Lors de la session d'été figuraient au menu du Conseil des Etats l'avenant à l'accord EAR comptes financiers, l'accord EAR crypto-actifs ainsi que la modification de la LEAR correspondant à l'application conjointe des deux accords.
Au préalable, la commission compétente (CER-CE) s'était prononcée en faveur du projet du Conseil fédéral, à une exception près. En effet, la majorité de la commission s'est opposée à l'introduction de la notion d'infraction par négligence en cas de non-respect des obligations de déclaration, de diligence et de renseignement en matière d'échange automatique d'informations fiscales. En outre, une minorité ne souhaitait pas entrer en matière sur l'objet.
Devant les sénateurs et sénatrices, le rapporteur de commission Fabio Regazzi (centre, TI) s'est d'abord exprimé sur la thématique des crypto-actifs, rappelant qu'il ne s'agit plus d'un thème de niche. Au contraire, les actifs numériques créés grâce à la technologie de la blockchain font aujourd'hui partie intégrante du portefeuille des investisseurs. Il est donc impératif pour la Suisse de participer à l'accord international d'échange d'informations afin de garantir la transparence et d'éviter de devenir un refuge fiscal. Ne pas l'adopter constituerait ainsi un dommage pour la réputation de la place financière suisse, mais serait également dangereux pour son attractivité à long-terme. En ce sens, ces accords constituent certes des adaptations techniques, mais sont aussi un signal stratégique afin de signifier que la Suisse respecte ses engagements et participe activement au développement du cadre légal international en matière d'échange d'informations fiscales.
Pour la minorité de la commission, Werner Salzmann (udc, BE) s'est montré véhément à l'encontre de la reprise du droit international dans le droit suisse voulue par le Conseil fédéral. Il s'est aussi opposé à la proposition de transférer au Conseil fédéral la compétence d'accepter de nouveaux Etats partenaires. De manière générale, la minorité craignait que la Suisse ne joue l'élève-modèle qui applique les standards internationaux plus vite et de manière plus stricte que les autres. Elle a ainsi recommandé de temporiser et d'observer les autres pays avant d'agir.
Après avoir décidé l'entrée en matière par 33 voix contre 9, les sénateurs et sénatrices sont revenus sur la question de la violation par négligence des obligations de déclarations. Aux yeux de la commission, cette évolution va trop loin. Jusqu'à présent, seuls les manquements intentionnels étaient punissables. Fabio Regazzi a étayé son argumentaire en six points, relevant notamment l'expérience acquise dans le cadre de la Loi sur le blanchiment d'argent (LBA): «dans la pratique, il s'avère que la crainte de sanctions pénales conduit, en cas de doute, à signaler trop de cas, non pas parce qu'il existe un soupçon concret, mais par pure prudence». Cela irait à l'encontre de l'objectif initial de l'obligation de déclaration. Représentant la minorité de la commission, qui voulait suivre la proposition du Conseil fédéral, Carlo Sommaruga (ps, GE) a répondu que ne pas introduire l'infraction par négligence exposerait la Suisse aux critiques internationales, notamment de la part du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements. D'autant plus que la Suisse a contribué, durant les négociations, à établir un socle commun pour les Etats partenaires à l'accord: créer un différentiel par rapport à cet accord dans son application nationale serait ainsi une erreur. La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter a abondé dans ce sens, ajoutant que, dans la pratique, il s'avère difficile de prouver l'intention. Malgré cela, les sénateurs et sénatrices ont soutenu la proposition de la majorité de la commission.
Au vote sur l'ensemble, les textes ont été acceptés par 32 voix contre 7 et une abstention. Les refus provenaient du groupe UDC. L'objet passe désormais au Conseil national.