative, celles de Gösgen (SO) et Leibstadt (AG) en 2008 et 2014. L'exportation de matériel pour retraitement serait bannie, sauf pour les contrats internationaux en cours. L'initiative voulait fixer des conditions au recours à des énergies non nucléaires, limiter le recours aux énergies fossiles, encourager les droits de codécision des collectivités lors du stockage de déchets et imposer le partage des frais d'exploitation et de désaffectation des centrales. L'initiative « Moratoire-plus » réduisait la durée de vie d'une centrale à 40 ans. Toute prolongation de dix ans serait soumise au référendum facultatif. Elle aurait suspendu pendant dix ans toute nouvelle installation de production nucléaire et aucune augmentation de puissance ne serait tolérée. Un régime d'exemption serait accordé aux réacteurs servant à la médecine.

Les initiants considéraient que le danger et les problèmes liés à l'énergie nucléaire n'étaient plus tolérables. Ils mettaient également l'accent sur les mesures d'économie réalisables et les possibilités de remplacer le nucléaire par les énergies renouvelables. Le PS, les Verts, le PEV et les DS, ainsi que l'USS ont apporté leur soutien aux deux initiatives antinucléaires.

Le Conseil fédéral a opposé un contre-projet indirect aux initiatives. Si Moritz Leuenberger rejetait l’initiative « Sortir du nucléaire », il éprouvait de la sympathie envers « Moratoire-plus ». Toutefois, le ministre a émis des doutes quant à la possibilité de trouver un consensus au parlement et dans le peuple. Il a également dénoncé les coûts engendrés par les alternatives proposées. Dans les rangs des opposants aux initiatives se trouvaient le PRD, l’UDC, le PDC et le PL, ainsi qu’Economiesuisse. L’association faîtière a alloué un important budget pour la campagne publicitaire (entre 12 et 15 millions de francs). Les pro-nucléaires combattaient indistinctement les deux initiatives. Avec l’acceptation des initiatives, ils craignaient une menace sur l’approvisionnement électrique et une situation périlleuse du point de vue financier et économique. En effet, comme les énergies renouvelables ne seraient pas en mesure de remplacer la production nucléaire, seul un recours aux énergies fossiles permettrait d’y pallier. Une telle situation engendrerait une dépendance vis-à-vis des pays producteurs de gaz et de pétrole.


Votation du 18 mai 2003:

Initiative populaire fédérale "Sortir du nucléaire"

Participation : 50%
Oui: 783 586 (33,7%) / canton 1/2
Non: 1 540 566 (66,3%) / cantons 20 5/2

– Oui: PS, PE, PEV, PCS, PST, DS; USS.
– Non: PRD, PDC (1*), UDC, PL, UDF, PSL; UCAPS, USAM, Economiesuisse, USP, CSC.
* Recommandations différentes des partis cantonaux


Initiative populaire fédérale "Moratoire-plus"

Participation : 50%
Oui: 955 624 (41,6%) / canton 2/2
Non: 1 341 673 (58,4%) / canton 20 4/2

– Oui: PS, PE, PEV, PCS, PST, DS; USS, CSC.
– Non: PRD, PDC (7*), UDC (1*), PL (1*), UDF, PSL; UCAPS, USAM, Economiesuisse, USP.
* Recommandations différentes des partis cantonaux


En votation, les initiatives « Sortir du nucléaire » et « Moratoire-plus » ont été rejetées respectivement par 66,3% et 58,4%. Bâle-Ville a été le canton le plus anti-nucléaire en acceptant les deux initiatives. Bâle-Campagne a été le seul autre canton à faire de même avec « Moratoire-plus ». Argovie s’est montré le plus favorable à l’énergie nucléaire. Par ce vote, le moratoire décidé en 1990 était brisé; la loi sur l’énergie nucléaire devenait effective. Les usines nucléaires pouvaient ainsi continuer à produire du courant aussi longtemps que la sécurité était garantie. Victorieux, les pro-nucléaires redressaient ainsi la tête. L’impact qu’avait eu Tchernobyl en 1986 sur le vote de 1990 était un lointain souvenir. Le vote anti-nucléaire était en recul partout.

D’après l’analyse Vox, la ligne de conflit politique gauche-droite séparait les opposants et les partisans des deux initiatives. Contrairement à ce qui s’était passé en 1990, les initiants n’ont plus réussi à mobiliser des voix au-delà du cercle rose-vert. Outre les variables politiques, les caractéristiques sociales ont joué un rôle dans le choix du vote. Les femmes ont eu une position plus critique que les hommes envers l’énergie nucléaire. La tranche d’âge de 40-49 ans s’est distinguée par une plus large acceptation des deux initiatives. A la différence de 1990, aucun groupe, à part lui, n’a dégagé de majorité en leur faveur. Selon l’analyse Vox, les personnes qui avaient 40 à 49 ans étaient ceux de la même génération qui avaient exprimé leur rejet vis-à-vis du vote nucléaire en 1990. Les générations suivantes ont semblé à nouveau moins critiques à l’égard de l’énergie nucléaire. En revanche, l’adhésion à l’énergie nucléaire augmentait à nouveau avec l’âge. L'analyse des motifs du choix a montré que les avis des partisans et des opposants aux initiatives ont différé avant tout sur la question de la sécurité de l'énergie nucléaire. Les premiers avaient des craintes, alors que les seconds la considéraient comme sûre et nécessaire. Ils n'étaient non plus pas d'accord sur la question des conséquences économiques d'une sortie nucléaire; les adversaires craignaient particulièrement une augmentation du prix du courant électrique. L'analyse des arguments a révélé que la majorité des sondés, et même une majorité des opposants à l'initiative s’est prononcée contre la construction de nouvelles centrales nucléaires et a donc approuvé ce qui constituait en fait l'exigence principale de Moratoire-plus. Le fait que celle-ci n'ait cependant pas obtenu de majorité pourrait être en rapport avec la méconnaissance notable de l'objet chez les opposants à l'initiative, qui pour près d'un tiers d'entre eux, n'ont pu indiquer aucun motif pour leur choix de vote.

Motion Fischer quant à la promotion de l'énergie nucléaire (Mo. 95.3546)

Le Conseil national a examiné une motion Fischer (prd, AG) comprenant diverses revendications en rapport avec la promotion de l'énergie nucléaire en tant que vecteur énergétique contribuant à la réduction des émissions de gaz carbonique. Hautement sensible en termes d'acceptabilité politique, le premier point de la motion charge en effet le gouvernement d'intégrer dans son projet de loi sur le CO2 des dispositions visant à encourager la production d'énergie obtenue à partir de l'atome. Les deux autres volets de la motion prient le Conseil fédéral d'indiquer le rôle qu'il entend accorder à cette source d'énergie dans sa stratégie visant à prévenir la pénurie d'électricité prévue pour 2010, d'une part, ainsi que dans le futur plan d'action national sur les changements climatiques, d'autre part. C'est par 63 voix contre 48 – respectivement par 67 voix contre 43 – que la première et la troisième revendications du député argovien ont été adoptées en tant que motions, et ce malgré le préavis négatif du gouvernement. Quant au point restant, il a été transmis comme postulat.

Après avoir été débattue au sein de la grande Chambre en 1996, la motion Fischer (prd, AG) concernant les contributions que peut fournir l'énergie nucléaire à la réduction des émissions de gaz carbonique a été examinée par le Conseil des Etats. Le premier point de la motion – qui chargeait le gouvernement d'intégrer des dispositions destinées à promouvoir la production d'énergie à partir de l'atome dans son projet de loi sur le CO2 – a été transmis comme postulat, puis directement classé en raison de la publication alors toute récente du message relatif à la loi sur la réduction des émissions de CO2. A l'instar du Conseil national, la Chambre haute a ensuite décidé de transmettre sous la forme d'un postulat le second volet de la motion qui enjoint l'exécutif fédéral à indiquer le rôle qu'il entend accorder à l'énergie nucléaire dans sa stratégie visant à prévenir la pénurie d'électricité annoncée pour 2010. Quant au troisième point de la motion sur l'importance à attribuer à l'énergie atomique dans le plan d'action national sur les changements climatiques, il a tout simplement été rejeté par les sénateurs.

Etude «Possibilités et limites d'un approvisionnement décentralisé de l'électricité en Suisse» de l'UCS

Dossier: Energieperspektiven des Bundes

Menée sous la houlette de l'Union des centrales suisses d'électricité (UCS), l'étude «Possibilités et limites d'un approvisionnement décentralisé de l'électricité en Suisse» est parvenue à la conclusion que l'abandon de l'énergie nucléaire dès l'an 2030 est techniquement réalisable à l'échelon national. L'auteur de cette expertise, le directeur des Forces motrices du Nord-Est de la Suisse, Hans Rudolf Gubser, a envisagé à cette fin la construction d'environ 240'000 petites centrales thermiques décentralisées avec chauffage à distance produisant à la fois du courant et de la chaleur (couplage chaleur-force). Selon ce scénario, il suffirait alors d'ériger quelques grosses centrales électriques alimentées au gaz pour que la Suisse puisse se passer entièrement de l'atome qui, à l'heure actuelle, fournit 39% de l'électricité consommée dans le pays. Bien que jugée praticable sur le plan théorique, cette option ne manque cependant pas de soulever certains problèmes quant à sa réalisation, comme a tenu à le préciser M. Gubser. Sur le plan économique tout d'abord, cette solution engendrerait des investissements de l'ordre de CHF 46 milliards. Par ailleurs, elle contribuerait à une augmentation significative des rejets de CO2 dans l'atmosphère. Enfin, la décentralisation de la production de courant se traduirait par d'importantes dépenses organisationnelles.
En raison de l'immense écho médiatique rencontré par cette expertise, l'Union des centrales suisses d'électricité a tenu à relativiser l'intérêt à porter à un éventuel abandon de l'atome en rappelant que les avantages et inconvénients de cette option étaient à mettre en balance avec les nombreux autres scénarios que l'UCS a élaborés depuis 1995 en vue de garantir l'approvisionnement futur de la Suisse en courant électrique. Les producteurs d'électricité ont ainsi confirmé dans une large mesure leur attachement au nucléaire qui, selon eux, doit être utilisé tant que les centrales atomiques suisses sont rentables et sûres. Quoi qu'il en soit, l'étude de l'UCS semble néanmoins illustrer une certaine baisse d'intérêt pour l'option nucléaire indigène au sein des milieux énergétiques dont les causes résident en grande partie dans les perspectives qu'ouvre la libéralisation du marché de l'électricité à l'échelon européen: En laissant entrevoir la possibilité de s'approvisionner à meilleur compte en courant nucléaire étranger, cette libéralisation rend en effet nettement moins attractive l'éventuelle réalisation d'infrastructures coûteuses et politiquement contestées que sont les centrales nucléaires.

Estimations du Conseil fédéral sur les coûts de la sortie du nucléaire

En janvier, le Conseil fédéral a publié des chiffres concernant la mise hors service des centrales nucléaires suisses: la sortie du nucléaire devrait coûter CHF 16.2 milliards pour la démolition des centrales et l’entreposage définitif de leur combustible radioactif usé. Le stockage des déchets a été estimé à CHF 13.7 milliards. Le Conseil fédéral a précisé qu’en ce qui concerne la démolition des bâtiments, le fonds spécial prévu à cet effet se montait alors à CHF 688 millions. Pour le traitement des déchets radioactifs, les centraliers disposaient alors de réserves s’élevant à CHF 6.25 milliards. L’exécutif n’a toutefois pas exclu l’éventualité que des sociétés exploitantes ne soient pas en mesure d’assumer les coûts de désaffectation dans toute leur ampleur. Dans ce cas, certaines compagnies pourraient mettre à contribution leurs installations non nucléaires.

Initiative parlamentaire Rechsteiner: Création d’un organe indépendant de contrôle et de vérification des installations nucléaires (Iv.pa. 98.421)

Le Conseil national a refusé, par 96 voix contre 67, de donner suite à une initiative parlementaire Rechsteiner (ps, BS) demandant la création d’un organe de contrôle et de vérification des installations nucléaires, indépendant de l’industrie de l’énergie et des services de l’OFEN. Le nouvel organe, élu par les Chambres fédérales et financé par les exploitants des centrales nucléaires, devait surveiller la DSN et déceler d’éventuels manquements. Les députés ont estimé que l’indépendance de la DSN n’était pas entamée par sa subordination administrative à l’OFEN. En outre, l’existence de la Commission fédérale de la sécurité des installations nucléaires (CSA), organe consultatif du Conseil fédéral et du DETEC, externe à l’administration fédérale, a été jugée suffisante. La majorité de la Ceate a estimé que le nouvel organe proposé ne ferait qu’alourdir et compliquer le système et qu’il risquerait même d’entraver les travaux de la DSN et de la CSA.

1999-2000: Initiative cantonale «Berne sans atome»

Dossier: Geschichte des Atomkraftwerks Mühleberg

L’initiative cantonale «Berne sans atome» a abouti avec 15'390 signatures valables. Soutenue par l’alliance rose-verte et les organisations antinucléaires du canton, elle réclame la fermeture définitive de la centrale nucléaire de Mühleberg (BE) d’ici à fin 2002. L’association «Berne sans atome», à l’origine de l’initiative, combat ainsi la décision du Conseil fédéral de 1998, de prolonger la concession de la centrale jusqu’en 2012. En décembre, le gouvernement bernois s’est prononcé contre cette initiative pour des motifs écologiques et de politique énergétique. D’une part, la production de Mühleberg représente 40 % de la consommation des clients des Forces motrices bernoises (FMB); d’autre part seule une faible quantité pourrait être remplacée par des énergies renouvelables d’ici à 2002. Le gouvernement a jugé inquiétant économiquement l’arrêt prématuré de la centrale, car une grosse part de l’énergie devrait être importée. En outre, les FMB seraient lésées sur le marché de l’électricité international: elles manqueraient de réserves pour environ CHF 250 millions.

Dans un vote populaire, l'initiative «Berne sans atome», qui demandait la fermeture de la centrale de Mülheberg (BE), a été repoussée par à 64% contre 36% de pour, avec une participation de 43%. Seule la ville de Berne s'est prononcée favorablement, ailleurs le non l'a emporté.