Mauvais résultats du SAirGroup en 2000

Vers mi-novembre, les très mauvais résultats du SAirGroup enregistrés depuis le début l'année, additionnés à la dépréciation progressive de l'action SAir, ont imposé une remise en question de la politique du Qualiflyer par le conseil d'administration. Du point de vue comptable, le résultat opérationnel négatif était dû aux pertes de Sabena et du voyagiste allemand LTU, mais aussi au gouffre financier que c'est révélé être la prise de participation dans les compagnies aériennes que sont AOM (Air Outre-Mer), Air Littoral et Air Liberté. La réunion de crise n'a donné lieu ni à des décision spectaculaires, ni à une vente de Swissair, pas plus qu'à une entrée dans le capital d'un groupe étranger.

Grounding 2001

Les pertes énormes en 2000 de LTU (CHF 350 millions), d’AOM (CHF 600 millions) et de Sabena (CHF 500 millions) ont eu raison de la tactique de prise de participation tous azimuts du SairGroup et de son directeur Bruggiser. Résultat direct de cette volonté à se désengager et à réintégrer les chiffres noirs, le SairGroup a renoncé à participer aux privatisations des compagnies portugaise TAP et turque de Turkish Airlines. A la lumière des pertes et de leurs responsabilités, neuf des dix membres du conseil d’administration de SairGroup, l’exception de Mario Corti, ont annoncé leur démission. Réagissant à cette décision, les actionnaires minoritaires, représentant les collectivités publiques et les petits porteurs ont refusé de les décharger de leur obligation. Pour pallier à l’absence de chef opérationnel, ils ont confirmé et nommé Mario Corti, comme président et délégué du conseil d’administration. Mis à part l’annonce du retour au nom de Swissair, ses premières mesures prévoyaient un redressement et redimensionnement de la compagnie, synonyme de rupture avec la stratégie du passé. Dans les faits cela s’est traduit par la liquidation d’Air Littoral en avril et par le dépôt de bilan pour AOM/Air Liberté en juin. Contre CHF 395 millions, Swissair réussissait aussi à se libérer de l’obligation de prendre 85% de Sabena. Swissair et le gouvernement belge ont convenu de participer à une nouvelle recapitalisation de Sabena pour un montant de CHF 658 millions; Swissair assumerait 60% de ce montant et l’Etat belge le solde. La signature de cet accord permettait l’abandon de toutes les poursuites judiciaires qui avait été engagées contre la compagnie suisse. En juillet toujours, Swissair a abouti à un accord sur la reprise d’AOM-Airliberté par ses employés. Contre une exonération de toute obligation, elle s’est engagée à verser CHF 345 millions pour financer sa restructuration. Swissair a aussi décidé d’accorder à LTU CHF 450 millions sous forme de "prêt actionnaires". Devant une dette évaluée à CHF 15 milliards et les importantes pertes dues à des investissements dans des entreprises déficitaires, Swissair a annoncé la suppression de lignes et la vente de l’assistance au sol et des duty-free.

Comme les autres compagnies aériennes, Swissair a subi de plein fouet les effets des attentats terroristes aux USA le 11 septembre. L’absorption des coûts liés à l’annulation des vols outre-Atlantique a accentué la vulnérabilité de la compagnie suisse, qui disposait de quasi aucune réserve. A ces répercussions immédiates est venue s’ajouter une augmentation du prix du carburant, due à la hausse du prix du baril, et une baisse des réservations. Conséquence directe de la crise, l’action Swissair est partie en piqué à CHF 47 francs, soit une chute de 90% en trois ans. Devant cette situation préoccupante, Susanne Leutenegger-Oberholzer (ps, BL) a déposé une interpellation réclamant un débat urgent sur la question (Ip. 01.3443). Le Conseil fédéral lui a répondu en évoquant la possibilité d’une recapitalisation, dans le cadre d’un assainissement général, pour peu qu’il ne soit pas seul. Il a également réagi en garantissant Swissair contre les risques de guerre et de terrorisme. Afin que les avions suisses puissent voler, le gouvernement n’a pas eu d’autre choix que celui de suivre la position des USA, de l’Union européenne et des autres pays qui garantissaient aux transporteurs les risques que les assurances n’acceptaient plus de couvrir. Par contre, le Conseil fédéral l’a refusé aux aéroports, faute de base légale. Alors que Mario Corti désirait absorber la petite compagnie aérienne Crossair, majoritairement en possession de Swissair, en une seule et même compagnie afin de rationaliser les coûts et regrouper les dessertes, l’UBS et le Credit Suisse proposaient à la place un crédit relais d’un milliard de francs réservé aux seules activités aériennes. Les banques avaient en tête pour le groupe aérien un autre plan de restructuration nommé Phoenix, à savoir une reprise des deux tiers des activités aériennes de Swissair par Crossair. Le reste devait être mis en faillite. Alliant les actes aux mots, le Crédit Suisse et l’UBS ont racheté la participation de Swissair dans Crossair (70,35%). Acculé par une dette totale de CHF 17 milliards, Swissair Group a dû demander un sursis concordataire provisoire pour les sociétés SairGroup, SairLines et Flightlease.

Le coup de grâce a été donné le 2 octobre : Swissair s’est avéré incapable de payer le kérosène de ses avions (livraison contre pré-paiement). Les banques se sont montrées inflexibles et c’est la Confédération qui a dû mettre CHF 450 millions pour que les vols reprennent le 4 octobre jusqu’au 28 octobre, date à la laquelle la nouvelle compagnie Crossair a pris le relais. Durant ces deux jours, 420 vols ont été annulés et 39'000 passagers sont restés en rade. Les 63'000 actionnaires ont pratiquement tout perdu : le titre Swissair, qui valait CHF 500 en 1998, a clôturé à CHF 6,5. Sabena faute de toucher le crédit de CHF 450 millions promis par Swissair, a dû solliciter un concordat. Quant à TAP, ils ont décidé de poursuivre en justice Swissair pour n’avoir pas acheté 34% de leur capital. Analysant la crise, les banques ont estimé que leur apport ne suffisait pas à la création de la nouvelle Crossair et ont invité les pouvoirs publics et les investisseurs à passer à la caisse. Une task force, réunissant les représentants de la Confédération, de Swissair Group, de Crossair, a été mise sur pied. Des trois variantes, la moins coûteuse en emplois (9'400 suppressions - 14% des employés, dont 4'100 en Suisse et 5'300 à l’étranger), mais la plus chère financièrement (CHF 4 milliards) a été retenue. Cette variante Full Scale comprenait l’intégration de 26 courts-courriers Swissair dans Crossair jusqu’au 29 octobre, puis de 26 long-courriers jusqu’au 29 mars 2002. Ces derniers continueraient d’être exploités par Swissair jusqu’à cette date.

Moins d’une semaine plus tard, le financement de la restructuration et le maintien provisoire de Swissair ont été trouvés par la Confédération, les cantons et les milieux économiques. Les coûts d’opération corrigés ont été devisés à CHF 4,69 milliards ; CHF 2,74 milliards d’augmentation du capital-actions de Crossair, CHF 1 milliard pour les coûts d’exploitation supplémentaire et CHF 1 milliard pour les frais de restructuration. La Confédération détiendra 20% de la nouvelle compagnie, les cantons 18%, le reste revenant aux banques et aux milieux économiques (62%). Le profil de la nouvelle compagnie était de 26 avions Swissair court et moyen-courriers, 26 avions Swissair long-courriers, 82 avions Crossair; 36 vols long-courriers maintenus, et 78 vols courts et moyen-courriers maintenus (Europe), 114 vols au total. Le conseil d’administration de Crossair décidait à l’unanimité de mettre en œuvre ce plan Phoenix Plus. Suite à l’aval du Conseil fédéral et de la délégation parlementaire aux finances par 3 voix contre 2 et une abstention , la Confédération a décidé d’injecter en tout CHF 1,6 milliards en plus des CHF 450 millions débloqués; tout d’abord un prêt de CHF 1 milliard pour permettre à Swissair d’assurer ses vols jusqu’au printemps, à cela s’ajoutera une prise de participation au capital s’élevant à CHF 600 millions. Les Chambres ont dû se prononcer le 16 et le 17 novembre sur le crédit, mais la messe était dite. En effet, la loi prévoit que le gouvernement peut débloquer des fonds dans l’urgence avec l’accord de la délégation des Chambres aux finances. Les cantons devront investir CHF 400 millions (18% du capital), dont CHF 300 millions pour Zurich et 30 pour les deux Bâle; quant aux milieux économiques, leur investissement sera de CHF 1,9 milliards (dont CHF 600 millions pour les deux grandes banques). A l’exception de l’UDC et des Verts, les partis politiques et les collectivités publiques ont salué ce sauvetage. Le Conseil fédéral a informé la Commission européenne des modalités de la nouvelle compagnie aérienne nationale, compte tenu de l’entrée vigueur de l’accord bilatéral sur le transport aérien. La situation critique dans laquelle se trouvaient les filiales a été arrangée soit par des rachats ou des prêts. Le chapitre social a été le grand oublié de la restructuration; rien n’avait été prévu pour payer les préretraites et pour indemniser les personnes licenciées durant le délai de congé. Les syndicats estimaient les coûts liés aux paiements des salaires pour les sociétés en sursis concordataire à CHF 76 millions et le plan social à CHF 135 millions. Comme une grande partie ne pouvait pas être couverte par la masse en faillite, ils demandaient une aide de CHF 250 millions au gouvernement et au secteur privé. Les banques et la Confédération ont repoussé leur implication dans le financement du plan social pour les 4'500 employés licenciés par Swissair.

Par 21 voix contre 2 (2 cantons non représentés), la Conférence des directeurs cantonaux des finances (CDCF) a adopté une résolution invitant l’ensemble des cantons à participer au capital-actions de la nouvelle compagnie aérienne. Les cantons étaient encouragés, mais ils restaient cependant entièrement libres de leur choix. Le gouvernement du canton de Zurich s’est proposé d’assumer la plus grande part de la somme avec CHF 300 millions. Ayant reçu l’aval du parlement cantonal, celle-ci était toutefois conditionnée à son acceptation par le souverain zurichois lors de la votation populaire de janvier 2002. Les autres cantons aéroportuaires se sont aussi engagés à l’achat d’actions de la nouvelle Crossair : CHF 21 millions pour Bâle-Ville et 5 pour Bâle-Campagne; 10 pour Genève sous réserve d’un engagement de tous les autres cantons. Le solde, soit CHF 59 millions, a été réparti entre les 23 autres cantons selon une clé de répartition qui a tenu compte du nombre d’habitants, du revenu cantonal brut et l’éloignement par rapport à l’aéroport de Zurich. Le canton de Berne, qui devait théoriquement verser CHF 10 millions, a immédiatement fait connaître son opposition. St Gall et Soleure ont fait de même. De son côté, Argovie a limité son aide à CHF 3 millions au-lieu des 10 prévus. L’objectif des engagements dans la recapitalisation de Crossair était fixé à CHF 2,74 milliards; le plancher était à CHF 2,2 milliards.

Redimensionnement de l'aviation civile. Financement (MCF 01.067)

Le Conseil fédéral s’étant déjà engagé auprès des partenaires de la future compagnie, la marge de manœuvre du parlement était très réduite. Le gouvernement a pris cette décision, car il considérait que la Suisse avait besoin d’une compagnie aérienne internationale et un "hub" intercontinental qui puissent assurer la pérennité des relations commerciales (importations/exportations), de la place financières et du tourisme. Par 110 voix contre 56, le Conseil national a octroyé le crédit de CHF 2,1 milliards pour la nouvelle entreprise aérienne (crédit d’engagement de CHF 1,6 milliards s’ajoutant aux CHF 450 millions pour l’exploitation des vols). Le camp rose-vert a tenté sans succès, via plusieurs amendements, de lier l’engagement de la Confédération à des clauses sociales en faveur du personnel de Swissair. La majorité bourgeoise a refusé d’attribuer CHF 150 millions sur les CHF 2,1 milliards de fonds public à un plan social. Elle a aussi renoncé à augmenter la facture fédérale de CHF 500 millions pour des mesures de reconversion ou de financement des préretraites. Malgré ces échecs, les socialistes ont pourtant refusé de remettre en cause la participation de la Confédération dans le capital de Crossair. Les radicaux et les démocrates-chrétiens considéraient eux aussi que la création d’une nouvelle compagnie aérienne autour de Crossair était la meilleure solution pour l’économie suisse et la sauvegarde des places de travail. A l’opposé, l’UDC, les libéraux et les écologistes dénonçaient le projet. Suivant le National, le Conseil des Etats a avalisé par 36 voix contre 3 les dépenses de CHF 2,1 milliards. En obtenant la majorité qualifiée dans les deux Chambres, le parlement évitait une crise politique qui aurait entraîné le désaveu du Conseil fédéral. Le montant sera réparti entre les budgets 2001 et 2002. Le mois de novembre a aussi été marqué le dépôt de bilan de Sabena et la plainte de l’Etat belge à l’encontre de Swissair.

Crise Swissair: Institution d'une commission d'enquête parlementaire?

Après les débrayages à Genève et les menaces latentes, les représentants des syndicats et les employeurs se sont entendus sur les CHF 110 millions réclamés par les employés (versements pendant le délai de licenciement, indemnités de départ de quatre mois / cinq pour les pilotes et préretraites). Seul problème, personne ne savait d’où allait provenir le financement. La justice zurichoise a reconduit le sursis concordataire jusqu’au 5 juin 2002 pour SairGroup, SairLines, Swissair et Flightlease. Au parlement, l’UDC et le PDC ont demandé la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire (CEP) sur la débâcle de Swissair (Iv.pa. 01.458; Iv.pa. 01.459). Les radicaux et les verts étaient opposés. Les socialistes, qui auraient pu assurer la création de la CEP avec leur appui, ont temporisé. Ils réservaient leur réponse à février 2002, mais soutenaient l’enquête de la commission de gestion des Etats. Celle-ci se penchait sur le devoir de surveillance de l’OFAC, sur le rôle de la Confédération en tant qu’actionnaire, sur la gestion de la crise par le Conseil fédéral et sur les raisons du grounding du 2.10. Lors de l’assemblée générale des actionnaires, le conseil d’administration de Crossair a démissionné dans sa totalité, y compris son fondateur Moritz Suter, afin de laisser place libre à une nouvelle équipe de onze membres présidée par le hollandais Pieter Bouw. Le nouveau conseil d’administration a approuvé le business-plan. Entre temps, le DETEC a octroyé à Crossair 31 concessions pour des lignes court et moyen-courriers qui étaient desservies par Swissair. En fin d’année, le Conseil fédéral a levé la garantie étatique pour risques liés aux actes de guerre ou de terrorisme. En effet, les assureurs garantissaient à nouveau la couverture des risques allant jusqu’à 1 milliard de dollars.

Contre l’avis de son Bureau, le Conseil national a accepté lors de sa session de printemps par 89 à 88 voix la proposition du PDC de créer une Commission d’enquête parlementaire (CEP) pour faire la lumière sur la débâcle de Swissair et pour déterminer la responsabilité de la Confédération dans cette faillite. A l’occasion du vote sur le mandat de la CEP et l’acceptation d’un crédit de CHF 2 millions pour les frais à engager, le Conseil national s’est ravisé et a rejeté son entrée en matière par 95 voix contre 82 et trois abstentions. Comme lors du premier vote, les fronts étaient marqués entre les socialistes, les radicaux et les verts qui ne voulaient pas de la CEP et les démocrates-chrétiens, les libéraux et les udc qui militaient en sa faveur. Les premiers jugeaient la CEP superflue, compte tenu du fait que la sous-commission de gestion du Conseil des Etats menait également une enquête parlementaire. Ils trouvaient aussi qu’il était inutile de dépenser une pareille somme pour une enquête qui était avant tout du ressort des autorités judiciaires et non politiques. Les seconds insistaient sur l’importance de la CEP mise en parallèle avec l’enquête de la sous-commission des Etats et celle du commissaire au sursis dans le but de faire toute la transparence sur le désastre de Swissair. Ils voulaient également savoir si l’OFAC avait bien effectué son devoir de surveillance et les raisons pour lesquelles la débâcle n’avait été ni anticipée, ni prévue par le SECO.

Plan social destiné aux ex-employés de Swissair

Au début de l’année 2002, la task force "Personnel de Swissair" et les partenaires sociaux ont conclu un plan social destiné aux ex-employés de Swissair. L’accord prévoyait qu’une partie des recettes de Swissair dépassant le budget de CHF 750 millions prévus pour l’horaire d’hiver finance le plan social. Un plafond a été fixé à CHF 50 millions et le solde a été reporté sur le budget 2002. Les Chambres ont approuvé cet accord lors de leur délibérations sur le budget. Cette condition sine qua non réalisée, 7'500 salariés licenciés par les unités de Swissair Group en sursis concordataire ont touché en septembre leurs premiers versements.

Plainte pénale commune contre les administrateurs de SairGroup

Les cantons de Genève et Neuchâtel ont déposé une plainte pénale commune contre les administrateurs de SairGroup auprès du parquet zurichois. Leur premier objectif était de récupérer quelque chose des CHF 57 millions perdus par Genève et du million de perte de valeur des actions et des emprunts obligataires souscris par Neuchâtel. Par cette action, ils souhaitaient également établir les circonstances ayant mené à la débâcle financière du groupe et établir les responsabilités. La plainte est un document de plus de 50 pages, dirigé contre tous les administrateurs. Elle fait état de gestion déloyale, faux dans les titres, manipulation de cours en Bourse et d’avantages accordés à certains créanciers. Le canton de Vaud s’est joint à la plainte collective, tandis que les cantons de Fribourg et Jura ont renoncer à le faire.

Nouvelle compagnie aérienne: Swiss Air Lines Ltd (2002)

Dossier: Gesamtarbeitsverträge der Swiss

En début d’année, les zurichois ont accepté par 55,5% une contribution cantonale de CHF 300 millions au capital de la nouvelle compagnie aérienne. Ils ont aussi approuvé par 67,6% une garantie de CHF 100 millions pour l’aéroport de Kloten. L’aval du souverain zurichois a permis la mise en place de la variante 26/26 (26 court et moyen-courriers et 26 long-courriers). Argovie, Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Glaris, Grisons, Neuchâtel, Obwald, Schwyz, St-Gall, Tessin, Valais, et Uri ont également souscrit au capital-actions de la future compagnie. Par contre, Berne, Fribourg, Jura, Lucerne, Schaffhouse, Soleure, Nidwald, Vaud, Zoug ainsi que les villes de Zurich et de Kloten ont refusé d’y participer. Les actionnaires ont prolongé jusqu’au 30 avril 2003 le délai pour le capital autorisé. Divers cantons et communes qui s’étaient déclarés prêts à participer en décembre 2001 n’ont pas encore pu y souscrire, le feu vert du peuple leur faisant notamment encore défaut. Après des mois de spéculations et l’attribution des concessions court, moyen et long-courrier par le DETEC, le nom et la raison sociale de la nouvelle compagnie aérienne ont été dévoilés officiellement en février. Les avions ont volé dès le 31 mars sous le nom de "Swiss" et déclinaient le nom du pays dans les quatre langues nationales : Schweiz, Suisse, Svizzera et Svizra. D’un point de vue légal, la nouvelle société s’appelait Swiss Air Lines Ltd et son siège était à Bâle. Lors de leur assemblée, les actionnaires ont validé ces deux noms. S’estimant floué, SAirGroup a saisit la justice zurichoise pour interdire à Crossair d’utiliser le logo Swiss et l’appellation Swiss Air Lines Ltd. Le Tribunal de commerce de Zurich a refusé d’entrer en matière sur la plainte contre l’utilisation de la marque "Swiss". Il considérait qu’il n’y avait pas de danger de préjudice irréparable pour SAirGroup et que le danger de confusion entre Swiss et Swissair était inexistant, les marques étant nettement distinctes. SairGroup n’a pas recouru. A la fin mars, la cellule d’intervention – task force "pont aérien", créée le 5 octobre 2001 pour assurer l’exploitation du réseau Swissair durant l’horaire d’hiver et faciliter la mise sur pied de la nouvelle compagnie –, a été démantelée. Les actionnaires principaux de Swiss ont prolongé à fin août 2004 la clause de non-vente des actions souscrites à l’occasion de l’augmentation de capital. Celle-ci s’élevait à CHF 2,561 milliards. La décision a été prise par 33 actionnaires, institutionnels et privés, détenant plus de 90% des titres existants. (La Confédération possédait 20,5% des actions, le canton de Zurich 10,2%, les autres cantons 12,1%, l’UBS 10,5%, le Credit Suisse Group 10% et le milliardaire Walter Haefner, fondateur et propriétaire de l’importateur automobile AMAG 6,8%. L’économie privée contrôlait environ deux tiers du capital-actions.)

A l’entrée en vigueur de l’horaire d’été 2002, Swiss desservait 123 destinations dans 60 pays au moyen de 128 avions. En Europe, 86 destinations étaient proposées dans 34 pays et le réseau intercontinental couvrait 37 destinations dans 26 pays. Comparée au réseau d’été offert en 2001 par Swissair et Crossair, l’offre a été réduite de 30%. La compagnie employait 8'900 personnes à plein temps dans 73 pays. La mauvaise conjoncture et sa surcapacité ont toutefois obligé Swiss à régir et à tailler dans le vif pour sa survie. Sur les neufs premiers mois, la compagnie avait enregistré une perte nette de CHF 582 millions pour un chiffre d’affaires de CHF 3,134 milliards. Des mesures ont ainsi été prises avec l’abandon de neuf destinations et le gel sur l’embauche. La compagnie a décidé d’en inscrire de supplémentaires dans un programme d’économies visant à réduire les coûts de CHF 400 millions.

Au niveau du personnel, la direction de Swiss a réussi à s’accorder avec les cinq syndicats sur les conditions de travail du personnel au sol. La nouvelle convention collective de travail (CCT) touchait 2'300 employés ; elle est entré en vigueur à posteriori le 1er avril pour une période de trois ans. Les partenaires sociaux se sont aussi mis d’accord sur le la CCT pour le personnel de cabine. Lors de sa mise en consultation, le personnel de cabine ne l’a pas ratifié, principalement à cause de griefs financiers. Après plusieurs mois de négociations, Swiss et le syndicat Kapers se sont entendus sur une nouvelle CCT. Celle-ci prévoyait l’introduction d’un treizième salaire, un pourcentage plus élevé sur les ventes effectuées à bord, un défraiement supplémentaire pour les vols long-courriers et une compensation pour les heures supplémentaires. Les employés de bord ont cette fois plébiscité la CCT. Les membres du personnel de cabine affiliés au syndicat Unia ont de leur côté accepté la CCT pour les contrats à temps partiel, allant jusqu’à 50%.

Swiss et Crossair: statut des pilotes

Dossier: Gesamtarbeitsverträge der Swiss

La question du statut des pilotes n’a pas pu être définitivement réglée. L’année a commencé pour Swiss sous les plus mauvaises auspices, car l’Association du personnel de cockpit de Crossair (CCP) refusait de reconnaître le syndicat des pilotes de Swissair (Aeropers). Celui-ci craignait un traitement différenciés entre les pilotes de Crossair et Swissair, notamment sur le plan salarial. Menacé par une plainte d’Aeropers, il a toutefois décidé d’abandonner son droit exclusif de négociation sur la future CCT. Trois mois plus tard, CCP quittait prématurément la table de négociation suite à l’accord entre Swiss et Aeropers sur la CCT. Les doléances du personnel de cockpit de Crossair portaient sur l’organigramme, la future grille à l’ancienneté et les salaires. Le Tribunal arbitral de Bâle a jugé discriminatoire la CCT conclue entre Aeropers et Swiss. La cour a mis en évidence des inégalités en matière salariale, de vacances et de bonus en se basant sur le traitement accordé aux pilotes de l’ex-Swissair. Le syndicat des pilotes de l’ex-Crossair – rebaptisé entre-temps Swiss Pilots – a exigé une égalité de traitement de ses 1'050 pilotes avec les 830 de l’ex-Swissair. Il a refusé les CHF 16 millions proposés par Swiss pour réduire les inégalités dans les salaires et les vacances et ne s’est pas rendu aux négociations. Malgré l’absence de Swiss Pilots, la direction de Swiss a présenté deux scénarios pour harmoniser les conditions salariales. Swiss Pilots a refusé d’entrer en matière sur les deux scénarios proposés et mettait en avant le sien : il proposait de geler les salaires des pilotes de l’ex-Swissair sur le réseau européen aussi longtemps que nécessaire pour que les pilotes Crossair rattrapent le retard, à coups de 4% par année environ. Comme les négociations étaient à nouveau interrompues, Swiss Pilots choisissait de consulter sa base avant de retourner à la table des pourparlers. 80% des anciens pilotes confirmaient leur mandat de négociation au syndicat. Entre-temps, la direction de Swiss a adressé à Swiss Pilots un ultimatum lui donnant jusqu’au 15 septembre pour adhérer à la nouvelle CCT. En réponse, Swiss Pilots a déposé une nouvelle plainte devant le tribunal de Bâle. Celle-ci portait sur les salaires et les critères qui déterminaient quels seraient les premiers pilotes à être licenciés dans le cas d’un redimensionnement de Swiss. Les pilotes de l’ex-Crossair se sentaient désavantagés par rapport aux pilotes de l’ancienne Swissair à cause d’un principe d’ancienneté introduit dans la CCT. Contestant l’inégalité de traitement et estimant qu’offrir plus déséquilibrerait ses finances, Swiss, pour sa part, a également saisi le Tribunal arbitral de Bâle lui demandant de trancher sur la base d’une nouvelle procédure.

Conformément à la décision du Tribunal arbitral de Bâle l’année précédente, la direction de Swiss a accordé aux pilotes de l’ex-Crossair le même nombre de jours de vacances et les mêmes bonus qu'aux ex-Swissair. Par ailleurs, la centaine de pilotes de MD 83 a obtenu un salaire identique à celui des pilotes ex-Swissair de Airbus A320 en vertu du droit à un salaire égal pour travail égal. Devant à nouveau se prononcer sur la querelle entre le syndicat Swiss Pilots et Swiss, le Tribunal arbitral de Bâle a donné une seconde fois raison au syndicat des pilotes de l’ex-Crossair. La compagnie aérienne s’est vue obligée de respecter une règle de proportionnalité dans les licenciements des pilotes. La Cour a estimé que toute réduction d’effectifs dans le corps des pilotes devait toucher les membres de l’ex-Crossair et de l’ex-Swissair dans une proportion de 4 moyen et long-courriers pour 5 court-courriers, quels que soient le type d’appareils concernés et les besoins de l’entreprise. (Les 1'050 pilotes provenant de l’ex-Crossair et les 850 de l’ex-Swissair ont donné la clé au calcul de la proportionnalité.) La règle était valable avec effet rétroactif pour les 169 licenciements prononcés en début d’année et pour toute nouvelle mesure jusqu’à l’expiration du contrat collectif de travail fin octobre 2005. Considérant ces 169 licenciements comme abusifs et discriminatoires, le juge a enjoint Swiss à réintégrer les pilotes, s’il ne trouvait pas d’autre accord avec eux. L’autre requête de Swiss Pilots, demandant que les pilotes de l’ex-Swissair soient les premiers touchés en cas de licenciements, a été rejetée par le tribunal.

Le jugement du Tribunal arbitral n’a toutefois pas été appliqué, car le syndicat, après négociations avec Swiss, a renoncé à demander son application et l’annulation des 169 licenciements de février. Swiss Pilots acceptait ainsi le partage inégal des licenciements entre les deux corps de pilotes et la suppression de 559 postes parmi ses membres. En contrepartie, la compagnie leur a octroyé une indemnité de départ de 16 mois de salaire. Les autres pilotes de l’ex-Crossair ont obtenu d’être en partie protégés contre les licenciements jusqu’à la fin octobre 2005. La concession la plus importante de Swiss a été l’abandon de la constitution juridique de la filiale régionale low cost Swiss Express. Présentée en mai, cette dernière – censée permettre des économies de 20% - était appelée à regrouper tous les vols régionaux en Europe et n’aurait incorporé que des pilotes de l’ex-Crossair. S’estimant relégué à des emplois de seconde zone, Swiss Pilots en avait fait un casus belli. Lors de la votation, la base de Swiss Pilots a accepté à 74% l’accord signé par sa direction avec Swiss. La mauvaise situation financière et la volonté de Swiss de rejoindre une des grandes alliances aériennes ont pesé lourd dans l’armistice signée par le syndicat Swiss Pilots.

Rapport sur le rôle du Conseil fédéral et de l’administration fédérale dans la gestion de crise Swissair (2002)

Après une année d’enquête, la Commission de gestion du Conseil des Etats a rendu public les conclusions de son rapport sur le rôle du Conseil fédéral et de l’administration fédérale dans la gestion de crise Swissair. Sans mener une enquête exhaustive – d’autres instances s’en sont chargées –, elle a examiné d’éventuelles responsabilités de la Confédération dans la surveillance de l’aviation civile, sur son rôle d’actionnaire et de membre du conseil d’administration, ainsi que sur le comportement du Conseil fédéral au plus fort de la crise. Le seul service administratif qui fait l’objet d’une véritable mise en cause est l’OFAC, mais il a été mis au bénéfice de nombreuses circonstances atténuantes. Le rapport jugeait que l’OFAC avait fait une interprétation trop restrictive de son obligation de contrôle de la capacité économique des titulaires d’une autorisation d’exploitation de lignes aériennes, la reléguant à un aspect d’importance secondaire. L’office s’est concentré uniquement sur les questions de sécurité et les problèmes opérationnels. A sa décharge, les parlementaires admettaient que les responsabilités et les moyens d’action de l’OFAC n’étaient pas clairs. Faute de critères, l’office n’a pas été en mesure de refuser le renouvellement de l’autorisation d’exploiter en décembre 2000, ni de retirer cette autorisation lorsque la situation s’est dégradée à partir du printemps 2001. En ce qui concernait le grounding de Swissair, l’enquête notait que l’autorité de surveillance ne pouvait être tenue pour responsable. Le rapport relevait en outre que l‘office n’avait manifestement eu ni les compétences ni les effectifs nécessaires pour juger la situation réelle du groupe. D’autant plus que la forme de holding de Sairgroup a rendu difficile l’évaluation de la capacité économique de Swissair. Quant au reproche d’imbrications personnelles excessives entre les directions de l’OFAC et de Swissair, la commission ne les repoussait pas totalement et reconnaissait que la politique aérienne de la Confédération avait été faite par Swissair. Pour cette raison, elle engageait le Conseil fédéral à la déterminer lui-même à l’avenir. S’agissant du rôle du Conseil fédéral, le rapport de la commission lui reprochait d’avoir sous-estimé la gravité de la situation au printemps 2001, tout en admettant que personne n’avait envisagé l’ampleur de la débâcle. La seule véritable critique de fond portait sur le manque de préparation du Conseil fédéral, qui l’a conduit à réagir, là où il aurait pu agir s’il avait préparé à temps des scénarios catastrophes. Il avait fait trop confiance aux effets d’un crédit d’un milliard de francs octroyé par un consortium de banques en avril 2001. Pour le reste, la commission saluait les réactions du Conseil fédéral, notamment pour la gestion de la crise à partir du 3 octobre 2001 ; soit quand le Département des finances a repris les rênes suite à l’immobilisation de la flotte Swissair. Elle estimait que sans l’engagement de l’administration des finances, un second grounding aurait sans doute eu lieu. Néanmoins, sur ce point, le Conseil fédéral aurait dû préparer des "décisions sous réserves", afin d’imaginer ce que pourraient être les effets d’une faillite de Swissair. Au total, la commission proposait au parlement un bouquet de deux motions, 5 postulats et dix recommandations adressées au Conseil fédéral pour améliorer les choses. Elle encourageait l’OFAC à mieux tenir compte de la capacité économique des compagnies d’aviation lorsqu’une autorisation d’exploitation était attribuée. A ce propos, la commission poussait le Conseil fédéral à s’aligner sur le droit de l’UE en matière de contrôle économique sur les compagnies aériennes. Pour elle, le Conseil fédéral devait aussi conduire une réflexion sur les entreprises dont l’importance est déterminante pour l’économie du pays et imaginer des procédures qui lui permettent de se préparer aux mauvais coups.

Le Conseil fédéral s’est défendu de ne pas avoir réagi assez vite lors de la crise Swissair. Il a toutefois reconnu certains manquements dans la surveillance de la Confédération et a accepté les 17 interventions parlementaires. Comme demandé dans le rapport, il a décidé de renforcer les compétences de l’OFAC afin de lui permettre d’intensifier sa surveillance sur les compagnies aériennes et d’évaluer leur capacité économique. A cet effet, le personnel sera augmenté. Le DETEC contrôlera, pour sa part, plus étroitement et plus régulièrement la surveillance exercée par l’OFAC. Dans sa réponse à la commission de gestion, le Conseil fédéral a admis qu’il fallait revoir la politique de la Confédération en matière de prises de participation, déjà en cours ou futures, dans les entreprises privées. En tant que propriétaire, la Confédération devait pouvoir en outre exercer ses droits en matière de contrôle et d’information dans ce domaine. Il s’agit aussi d’identifier à temps les risques potentiels pour éviter ou maîtriser les crises comme celles de Swissair. Les responsabilités de l’Etat et de celles des entreprises publiques resteront cependant clairement séparées. Le Conseil des Etats a transmis tacitement les douze interventions de sa commission de gestion (02.3460-02.3463; 02.3467-02.3472, 02.3474 et 02.3475).

Liquidation SAirGroup

Toutes les sociétés de SAirGroup, à l’exception de Swisscargo – en liquidation depuis juin 2002 – et d’Avireal ont été vendues.

Les sociétés Swissair, SAirGroup (la Bourse suisse a approuvé le retrait de l’action), SairLines et Flightlease ont obtenu des prolongations de leur sursis concordataire. Ces sursis ont permis à l’administrateur de ces sociétés de lancer un appel aux créanciers et de faire ensuite le tri des prétentions. En septembre, CHF 36,2 milliards étaient réclamés par 9'200 créanciers. Les créances privilégiées se montaient à CHF 2,4 milliards et celles de troisième classe à CHF 33,8 milliards. Le différentiel avec les actifs de Swissair (CHF 400 millions) atteignait CHF 35,8 milliards. Le commissaire au sursis, Karl Wüthrich, a opté pour un concordat par abandon d’actifs (liquidation concordataire) au détriment d’une faillite pure et simple.

Combat juridique de Air Lib contre SAirGroup

Dans le combat juridique que poursuivait Air Lib contre SAirGroup, le Tribunal de commerce de Paris a ordonné, en janvier, le blocage du produit de la vente de billets Crossair auprès du Business Settlement Plan (BSP). C'est l’organisme qui redistribue aux compagnies aériennes les recettes issues de la vente de billets par les agences de voyages. Air Lib, né de la reprise d’AOM/Air Liberté par le consortium Holco, considérait Crossair comme étant le repreneur de Swissair et lui réclamait les CHF 90 millions que lui devait SairGroup. Ceux-ci représentaient la dernière tranche du montant que la société s’était engagé à payer pour se défaire de ses 49.5% du capital d'AOM/Air Liberté. En sursis concordataire, SAirGroup avait fait défaut à cet engagement. Crossair, puis Swiss contestaient cette créance et avaient stoppé les paiements. En mai, le Tribunal de commerce de Paris a reconnu le principe de créances d’Air Lib auprès de Swiss. Les magistrats français ont également refusé de lever les saisies pratiquées à l’encontre de la société helvétique. Sur une décision de fond pour le dossier, le tribunal parisien a renvoyé sa décision à janvier 2003. Swiss a également dû faire face aux prétentions de créances d’Air Littoral pour le non-respect des engagements financiers de SAirGroup. Le Tribunal de commerce de Montpellier a condamné la compagnie helvétique à payer 15,2 millions d’euros à Air Littoral.

La Cour d’appel de Paris a estimé que le Tribunal de Paris était le seul compétent pour départager les compagnies aériennes Swiss et Air Lib. Il a également jugé que Swiss, extension de Swissair, était bien solidaire des accords passés entre Swissair et Air Lib au moment de la reprise de cette dernière par la holding Holco fin juillet 2001.

Swiss a conclu un accord à l’amiable avec la holding française Holco, détentrice de la défunte compagnie aérienne Air Lib. Celui-ci mettait fin au litige sur la responsabilité de Swiss dans la débâcle de Swissair. Le transporteur suisse a récupéré CHF 67,8 millions provenant du déblocage de fonds en France et en Belgique.

Alliance Oneworld

Alors que son but avoué était d’entrer dans une grande alliance aérienne, Swiss a échoué dans ses négociations avec Star Alliance, Skyteam et Oneworld. Les compagnies aériennes reprochaient à leur consœur suisse une flotte de long-courriers trop importante et la similitude des réseau - source de concurrence directe. C’est pour cette raison que British Airways bloquait l’entrée de Swiss dans l’alliance Oneworld. Néanmoins, la compagnie helvétique a réussi à signer un accord bilatéral avec American Airlines, membre de Oneworld. L’accord a reçu l’aval des autorités américaines et Swiss a pu desservir elle-même le marché américain par sept aéroports nord-américains. Les deux compagnies vont coordonner leurs tarifs et leurs avions et gérer ensemble leur marketing. A la fin octobre, un nouvel accord a été signé par les autorités de l’aviation civile suisses et canadiennes offrant à Swiss un accès illimité au marché canadien. Quant au programme Qualiflyer, les compagnies aériennes partenaires ont choisi de divorcer suite à des divergences en matière d’alliances, après les disparitions de Sabena et de Swissair. Les membres Qualiflyer ont été invités à choisir jusqu’en octobre dans laquelle des cinq compagnies ils souhaitaient transférer leur "miles".

Swiss a mis fin à des mois de suspens et de rumeurs en choisissant en septembre de rejoindre l’alliance Oneworld, plutôt que Lufthansa. L’adhésion à Oneworld sera terminée pour mars 2004. Swiss élargira son réseau de destinations en accédant à celles de ses huit partenaires (Aer Lingus, American Airlines, British Airways, Cathay Pacific, Finnair, Iberia, LanChile et Quantas) et à leurs 220 millions de passagers par an, via des vols en partage de code. La coopération prévoit également un programme de fidélisation des voyageurs. En optant pour Oneworld, la marque Swiss continue d’exister, alors qu’avec Lufthansa une fusion était évoquée à plus ou moins long terme. Les autorités fédérales ont accueilli avec soulagement la nouvelle. L’accord de partenariat avec British Airways a été officiellement avalisé en octobre. En échange d’une garantie bancaire de CHF 50 millions, la compagnie suisse a cédé 8 de ses 14 créneaux horaires (slots) à l’aéroport de Londres Heathrow à sa consœur britannique.

Swiss a renoncé à son intégration au sein d’alliance aérienne Oneworld. La compagnie suisse n’est pas parvenue à s’entendre avec son leader européen, British Airways (BA). D’après elle, le prix à payer aurait été trop élevé : elle aurait dû fondre sa base de données clients Swiss TravelClub dans celle de l’Executive Club de BA. Or, Swiss ne voulait pas perdre sa relation directe avec ses meilleurs clients. De plus, l’Executive Club offrait moins d’avantages que le TravelClub et la compagnie suisse aurait dû financer le maintien du confort offert à ses meilleurs clients. Le divorce avec BA s’est traduit par des coûts directs de CHF 5 millions et par la perte de huit créneaux horaires cédés à BA au départ de Londres-Heathrow. Les accords commerciaux bilatéraux avec les autres membres de Oneworld n’ont pas été affectés. Toutefois, tous les partages de code, à l’exception de Genève-Heathrow qui se poursuivront jusqu’en 2007, ont cessé à la fin de 2004.

Bericht Ernst & Young 2003

Le cabinet d’audit Ernst & Young a rendu son rapport sur les responsabilités engagées dans la débâcle de Swissair. Celui-ci a dressé une liste de manquements: politique d’expansion irréfléchie, budgets largement dépassés, compétences outrepassées, absentéisme, devoir de surveillance négligé, non respect du droit européen et comptes inexacts.

Restructurations chez Swiss (2003 et 2004)

Compte tenu du mauvais exercice 2002 (perte de CHF 980 millions), de la fonte de ses fonds propres à CHF 1,7 milliard en décembre 2002, de la conjoncture et de la crise généralisée dans le transport aérien, Swiss a été obligée de poursuive la restructuration amorcée l’année précédente. Le dégraissage est intervenu pour l’entrée en vigueur de l’horaire d’été. La compagnie a réduit son offre de moyen et court-courriers de 45 destinations: 25 vols ont été retirés et 20 autres ont vu leur fréquence diminuer. (Les destinations moyen et court-courriers sont situées en Europe.) Tous les aéroports suisses ont été touchés. Swiss a supprimé 700 emplois (200 pilotes dont principalement des ex-Crossair, 200 employés dans le personnel de cabine et 300 collaborateurs parmi les cadres et le personnel au sol) et a retiré 20 avions sur une flotte de 129 (1 Airbus A321, 2 Boeing MD-83 et 17 avions régionaux). Les économies escomptées se chiffraient à CHF 100 millions. Bien que les long-courriers n’aient pas été touchés, ces mesures jetaient définitivement le Plan Phoenix, qui prévoit le modèle 26 long-courriers et 26 moyens-courriers, aux oubliettes.

En parallèle de cette restructuration, Swiss a demandé à l'aéroport de Zurich-Kloten (Unique) et Skyguide, ainsi qu’à la Confédération de la soutenir. En réponse, le Conseil fédéral a opposé une fin de non-recevoir aux exigences formulées par Swiss: pas de baisse des impôts sur le carburants, pas de baisse des taxes d’aéroport, pas de rabais chez Skyguide, pas d’injection d’argent public et pas de garantie financière pour l’obtention de crédits. Le gouvernement a par contre institué un comité intitulé "Conditions cadres Swiss" composé de Moritz Leuenberger, Kaspar Villiger et Joseph Deiss. Celui-ci jugera de la nécessité d'agir pour la Confédération et évaluera les conditions cadres, ainsi que les éventuelles mesures de surveillance. Lors de l'assemblée générale, les 860 actionnaires de Swiss, représentant 84,3% des droits de vote, ont approuvé la demande de la compagnie de réduire de la valeur nominale de l'action de CHF 50 à CHF 32. Cette mesure avait été proposée pour que les fonds propres ne dépassent pas la barre de la moitié du capital-actions.

Additionnés à une baisse des liquidités, les mauvais chiffres du premier trimestre – perte de CHF 200 millions due aux surcapacités du secteur aérien, à la concurrence effrénée entre compagnies, aux conséquences du SARS (pneumonie atypique) et de la guerre en Irak sur la demande –, ont entraîné une seconde restructuration d'envergure de la compagnie. Pour l'entrée en vigueur de l'horaire d'hiver, l'offre en sièges/kilomètres a été réduite de 27% et la flotte à 81 appareils. 3'050 emplois à plein temps ont été supprimés: 700 pilotes, 850 flight attendants et 1'500 collaborateurs au sol, dont 850 dans l'administration. Les économies annuelles induites par ces coupes ont été devisées à CHF 1,6 milliard. Swiss ne desservait plus que 72 destinations contre 96, soit 44 pays reliés depuis les aéroports suisses. Le réseau longue distance a été réduit de 40 à 30 destinations, réparties dans 22 pays, celui européen concernait 42 pays au-lieu de 56, dans 22 pays également. Tous les aéroports ont été touchés par cette restructuration; Berne-Belp a disparu du réseau et Lugano-Agno ne conservait plus que des vols vers Zurich. La liaison Genève-Lugano a pu reprendre du service via la reprise de la concession par la compagnie suisse "Flybaboo". La desserte sera toutefois assurée jusqu'au 26 mars 2004 par la compagnie allemande Cirrus, à laquelle l'OFAC a octroyé une dérogation.

Analysant la situation, le comité gouvernemental "Conditions cadres Swiss" a considéré les mesures prises comme nécessaires à la survie de l'entreprise. Le Conseil fédéral, partageant cet avis, a estimé que, malgré la cure d'amaigrissement, il avait été juste de s'engager pour Swiss et le secteur aérien suisse un an et demi auparavant. Le Conseil fédéral a pris deux mesures d'accompagnement destinées à améliorer les conditions cadres de Swiss. La première exonérait la compagnie de l'impôt sur les huiles minérales sur certains vols intérieurs: CHF 6 millions d'économies. La seconde prenait en charge le coût des vols spéciaux (rapatriement des personnes non autorisées à entrer sur le territoire suisse) lorsque le rapatriement a lieu pour des raisons non imputables à Swiss. Les coûts tournent autour de CHF 900'000. Le Conseil fédéral n'a par contre pas pris de décision sur la demande de Swiss de lui pourvoir une déclaration sans engagement ("Letter of Comfort"), ni sur celle de savoir si les crédits d'exploitation à long terme accordés par des investisseurs étrangers pouvaient être assurés entre autres par une garantie contre les risques à l'exportation. L’année 2003 s’est soldée par des chiffres défavorables pour la compagnie aérienne suisse. La perte nette avoisinait les CHF 650 millions, charges de restructuration incluses. De plus, Swiss n’a, hormis une garantie bancaire de CHF 50 millions de British Airways, pas obtenu de ligne de crédit auprès des banques. Quant à la Confédération, elle n’a toujours pas donné suite à la demande de « Letter of Comfort ». (Pour l'exercice 2004, voir ici.)

Lors de l’assemblée générale de mai 2004, les actionnaires ont accepté la proposition du conseil général de réduire la valeur nominale de chaque action de CHF 32 à 18. Arrivée à échéance, la convention de blocage de vente des actions, a été reconduite pour la seconde fois par la majorité des grands actionnaires. Ils conserveront leurs titres une année supplémentaire. Ceux-ci représentent 86% du capital du groupe.

Après avoir obtenu au mois de mars un crédit bancaire de CHF 50 millions grâce à British Airways, Swiss a mis fin à une longue période de prospection en réussissant à décrocher un second crédit de CHF 325 millions auprès d’un pool de cinq banques. Interrogé par deux interpellations de l’UDC (03.3074 / 04.3022) quant à une participation de la Confédération, le Conseil fédéral a rappelé qu’il refusait de mettre à disposition des ressources supplémentaires sous forme de subventions ou de prêts.

Swiss a bouclé l’exercice 2004 avec une perte nette de CHF 140 millions contre CHF 687 millions en 2003. Le chiffre d’affaires a reculé de 11,7% à CHF 3,64 milliards, notamment en raison de mesures de rationalisation. Le résultat d’exploitation a été amélioré de CHF 376 millions, mais reste négatif à CHF -122 millions. A la fin 2004, Swiss disposait de liquidités pour un montant de CHF 481 millions. (Pour les chiffres en 2003, voir ici.)

Suite aux difficultés qu’a éprouvé Swiss sur son réseau régional en 2004, la direction a décidé en janvier 2005 de lancer une nouvelle restructuration afin de supprimer 13 appareils et 1'000 postes de travail.

Accord avec les représentants du personnel au sol

Après les pilotes et le personnel de cabine, Swiss a trouvé un accord avec les représentants du personnel au sol. Celui-ci comprend la flexibilisation du temps de travail hebdomadaire compris entre 42 et 37 heures sur une base volontaire, ainsi qu’une réduction correspondante des salaires. Une centaine d’emplois a pu être sauvée grâce à un élan de solidarité des employés. Symbolisée par l’action « sauver un emploi », elle demandait aux membres du personnel de cabine de consentir à offrir une part de leur temps de travail.

L'UDC demande une commission d'enquête parlementaire (Iv.pa. 03.405)

Reprise de Swiss par Lufthansa (2005)

Au début mars, la compagnie aérienne allemande Lufthansa a fait part aux actionnaires de Swiss de son intention de reprise. Après un temps de réflexion, les principaux actionnaires, qui représentent 86% du capital de Swiss, ont donné leur feu vert au rachat. Parmi les grands actionnaires, il y avait la Confédération (20,4%), le canton de Zurich (10,2%), l’UBS (10,4%), le Credit Suisse Group (10%), ainsi que diverses entreprises (35%). Ils ont obtenu pour leurs actions une option sur différence de rendement de l’action Lufthansa. Afin de contrôler la compagnie aérienne helvétique, Lufthansa a créé avec les principaux actionnaires une société de droit suisse nommée AirTrust. Les actions de ces derniers ont été transférées dans la nouvelle société. Les droits d’atterrissage respectifs des deux compagnies ont pu être conservés. Détentrice à 11%, la compagnie aérienne allemande prendra le contrôle total de AirTrust dans les 12 à 18 mois en fonction des négociations sur les droits de trafic. La Confédération occupe un siège au sein du conseil d’administration de cette société. Pour obtenir les 14% d’actions Swiss restantes détenues par les petits porteurs, AirTrust a lancé en mai une offre publique d’achat de CHF 8,96 par action. La somme offerte représentait environ CHF 70 millions. L’accord de reprise par Lufthansa prévoyait que la direction et le siège de Swiss demeurent en Suisse. La compagnie d’aviation sera gérée comme un centre de profit au sein du groupe Lufthansa. Swiss garde ses long-courriers, sa flotte et ses équipages. Même intégrée dans Lufthansa, Swiss a été sommée de réduire ses coûts. Les mesures de restructuration seront appliquées comme prévues. Les pouvoirs publics n’ont par contre obtenu aucune garantie formelle au sujet de l’exploitation de l’aéroport de Zurich. Contrepartie à la vente, la Confédération devra négocier des accords bilatéraux avec six pays (Etats-Unis, Japon, Canada, Inde, Thaïlande et Hong-Kong) pour assurer la pérennité des droits d’atterrissage dont dispose Swiss.

Le contrat d’intégration signé entre Swiss et Lufthansa prévoit aussi la création de deux fondations nommées Almea et Darbada. La Confédération a le droit de déléguer dans chacune des deux fondations son représentant. La Fondation Almea suivra le déroulement de la transaction sur le plan technique. La Fondation Darbada sera chargée de suivre le développement du transport aérien suisse et de son infrastructure, afin d’assurer de bonnes liaisons aériennes entre la Suisse et le reste du monde. Le Conseil fédéral s’est penché sur l’avenir de sa délégation « conditions-cadres Swiss », créée en 2003, et a décidé de la dissoudre. Le groupe de coordination « aviation », qui réunit depuis mai 2003 des représentants de l’administration, a par contre été maintenu. En septembre, Peter Siegenthaler, représentant du Conseil fédéral au sein de Swiss, a démissionné.

Au mois de juin, Swiss a rejoint l’alliance aérienne Star Alliance, dont le poids lourd est Lufthansa. Durant le mois de juillet, les autorités cartellaires américaines et la Commission Européenne ont donné le feu vert au rachat de Swiss par Lufthansa. L’UE a toutefois fixé des conditions: les deux compagnies ont dû céder 41 vols aller-retour par jour à leurs concurrentes à l’aéroport de Zurich. La Suisse a aussi dû accepter d’accorder des droits de trafic aux concurrents de Swiss et Lufthansa qui voudraient faire escale à Zurich dans le cadre des vols long-courriers à destination des Etats-Unis ou d’autres pays situés en-dehors de l’UE. Avec l’approbation des autorités cartellaires, l’OPA lancée par Lufthansa sur Swiss a définitivement abouti. En conséquence, Lufthansa a augmenté sa participation dans AirTrust à 49%. À la différence du « grounding » de Swissair ou de la création de Swiss, cette reprise n’a suscité aucune réaction de la part de l’opinion publique ou des politiciens.

Rejet d'une quatrième initiative demandant l’institution d’une commission d’enquête parlementaire (Iv.pa. 07.421)

En marge du procès, le Conseil national a rejeté par 93 voix contre 73 une quatrième initiative, émanant cette fois du groupe UDC, demandant l’institution d’une commission d’enquête parlementaire (CEP) afin d’établir les responsabilités politiques de la débâcle de l’ancienne compagnie nationale. La majorité, issue des groupes socialiste, radical et démocrate-chrétien, a réaffirmé que le rapport présenté par la commission de gestion du Conseil des Etats en 2002 avait déjà fait toute la lumière sur la question et que la mise sur pied d’une CEP Swissair était dès lors inutile.

Procès Swissair

Le 16 janvier a débuté le procès concernant la débâcle de Swissair au Tribunal de district de Bülach (ZH). L’acte d’accusation, long de 100 pages, a pris pour cible dix-neuf anciens membres de la direction et du conseil d’administration de la défunte compagnie. S’il a suscité un engouement médiatique considérable, ce procès a très rapidement montré les limites de la justice pénale en la matière. Lors des six semaines d’audience, les accusés ont, pour la plupart, usé de leur droit de refuser de répondre aux questions du procureur et des juges, attitude violemment critiquée par la presse comme par les politiques. Début juin, à la stupéfaction générale, le tribunal zurichois a prononcé l’acquittement de tous les accusés, jugeant les preuves présentées par le ministère public insuffisantes. Dans la presse, plusieurs professeurs de droit pénal avaient relevé que l’incompétence n’est pas punissable pénalement et que, dans la mesure où l’acte d’accusation insistait essentiellement sur les erreurs de gestion des anciens dirigeants, les accusés ne couraient pas grand risque. Estimant faibles les chances de succès en deuxième instance, le parquet a renoncé à faire appel.